Page d'accueil
France Génocide Tutsi France Génocide Tutsi
Mise à jour :
2 août 2023 Anglais

François Léotard : « Je ne vois pas comment on peut nous reprocher de sauver des Tutsi. Vraiment, je ne vois pas comment on peut douter de notre bonne foi dans cette affaire »

Fiche Numéro 29069

Numéro
29069
Auteur
Poivre d'Arvor, Patrick
Auteur
Jacquemin, Marine
Date
22 juin 1994
Amj
19940622
Heure
20:00:00
Fuseau horaire
CEST
Surtitre
Journal de 20 heures
Titre
François Léotard : « Je ne vois pas comment on peut nous reprocher de sauver des Tutsi. Vraiment, je ne vois pas comment on peut douter de notre bonne foi dans cette affaire »
Soustitre
Le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé l'initiative française de mission humanitaire et militaire au Rwanda : 10 voix pour, aucune contre, cinq abstentions.
Taille
46199 octets
Nb. pages
9
Source
TF1
Fonds d'archives
INA
Type
Transcription d'une émission de télévision
Langue
FR
Résumé
- Le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé l'initiative française de mission humanitaire et militaire au Rwanda. 10 voix pour, aucune contre, cinq abstentions. Un feu vert que le gouvernement français attendait avant de déclencher son opération Turquoise dès demain matin [23 juin].
- Près de 200 hommes se trouvent ce soir à Goma, l'aéroport zaïrois sur la frontière rwandaise. À un kilomètre, Gisenyi, où s'est retranché le gouvernement provisoire, dans ce qui reste encore le fief hutu le plus dur du Rwanda.
- Pour éviter d'être accusé de porter assistance à nos anciens amis, c'est finalement plus au sud que commencera l'opération française. Objectif premier : sauver de la mort certaine quelques milliers de Tutsi réfugiés pas loin de Cyangugu. Le reste de l'opération sera le résultat des reconnaissances. Une mission donc très prudente, évolutive : le moins loin possible, le moins longtemps possible semble être le nouveau mot d'ordre des militaires français.
- Toute la nuit et la matinée à Goma, Hercules, Transall, Antonov se sont succédés par rotations, déchargeant hommes et matériels. En ce moment, les militaires s'installent pour la nuit dans le hall de l'aéroport. L'apparence est décontractée et le seul objectif avoué pour cette première journée Turquoise dans le sanglant Rwanda : l'humanitaire, rien que l'humanitaire.
- À Bangui, au camp Béal, PC de commandement des éléments français d'assistance opérationnelle de Centrafrique, pas d'excitation particulière. Les hommes du RICM -- troupes de marine d'intervention rapide -- viennent de parcourir 450 kilomètres de piste difficile puisqu'ils sont arrivés hier soir [21 juin] de Bouar au nord-ouest de la République Centrafricaine, où il sont stationnés. 350 d'entre eux font partie de l'opération. Quelques vérifications s'imposent donc avant l'embarquement par voie aérienne, vers l'Est du Zaïre, puis le Rwanda. Durant l'intervention, les ordres sont de respecter le chapitre VII de la charte des Nations unies, qui fixe dans quelles conditions ces troupes pourront utiliser leurs armes dans cette opération de rétablissement de la paix.
- Pendant ce temps, sur place à Kigali, les obus se sont abattus sur la ville ce matin pendant que la Mission des Nations unies évacuait ses observateurs militaires francophones, menacés du fait des initiatives françaises. Avant-hier [20 juin], 200 enfants tutsi avaient pu être évacués sous le regard de ces observateurs de l'ONU mais également des milices hutu.
- Échange entre François Léotard et Jacques Bihozagara. François Léotard : - "Nous ne serions pas intervenus s'il n'y avait pas eu de résolution de l'ONU. Nous ne sommes pas là dans un mouvement national. Nous sommes là pour appliquer une résolution qui vient d'être votée par l'ONU, et que nous avons souhaité, permettant de mettre un terme à certains massacres et à certaines atrocités. […] Nous sauvons les personnes que nous rencontrons, quelle que soit leur ethnie, quelle que soit même, pour les étrangers, leur nationalité. […] Nous voulons nous engager le moins possible dans le territoire rwandais. Et nous ne voulons en aucune manière prendre parti dans le conflit d'aujourd'hui. […] Nous allons demander à l'ONU d'accélérer le processus d'intervention de la MINUAR pour faire en sorte qu'elle puisse succéder immédiatement au dispositif français. Nous précédons d'une certaine manière cette force de l'ONU, qui elle sera sous Casques bleus, qui j'espère pourra intervenir dans le courant de l'été. […] J'ai toujours exprimé mon souci de rester dans un cadre très limité dans le temps. Et de ne pas faire en sorte que les forces françaises soient petit à petit considérées comme une sorte de gendarmerie internationale qui interviendrait partout dans le monde. Il se trouve que là, nous avons la demande expresse de l'ONU. […] Je pense que dès le premier enfant sauvé, vous verrez un certain nombre de concours internationaux apparaître. Parce que notre objectif c'est de sauver des enfants. Et ça, je ne sais pas qui peut contester cet objectif ! […] Il n'y a pas beaucoup de choses qui soit plus belle que de sauver des gens menacés de mort. […] Il faut bien souligner que les instructions qui sont données aux militaires français, c'est de ne pas entrer en contact avec les forces du FPR, de ne pas entrer en contact avec les gens qui se déchirent actuellement". Jacques Bihozagara : - "L'opération de sauvetage des populations en danger avait été organisée et pensée au niveau du Conseil de sécurité. Le Conseil de sécurité avait voté la résolution 918, qui élargissait le mandat de la MINUAR. Et maintenant, nous ne voyons pas pourquoi c'est la France qui se précipite. Nous nous opposons donc encore pour des raisons que nous avons toujours évoquées : la France a été au Rwanda en 1990 pour soi-disant protéger les ressortissants étrangers et français. Mais, après, nous avons remarqué que la France a pris position en faveur du régime en place. Et il a fallu trois ans pour que la France quitte le Rwanda. Et maintenant la France retourne au Rwanda pour encore, dit-on, une action humanitaire. Nous pensons qu'il y a d'autres raisons que les raisons humanitaires. […] Le régime qui massacre aujourd'hui a été aidé, soutenu, armé par la France ! Et maintenant, nous pensons que l'action de la France, c'est exactement de prolonger son aide au régime en débandade". François Léotard : - "Il n'y a aucune intervention de ce genre. Les instructions qui sont données aux forces françaises, c'est de ne jamais entrer en contact avec le FPR. C'est-à-dire à aucun moment de ne chercher à être partie prenante dans ce conflit. Et je ne vois pas comment on peut nous reprocher de sauver des personnes qui sont des Tutsi. Et vraiment, je ne vois pas comment on peut douter de notre bonne foi dans cette affaire. Parce qu'il n'y a pas d'autre intention. Il n'y a une intention belliqueuse dans cette affaire. À aucun moment". Jacques Bihozagara : - "Je pense que si la France retourne là-bas, d'abord c'est trop tard. Et deuxièmement, nous pensons que l'intervention française risque plutôt de compliquer la situation et d'embraser toute la région". François Léotard : - "Je ne vois pas pourquoi il y a une semaine toutes les organisations non gouvernementales, beaucoup d'observateurs internationaux nous disaient : 'Qu'est-ce que vous attendez ? Il faut y aller !'. Maintenant que nous engageons ce processus, on nous dit : 'Mais pourquoi vous y allez ?'. Encore une fois, c'est pas le gouvernement français, c'est l'ONU qui demande au gouvernement français de faire cette action humanitaire en attendant qu'une force plus importante vienne sous Casques bleus. Je peux vous dire que c'est une opération complexe, lourde mais nous le faisons parce que nous avons une certaine conception de nos responsabilités internationales, du rôle de la France avec ses amis africains".