Fiche du document numéro 24865

Num
24865
Date
Mardi 30 juillet 2019
Amj
Hms
11:54:00
Auteur
Fichier
Taille
137578
Urlorg
Titre
Pour Eric Dusabimana, le français est « un moyen d’échanger avec le monde »
Soustitre
Portrait. L’éditeur pour enfants Eric Dusabimana parle de son émotion à échanger en français avec ses amis ouest-africains.
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Eric Dusabimana était enfant pendant le génocide des Tutsis en 1994. Il se souvient : « Le soir, mes parents nous mettaient des habits noirs pour que l’on ne nous voie pas pendant la nuit dans la brousse où ils nous cachaient. » Malgré ces précautions, deux frères d’Eric ont été tués. Lui a entamé ses études en français, avant de « basculer » vers l’anglais.

Aujourd’hui, éditeur chez Bakame, le jeune trentenaire publie des livres pour enfants en kinyarwanda, en français et en anglais. « En 1995, sa fondatrice Agnès Gyr, une Rwandaise mariée à un Suisse germanophone, voulait redonner le sourire aux enfants. » Elle a créé Bakame, qui rassemble 220 publications, dont une dizaine en français et une dizaine en anglais. « Certaines histoires sont typiquement rwandaises et n’auraient pas de sens en français. D’autres comme La Troisième Perle sont parus en même temps en kinyar­wanda et en français. Son auteur est un Rwandais francophone qui vit en Corée du Sud. »

Le goût d’apprendre des langues étrangères



La langue française est une manière pour la maison d’édition de s’installer sur la scène internationale, de participer aux foires du livre de Francfort ou de Bologne. « Il faut une version que les éditeurs puissent lire et comprendre pour vendre les droits. » Les livres en kinyarwanda sont souvent achetés par des Rwandais de la diaspora installés en Europe ou aux États-Unis, désireux que leurs enfants continuent à pratiquer cette langue. Les livres en anglais ou en français sont choisis par des parents rwandais, avec l’espoir que leurs enfants auront ainsi le goût d’apprendre ces langues étrangères et l’envie de se perfectionner.

« Le français est la première langue étrangère que j’ai apprise », explique Eric Dusabimana, qui fut élève du petit séminaire catholique. « Aujourd’hui, les cours y sont dispensés en anglais, mais la messe et les prières sont toujours dites en français. »

« Les Français aient du mal à admettre leurs erreurs »



C’est en terre anglophone, à Buéa au Cameroun, qu’il a découvert l’utilité du français. Il y a séjourné deux ans, dans le cadre d’un programme d’échanges conçu par l’Union africaine sur le modèle du programme européen Erasmus. « Le français m’a permis de discuter avec des étudiants congolais ou maliens qui sont devenus des amis. Chaque fois que j’échange avec eux par WhatsApp ou Facebook, je retrouve la même émotion d’utiliser cette langue. » Il aime aussi lire les journaux en français. « Ils ne peuvent pas utiliser un même mot deux fois de suite. Si un journaliste parle de quelqu’un, il va trouver plusieurs expressions distinctes pour le désigner. C’est une manière de montrer la richesse de votre langue, d’en faire goûter la saveur. »

Du souvenir de ses deux séjours en France, Eric Dusabimana est resté frappé par « le pain qu’on vous offre à table sans vous faire payer. C’est un acte qui représente quelque chose de l’accueil. » En France, il s’est aussi amusé de l’amour du football qui y règne : « Chaque Français se prend pour l’entraîneur de l’équipe nationale. » Mais du génocide et du rôle de la France, il se désole du fait que « les Français aient du mal à admettre leurs erreurs et à demander pardon. »
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