Date : 18 mai 1994
Auteur : Juppé, Alain
Titre : Rwanda - Réponse du ministre des Affaires étrangères, M. Alain Juppé, à une question d'actualité à l'Assemblée nationale
Journal/Source : Quai d'Orsay
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Commentaire : Devant l'Assemblée nationale, Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, condamne nettement le génocide en désignant les victimes, les Tutsi, et les auteurs, les troupes gouvernementales rwandaises. Cependant, il insinue que cette « élimination systématique de la population tutsie » a été entreprise « face à l'offensive du front patriotique rwandais ». Ceci est totalement faux. Les massacres systématiques de Tutsi ont commencé avant que le FPR n'engage le combat. Ceci est attesté par l'ordre d'opération Amaryllis du 8 avril 1994 et par la note de l'ambassadeur Marlaud du 25 avril 1994 qui reconnaît que les exactions « ont donné un fondement à l'intervention du FPR ». Juppé dit que la France a demandé une enquête à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, « pour établir les faits et punir les coupables ». Le problème est que lorsque ce rapport sera publié le 28 juin 1994, la France n'en tiendra pas compte et ses militaires, munis pourtant d'un mandat de l'ONU, n'arrêteront pas les coupables. Juppé demande qu'« une force internationale vienne s'interposer au Rwanda ». Alors que le FPR combat les assassins, il voudrait envoyer des Casques bleus pour s'interposer entre le FPR et l'armée gouvernementale rwandaise, ce qui revient à protéger les assassins. La représentante des États-Unis au Conseil de sécurité a refusé cette mission d'interposition aux Casques bleus. Ceux-ci, selon Juppé, achemineraient l'aide humanitaire. Bref, au lieu de leur fixer comme mission de combattre les assassins, il leur demande de les protéger contre le FPR et de les nourrir, puisqu'à cette date il ne reste plus guère de Tutsi vivants et ils sont cachés. Il propose aussi de négocier un cessez-le-feu et de « renouer avec le processus d'Arusha ». Il juge donc normal que le FPR arrête son combat contre les assassins et que les organisateurs du génocide accèdent à la table des négociations. Son ambassadeur au Rwanda, Jean-Michel Marlaud, a piétiné ces accords d'Arusha en parrainant un gouvernement qui ne les respectait pas, tout en assistant à l'assassinat par les militaires et les milices des responsables politiques favorables à ces accords de paix. Alain Juppé se félicitera d'avoir été le premier à reconnaître le génocide. Mais l'ordre d'opération Amaryllis du 8 avril 1994 admettait implicitement le génocide des Tutsi. De plus cette reconnaissance du génocide des Tutsi par l'armée gouvernementale rwandaise est loin d'être claire. La priorité de Juppé est d'arrêter le FPR et non le génocide.
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