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Mise à jour :
2 août 2023 Anglais

L'opération Turquoise est menée dans un premier temps par les troupes d'élite de l'armée française qui se déploient au Zaïre à chaque extrémité du lac Kivu

Fiche Numéro 3502

Numéro
3502
Auteur
Poivre d'Arvor, Patrick
Auteur
Jacquemin, Marine
Auteur
Marescot, Frans-Yves
Auteur
Tuban, Gilles
Auteur
Géboès, Jean-Claude
Auteur
Panzani, Alex
Auteur
Cabannes, Thierry
Auteur
Gahier, Christophe
Auteur
Chauffier, Didier
Date
23 juin 1994
Amj
19940623
Heure
20:00:00
Fuseau horaire
CEST
Surtitre
Journal de 20 heures [14:44]
Titre
L'opération Turquoise est menée dans un premier temps par les troupes d'élite de l'armée française qui se déploient au Zaïre à chaque extrémité du lac Kivu
Soustitre
À Goma, cette mission n'est pas du goût de tous. Ses détracteurs accusent la France de remettre en selle le Maréchal-Président, isolé depuis plusieurs années.
Nom fichier
Taille
42563071 octets
Source
TF1
Fonds d'archives
INA
Type
Journal télévisé
Langue
FR
Résumé
- L'opération Turquoise a commencé cet après-midi en deux points du territoire rwandais. Elle est menée dans un premier temps par les troupes d'élite de l'armée française déployées au Zaïre le long de la frontière du Rwanda, à chaque extrémité du lac Kivu.
- Sur l'aéroport de Goma, des gros-porteurs assurent le pont aérien permanent entre le Zaïre et le Centrafrique. Cette mission, d'un point de vue matériel, est loin d'être simple : aucune infrastructure n'existe pour accueillir plus de 2 000 hommes. Il faut donc tout apporter, tout installer et surtout penser la durée. Mais qui aujourd'hui en a la moindre idée ? Entre les ordres et les contre-ordres, entre l'hésitation des politiques et la disponibilité des militaires, chacun cherche sa route.
- À Goma, cette mission n'est pas du goût de tous. Dans cette localité, comme dans tout l'Est du Zaïre, l'opposition au régime de Mobutu l'emporte. Ses détracteurs accusent déjà la France de remettre en selle le Maréchal-Président, isolé depuis plusieurs années. Et dans les rues, la présence française est violemment rejetée.
- Des éléments français sont rentrés en territoire rwandais, cette nuit ou probablement en début de matinée. Ils sont quelques dizaines, pas plus. Et ils ont pris position à 14 kilomètres de Cyangugu où se trouve un camp de réfugiés tutsi avec 6 à 7 000 personnes qui étaient de plus en plus menacées, voire assassinées ces derniers jours aux dires de plusieurs témoins. Les soldats français ont été semble-t-il très bien accueillis, très bien renseignés par la population locale.
- L'opération Turquoise a été pensée en trois phases. La première phase est donc terminée : il s'agissait de prendre le contrôle des aéroports de Goma, de Bukavu et de Gisenyi. La troisième phase aura lieu dans quelques jours : il s'agira de créer quelques zones de sécurité. Pour l'instant, nous sommes en pleine deuxième phase : on assiste à une montée en puissance de la force sur place. Toute la journée il y a eu environ 16 rotations de Transall, d'Hercules qui ont déchargé environ 500 hommes, des matériels, etc.
- Les forces en présence, c'est 2 676 hommes très exactement actuellement, qui sont engagés dans cette opération. Il y a des troupes d'infanterie venues de la Réunion, du Gabon, de Djibouti. Et puis il y a surtout des forces venues de RCA et de France qui appartiennent au groupement tactique de terre. Donc 1 000 hommes sont chargés d'entrer en territoire rwandais dans les jours qui viennent. Et 500 autres seront là en soutien. Il y a également des avions de chasse, des hélicoptères.
- Sur la base d'Istres, des avions Antonov loués aux Russes constituent l'épine dorsale du fonds aérien destiné à l'opération Turquoise. Les avions de combat sont aussi de la partie. Un millier d'hommes et des centaines de tonnes de matériels sont en transit pour Bangui.
- Depuis vendredi [17 juin], jour de l'alerte, 160 hommes du RICM de Vannes se préparent à quitter leur caserne, direction le Rwanda. Un soldat français : "La mission s'annonce difficile car a priori, c'est l'anarchie. Et à ce titre de l'anarchie, il y a des massacres. Donc il faut à tout prix intervenir".
- Ces militaires français seront rejoints par 300 militaires sénégalais. Le Tchad, l'Egypte et Israël soutiennent cette initiative, qui rencontre des échos plus favorables que dans les premières heures. La France espère un soutien européen plus actif lors du sommet européen de Corfou. L'Italie se déclare prête à participer à cette opération sous certaines conditions. En revanche la Belgique réaffirme qu'elle n'enverra pas de militaires au Rwanda.
- La Belgique a été le théâtre d'une petite manifestation anti-française où quelques Rwandais ont déversé des détritus devant l'ambassade de France à Bruxelles pour protester contre cette intervention.
- Historique des deux derniers mois. L'attentat d'avril dernier qui coûta la vie au Président Habyarimana a déclenché la première vague de massacres. La garde présidentielle et les milices ont aussitôt entamé les représailles en assassinant des centaines de Tutsi et des opposants hutu. Les parachutistes français et belges évacuent dans la précipitation les ressortissants étrangers et quelques enfants orphelins. Tout cela avant de fuir à leur tour, laissant la place au Front patriotique rwandais et à l'armée régulière qui s'affrontent à travers une gigantesque tuerie sur tout le territoire, qui touche principalement les civils. Le Conseil de sécurité de l'ONU réduit de 2 700 à 270 le nombre des Casques bleus. Les organisations humanitaires, peu nombreuses sur place, réclament de l'aide. L'opinion publique mettra du temps à se sensibiliser. Après des semaines d'horreur, elle commence à prendre conscience qu'il s'agit d'un génocide. L'ONU décide d'envoyer sur place 5 500 Casques bleus qui ne sont toujours pas arrivés. Des chiffres très approximatifs sont avancés : on parle de 500 000 morts. Les seuls chiffres précis concernent l'immense population déplacée par ce conflit. 200 000 personnes se retrouvent aux frontières du pays dans des camps surpeuplés, sans eau potable, où toutes les épidémies peuvent se développer. Des milliers de Rwandais sont jetés sur les routes. Ils errent pour échapper aux massacres alors que le FPR avance. Les militaires français interviennent donc dans ce contexte. Une mission ponctuelle à caractère humanitaire, qui devrait si possible se terminer fin juillet.
- En France la classe politique soutient cette initiative, à l'exception des communistes et de l'ancien ministre de la Défense Jean-Pierre Chevènement, qui s'inquiète de l'isolement français. Le RPR Jacques Baumel parlant lui de coup d'épée dans l'eau. Du côté des organisations humanitaires, le président de Pharmaciens sans frontières estime que cette intervention met en péril certaines populations. En revanche celui de Médecins sans frontières approuve : "Quand il y a génocide, dit-il, on ne peut pas le laisser passer comme ça".
- Régis Faucon : "Il faut savoir ce que l'on veut : on ne peut pas tout et son contraire. On ne peut pas d'un côté crier au scandale quand on ne fait rien, quand il n'y a pas d'intervention. Et en même temps faire la fine bouche quand une intervention est enclenchée. Et puis, que peut-on faire face à des gens qui sont capables de massacrer des bébés à la machette, sinon d'y aller avec des armes ? Alors bien sûr qu'il y a des questions, bien sûr qu'il y a des risques. Mais je crois qu'il faut savoir à un moment dépasser ces états d'âme pour agir, tout simplement. Et je crois que cette opération, si elle reste dans les limites qui ont été fixées, honore la France.