Fiche du document numéro 22234

Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Num
22234
Date
Jeudi 21 mai 1998
Amj
Auteur
Fichier
Taille
1041594
Titre
Interrogatoire de Jean Kambanda - Cassette # 72 [Bagosora et les nominations de généraux - Les détournements de l'argent de l'État lors de la fuite]
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
40055957

Face A de la cassette #72.

PD -Bonjour, nous sommes jeudi, le 22 maï, 21 mai pardon.
MD -Oui.
PD -Excusez. Nous reprenons l'enregistrement de l'interview de Monsieur Jean Kambanda. Où nous

avions cessé hier, à savoir les pressions des officiers sur le gouvernement. Auparavant on doit faire comme
habituellement, vous avise des, de vos droits. Alors, l'avis des droits du suspect. Avant de répondre à nos
questions vous devez comprendre vos droits. En vertu des articles 42 et 43 du règlement de preuve et de
procédure du Tribunal pénal intemational pour le Rwanda, nous devons vous informer que notre entretien est
présentement enregistré et que vous avez les droits suivants: 1, vous avez le droit d'être assisté d’un avocat
de votre choix ou d'obtenir les services d’un avocat sans frais si vous n’avez pas les moyens financiers de
payer les services d’un avocat 2, vous avez le droit d’être assisté d’un interprète sans frais, si vous ne pouvez

pas comprendre la langue-utilisée lors de l’entrevue. 3, vous avez le droit de garder le silence si vous le
souhaitez. 4, toute déclaration que vous ferez sera enregistrée et pourra servir de preuve contre vous. 5, si vous
décidiez de répondre à nos questions sans la présence d'un avocat, vous pouvez arrêter l’entrevue en tout
temps et requérir les services d’un avocat. Une partie qui s'appelle renonciation aux droits, j'aimerai que vous
en fassiez la lecture à haute voix.
K J'ai lu ou on m’a lu dans une langue que je comprends l'énoncé de mes droits, je comprends l'étendue
de mes droits, je comprends également que ce que je dis est présentement enregistré. Je comprends et je parle
la langue utilisée lors du présent interrogatoire, soit directement, soit par l'intermédiaire de l'interprète qui
m'a été assigné. Je suis prêt à répondre à vos questions et à faire une déclaration. J'affirme en toute
connaissance de cause que je ne désire pas d'avocat en ce moment. Aucune promesse ni menace ne m'a été
faite et aucune pression n’a été exercée sur moi.

7TPD -Si vous acquiescez vous devez signer en bas. |
MD -Alors Monsieur Kambanda vient de signer la renonciation aux droits, moi, Marcel Desaulnier je vais
signer comme témoin à La date du 2i-05-98.
PD -Pour les fins de l'enregistrement je demanderai à, aux personnes présentes ici de s'identifier s’il vous
plait.
TK -Jean Kambanda.
MD -Marcel Desaulnier.
PD -Pierre Duclos.

MD -Monsieur Duclos a signé comme témoin aussi.



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#NN5SLUS8

PD -Nous avions fait la lecture hier du chapitre 8 4.14?

JK -Oui.

PD -Nous en étions à... à poser des questions pour apporter des précisions. Le but de la visite de
Monsieur Bagosora et Rusatira c'était quoi ?

JK _-J’ai expliqué hier que d’après moi leur but était de se faire nommer. l’un au grade de général pour
ne pas entrer à la retraite, l’autre de se faire heu. d’avoir un décret qui annule sa mise en retraite afin de
pouvoir éventuellement être nommé comme chef d'Etat-major ou en tous cas dans l'Etat-major.

MD -Celui-là c'était lequel ?

TK -Bagosora.

MD -Bagosora.

JK -Oui.

PD . -Queile était l'importance pour eux d’avoir ça de... un. on l’a dit hier. Monsieur Rusatira c'était
qu’il. sinon il faisait face à une retraite, il devait se retraiter.

JK -Oui.

PD -S'i obtenait son grade de général, ce qu’il a obtenu, lui permettait.

JK -De ne pas être...

PD -De poursuivre sa retraite... heu sa carrière pour encore cinq années, vous nous avez expliqué. Le
colonel Bagosora, lui, est déjà retraité ?

TK -Oui.

PD -Si, est-ce que les démarches qu'il a entre. qu’il avait entreprises auprès de votre gouvernement ont
réussi ?

TK -Ces démarches n’ont pas réussi, il y a eu beaucoup de pression pour qu’effectivement on le sorte de
la retraite. Mais personnellement je me suis opposé compte-tenu de la situation qui prévalait, de... peut-être |
de la perception que personnellement j'avais sur la, les, l'individu, et l'impact que ça aurait sur la, l’image du
gouvernement par la communauté internationale. Il est vrai que, dans le gouvernement, il ÿ avait beaucoup
de gens qui étaient également contre. Et... mais il est vrai également que juridiquement on n'avait pas de
raisons de le retirer de la retraite, donc il y avait pas, il n'avait pas d’argument, il n'avait pas suffisamment
d'arguments pour justifier heu sa non-mise à la retraite.

PD -Sa venue, leur venue pardon... est-ce que c’est la seule fois où ils vous ont fait des demandes précises

ça, ces gens-là ?



D

T2Kk7#72 du 21/05/98. -28 juillet 1998 (15h58)
KOnN:5959

IK -C'est a dire que... il y avait certainement des, des... des contacts de coulisse, mais c'est la seule fois

où ils ont fait une demande publique.

PD -Ok. Sion comprend bien ce que vous nous avez dit hier. ce que vous nous aviez lu hier. si j’ai bien

compris, pardon, ce que vous nous avez dit hier, il vous a rencontré privément ?

JK Le. le colonel Rusatira oui. Bagosora non. Bagosora a... est passé par les intermédiaires

probablement parce que on n’avait pas suffisamment de contacts personnels entre moi et lui.

PD -Alors, lors de cette démarche-là. celle qu’on décrivait, vous avez pas eu de contact personnel avec

Monsieur Rusa… heu Bagosora ?

JK -Non, c’est à dire que lors de cette démarche je n'ai même pas eu de contact avec Rusatira. Mais

auparavant j'en avais eu avec le colonel Rusatira. Mais lors de, de leur visite je n’ai pas eu de contact ni avec

l’un ni avec l’autre, j'ai refusé, ils ont sollicité mais j’ai refusé.
MD -C'était pendant la réunion ?

JK -C’était pendant la réunion.

MD -Mais, quand vous nous dites que Bagosora, selon vous, le, le... la raison de leur intervention était

de... de s’assurer qu'ils auraient des promotions ?

JK -Oui.

MD -Par contre on dit ici que la liste qui était présentée par Bizimana, heu... aurait dû être préparée aussi

par Bagosora, qu’il aurait dû se faire assister de Bagosora pour préparer la liste des candidats qui étaient

présentés ?

JK Oui, ça c’est disons administrativement parlant, il y a, on ne pouvait pas passer, ou faire autrement,

c'est à dire que Bizimana, comme j'explique c’est agronome qui était ministre de la Défense depuis quelque

temps seulement, il ne pouvait que s'appuyer sur son cabinet politique qui, dont le directeur n’était autre que
TT Bagosora. : - ‘ -

MD -Mais comment se fait-il que Bagosora à ce moment n'aurait pas profité de cette occasion pour se

faire recommander ?

JK _-C’était une décision politique donc, lui ce qu’il devait préparer c’était une, des décisions, des dossiers

techniques, mais la décision de, de la mise à la retraite ou pas c'était une décision politique, donc qui devait

être prise par le gouvernement, il ne pouvait pas lui-même se proposer, de lever sa retraite, il fallait qu'il le

demande au gouvernement.

MD -La.



T2k7#72 du 21/05/98 -28 juillet 1998 (15h58) 3
K0055960

PD -L'intérêt pour lui de lever sa retraite c'était quoi ?

TK -C'était…

PD -Vous qu'est-ce que vous voyez dans le...

JK -C’était d'être promu général et de devenir chef d'Etat-major de l’armée, à cette époque-là.

PD -C'était sa démarche ?

TK -Pour moi oui.

MD -Vous croyez qu'il, qu’il ambitionnait heu. le...

JK -Non, je n'ai aucun doute là-dessus, je. compte-tenu des discussions qu'on a eues là-dessus, donc
si après son intervention auprès du ministre de la Défense on nous a proposé de nommer des chefs d'Etat-
major intérimaires, un triumvirat intérimaire, c’est qu’il y a quelque chose qui ne marchait pas...

MD -Alors c'était ça finalement, c'était la proposition qu’ils vous ont faite, de nommer, de nommer heu.
des chefs intérimaires pour donner le temps de... d'étudier les dossiers, c’est ce que... c’est les raisons...
quand Marc est sorti, et même le ministre est sorti les rencontrer, ce qu’il a discuté avec eux... les
propositions qu’ils ont faites ça a été de nommer de façon intérimaire des heu.

JK -Pour moi ils ont dû passer par ce chemin parce que j'avais refusé de les écouter. Alors comme j’avais
refusé de les écouter sur le champ, il fallait qu’ils aient le temps, donc qu’on ne décide pas. mais pour qu’ils
aient le temps de, de se positionner effectivement pour les postes qu’ils ambitionnaient. En fait ils n’ont pas
eu, ils... j'imagine qu’ils n’avaient pas prévu que ça se déroulerait de cette manière-là, puisqu'ils ont été mis
devant un fait accompli, le refus.

MD -Et effectivement les, les, les promotions ont été annoncées ?

JK -J'avais dit au cours de la réunion que nous ne sortirions pas de cette réunion sans que les promotions
soient annoncées puisque c’était un risque aggravé pour nous si les décisions n’étaient pas prises à ce
moment-là, avant la sortie de la réunion.

MD -Et effectivement vous avez nommé les gens ?

TK -Effectivement nous avons nommé les gens.

MD -Rusatira était un de ceux-là ?

JK -Oui, Rusatira était l’un de ceux-là.

MD -Alors quelle était, quelle était sa...quelle était sa, sa, sa motivation d'intervenir de la façon qu'il a fait?
TK -C'est à dire que il. ce n’était pas donné. Puisque la promotion au rang de genéral c'était une

décision politique. donc c’est pas tous les colonels qui sont nommés au rang de général. Et lui il le savait. La



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preuve étant qu'on a pris de jeunes colonels à qui on a donné le grade de général, alors qu’il y avait des plus
vieux. Lui savait qu'il y avait ce risque, et que si le risque était confirmé, il serait automatiquement mis à la
retraite compte-tenu de son âge. Alors il fallait qu'il prévienne, qu’il soit assuré d’être nommé dans le rang
des généraux.
MD -Vous est-ce que c'était, c'était un de vos candidats Rusatira, vous l’aviez rencontré et il vous avait,
je pense qu’il vous avait démontré une-certaine fidélité ?
JK -Une... c'est pas tellement qu'il soit un de mes candidats dans la mesure où il m'avait rencontré, dans
la mesure où je savais qu'il était de mon parti, et que comme par hasard il était proposé, moi j'avais, je n’avais
pas de difficulté disons à le laisser passer. Je n’avais aucune raison de m’opposer à sa nomination. Par contre
l’autre étant déjà à la retraite, il y avait très peu d’argument pour justifier la, la... disons sa, la levée de sa
retraite, dans la mesure où il y avait d’autres colonels qui, qui étaient aussi en retraite, qui auraient pu
= réclamer la même chose donc on entrait dans un engrenage qu’on aurait pas pu contrôler.
MD -Vous allie créer un précédent.
XK -Donc j'avais dit que, de façon administrative, j'avais des arguments pour que Rusatira puisse être
éventuellement nommé général dans la mesure où il était même proposé parmi les candidats possibles pour
la, la promotion mais je. administrativement je n’avais pas d’argument pour le colonel Bagosora. Puis
politiquement pour moi, en ce qui me concerne, ce n’était pas peut-être opportun.
MD -Mais Bagosora, son nom était quand même dans la liste des candidats ?
TK -Non, son nom n'étais pas dans... ne pouvait pas être dans la liste de candidats dans la mesure où il
était retraité, donc il fallait d'abord que la mesure de la levée de la retraite soit prise, avant que son nom
n'arrive. C’est pour cela qu'il réclamait un délai entre la décision et le moment où, où, où... donc la, où on
proposerait les candidats.
MD -Ok, alors on avait nommé Rusatira et Bizimungu, comme major-général ?
JK Oui.
MD Et.

-Non. On a nommé uniquement Bizimungu comme général-major.

76

-Général-major.
-Rusatira, Kabiligi et Gatsinzi comme général de brigade.
-Général de brigade Bagosora et Rusatira est-ce que c'était deux personnes qui, qui avaient

l'habitude de... de, de, de travailler ensemble ?



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JK -Non. A ce que je sache non, et vraisemblablement non. dans la mesure où sur le plan politique chacun
avait déjà pris une position. l'un dans les partis d'opposition, l'autre au sein du MRND. Donc ce n'était pas
des gens qui avaient l'habitude de travailler ensemble. Mais peut-être que là c'était une coalition d'intérêt
parce que c'était sur un même dossier.

MD _-Est-ce que ça vous a surpris de les voir arriver ensemble ?

JK _-Non, pas du tout.

MD -Pas du tout ?

JK -Non ça ne m'a pas surpris.

MD -Est-ce que c'était commun pour ces gens-là de, d'avoir des hélicoptères à leur disposition ?

JK _-De toutes façons ce sont les militaires qui contrôlaient les hélicoptères, donc ils... c’était commun.
Parce que les mili…. ies, les, tous les hélicoptères étaient contrôlés par le ministère de la Défense.

. MD -Est-ce que, oui, est-ce que la façon d'intervenir heu, d’arriver de cette façon-là, n’était pas un peu
heu. n’était pas un geste qui pouvait être interprété comme, COMME menaçant °?

JK -Non. tous, tous les ministres ont tremblé, on ne peut pas se le cacher donc... quand ils sont arrivés
tous les ministres ont tremblé, ils... je vous ai dit que certains ministres dans les coulisses m'ont félicité
d’avoir refusé, d’avoir osé refuser de les rencontrer parce que ce n’était pas. c'était plutôt un geste de.
presque de suicide.

MD _-Et pourquoi, pourquoi les gens ont tremblé, ils ont tremblé parce qu’ils craignaïent Bagosora ?
JK -Iis le craignaient oui.

MD -Bagosora était reconnu comme un homme fort ?

JK -Mais.… comment voulez-vous qu'il ne soit pas reconnu comme un homme fort, si on sait ce que j’ai
dit précédemment ? Donc si c’est lui qui a dirigé la réunion qui a mis en place le gouvernement, donc c'était
l'homme le plus fort, donc on ne peut pas dire qu'il y avait un plus fort que lui.

MD -C’était le plus fort au point qu'il pouvait faire trembler le gouvernement ?

JK -Oui. Parce que certains ministres dont je ne peux plus nommer aujourd’hui, m’ont approché et m'ont
félicité pour avoir tenu tête, pour lui avoir tenu tête, certains ont même dit que c'est parce que je ne le
connaissais pas.

MD _ -Est-ce que, est-ce que vous avez rencontré Bagosora dans les semaines qui ont suivi ?

JK _-Non. Je ne l’ai plus jamais rencontré.

MD -Est-ce que lui vous a... il a pas demandé à vous voir ? Suite à cette réunion ?



T2Kk7872 du 21/05/98. -28 juillet 1998 1 : 5h58) 6
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JK - D n'a pas demandé à me voir. Je l'ai juste rencontré quand on était en exil, donc il n'a pas demandé

à me voir, mais je savais que c'était déjà un dossier qui est créé entre moi et lui.

MD -Est-ce que , est-ce que vous avez entendu des commentaires, est-ce qu’il y a des choses qui ont été

dites ?

JK -Je n'ai pas voulu Îles entendre, mais des choses ont été certainement dites. Parce que, quand je dis

je n'ai pas voulu les entendre, ça veut dire que je les ai entendues mais que je ne voulais pas les approfondir

dans la mesure où je connaissais plus ou moins les risques de vouloir s'informer sur

MD -Mais votre prise de position est-ce qu’elle était bien calculée ou est-ce que c'était, c'était un geste

que vous avez heu. que vous avez... vous avez vraiment évalué les risques avant de prendre cette décision-là

?

JK J'ai évalué les risques, parce que je me disais que, de toutes façons, en me mettant en place, il... j’ai
a l'impression que c'était comme une marionnette qu’ils avaient mis en place, qu’on pouvait manipuler, donc

il fallait qu’au moins je marque un coup pour montrer que je suis de toutes façons un homme raisonnable qui

a sa propre tête et qui réfléchit pour lui-même. Et non pas qu'on déplace comme on le veut.

MD -Alors vous croyez que cette journée-là, vous vous avez gagné heu, vous avez gagné le respect de.

de personnes autours de vous ?

JK -Je suis certain.

PD -Ces nominations-là qu'ils vous demandent de faire au, à titre de général ce sont des nominations

politiques ?

JK -Oui.

PD -Est-ce que vous avez été taxé de partisannerie politique en acquiesçant à la demande de Rusatira

qu’on savait près des partis d'opposition, puis en refusant la demande de Bagosora ?

K -Non, je n’ai pas. quand... dans la mesure où personne n’a jamais soupçonné que je, j'étais pour un
quelconque degré dans la nomination de Rusatira. Ce n’était pas mon candidat, c’était un candidat qui a été
présenté officiellement par le ministre de la Défense, qui a été défendu par lui, et moi je n’ai... comme je
n'avais pas d’argument contre mais, bien, donc plus d'arguments pour, je n’ai, je n'ai pas, je ne suis pas
intervenu donc personne m’a jamais dit, je dois même ajouter que personne ne sait même, n’a jamais su que
j'étais effectivement pour sa nomination. Donc ça n’a pas été un problème, pour les autres, la plupart des
candidats je ne les connaissais même pas. Donc le, le général Kabiligi je ne l’avais jamais vu. Je ne savais

même pas à quoi il ressemblait. Gatsinzi je l'avais vu des fois mais c'était pas quelqu'un qui était familier à



T2Kk7#72 du 21/0598 -28 juillet 1998 (15h58) 7
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moi. Heu. Bizimungu je ne l'avais jamais vu. J'avais. je le connaissais de réputation. Donc je n'avais pas
de difficulté disons à... le seul que je connaissais à la limite, de tous les quatre. c'etait Rusatira.

PD -Est-ce que ces gens-là quand vous les nommez vous faites un. le gouvernement doit faire une
cérémonie après ?

JK -Î y à pas eu une cérémonie mais c'était une nomination attendue, donc il a fallu faire un communiqué
de presse, qui est passé à la radio. Et qui a été plutôt commenté par, au niveau de l’ensemble de la population
et des militaires en particulier.

PD -Ok. Est-ce que le, est-ce qu'il y a comme une... il y a pas de réception qui suit ça. il y a pas de.
JK - N'oublions pas que nous étions en période de guerre...

PD -Oui, oui, mais il y a pas de réception au niveau du gouvernement pour dire.

JK -Nonil ya pas eu de réception, surtout que même la décision avait été relativement tendue, les gens

. ävaient disons hâte de terminer, d’en terminer et plutôt de recueillir les avis, de savoir ce qui allait se passer |

après.

PD -Ok, alors ces promotions-là sont faites comme ça, sont publiques, sont rendues publiques.

JK Oui.

PD -Est-ce que vous devez aviser chacun des candidats ?

JK -Par un décret oui. Parce que les... après, quand ils sont nommés, que le, le message passe à la radio,
il faut un décret qui est signé par le Président et le premier ministre. Et contre-signé par le ministre de la
Défense.

PD -Est-ce que ces décrets-là ont été faits ?

JK -Oui.

PD -Ok. Ils ont été faits, est-ce que c’est quelque chose qui est contemporain, qui...

fSIK -C’est, ça a été fait je crois dans les 24 heures qui ont suivi, donc c’est, ça devait se faire très

rapidement.
PD -Ok. Ces...ces papiers-là doivent-ils être signifiés aux gens ?
TK -Iis doivent être signifiés aux concernés, on doit faire une copie.

PD -Ok. Vous est-ce que vous avez eu à vous occuper de cette partie-là, de signification ?

TK -Non, ça ce n’était pas de mon ressort, ça c'était du ressort du ministre de la Défense.
PD -Ok.
JK -J'ai eu à signer et puis.



T2k7#72 du 21/05/98. -28 juillet 1998 (15h58) 8
KONSSUES

PD -Eux doivent s'occuper de transmettre ça ?
TK -Oui.
PD -Ajorsil y a pas de, il y a pas de rendez-vous, il y a pas de... il y a pas de remise officielle du décret,
il y a pas...
TK -Non.
PD -Ilyaun.. des, il y a... le côté officiel c’est vraiment le décret ?
JK -Oui.
PD -Qui a été signé par vous puis qui doit être remis en main propre à la personne ?
JK -Oui.
PD -Vous savez si ces décrets-là ont été remis ? Avez-vous fait un suivi là-dessus vous ?
JK -Je n'ai pas fait un suivi, personnellement j'ai eu les copies de ces décrets.
D Pardon.
4K -Signés par tous es concernés, et le fait que ils aient occupé effectivement leurs fonctions m'a

confirmé que ils doivent avoir reçu leur copie.

PD
K
PD
TK
PD
JK

-Läà on parle, on est aux environs du 20 ?

Oui.

-Est-ce que vous revoyez ces gens-là par la suite ? Est-ce que c'est des gens que vous avez revus ça?
-Oui, je l'ai...

- Vous avez expliqué que Rusatira il est devenu très discret après avoir eu sa promotion.

Oui.

-Mais est-ce que vous l’avez revu ?

-Pratiquement pas. Je ne me souviens plus l’avoir revu.

-Vous vous souvenez pas si vous l’avez disons.

-Non.

-Quand vous avez visité l'Etat-major ?

-Non, je. il n’était plus là, il. puisqu'il était à Gikongoro avec son école supérieure militaire.
-Ok. Puis vous vous êtes pas rendu là, vous ne vous souvenez pas l'avoir vu ?

-Non.

-Les autres est-ce que vous les avez vus ?

-Les autres je les ai revus. Gatsinzi à Butare et à Gisenyi. Bizimungu et Kabiligi assez souvent.



T2k7#72 du 21/05/98. -28 juillet 1998 (15h58) 9


“0055966

PD -C'etait à quelle époque que vous le revoyez ?

JK -Je.. Gars... Kabiligi et Bizimungu je ne peux même pas préciser le nombre de fois, puisque ça fait.
je les ai revus plusieurs fois. Gatsinzi c’est dans les jours qui ont suivi, notamment à l'occasion de mes visites
à Butare. Parce que quand je partais en hélicoptère par exemple, je. une fois donc je me rappelle que je suis
parti en hélicoptère lors de la visite de. du cardinal Etchegaray, je me suis, l'hélicoptère s’est posé à l'ESO
et là j'ai été dans son bureau. |

PD -Ok. Parce que si on met ça le 20, ça veut dire que ces promotions-là surviennent après la démotion
du. du préfet à Butare ?

JK -Je.. je ne peux pas préciser si après, si un peu avant, c’est. j'ai dit autour du 20, donc...

PD -C'est vers le 20 ?

JK -Oui. Là je ne peux pas dire c’est le 20, parce que je ne suis. je ne me rappelle plus des dates exactes.

C'est autour du 20..

TS
PD -C’est autour du 20.
JK -Oui.
PD -Ok. Puis est-ce que c’est autour de cette même date-là que vous voyez, que vous avez à vous rendre
à l'Etat-major pour rencontrer Kabiligi et Bizimungu ?
JK -Je ne peux pas préciser. Si c’est autour de cette même date... dans tous les cas je les rencontre en

tant que l’un chef d’Etat-major, l’autre son adjoint.
PD -Est-ce que c'est contemporain à ça, est-ce que c’est rapproché ? Vous savez, si vous refaite
chronologiquement les événements, vous, vous avez un événement disons majeur qui est la... la nomination
du nouveau préfet de Butare, ça c'est, c’est un point, c’est un point de référence que vous avez. -
JK -Oui.

7 PD --Alors, est-ce que vous avez-eu à faire dans les jours qui ont suivi ou dans la période entourant cette.
cette nomination-là, à vous rendre à l’Etat-major ? Ou l’Etat-major a eu à faire à vous rencontrer ?
JK -Je ne peux pas préciser les dates, je sais que je me suis rendu à Kigali rencontrer Kabiligi et
Bizimungu après leur nomination.
PD -Ok.
MD La. la proposition qui avait été faite de, de nommer un triumvirat à la tête. de donner le temps de
faire des consultations, est-ce que c’était présenté ça au...

JK -Oui ça a été... le ministre de la Défense l’a dit, moi je trouvais que c'était un peu ridicule.



T2K7#72 du 21/05/98. -28 juillet 1998 (15h58) 10
personnellement. J'ai d'office refuté cette proposition.

MD _-Est-ce que vous pouviez seul vous refuser cette.

K -C'est à dire que comme c'était des sujets assez délicats, et que j'ai dit que les ministres étaient
relativement discrets, c’est peut-être le seul moment où je me suis personnellement engagé et où c'était à mes
risques, à mes propres risques, sur le dossier. C'est à dire que les autres ne voulaient pas s'engager et c'était
peut-être la méthode globalement parlant [inaudible] je me suis engagé pour refuser ce...

MD -Alors vous avez rejeté cette proposition-la ?

IK -Oui.

MD _-Pour la, pour les nominations, de quelle façon que ça... est-ce que c’était un vote, est-ce qu’il devait
y avoir une majorité, de quelle façon on approuvait les nominations, est-ce que toutes les. les ministres
devaient se prononcer individuellement ou... ?

-JK -Je dirai qu’il y avait même pas d'approbation, c’est à dire que les dossiers étaient présentés de telle
sorte qu’on sentait que les gens sont déjà nommés.

MD -Mais on devrait, on devait quand même intervenir d’une façon.

JK -La, la question était de trouver des arguments contre. Et si vous ne connaissiez pas les militaires, à
part peut-être le problème de régionalisme, vous aviez des difficultés à... a vous opposer à un candidat. Si,
surtout s’il est bien présenté comme le meilleur. Sauf si vous avez réellement des arguments, en disant
écoutez, celui-là, on ne le retient pas parce que, parce que. Mais on les hierarchisait au niveau de la
nomination de telle sorte que vous aviez de la difficulté vous même, en tant qu'’individu, à vous positionner
sur un individu, surtout si vous ne le connaissiez pas.

MD -Alors…. on vous a... on disait qu’on a présenté plusieurs candidats.

JK Oui, mais en les hierarchisant, on donnait disons les meilleurs, et c'était à vous de dire, même si celui-
là vous le placez comme le meilleur il n’est pas aussi bon, et on sentait que il Y avait disons de....un certain
consensus préparé où tous les gens abondaïient dans le même sens en disant effectivement celui-là on le
connaît, il est bon, il est le meilleur.

MD -Mais de quelle façon qu’on rendait la décision officielle, qu’on disait c’est lui ou c’est lui ? Qui
prenait cette décision-là ?

JK -C'est à dire moi, en tant que, disons dirigeant de la réunion, si on présentait un candidat comme le
meilleur, je demandais s’il y avait des objections, s’il v avait quelqu'un qui avait des objections sur un candidat

qu'on présente comme le meilleur, s’il y en avait pas. il... le consensus était déjà.



TK #72 du 21/05/98. -28 juillet 1998 (15h58) 11
K00:5968

PD -I devenait le meilleur

TK -Il devenait le meilleur, et il était entériné comme tel.

MD _-Alors il y avait, c’est ça, on avait, on avait déjà déterminé la pri... les priorités. Ceux qui étaient
TK -Pour moi oui, mais c'est à dire que ne les connaissant même pas. tel qu'on le présentait, je ne pouvais
pas dire, celui-là je... je ne l’admets pas, je voudrais qu’on me donne celui-là, puisqu'il fallait que je puisse
développer des arguments contre. Surtout qu’on l'avait présenté comme le meilleur. Les gens qui étaient
censé le connaître techniquement, qui l'avaient, qui avaient suivi son plan de carrière.

PD -C’est des candidats pressentis puis on évaluait leurs qualités, leur passé, puis on vous donnait ça, puis
à ce moment-là vous acquiescer ou vous refuser si vous aviez des.

XK -Des arguments, c’est dans toutes les nominations, c’est pas seulement pour les militaires, c'était,
pratiquement toutes les nominations étaient faites de cette manière.

MD -A quel moment l'hélicoptère a-t-il quitté les lieux, est-ce que, est-ce que le. est-ce qu’ils ont quitté.
après la. à la fin des nominations ou.

K -Je m'en rappelle plus quand ils ont quitté, parce que j'ai dis, je ne les ai pas vus, j’ai tout fait pour
ne pas les voir. Même à la fin de la réunion. Est-ce qu'ils étaient là à la fin de la réunion, je ne me rappelle
plus.

MD -Vous ne vous souvenez pas... parce que ça devait être, c’était quand même assez, assez bruyant, c'est

quelque chose qui était très dérangeant cet.

TK -Je sais que ce bruit-là javais de la difficulté un peu personnellement…
MD -Oui.
JK -Donc je, je souhaitais que ça termine mais que ça...

MD -Vous étiez...

JK --[inaudible]

MD -Oui, c’est ça. Mais vous vous souvenez pas à quel moment ils auraient quitté ?

K -Non.

MD -Mais vous nous disiez tout à l’heure que vous avez rencontré Kabiligi et Bizimungu de façon assez
régulière ?

JK Oui.

MD -Plusieurs fois par semaine ?

K -Non, plusieurs fois par semaine, non. Mais, heu... je me suis rendu à Kigali, je crois que le nombre



T2k7#72 du 21/05/98. -28 juillet 1998 (15h58) 12
de fois je les ai dit dans d'autre passages, ils sont venus me voir à Gitarama ou à Gisenyi, je crois que j'ai déjà
relaté [inaudible].
MD -Alors vous aviez des consultations, on peut dire de façon réguliére avec eux ?
TK -Oui.
MD -Et vos consultations portaient sur.
JK -Sur l'évaluation de la guerre, je l’ai répété hier, quand je le rencontrais c'était pour lévaluation de
la guerre. le front entre le FPR et les FAR.
MD -Il était pas, il était jamais question de ce qu’il se passait avec les civils ?
JK -Probablement que eux ils pouvaient. ou, disons. surtout c'était au niveau des plaintes, ils se
plaignaient que les, les civils se mêlent de leurs activités. Mais ce n’était pas l’objet, ça a jamais été un objet
d’une réunion entre moi et eux.
- MD. -Est-ce qu'on vous a déjà demandé.d’intervenir auprès des partis politiques pour le. de façon
officielle pour qu’ils heu. cessent leurs activités ?
JK -Peut-être pas de façon officielle mais que, que les, les partis politiques s’investissent auprès de leurs
jeunes, oui.
MD _-Et vous l'avez fait ?
TK -Je l'ai fait, oui. J'ai indiqué que j’ai demandé officiellement aux partis politiques d’intervenir pour
donner leur position aux jeunesses de leur parti.
MD _-Est-ce que vous vous avez déjà souligné à ces gens-là que leur, que le, que les militaires sur le terrain
participaient aux massacres ?
JK Oui. Et je l’ai même dit à la radio, dans des commun... dans les communiqués que j’ai faits à la radio.
-Quelles, quelles étaient leurs positions ?
-Ils disaient que c'était des éléments incontrôlés, c’était leur position.
-Iis disaient que c’était des éléments incontrôlés ?
-Oui.
-Ils étaient très conscients que ça se produisait ?
-Oui.
-Et ils, à votre connaissance est-ce qu'ils ont pris des actions de faire cesser ces activités ?

-je n'en ai pas été informé.

SREREREXRS

-Est-ce que vous vous avez vu des choses qu'ils auraient faites 9



T2k7#72 du 21/05/98 -28 juillet 1998 (15h58) 13
JK -Je ne les aï pas vus.
PD -Voulez-vous vous absenter ?
JK -Non.

Fin de la face A de la cassette # 72.

00:5

979



T2K7#72 du 21/05/98.

-28 juillet 190$ (15h58)

14
KO055971

Face B de la cassette # 72.

MD _-Bon, moi j'ai terminé sur heu... sur ce sujet.

PD -Avez-vous autre chose à ajouter ?

JK -Non.

PD -On va peut-être passer au chapitre suivant.

JK -C'est le chapitre 8.5. Il s’agit de la responsabilité de la gestion des biens publics. L'argent du pays

qui est arrivé à Goma à la Banque commerciale du Zaïre dans une quinzaine de caisses scellées y était détenu

sans que nous puissions y avoir accès. Ces caisses d'argent, semble-t-il, ont été récupérées par les

combattants ou par le gouvernement du Zaire ou de l’actuel Congo. J ’ai convoqué une réunion des ministres

en juillet au Zaire, qu’Alexis Nzabonimana, ministre de la Jeunesse, à une date qui est déterminée dans mes

agendas, m'a déclaré avoir vendu un métal précieux appelé colombo-tantalite [phonétique] dont son ministère
avait la garde via la coopérative C OPIMAR [phonétique], il m’a avoué avoir cinq-cent trente mille dollars
américains avec lui. Suite aux pressions que j'ai faites sur lui, il m’a remis cinquante mille dollars en coupures
de cent dollars, que j’ai distribués de la façon suivante: quinze mille dollars au président Sindikubwabo, mille
dollars à chacun des ministres présents au Zaïre, et j’ai gardé [inaudible] dollars, quinze mille dollars pour
moi. Lorsque j'ai rencontré en juin 97 l’homme qui disait leur avoir acheté ces métaux à Nairobi, j'ai compris
qu’il avait reçu plus que cinq-cent trente mille dollars américains car ceux qui parlaient de mon ami le
ministre millionnaire et il m’avoua lui avoir remis beaucoup plus qu’il ne me l'avait avoué. Selon mes
informations, il serait demeuré au Zaïre jusqu’à la guerre. Il serait soit en fuite dans la forêt sinon décédé. Je
me suis penché sur les activités économiques de chacun des ministères ainsi que sur les transactions qui ont
eu lieu pendant que j'étais premier ministre. Je savais qu’un jour je devrais rendre des comptes sur les
activités de mon gouvernement donc j’ai fait des recherches. Et j'ai aussi fait faire des auditions par l’ancien
contrôleur général de la Banque nationale, Innocent Habamenshi [phonétique], malheureusement rapporté
disparu au Zaïre. Je conserve des documents concernant mes recherches dans la valise que vous avez saisie
chez moi à Nairobi. Le premier cas...
PD -On pourrait peut-être, on pourrait peut-être heu. parce que c’est un, c’est un chapitre qui est très
long, vous avez plusieurs pages. On pourrait peut-être séparer ça par. de façon à mieux se retrouver, peut-
être séparer ça [inaudible]. faudrait faire l'introduction comme là vous venez de faire, si on a des points
d'interrogation, qu'on peut, si on a des interrogations, puis après ça on pourrait faire chacun, je sais pas si

cette façon de travailler vous convient aussi ?



T2k7#72 du 21/05/98. -28 juullet 1998 (15h58) 15
TK -H y a pas de problème.

PD -L'argent avait été sorti des banques ?

K -L'argent était gardé dans les coffres de la Banque nationale
PD -Ok, puis elle a été sortie, elle a été amenée ?

JK -Elle était amenée out.

PD -Qui a fait le transport, savez-vous ?

JK -C'était sous la supervision du gouverneur de la Banque nationale.
PD -De Denis ?

JK -Denis Ndengibahoze [phonétique].

PD -Ok. Plus tard on en reparlera de...

JK -Oui.

… PD -Comment se fait il que vous ayez perdu le contrôle sur votre argent en arrivant ?

JK _-Je crois qu’il y a eu des erreurs au niveau de, de la, disons de la perception de, de leur statut de ré.
de notre statut de réfugié quand nous sommes arrivés au Zaïre. Quand nous sommes arrivés au Zaïre, On à
commencé, j'étais. moi j'étais à Bukavu, ceux qui étaient à Goma ont commencé à distribuer les salaires
dans les camps. C’est à dire ils ont fait des listes de paie, que ce soit pour les militaires, que ce soit pour les
fonctionnaires qui étaient sur place, puis ils ont fait des, la paie, comme si de rien n'était, comme si on était
encore dans le pays. Ce qui était relativement anormal dans un pays comme le Zaïre où les fonctionnaires
n'étaient pas payés depuis plusieurs années, et où les salaires que nous distribuions étaient peut-être cent fois
ou sinon mille fois plus élevés que les salaires, le salaire le plus élevé dans le pays, si on fait la conversion
entre francs rwandais et le, et le zaïre à l'époque. Ce qui a mécontenté les fonctionnaires du Zaïre, qui se
disaient mais un pays en guerre peut encore payer ses fonctionnaires y compris quand ils sont en exil alors
que nous qui ne sommes pas réfugiés, nous ne savons même pas être payés. Les autorités en ont... je crois
ont été relativement choquées, et elles ont confisqué l’argent.

PD -Est-ce que vous voyez une. une conséquence à cette saisie-là, est-ce que vous avez pu voir les
conséquences à ses saisies-là ?

TK -Il y a eu une conséquence directe au niveau des réfugiés. c’est que ceux qui n’avaient pas... il y a eu
un mécontentement entre ceux qui ont déjà été payés et ceux qui n'avaient pas été payés. Il y a eu un
mécontentement par rapport aux autorités et au gouvernement en exil que je dirigeais, même à cette époque.

en disant écoutez, ils ont notre, ils ont amené notre argent et ils ne veulent même pas nous payer nos salaires.



T2K7#72 du 21/05/98. -28 juillet 1998 (15h58) 16
60055973

alors que... ceux qui sont au nord du pays ont été payés. On a soupçonné le gouvernement de s'être accaparé
de tout cet argemt. donc les, les. il y a eu une suspicion de la part de certains fonctionnaires qui ne croyaient
pas à ce qu'on leur racontait. Donc ça ça fait. ça crée quand même un certain mécontentement au sein des
refugiés.

PD -Est-ce qu'il y a eu de la. du mécontentement aussi au niveau des militaires ?

JIK -Au niveau des militaires, non, puisque les militaires ont été peut-être les seuls fonctionnaires qui ont
tous été payés. Parce qu’ils avaient eux soustraient les montants qui leurs revenaient, que ce soit pour ceux
qui étaient au sud du pays ou ceux qui étaient au nord du pays. Donc même ceux qui étaient au sud du pays,
les militaires, ont été payés. Donc même s’il y a eu du mécontentement c’est de... à un degré moindre que
pour les fonctionnaires ordinaires.

PD -Comment un mil. comment les militaires, expliquez-vous, qu'ils ont pu soustraire, vous dites,
comment peuvent-ils soustraire ?

JK Ce n’est pas une soustraction frauduleuse si on peut dire, parce que les, eux ils... je crois que c'est
peut-être une, un corps qui est toujours bien organisé même en exil, eux ils avaient déjà les listes de tous leurs
employés avec eux, et l’Etat-major étant à Goma, ils ont pu présenter toute la liste dès le début de l’ouverture
des coffres, et prendre tout le montant. Alors que les fonctionnaires c'était département par département
qu’on venait. Ce qui a fait que les fonctionnaires ne se présentaient qu'à compte-goutte, alors que les
militaires devaient s'organiser chez eux avec tout l’argent qu'ils avaient déjà pris.

PD -Ok.

MD -Cet argent-là c’est l'argent qui était gardé dans les..., c’était l’argent du pays, c'était gardé dans les
voûtes de la Banque nationale ?

TK Oui. C'était des coupures de 500, 1000 et 5000, c’est ça qui explique que le gouvernement actuel
de Kigali a changé uniquement ces coupures-là, n’a pas touché ni aux pièces de monnaie, ni aux coupures
de 100 francs.

Qui avait accés à ces voûtes-là ?

-C'est le... le gouverneur de la Banque centrale, c'est lui qui connaît les, les secrets pour ouvrir.
-Lui seul ?

-Lui seul, c’est lui seul qui peut autoriser les, l'accés.

-Elles étaient où ces voûtes-là, à Kigali ?

RÉERENSE

-Elles étaient à Kigali au départ, oui.



T2k7s72 du 21/05/98. 28 juillet 1998 (15h58) 17


KUDSS974

MD -Au départ elles étaient à Kigali, est-ce qu'elles ont été déménagées à l'intérieur du pays dans un

premier temps ?

JK -Oui, elles ont été déménagées à Gitarama et puis à Gisenyi avant de passer à Goma.

MD -Toujours ? On parle-là d’une quinzaine de caisses scellées ?

JK -Moi je ne les ai jamais vues. Je ne sais même pas à quoi elles ressemblent.

MD -Vous les avez jamais vues.

JK -C'est tout ce qu'on m'a raconté. Je ne les ai jamais vues.

MD _-Est-ce que on avait une idée combien ça représentait d'argent ?

JK -On pensait, on m'a toujours cité un chiffre autour de 20 milliards de francs rwandais.

MD -Vingt milliards de francs rwandais ?

IK “Oui.

MD -Cet argent-là était gardé, quand vous êtes déménagés, aurait été gardé où ? Quand on est, quand on
a quitté Kigali ? |

JK -IL. je n’ai jamais voulu savoir, parce qu’ils disaient que c'était un secret bancaire, je ne voulais pas

savoir. Ils l'ont déménagé à Gitarama, à un endroit que je ne connais pas, que je n'ai pas de... souhaité savoir,
et à Gisenyi à un endroit que je n’ai pas souhaité savoir.

MD -Vous avez pas souhaité savoir ?

JK -Non.

MD -Mais est-ce que vous auriez...

K -J'aurai pu le savoir.

MD -Est-ce que vous avez été souhait... est-ce que vous avez souhaité savoir combien il y avait, combien
il y avait exactement ?

TK -His ne m'ont jamais donné le chiffre exact, ils m'ont toujours dit autour.

MD -Est-ce que vous avez posé la question ? |

TK -Je n’ai pas posé la question à la source, peut-être, qui était la bonne...

MD -La source était qui ?

JK -Le gouverneur de la Banque centrale.
MD -Denis ?
K -Denis.

MD -Est-ce que vous avez eu des rencontres avec cet homme-la déja ?



T2k7#72 du 21/05/98. -28 juillet 1998 (15h58) 18
kNPNLS97E

JK -Pas directement. à Gitarama oui, une fois, je l'ai vu à Giarama une fois. à Giseni je l'ai vu une fois
et puis en exil. Donc c’est pas quelqu'un que j'ai fréquenté assez souvent.

MD -Alors vous, vous ne pouvez pas déterminer combien exactement, combien de [inaudible] qui avait
l'argent ?

TK -Non.

MD -Est-ce que cet argent-là devait servir quand même pour les militaires, pour acheter des armes, pour
acheter des.

TK -Pour acheter des armes je ne pense pas puisque c'était des, des coupures en francs rwandais, et les
francs rwandais personne n’en voulait.

MD -Alors ça servait à... c’était pour quoi ?

JK -Ça servait juste à l’intérieur du pays, mais ça ne pouvait pas servir pour acheter des armes.
MD _-Et c’est pour ça qu’en arrivant au Zaïre ça avait, ça avait plus de... ça avait plus de valeur ? TS
TK -C’est à dire pas tellement de valeur, ça je l’avais déjà dit à plusieurs reprises à la radio. Pour faire
comprendre aux gens, puisque la plupart des gens ne comprenaient pas que l'argent, du moins en ce qui
concerne le pays, n’a de valeur qu’à l’intérieur du pays.

MD -Et concernant les, les ressources naturelles qui, qui étaient là, toutes les, tous les biens qui
appartenaient au pays comme les, les métaux précieux ou les heu... tout le restant, est-ce qu'à un certain
moment vous, le gouvernement s’est assis et a fait une évaluation de ses avoirs ?

JK -Le gouvernement n’a pas fait une évaluation de ses avoirs parce qu’il n'avait... je crois que
physiquement il ne pouvait pas les, le faire parce qu’il n’y avait pas de papier, disons de document qui aurait
pu le prouver, mais le gouvernement a fait heu, disons des, a pris des décisions sur les... les avoirs. Quand...
avant l’exil. Quand on était à Gisenyi, on a pris des décisions, certaines décisions. =
MD -Vous avez pris des décisions sur ces avoirs, qui étaient, qui étaient lesquels ?

JK -Qui étaient le. les métaux précieux, le, le stock de café et le stock de thé.

MD -Qu'est-ce.…. qu'est-ce que... c'était.

JK -C'est ce qu’on verra après. Parce que c’est ça qui est prévu dans les pages qui suivent.

MD -D'accord. Mais vous avez appris, heu, à un moment donné que le ministre de la Défense avait de lui-
même, avait pris l'initiative de... de faire des ventes ?

JK -De la Défense, je ne crois pas que c’était lui.

MD -Heu.. le ministre, vous nous dites, qui avait, qui. heu. m'a déclaré avoir vendu un métal précieux



T2K7#72 du 21/05/98. 28 juillet 1998 (15h58) 19
K0055976

appelé heu.

JK Mais c'est pas le ministre de la Défense.

MD -Non de la Jeunesse ?

JK -De la Jeunesse.

MD -Dela] eunesse, oui.

TK C'est pas... je dirai Pas que c’est de lui-même, c’est à dire que lui il avait en Charge le dossier sur ces

métaux précieux, mais l'initiative de vendre et de chercher des clients, il devait le faire conjointement avec

que quand il est revenu le métal avait déjà été vendu.

RÉRÉRE

-Est-ce que vous le Connaissiez vous, le type de COPIMAR ?
-Non.

-Vous l’aviez jamais rencontré ? rie

c’est lui qui s’est présenté à moi, qui, qui...

MD
JK

JK

-A Nairobi.

#7%'affaires zaïrois.

MD
JK
intérêt.
MD
JK
MD
JK

“Est-ce qu’il. vous avez PaS $On nom, Vous avez aucun, aucune information sur cette personne ?

Mais il vous a parlé à ce moment-là, du ministre millionnaire ?
“Oui.
-Et vous avez compris ?

-Oui j'ai compris.



TIK#72 du 21/05/98 28 juillet 1998 (léh21) 20


40955977

est-il advenu de ça?
TK -Jene sais PAS, je... depuis que j’ai été nommé premier ministre je n’ai Pas eu à faire avec Ja Banque
Populaire. Aucun geste, aucun acte.

MD -Est-ce que Vous savez si des militaires ont... ont été employés Pour déménager les, es caisses
d’argent de Ja Banque nationale ”
K -Sûrement, sûrement puisqu'il fallait des éscortes, donc je ne vois pas disons de, des déplacements

de fonds sans escorte.



T2K7472 du 21405/98 -28 juillet 1998 {16h21 : 21
10955978

MD -Est-ce qu'il y a des gens, des noms en particulier qui ont été apportés à votre attention ?

JK -Je ne me suis jamais penché sur les, ces transferts-là. Parce que j'ai. je voulais éviter la collusion entre

les fonctions, d'être un politicien et de... et d’être en train de courir derrière l'argent, parce que je le

reprochais aux autres.

MD -Là on parle quand même de, des coffres de l'Etat

JK -Oui.

MD -Dupays que vous dirigez ?

K -Oui, mais chacun avait sa responsabilité. Donc le ministre de. des Finances, le gouverneur de la

Banque nationale, avaient ces responsabilités-là.

MD -Est-ce que vous avez entendu des rumeurs ou des, des... reçu des informations sur certaines

Personnes en particulier, qui auraient, qui auraient pu être impliqué dans ces transferts d’argent ?

K -Non, moi je n’ai, comme je dis, je n’ai pas voulu suivre, je n’ai pas voulu, je l'ai fait exprès. Donc

c’est à dire que j’aurai pu si j'avais voulu, j'aurai pu savoir exactement ce qu’ils faisaient, mais je n’ai pas

voulu, je me suis gardé, je me suis retenu, je me suis gardé de suivre... les personnes qui étaient impliquées

Sont pour moi les responsables, Denis Ndengibahoze en tant que &ouverneur de la Banque centrale et

Ndindabahizi Emmanuel en tant que ministre des Finances, ce sont les deux seuls responsables pour moi.

MD -C'est ça. Eux avaient l'entière responsabilité ?

TK Oui.

PD -Quel était votre but lorsque vous avez fait faire des auditions ou des recherches par Monsieur

Innocent Habamenshi ?

JK -Habamenshi, lui c’est un ancien contrôleur général de la Banque centrale, et on me l'avait, et on me

l'avait donné comme ministre disons de l’économie quand nous sommes arrivés en exil. J’en ai profité, j'ai

7° Youlu profiter de ses connaissances pour qu’il me fasse, il me fasse ces recherches, Puisque maintenant qu’on

était à tête reposée je crois que j’avais besoin de ces informations que je n’avais pas voulues en période de

crise. Pour les raisons que j'ai évoquées, que, parce que je savais que de toutes façons, d’une façon ou d’une

autre on devrait rendre des comptes, l'argent ne peut pas disparaître comme ça.

PD -Vous saviez qu’un jour vous auriez à rendre compte de la disparition de l'argent ?

JK Je n'ai jamais entendu parler dans aucun système où des milliards se disparaissent et puis personne

ne pose de questions. J'ai jamais entendu parler de ça. Dans... même en période de guerre, dans tous les pays

du monde, en matière d'argent chaque fois il y a des comptes à rendre à la fin des fins.



T2k7472 du 21/05/98. -28 juillet 1998 (16H21) 22


K00:5979
MD Çava.
PD -Oui On Peut poursuivre l’autre Paragraphe qui est Je Premier cas.
JK -Le premier cas, que j'ai déjà en fait cité, Callixte Nzabonimana qui comme je l'ai expliqué qui.

i m'a avoué avoir détourné au minimum cinq cent trente mille dollars américains d’argent du SOuvernement

ça
MD C’est des choses qui sautent.
D



T2k7#72 du 21/05/98. 28 juillet 1998 (6h21) 23
0065980

avant mars 95 au Kenya, et les aurait détournés à son profit malgré le fait que ce soit le gouvernement qui
les avait payes. Quatrième cas : Nsabumukunzi, ministre de l'Agriculture et de l'élevage. II fut chargé
d'occuper heu de s'occuper du café et du thé entreposé dans le sud. Les stocks furent vidés, les gens parlant
même de transport par bateau vers le Zaïre, de camions venant des usines de thé de Gikongoro et de
Cyangugu. L’estimation minimale fait état de cent mille dollars américains de détournement. Moi je l'estime
à plus. Je lui ai demandé l'argent, il n'a jamais voulu me le remettre, sauf une fois où je me suis rendu l’aviser
que le président Sindikubwabo s'était fait expulser de son logement pour non-paiement. II m'a remis huit
mille dollars que j’ai divisés avec le Président conservant cinq mille Pour moi et remettant trois mille dollars
au Président. Le cinquième cas : Bicamumpaka, ministre de la Coopération, des Affaires étrangères et de
la coopération. Il avait accès aux montants disponibles sur les comptes des ambassades. Un montant de cent
trente mille dollars environ sur le compte de l’ambassade du Zaïre reste à ce jour à justifier. Le sixième cas:
Karemera Edouard, ministre de l'Intérieur. Un montant que j'estime à environ vingt millions de dollars.
de... vingt millions de francs rwandais lui avait été remis pour être distribué dans les préfectures pour remettre
à La défense civile. Comme cet argent lui fut remis vers la toute fin de la guerre, il n’a pas eu le temps de tout
distribuer. Septième cas: Bizimana, ministre de la Défense. Il devait gérer d'énormes montants pour les
Commandes d'armement militaire. A ce titre, il a eu à gérer des montants qui n’ont pas été justifiés. Une
Correspondance entre nous, datant de septembre 94 montre clairement que des montants en suspens pour
trois commandes déjà payées non-reçues doivent être justifiés. Un montant de un million de dollars américains
remis à un chinois de Hong-Kong Ce contrat fut signé par Kabiligi à Nairobi juste avant la guerre. Un autre
MOntant de un million de dollars américains payés en Afrique du Sud, pour le même genre de livraison par
le même responsable Nzirorera dont le paiement avait été fait avant l’exil, pour une livraison d'armes annulée
vers la fin 94-début 95. Le Zaïre ne voulant pas délivrer un certificat de livraison finale. Cette cargaison ayant
7êté commandée et payée devait être remboursée. Comme ils ne voulaient pas nous rembourser nous devions
tenter de... d’obtenir ces armes et munitions. Le dossier reste à ce jour en suspens. Le huitième cas :
Bizimungu, le général-major, le gouverneur de la Banque nationale, Denis Uriliwimbabazi [phonétique] [sic]
sur l’ordre du ministre des Finances Ndindabahizi, autorisé par le conseil des ministres a remis un peu plus
de deux cent mille dollars aux militaires de l'Etat-major. Lorsque j'ai demandé à Bizimungu de se justifier,
il me disait qu’il le fera en temps opportun. Le neuvième cas, Barushimana Eugène, fonctionnaire de Ja
RWANDEX, il vit présentement en exil en Europe. Dans la transaction de café entre la RWANDEX et le

ministère des Travaux publics, et le ministre des Travaux publics Nsengiyumva, il aurait récupéré six cent



T2K7#72 du 21/05/98. -29 juillet 1998 (16h4 :i 24
10955781

quarante mille dollars américains de la transaction de la vente de café qu'ils avaient entreposé à l'OSACAF
[phonetique] à Goma. Le dixième cas, Musabe Pasteur, directeur de la Banque continentale africaine du
Rwanda. La BACAR HI était le petit frère de Bagosora, les gens fapportent qu'ils auraient à Goma divisé
l'actif de la banque par la pesée au lieu du comptage. Après il s’est rendu au Cameroun. Je n’ai aucune preuve
seulement des oui-dires de cet événement. Le onzième cas, c'est le cas de Marcel [?1. le directeur de la



T2K7#72 du 21/05/98 28 juillet 1998 (16h21 ) 25


10955989

PD -Avec les ministres.

JK “Est-ce que je peux m’absenter ?

PD . [inaudible]

MD -Vous voulez aller aux toilettes ? - | __-
fPD -Onva.

MD -On va faire [inaudible], il reste deux minutes, on [inaudible]
PD -On peut S’arrêter là peut-être puis...

MD Oui

PD -. reprendre après.

MD -Alors on va changer, on va en Profiter pour changer de rubans.
PD -Alors [inaudible]

MD -Finde72B. Alors je vais.

Fin de la face B de la Cassette # 72.

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T2K7472 du 21/05/98. -28 juillet 1998 (16h21) 26
Haut

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