Fiche du document numéro 23648

Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Num
23648
Date
Mardi 12 février 2019
Amj
Auteur
Fichier
Taille
261124
Urlorg
Titre
Transcription de l'interview d'Hubert Védrine
Soustitre
Hubert Védrine : « Tout le monde sait qu’Arusha, c’est le résultat de la pression de la France ! ».
Nom cité
Source
Fonds d'archives
Type
Transcription d'une émission de télévision
Langue
FR
Citation
Lien :
https://information.tv5monde.com/afrique/genocide-au-rwanda-hubert-vedrine-repond-aux-revelations-de-medias-francais-283785

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HUBERT VEDRINE SUR LE PLATEAU DE TV5 MONDE, LE 12 FEVRIER 2019.

NB. – Les principaux bégaiements ainsi que les acquiescements de complaisance du journaliste ont été supprimés.

[Début de la transcription à 00’ 01’’]

Mohamed Kaci : Hubert Védrine était donc à l’époque secrétaire général de l’Elysée. Hubert Védrine, aujourd’hui, est-ce que vous pouvez nous dire – vous qui étiez aux premières loges en 1994 – qui est derrière l’assassinat du Président Habyarimana ?

[00’ 13’’]

Hubert Védrine : D’abord, je voudrais dire qu’on ne peut rien comprendre après cette présentation. A peu près chaque phrase est contestable, inexacte, contestée par d’énormes quantités de démentis que les médias français ne passent jamais. Un des grands mystères dans cette affaire depuis 25 ans, sur le génocide, c’est qu’il y a une mise en accusation de la France unilatérale, une forme de réquisitoire, qu’en France en fait. Et que tout ce qui a pu être dit, depuis, par Carla Del Ponte, par la justice espagnole, par l’immense expert belge Filip Reyntjens, qui est un auteur du Que sais-je ? sur le génocide des Tutsi au Rwanda...

[00’ 47’’]

Mohamed Kaci : Il y a quand même eu Pierre Péan, aussi. Il y a quand même eu un juge, aussi, – Bruguière – qui a été plutôt du côté de la thèse de la France.

[00’ 54’’]

Hubert Védrine : Ce n’est pas la thèse de la France ! La question, c’est... Et puis la France, c’est qui ? Ce n’est pas la thèse de la France. C’est : « Quels sont les faits ? ». Alors, il y a Pierre Péan à un moment donné mais qui a été très, très maltraité par les médias. Il a été ostracisé par l’ensemble des médias qui sont sur l’autre ligne. C’est curieux d’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi les médias français s’obstinent à donner la parole que dans un sens. Par exemple, les généraux français, qui sont nombreux – qui ont eu à apporter des témoignages pour démentir, autrefois Saint-Exupéry, maintenant Ancel et d’autres –, ne passent à peu près jamais dans les médias français. Que ce soit dans les médias écrits ou le reste. Donc, faudrait reprendre, mais on n’a pas une heure devant nous. En tout cas, je voudrais dire ici que la façon dont cette question est racontée, en France uniquement – de plus en plus, il y a un microphénomène français – depuis 15 à 25 ans, pour moi, c’est le plus grand scandale politico-médiatique depuis… 30, 40 ans. Je ne sais même pas à quand il faut remonter pour avoir une accusation aussi monstrueuse, aussi fausse. Et par ailleurs débile, parce que le Rwanda ne représentait aucun enjeu stratégique. Contrairement à ce que je viens d’entendre à nouveau, pour la centième fois, mais c’est absurde...

[01’ 58’’]

Mohamed Kaci : Alors, on a bien compris que vous ne partagiez pas le traitement médiatique, Hubert Védrine. Mais dites-nous...

[02’ 01’’]

Hubert Védrine : Ce n’est pas que je ne partage pas, je m’interroge sérieusement. Je ne comprends pas les motivations. Je ne comprends pas que, par exemple, on ne rappelle pas que Saint-Exupéry a été condamné – qui est par ailleurs un bon journaliste, sur les autres sujets –, condamné pour diffamation, en première et deuxième instance. En disant les mêmes choses que ce qu’Ancel prétend avoir redécouvert, des années et des années après. Après n’avoir rien dit pendant 20 ans. Donc, il y a un traitement que je ne comprends pas, objectivement.

[02’ 24’’]

Mohamed Kaci : Ça, on a bien compris : vous ne comprenez pas le traitement médiatique. Hubert Védrine…

[02’ 28’’]

Hubert Védrine : Oui, oui, oui.

[02’ 29’’]

Mohamed Kaci : L’assassinat du Président Habyarimana, avec cette note de la DGSE...

[02’ 31’’]

Hubert Védrine : Et la présentation en fait partie.

[02’ 32’’]

Mohamed Kaci : Vous l’avez déjà dit, Hubert Védrine. Sur l’assassinat de l’ancien Président qui venait de signer un accord…

[02’ 34’’]

Hubert Védrine : Mais j’ai le droit de me répéter ! Vous vous répétez depuis des années. J’ai le droit de me répéter [inaudible].

[02’ 39’’]

Mohamed Kaci : Sur l’assassinat du Président Habyarimana, avec cette note de la DGSE, dites-nous aujourd’hui, vous, 25 ans après, qui est derrière ? Et pourquoi est-ce que vous-même...

[02’ 46’’]

Hubert Védrine : Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire…

[02’ 48’’]

Mohamed Kaci : Vous avez parfois laissé supposer que c’était les rebelles qui étaient des Tutsi, avec le Président Kagame aujourd’hui qui est à leur tête ?

[02’ 52’’]

Hubert Védrine : Qu’est-ce que c’est que cette histoire de note de la DGSE ? Vous l’avez vu ?

[02’ 57’’]

Mohamed Kaci : Oui, on en a parlé à l’image.

[02’ 59’’]

Hubert Védrine : Qui en a parlé ? Qui a vu une note sur des centaines ou des milliers de notes ? Vous connaissez la destination de cette note ? Elle a eu une influence ? Est-ce qu’elle n’a pas été écartée tout de suite ? Peut-être que c’était un ramassis de colportages ou de ragots de l’époque ?

[03’ 14’’]

Mohamed Kaci : Ce ne serait pas la seule, du coup. Il y a d’autres documents...

[03’ 16’’]
Hubert Védrine : Oui.

[03’ 17’’]

Mohamed Kaci : Qui parlent notamment de… La France a soutenu ceux qui deviendront les VIP du génocide. Il y a plusieurs notes.

[03’ 21’’]

Hubert Védrine : Non, mais c’est quoi votre document ? Qu’est-ce que c’est que cette...

[03’ 24’’]

Mohamed Kaci : C’est un document déclassifié.

[03’ 25’’]

Hubert Védrine : Vous n’êtes pas un juge ! C’est quoi ça ? C’est quoi votre document ?

[03’ 28’’]

Mohamed Kaci : Des documents officiels.

[03’ 30’’]

Hubert Védrine : De quoi ? Mais ça veut dire quoi ? Il y a des milliers de documents. Dans les...

[03’ 33’’]

Mohamed Kaci : Donc, Hubert Védrine, 25 ans après, vous n’êtes pas capable de nous dire quelques éléments sur l’assassinat de l’ancien Président.

[03’ 38’’]

Hubert Védrine : Eh bien, les juges ont renoncé ! Bruguière n’a pas conclu. Il pensait plutôt que c’était les Tutsi. Trévidic pensait plutôt que c’était les Hutu mais il n’a pas conclu. Et les deux juges récents ont conclu par un non-lieu. Donc, ils ne savent pas. Qu’est-ce que je suis, moi, pour savoir ce qui s’est passé ? En plus, je voudrais vous faire une remarque : quand il y a l’attentat contre l’avion qui ramenait d’Arusha les deux présidents du Rwanda et du Burundi…

[04’ 00’’]

Mohamed Kaci : Et du Burundi, oui.

[04’ 01’’]

Hubert Védrine : On a oublié le pauvre Président du Burundi [sourire]. Ils venaient d’Arusha parce que la France, pas à ce moment-là mais l’année d’avant, avait imposé à Arusha – c’est le lieu où il y a plein de conférences parce que c’est là où il y a plein d’hôtels – un accord de compromis, qui était l’objectif poursuivi par la France de Mitterrand depuis 90. Parce qu’on ne comprend rien si on se noie dans le détail de 94 et des horreurs du génocide. En 90, il y a une attaque par Kagame – donc à la tête du FPR – et l’armée ougandaise...

[04’ 25’’]

Mohamed Kaci : Les rebelles, oui.

[04’ 26’’]

Hubert Védrine : C’est à partir de là qu’il y a l’engrenage qui conduit par différentes étapes au durcissement, effrayant, du régime hutu. Mais la France est engagée dans une course de vitesse – d’abord Mitterrand, puis Mitterrand, Balladur, Juppé et Léotard puisqu’ils sont d’accord avec cette tentative pour arrêter la guerre civile – et ça conduit aux accords d’Arusha l’été d’avant, l’été 93. Avec un travail formidable d’Alain Juppé. C’est dans la mise en œuvre de ces accords d’Arusha… Parce qu’on avait imposé aux uns et aux autres qui ne voulaient pas partager le pouvoir, en réalité. Les Hutu voulaient tout garder et les Tutsi voulaient tout reconquérir. On a imposé un partage en leur tordant le bras. On n’est pas l’ami du gouvernement d’avant puisqu’on leur tord le bras. Si on n’avait... Attendez ! Si on n’avait pas été les amis... Si on avait été les amis, on n’aurait pas fait Arusha. Quand on en arrive à l’attentat – votre question – alors, soit ce sont les extrémistes hutu qui ne veulent pas...

[05’ 14’’]

Mohamed Kaci : Le noyau dur de leur président.

[05’ 15’’]

Hubert Védrine : Oui, vous avez raison. Qui ne veulent pas que leur président lâche le pouvoir. Et à ce moment-là, c’est honorable pour la France ! Parce qu’ils font l’attentat contre la politique de la France, qui impose un compromis pour arrêter la guerre civile. Ou alors, ce sont les extrémistes tutsi. Ceux qui ont dit, d’ailleurs à plusieurs reprises… Pas simplement une note, parmi des milliers, de la DGSE, mais les anciens proches du Président Kagame, qui l’ont quitté quand il est devenu trop despotique. Et qui ont dit que c’était eux qui avaient monté l’attentat. Y compris plusieurs d’entre eux qui ont disparu ou qui ont été assassinés après avoir dit ça. Si c’est les Tutsi qui ont fait ça, c’est pour arrêter la politique de la France d’Arusha ! Je veux dire : en quoi le fait de savoir que ce soit tel ou tel qui a fait l’attentat est mauvais pour la France ? Dans les deux cas, c’est un hommage à la politique de la France qui voulait imposer...

[05’ 58’’]

Mohamed Kaci : Hubert Védrine, pourquoi la France soutenait à l’époque le régime hutu qui comportait ce noyau dur ?

[06’ 05’’]

Hubert Védrine : Oui.

[06’ 05’’]

Mohamed Kaci : On sait, ça fait des dizaines d’années. Et pas que... Vous avez cité l’année…

[06’ 08’’]

Hubert Védrine : Où est-ce que vous avez appris ça ?

[06’ 09’’]

Mohamed Kaci : Vous avez cité l’année 1990...

[06’ 10’’]

Hubert Védrine : C’est le point de départ.

[06’ 11’’]

Mohamed Kaci : Il y a des plans, le génocide ne s’est pas perpétré du jour au lendemain. Depuis des décennies, il y avait au Rwanda cette idée de mener une épuration ethnique, en tout cas de mener un génocide contre les Tutsi ?

[06’ 20’’]

Hubert Védrine : Qu’est-ce que vous racontez ? Le déclenchement, c’est l’attaque en 90 ! C’est à partir de là que Mitterrand, qui connaît bien – parce qu’il avait été ministre de la France d’outre-mer très longtemps avant –, il voit qu’il y a un risque monstrueux de guerre civile. Personne n’imaginait que ça prendrait ces proportions. Donc, il dit : « Faut intervenir pour stopper l’attaque du FPR et de l’armée de l’Ouganda et imposer un compromis politique ». Ça paraît dur. Fallait faire revenir les réfugiés, qui étaient les Tutsi qui étaient partis en Ouganda après les massacres de 62. Donc, la politique de la France de 90 à 93, c’est d’imposer un compromis. Précisément, parce qu’on sait très bien que les Tutsi veulent prendre tout le pouvoir et que les Hutu ne veulent rien lâcher.

[06’ 57’’]

Mohamed Kaci : Hubert Védrine, tout à l’heure vous critiquiez la presse... Je vais vous citer, pardonnez-moi… Je vais vous citer la presse…

[07’ 00’’]

Hubert Védrine : Attendez !

[07’ 00’’]

Mohamed Kaci : Je vais vous citer la presse belge.

[07’ 01’’]

Hubert Védrine : Laissez-moi répondre à votre question.

[07’ 03’’]

Mohamed Kaci : Oui, allez-y.

[07’ 04’’]

Hubert Védrine : Si la France était l’amie de ce gouvernement, elle ne ferait pas Arusha ! Arusha, c’est : imposer un compromis, un partage du pouvoir. A quel moment, la France se comporte en ami de ce gouvernement, dont on tord le bras ? On fait tomber le gouvernement. Il y a un gouvernement intérimaire, qui est considéré comme un peu moins pire que celui d’avant [inaudible] Arusha.

[07’ 19’’]

Mohamed Kaci : Vous dites : « On tord le bras » depuis tout à l’heure. Mais à Arusha, il n’y avait pas de hauts représentants français. C’était le délégué..., c’était un représentant de l’ambassade de France, en poste à Kigali, qui a assisté, il me semble. Juste la précision.

[07’ 29’’]

Hubert Védrine : Oui. Tout le monde sait qu’Arusha, c’est le résultat de la pression de la France !

[07’ 31’’]

Mohamed Kaci : Oui. Vous parliez de la presse française tout à l’heure. J’aimerais… La presse belge en 1992 évoque le mot de « génocide »... En tout cas, pardon, pas la presse belge : la ligue belge des droits de l’homme l’évoque déjà. Ça, la France le sait à ce moment-là ? Que fait-elle à partir de 1992 ?

[07’ 44’’]

Hubert Védrine : Mais la France est dans une course de vitesse. La politique de la France d’imposer le compromis d’Arusha, en disant : « On a défendu votre frontière mais vous devez faire le compromis politique », c’est un chantage ! Mais c’est un chantage pour leur imposer un compromis. Donc, si la France avait été l’amie de ceux qui sont devenus après les génocidaires, elle n’aurait jamais fait ça ! Elle n’aurait jamais imposé Arusha !

[08’ 04’’]

Mohamed Kaci : Sur la question...

[08’ 05’’]

Hubert Védrine : Donc, la politique de la France, comment dire, devrait être reconnue pour ce qu’elle a été : c’est-à-dire assez bien reconnue dans une dizaine de bouquins. J’ai cité celui-là. Mais il y a Judi Rever, aussi, la Canadienne, qui a fait un travail extraordinaire à partir des archives du TPR et puis de la Cour pénale pour savoir ce qui s’est passé vraiment. Donc, il y a… Il y a le documentaire de la BBC. J’ai cité Carla Del Ponte. Je pense qu’il serait temps que les médias français corrigent un peu leur manquement déontologique des 20 dernières années.

[08’ 30’’]

Mohamed Kaci : En fait, ils ont tort sur tout, Hubert Védrine ? Pardonnez-moi. Ils ont tort sur tout, ils mentent sur tout, donc, vous remettez aujourd’hui en cause…

[08’ 34’’]

Hubert Védrine : Ils ont tort…

[08’ 35’’]

Mohamed Kaci : A l’heure où les médias sont souvent la cible, vous remettez en cause tout ce qu’ils ont fait depuis le début ? Pourquoi les médias diraient, par exemple, que la France a réarmé des génocidaires ? Quel serait l’intérêt, sincèrement ?

[08’ 44’’]

Hubert Védrine : Je pense que les...
[08’ 45’’]

Mohamed Kaci : Non, mais je vous pose la question : quel serait l’intérêt des médias de susciter tel et tel... C’est grave, quand même, comme accusation ?

[08’ 50’’]

Hubert Védrine : Mais, moi, je ne suis pas là pour répondre à des médias ! Je constate que la France est devenue à peu près le seul pays où on ne peut pas confronter les deux thèses.

[08’ 57’’]

Mohamed Kaci : En l’occurrence, c’est le pays qui est concerné par le sujet ! On ne va pas demander... Hubert Védrine, on ne va pas demander...

[09’ 00’’]

Hubert Védrine : J’ai tort de vous dire ça ?

[09’ 02’’]

Mohamed Kaci : C’est normal que ce soit la France ?

[09’ 03’’]

Hubert Védrine : Et alors, pour qui… Il ne faut pas s’intéresser à la politique de Kagame ?

[09’ 06’’]

Mohamed Kaci : Je ne dis pas ça. Mais l’argument a des limites. Sur la question…

[09’ 08’’]

Hubert Védrine : Il y a celle des Etats-Unis. Il y a ce que disent les Congolais, les Tanzaniens. Et aussi les autres. Pourquoi est-ce que vous êtes que franco-français ? Mais j’ai tort de vous faire des reproches puisque vous m’invitez.

[09’ 18’’]

Mohamed Kaci : Vous n’avez aucun regret sur ce qui s’est passé au Rwanda ?

[09’ 19’’]

Hubert Védrine : Si. Si. Si.

[09’ 20’’]

Mohamed Kaci : Nicolas Sarkozy avait déclaré qu’il y avait eu des erreurs d’appréciation...

[09’ 23’’]

Hubert Védrine : Ça veut dire quoi ? Eh bien, vous lui demanderez ! A mon avis, il y a un vrai regret. J’ai un vrai regret, moi. Je pense que la politique de Mitterrand, puis Balladur, Juppé, Léotard, etc., jusqu’en 93...

[09’ 34’’]

Mohamed Kaci : François Léotard, ministre de la Défense. Alain Juppé, vous l’avez dit, aux Affaires étrangères.

[09’ 37’’]

Hubert Védrine : Vous avez raison. Je pense qu’elle est très justifiée jusqu’aux accords d’Arusha. Parce que, vraiment, on a arrêté l’engrenage de la guerre civile, on a imposé un compromis. On a tordu le bras à des Hutu – nos pseudos amis –, on a tordu le bras et les Tutsi vont devoir se contenter d’un compromis. Enfin, c’est mieux que les massacres généralisés et le génocide. Là, je pense qu’il y a une erreur d’appréciation : à ce moment-là – mais ça ne concerne pas du tout les choses délirantes qui sont dites sur Turquoise qui a eu lieu un an après, après qu’il y a eu le génocide, pendant, ou après –, c’est que, au moment d’Arusha, on aurait dû se rendre compte que les uns et les autres ne voulaient pas l’appliquer, en fait. Qu’il y avait des extrémistes de part et d’autre et qu’ils allaient tout faire pour saboter. Mais on était tellement soulagé d’avoir interrompu la guerre civile qu’on s’est dit : « On peut rapatrier les troupes ». Donc, à ce moment-là, il aurait fallu, au contraire, avoir un déploiement international et onusien et africain énorme pour imposer aux deux parties de respecter les accords d’Arusha. C’était un partage du pouvoir, c’était compliqué : pouvoir exécutif, judiciaire, le Parlement. Donc, là, je pense qu’il y a une vraie erreur à ce moment-là.

[10’ 39’’]

Mohamed Kaci : Erreur de la part de qui ?

[10’ 41’’]

Hubert Védrine : Eh bien, y compris de la France. Mais ça n’a rien à voir avec les accusations véhiculées depuis 20 ans ! Parce que les accusations, que je trouve à la fois monstrueuses et débiles puisque… Et fausses bien sûr ! Puisqu’il n’y a pas d’enjeu stratégique au Rwanda. Il y a un enjeu global sur... C’est ce que pensait Mitterrand au début sur...

[10’ 54’’]

Mohamed Kaci : Hubert Védrine, si tout est faux, pourquoi est-ce qu’il n’y a pas de déclassification ? On en termine avec cette histoire qui, vous dites, revient sans cesse comme leitmotiv. On ouvre tout !

[11’ 01’’]

Hubert Védrine : Mais le...

[11’ 02’’]

Mohamed Kaci : On ouvre tout, divulgue tout, on dit...

[11’ 03’’]

Hubert Védrine : D’abord, je n’y peux rien. Je n’ai jamais été contre ça, moi !

[11’ 06’’]

Mohamed Kaci : Eh bien, pourquoi ce n’est pas fait aujourd’hui ?

[11’ 08’’]

Hubert Védrine : Mais je n’ai pas de pouvoir, moi.

[11’ 09’’]

Mohamed Kaci : Aujourd’hui, vous appelez Emmanuel Macron à le faire ?

[11’ 10’’]

Hubert Védrine : Non, mais... Comment dire... La France est le pays qui a le plus déclassifié. Comme les accusateurs, les procureurs auto-désignés ne trouvent jamais – et pour cause – confirmation de ce qu’ils racontent dans les médias français depuis des années, ils disent : « On cache les vrais documents ». Ils ne demandent jamais l’ouverture des archives du Rwanda.

[11’ 26’’]

Mohamed Kaci : Vous dites que vous ne pouvez rien faire mais Dominique Bertinotti est mandataire du fonds François Mitterrand, que vous présidez encore aujourd’hui, si je ne m’abuse...

[11’ 32’’]

Hubert Védrine : Non, non, ça n’a aucun rapport !

[11’ 33’’]

Mohamed Kaci : Ça n’a aucun rapport, vous ne pouvez rien sur ça ?

[11’ 34’’]

Hubert Védrine : Non, elle est mandataire du Président avant sa mort. Il y a deux clés : la direction des Archives nationales, qui ne veut pas que la loi sur les archives présidentielles soit bafouée parce qu’il y a eu une campagne de presse. Et d’autre part, Bertinotti, qui a ça à titre personnel. Il y a deux clés. Moi, en tant que président de l’Institut Mitterrand, je n’ai aucun pouvoir là-dessus. Mais demandez les ouvertures des archives de tout le monde. Et moi, personnellement, j’ai toujours été favorable à ça puisque je pense que ça montrera ce qu’a été la politique française, en vrai.

[11’ 59’’]

Mohamed Kaci : Merci beaucoup Hubert Védrine d’avoir répondu à nos questions sur TV5 Monde.

[Fin de la transcription à 12’ 03’’]
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