Fiche du document numéro 29085

Num
29085
Date
Samedi 1er février 2014
Amj
Auteur
Fichier
Taille
473106
Urlorg
Titre
Voir/ne pas voir la mort. Les représentations photographiques des conflits des Grands Lacs dans les médias français (1994-1997)
Source
Type
Article de revue
Langue
FR
Citation
Questions de communication
20 (2011)
Évoquer la mort

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François Robinet

Voir/ne pas voir la mort. Les
représentations photographiques
des conflits des Grands Lacs dans les
médias français (1994-1997)
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Référence électronique
François Robinet, « Voir/ne pas voir la mort. Les représentations photographiques des conflits des Grands Lacs dans
les médias français (1994-1997) », Questions de communication [En ligne], 20 | 2011, mis en ligne le 01 février
2014, consulté le 23 septembre 2015. URL : http://questionsdecommunication.revues.org/1990
Éditeur : Presses universitaires de Nancy
http://questionsdecommunication.revues.org
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Document accessible en ligne sur : http://questionsdecommunication.revues.org/1990
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questions de communication, 2011, 20, 49-78

> DOSSIER

François Robinet
Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines
Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
francois.robinet2@free.fr

Voir/ne pas voir la mort1.
Les représentations photographiques des conflits
des Grands Lacs dans les médias français (1994-1997)

Résumé. — L’analyse des représentations photographiques de la mort lors de la
couverture des conflits des Grands Lacs entre 1994 et 1997 permet d’établir deux
constats principaux. D’abord, la mort occupe une place relativement conséquente au
regard du nombre de clichés, de la place prise par les photographies et de la diversité des
formes de représentation ; cependant, entre euphémisation et exacerbation, sa présence
reste très variable, souvent stéréotypée et fondée sur l’iconographie de la douleur. Ensuite,
ces représentations constituent un enjeu majeur pour certains acteurs qui tentent
d’exercer une influence sur l’utilisation faite de la mort dans les médias ; la couverture
photographique donne alors à voir une reconstruction de l’événement qui résulte des
interactions complexes entre la communication institutionnelle, la sphère médiatique et
les acteurs sur le terrain (belligérants, humanitaires).
Mots clés. — Rwanda, Grands Lacs (Afrique), Congo, médias, conflits, photographie,
mort.

1

Formule empruntée à l’ouvrage dirigé par L. Gervereau (2001).

49

Fr. Robinet

«D

ans la conscience des spectateurs du monde riche, l’Afrique
postcoloniale existe avant tout […] comme une succession de
photos inoubliables exhibant des victimes aux yeux immenses »
(Sontag, 1977 : 79). À travers ce constat, Susan Sontag souligne la prédominance
des clichés de victimes mortes ou agonisantes dans la couverture de l’actualité
africaine. Prolongeant la réflexion amorcée trente ans plus tôt dans Sur la
photographie (Sontag, 1977), elle estime que cette tendance forte contribue à
imposer un regard monolithique sur le continent africain mais aussi à banaliser
les scènes de souffrance2. Dès lors, une réflexion sur les représentations non
fictionnelles de la mort dans les médias paraît difficilement pouvoir faire
l’économie d‘une analyse de la couverture médiatique des situations de conflit
et de « crises extrêmes » (Le Pape et al., 2006) sur le continent africain. Or, la
période qui court de 1994 à 1997 est, pour les populations des Grands Lacs,
un moment d’enchaînement des conflits et de ce type de crises, entendues
comme « des événements qui ont mis en péril l’existence de groupes humains
entiers » (ibid. : 11). Ces populations sont alors confrontées à une longue
séquence durant laquelle la mort de masse est omniprésente : génocide des
Tutsis et guerre civile au Rwanda entre le Front patriotique rwandais (fpr) et les
Forces armées rwandaises (far)3 d’avril à juillet 1994, épidémie de choléra dans
les camps de réfugiés rwandais du Zaïre durant l’été 1994, première guerre du
Congo (d’octobre 1996 à juin 1997), sans compter la guerre civile au Burundi
entre 1995 et 1996. Nous avons choisi de nous concentrer sur l’analyse de la
couverture photographique de ces événements4 par deux quotidiens français
(Le Figaro et Libération), trois news hebdomadaires (Le Point, L’Express, Le Nouvel
Observateur) et un magazine de photoreportage (Paris Match), six titres assurant
une certaine diversité en termes de périodicité, de positionnement politique ou
de place accordée à la photographie. Depuis la guerre du Viêt-Nam, le recours
par les médias à ce ressort émotionnel stratégique que représente la mort est
très étroitement contrôlé par les autorités (Arboit, 2003 : 835 ; Mercier, 2004 :
152) ; la mort se fait alors le plus souvent rare et euphémisée dans la couverture
de nombreux conflits (Grenade, Guerre du Golfe, etc.). Dès lors, il s’agit ici de
caractériser la place de la mort dans la couverture photographique des conflits
des Grands Lacs et de montrer comment l’étude des représentations de la mort
dans la presse met au moins partiellement en lumière le fonctionnement des
médias. Il faudra, à la fois, dégager et expliquer les évolutions dans la couverture
effectuée, décrire les différents modes de représentation d’une mort qui est
ici une mort en troisième personne en général violente, inattendue, survenue
à des milliers de kilomètres et envisager les différentes fonctions5 de ces
2
3

4
5

Sur les représentations de la souffrance et leurs effets, voir également L. Boltanski (1993).
Le Front patriotique rwandais est un parti politique créé en Ouganda en 1987 par des exilés
rwandais. Son armée, l’Armée patriotique rwandaise, s’oppose à partir de 1990 à l’armée officielle,
les Forces armées rwandaises.
La guerre au Burundi étant rarement abordée par les 6 titres, elle ne sera pas analysée ici.
Sur les enjeux spécifiques des représentations de la mort en temps de guerre, voir A. Mercier (2004).

50

dossier

Les représentations photographiques des conflits des Grands Lacs dans les médias français

représentations. Pour cela, nous avons soumis le corpus à une analyse quantitative
recensant les thèmes abordés par les photographies, les temporalités6 prises par
la mort dans l’iconographie, les types de morts figurés7 ainsi que l’origine des
victimes représentées. En appui de cette analyse, le recours à la méthodologie et
aux outils traditionnels de la sémiotique de l’image8 a permis d’établir certaines
corrélations entre le cours des événements, les moments d’intensification de
la présence de la mort et l’existence de quelques formes archétypales de
représentations de celle-ci. Ainsi verrons-nous dans un premier temps que la
présence de la mort dans la couverture photographique varie considérablement
et de manière assez indépendante des événements ; rares au cours du génocide
des Tutsis du Rwanda, les représentations de la mort sont au contraire déclinées
sous des formes très diverses durant l’épidémie de choléra en juillet 1994 ou
les débuts de la guerre du Congo en novembre 1996. Nous montrerons ensuite
que ces représentations résultent d’interactions complexes entre les conditions
de la production journalistique et les stratégies de communication développées
par certains acteurs (belligérants, humanitaires, gouvernement français, etc.).

Mort(s) qu’on ne voit pas, mort(s) qu’on expose
Les représentations de la mort, qui oscillent entre quasi-absence et mise à la
« une », s’articulent autour de quelques formes archétypales bien distinctes.

Une présence discontinue de la mort et relativement
déconnectée des événements
Une première approche statistique est permise par les photographies évoquant la
mort ou représentant des morts, à savoir toutes les photographies sur lesquelles

6

7

8

V. Jankélévitch (1977) souligne l’existence de différentes temporalités de la mort qui nous ont servi
d’outil méthodologique pour l’analyse quantitative. En effet, il distingue « l’en-deçà de la mort » (la
mort avant la mort comme éventualité abstraite, mort probable ou mort imminente), « l’instant
mortel » (cet instant durant lequel le vivant vit sa mort) et « l’au-delà de la mort » (la mort
réalisée, concrétisée, effective). Mises en relation avec le contexte, les thèmes évoqués par les
photographies et les modalités sémiotiques de celles-ci, ces temporalités nous paraissent ouvrir
de nombreuses perspectives pour décrypter les représentations de la mort et en comprendre les
effets possibles sur les récepteurs.
Parmi les critères pris en compte : le statut des victimes (civils ou militaires), le nombre de victimes
(mort individuelle/mort collective) ou encore l’identification possible des corps (visages identifiables ou non).
Notre attention s’est particulièrement portée sur la taille des photographies, le type de cadrage
adopté, l’articulation entre les plans, les effets de mise au point, le recours éventuel à la mise en
scène et enfin sur les articulations entre le cadre et le hors cadre (titres, légendes, titrailles, etc.).

dossier

51

Fr. Robinet

figurent des cadavres mais également toutes celles où se trouve une référence
directe à la mort (sous forme de symbole ou dans la titraille)9.
Rwanda
(avril-juillet 1994)10

1re Guerre du Congo
(octobre-novembre 1996 et
février-juin 1997)

Total

Réfugiés

39,2 %

39,7 %

39,5 %

Mort/morts

19,2 %

5,6 %

12 %

Militaires français

14,8 %

0

6,9 %

Belligérants

5,6 %

15,5 %

10,9 %

Hommes politiques français

4,8 %

0

2,2 %

Diplomatie

3,6 %

26 %

15,5 %

Ressortissants français

3,2 %

0

1,5 %

Habitants de Kinshasa

0

5,6 %

3%

2%

0

1%

9,2 %

5,6 %

7,3 %

Thèmes

Religieux
Divers

Tableau 1 : Principaux thèmes abordés par les photographies.10

534 photographies ont été recensées dont 250 pour les événements rwandais et
284 pour la première guerre du Congo. Loin d’être absentes, les photographies
évoquant la mort représentent 12 % des photographies du corpus, largement
derrière celles de réfugiés mais à hauteur de celles qui portent sur les négociations
ou sur les combattants. Il existe cependant un fort écart entre les deux conflits :
alors que pour le Rwanda, le thème de la mort apparaît sur près de 20 % des
clichés, celui-ci ne représente plus que 5,6 % des photographies pour le Congo.
La hiérarchie des thèmes est proche d’un titre à l’autre : si la proportion des
représentations de la mort est un peu plus importante dans les trois news
magazines (de 13 % des clichés pour Le Figaro à 42 % pour L’Express dans le
cas du Rwanda)11, en nombre de clichés, Libération est le titre qui accorde le
plus de place à la mort (suivi par Le Figaro et Paris Match). En outre, l’analyse
quantitative permet de repérer des moments d’intensification de la présence
de la mort dans la couverture. Pour le Rwanda, de fortes disparités ont ainsi
pu être observées entre une première période (du 7 avril à la mi-juillet 1994)
durant laquelle la mort est peu présente (32 photographies en 13 semaines)
et une seconde (du 15 au 31 juillet avec le premier numéro d’août pour les
La mort peut cependant se révéler sous d’autres formes (comme une menace de bombardement
sur des réfugiés), plus dépendantes de l’interprétation du lecteur et donc moins facilement quantifiables.
10
La 1re livraison du mois d’août a également été dépouillée pour les hebdomadaires.
11
Pour la première guerre du Congo : de 4,65 % des clichés pour Le Figaro à 9,1 % pour Le Point.
9

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dossier

Les représentations photographiques des conflits des Grands Lacs dans les médias français

hebdomadaires), caractérisée par une nette augmentation du nombre de clichés
représentant la mort (22 photographies). Paradoxalement, la mort semble donc
beaucoup moins présente durant les trois premiers mois (alors que s’effectue la
majeure partie du génocide et que la guerre civile bat son plein12) qu’à la fin du
mois de juillet, certes marqué par l’épidémie de choléra13, mais à un moment où
le génocide et la guerre civile sont achevés.

Tableau 2 : Rwanda 1994. Nombre de photographies évoquant la mort (par période).

De la même manière, lors de la première guerre du Congo, la présence de la
mort dans les photographies est loin d’être continue. La plus forte concentration
s’observe entre le 4 et le 16 novembre 1996 au moment du démantèlement
des camps de réfugiés hutus de l’Est du Zaïre par les forces de l’Alliance des
forces démocratiques pour la libération du Zaïre (afdl) dirigée par LaurentDésiré Kabila (quasiment la moitié des photographies évoquant la mort). Par la
suite, les clichés sur la mort sont plus rares malgré de violents combats pour la
prise de Kisangani en mars 1997 et des pertes également importantes chez les
civils14. Ainsi, dans les deux cas, la présence de la mort dans la couverture n’estelle pas forcément liée à des moments d’intensification du nombre de victimes
sur le terrain et la loi du nombre de morts/km ne suffit manifestement pas à tout
expliquer.
Enfin, l’analyse quantitative permet une première approche des formes choisies
par la presse pour représenter la mort. En nous appuyant sur les distinctions
opérées par Vladimir Jankélévitch (1977), nous pouvons d’abord remarquer que
la temporalité de la mort la plus souvent représentée est « l’au-delà de la mort »,
à savoir la mort qui a déjà frappé (64 % des photographies représentant la mort).
Le génocide a entrainé la mort d’au moins 800 000 personnes principalement tutsies. Voir le
Rapport de la commission d’enquête sur les actions des Nations-Unies lors du génocide de 1994
au Rwanda (1999, p. 3).
13
Le nombre de victimes du choléra est estimé à un peu plus de 20 000 personnes.
14
Il est cependant difficile d’établir un bilan précis du nombre de victimes civiles, les Nations Unies
et les ong n’ayant pu accéder à l’ensemble des sites. Voir C. Braeckman (1999), M. Le Pape (2000),
Rapport de l’onu (2010).
12

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Fr. Robinet

Ensuite, le moment de basculement vers la mort que le philosophe nomme
« l’instant mortel » n’apparaît que dans 7,1 % des photographies sur la mort et
semble rarement saisi par les photographes. La troisième temporalité de la mort
mise en valeur par Vladimir Jankélévitch, « l’en-deçà de la mort », cette mort
incertaine, probable ou imminente, a posé des problèmes méthodologiques.
En effet, le choix de concentrer le traitement statistique sur les photographies
évoquant de manière directe la mort ou représentant des morts a, dans un premier
temps, contraint à sous-évaluer cette temporalité et à l’envisager uniquement
sous la forme d’une mort imminente (14,2 % des clichés sur la mort). Cependant,
il apparaît que les nombreuses photographies de réfugiés peuvent également
être associées à cette temporalité de la mort (dans ses scansions d’éventualité
abstraite ou de mort probable) dans la mesure où, de manière systématique, la
vie des réfugiés est présentée comme précaire, fragile ou menacée. En ce cas,
« l’en-deçà de la mort » se trouverait être la temporalité la plus présente avec
plus de 40 % des photographies du corpus même si, pour une partie d’entre
elles, la présence de la mort reste très dépendante de l’interprétation du lecteur.
Enfin, une dernière temporalité apparaît dans la couverture, une temporalité
que nous pourrions nommer, « la vie au-delà de la mort » puisqu’il s’agit de
photographies de survivants du génocide ou des massacres. Cette temporalité
se retrouve dans 11,4 % des photographies sur la mort et majoritairement dans
le cas des événements qui se sont déroulés en 1994.
En pourcentage du nombre
total de photographies
du corpus

En pourcentage du nombre
de photographies sur la
mort

8%

64 %

« L’instant mortel ».
Le moment de basculement vers
la mort

0, 9 %

7, 1 %

« L’en-deçà de la mort ».
La mort comme menace qui
pèse sur les vivants (mort
imminente)

1, 9 %

14, 2 %

« La vie au delà de la mort »

1, 5 %

11, 4 %

Autre

0, 3 %

2, 9 %

« L’au-delà de la mort ».
La mort qui a frappé

Tableau 3 : Les différentes temporalités de la mort.

L’analyse quantitative apporte d’autres éléments de réponse quant aux formes
de représentation de la mort. D’abord, seule la mort des civils est figurée (97 %
des photographies). Ensuite, 40 % des photographies donnent à voir la mort
d’un groupe mixte de personnes constitué d’hommes, de femmes et souvent

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Les représentations photographiques des conflits des Grands Lacs dans les médias français

d’enfants15. Par ailleurs, dans 54,6 % des cas, ces morts sont seuls sur le cliché
(on présente une mort individuelle) mais la part de la mort collective s’avère
également importante (46,4 %). En outre, ces victimes sont systématiquement
anonymes et leurs visages identifiables dans 53 % des cas d’autant que 42 % des
clichés sont des gros plans ou des plans rapprochés (49 % des plans larges et un
peu plus de 8 % des plans moyens). Notons enfin que la mort est ici très rarement
présentée sous une forme exclusivement symbolique16 (3,4 % des clichés sur la
mort). Au-delà de ces premiers éléments chiffrés marquant la domination de
deux temporalités de la mort (la mort qui a frappé ; la mort comme menace),
l’oscillation constante entre mort très proche et mort lointaine et l’omniprésence
de la mort des civils, il faut à présent décrypter la construction et le contenu de
ces différentes formes tout en dégageant les principales corrélations entre ces
dernières et l’évolution des événements sur le terrain.

Des représentations de la mort qui évoluent fortement
et s’articulent autour de formes archétypales
Une typologie des formes que prennent les représentations de la mort peut
être établie à partir de deux caractères principaux : la temporalité de la mort
et la thématique évoquée par les photographies. Les trois formes archétypales
principales ainsi dégagées (la mort de masse, la mort comme menace pour
les réfugiés, la mort à laquelle ont échappé les rescapés) ouvrent de nouvelles
perspectives si l’on en décrypte les modalités sémiotiques tout en les replaçant
dans le contexte des événements et de leur couverture médiatique. La première
forme correspond à la mort de masse représentée par des fosses communes,
des charniers ou des rues jonchées de cadavres. Ce type de représentation,
d’habitude plutôt rare dans la presse, est présent de manière quasi continue lors
des événements rwandais (plus rarement lors de la première guerre du Congo).
Dans tous les cas, s’il s’agit de représenter la mort qui a frappé (« l’au-delà de
la mort ») de manière massive, on peut cependant observer des évolutions
quant à la manière d’utiliser ce type de représentations. Lors des débuts des
événements rwandais, une majorité de photographies couvrent le rapatriement
des Français et, parmi elles, quelques clichés évoquent le contexte à travers des
plans larges (ou quelques plans moyens) de cadavres de civils jonchant les rues
de Kigali. En général, ces clichés sont de petite taille (4x5 à 9x7) et la mort y
est souvent mise à distance. Cette double page de la livraison de Paris Match
du 21 avril 1994 (voir figure 1) est assez paradigmatique des représentations
de la mort de masse durant cette première période. Dans un photoreportage
de six pages, l’hebdomadaire choisit de couvrir l’évacuation des Français par les
30 % des photographies donnent uniquement à voir la mort d’enfants, 20 % celle d’un ou plusieurs
hommes et un peu moins de 10 % celle de femmes.
16
Nous entendons une mort signifiée par un symbole (une croix, des restes de vêtements, etc.),
hors de toute présence humaine ou de cadavres.
15

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Fr. Robinet

soldats de l’opération Amaryllis en présentant une première photographie d’une
Française faisant un baiser d’adieu à son mari « soldat en mission de sauvetage »,
puis une seconde qui montre des ressortissants français au moment de leur
évacuation dans les camions de l’armée. La dernière page achève cette saga par
trois photographies censées contextualiser l’opération en insistant sur le danger
mortel couru par les soldats et les ressortissants. Le cliché principal propose un
plan large montrant des soldats français conversant avec des hommes chargés
de ramasser les corps. La mort n’est évoquée que par la légende et il faut
se pencher sur deux petites photographies en bas de page pour apercevoir
quelques corps à terre dans les rues ; sur ces deux plans d’ensemble, les corps ne
sont d’ailleurs pas vraiment visibles et encore moins indentifiables. Le choix fait
par la rédaction de Paris Match est celui de la grande majorité des rédactions et
si la mort de masse n’est pas absente de cette première période, elle se trouve
euphémisée – voire masquée – par la petite taille des photographies, le peu de
place qu’on leur accorde et le choix de plans larges.
Figure 1 : La présence discrète de la mort de masse au début du génocide.

« Rwanda, la terreur et l’exode », Paris Match, n° 2343 (21/04/94, pp. 60-61).
Légende : « On empile les cadavres dans des bennes à ordures ».
Photographies : Delahaye/Sipa et Girard/Gamma.

Entre la mi-mai et la mi-juillet, ce mode de représentation reste dominant.
Les scènes sont cependant plus diverses que précédemment puisque, outre
les charniers des environs de Kigali, apparaissent les victimes du massacre de
Rukara et les corps sortis du Lac Victoria. Le véritable changement intervient
cependant à partir du 20 juillet 1994 lors de la couverture de l’épidémie de
choléra. Plus nombreux et de plus grande taille, les clichés se retrouvent parfois

56

dossier

Les représentations photographiques des conflits des Grands Lacs dans les médias français

en « une » avec des cadrages qui rapprochent le lecteur des victimes. Celles-ci
restent anonymes mais on distingue plus fréquemment leurs visages. La mort
est alors imposée au regard du lecteur comme le montre par exemple ce plan
rapproché sur les visages de cadavres enchevêtrés de très jeunes enfants paru
dans L’Express le 28 juillet 1994 (voir figure 2).
Figure 2 : Une mort de masse imposée au regard du lecteur (fin juillet 1994).

Légende : « Des cadavres d’enfants “c’est comme dans ces cauchemars où l’on reste figé, incapable
d’avancer d’un pas” », L’Express (28/07/94, pp. 20-21).
Photographie : K. Bernstein/FSP/Gamma.

Par ailleurs, le thème des fosses communes apparaît dans une scène publiée
dans L’Express du 28 juillet 1994 (voir figure 3), que l’on retrouve également
dans les éditions du Figaro et de Libération du 22 juillet ainsi que dans Le Point
du 30 juillet. Une vingtaine de corps recouverts de linceuls ont été déposés
dans le fond d’un fossé en surplomb duquel se tiennent des réfugiés. Le titre et
la légende témoignent de l’alarmisme des humanitaires sur la situation de ces
réfugiés encore vivants et mènent le lecteur à voir ici des morts en puissance
si bien que « l’en-deçà de la mort » côtoie sur le même cliché « l’au-delà de
la mort ». D’ailleurs, sur la plupart des photographies qui représentent la mort
de masse fin juillet-début août, les vivants (particulièrement les enfants) ne sont
jamais bien loin des morts. Ainsi, dans un des rares exemples de mise à la « une »
de « l’au-delà de la mort », Le Figaro du 22 juillet 1994, présente-t-il cette même
scène avec au premier plan une petite fille qui regarde l’objectif.

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Fr. Robinet
Figure 3 : La mort de masse : les fosses communes de Goma.17

Christian Hoche, « Rwanda : l’horreur du monde », L’Express (28/07/94, pp. 18-19).
Légende : Une fosse commune à Goma. « La situation est pire que tout ce que nous avons
pu voir ailleurs » dit un responsable du hcr17.
Photographie : A. Facelly/Sipa Press.

En revanche, ce type de représentation est beaucoup plus rare dans le cas de
la première guerre du Congo. En novembre 1996, alors que l’ensemble de la
presse dénonce le risque imminent de catastrophe humanitaire, la mort est
certes présente, mais sous d’autres formes et nous n’avons recensé qu’un cliché
figurant la mort de masse18. Par la suite, de février à juin 1997, peu de clichés
représentent directement des morts mais à trois reprises, une nouvelle forme
de figuration de la mort de masse apparaît avec des photographies de restes
humains ou de restes de vêtements présentés comme des charniers19. Le 29 mai
1997, Le Nouvel Observateur publie une grande photographie (20x16) d’un plan
moyen présentant un squelette humain couché sur le bord d’un chemin (voir
figure 4) ; le squelette est dégagé de son environnement par l’utilisation d’un flou
de contre filé et le hors cadre propose au lecteur une interprétation possible
du cliché : la mise en relation de cette figuration de la mort avec l’évocation
au passé composé de 85 000 personnes dans la légende20, introduit un doute
quant au devenir des réfugiés et peut conduire le lecteur à penser qu’ils sont
pour beaucoup morts depuis longtemps. Nous sommes là dans un « au-delà
de la mort » un peu différent puisque manifestement plus éloigné de « l’instant
mortel » que les clichés de juillet 1994. Les corps ne sont plus vraiment visibles
ou reconnaissables mais ces morts restent anonymes et seulement identifiés en
fonction de leur appartenance ethnique (en l’occurrence des Hutus).
Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (hcr).
L’Express (21/11/96, pp. 99-100).
19
Libération (27/02/97 et 30/04/97, pp. 9-10).
20
« Sur la route au kilomètre 82, il y a eu jusqu’à 85 000 personnes, hommes, femmes, enfants, qui
se sont installées au km 25 à Kasese, au km 42 à Biaro, au km 82 à Obilo ».
17
18

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dossier

Les représentations photographiques des conflits des Grands Lacs dans les médias français
Figure 4 : Une forme rare de figuration de la mort de masse :
les photographies de restes humains et de squelettes.

Le Nouvel Observateur (29/05/97, p. 69).
Photographie : Bradlow/AP/Boomerang..

La seconde forme archétypale des représentations de la mort correspond à la
mort comme menace pour les réfugiés. Cette thématique est omniprésente lors
des conflits des années 90 (Gervereau, 2006) et les conflits des Grands Lacs
n’y échappent pas. De manière assez systématique, les réfugiés, et notamment
les plus faibles d’entre eux, femmes et enfants, sont présentés comme menacés
par une mort incertaine – « la mort en-deçà de la mort » pour Vladimir
Jankélévitch (1977) – qui peut revêtir plusieurs formes. Le cas le plus fréquent
est la mise en valeur de la précarité de réfugiés dont la mort est encore lointaine,
voire hypothétique (première scansion de « l’en-deçà de la mort »). La mort
n’est alors présente qu’indirectement sous la forme d’une menace diffuse et
sa concrétisation reste sujette à l’interprétation du lecteur. Ce type de cliché
très classique (Sontag, 1977) apparaît de manière récurrente mais leur nombre
augmente fin mai 1994 avec les clichés des camps de réfugiés de Tanzanie (la
menace étant ici les massacres), à la mi-juillet 1994 avec les réfugiés qui fuient
vers le Zaïre (la presse souligne les menaces que constituent l’avancée du fpr ainsi
que le risque de famine et de maladie) et enfin, entre février et mai 1997, alors
que la population rwandaise restée au Zaïre fuit devant l’avancée des troupes
de Laurent-Désiré Kabila. Un deuxième temps de « l’en-deçà de la mort » peut
aussi être figuré sous la forme d’une mort probable qui se rapproche de plus en

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Fr. Robinet

plus. Ce type de représentation apparaît lors de moments d’intensification de la
couverture médiatique et notamment lors du déclenchement de l’épidémie de
choléra à Goma ainsi que lors du déclenchement de l’offensive de l’afdl sur les
camps en novembre 1996. De multiples clichés mettent par exemple en valeur
la promiscuité entre les morts et les vivants. Le Nouvel Observateur publie le 7
novembre 1996 un cliché de la fuite des réfugiés rwandais vers l’Ouest du Zaïre.
Celui-ci permet de voir au premier plan deux enfants portant un sac sur le dos
qui détournent leurs regards (indifférents ?) vers un homme mort les bras en
croix. L’arrière-plan souligne que les enfants (tout comme l’homme) font partie
d’une colonne de réfugiés. Là encore, la légende oriente fortement la lecture de
l’image : en insistant sur les menaces que sont la guerre et la famine, elle met en
évidence le risque que les enfants connaissent à court terme le même sort que
la victime.
Figure 5 : La mort comme menace : des réfugiés au milieu des morts.

Laurent Bijard, « Rwanda-Zaïre : une guerre entre bourreaux et victimes »,
Le Nouvel Observateur (07/11/96, p. 63).
Légende : « À Gisenyi, des enfants fuient la canonnade qui oppose les troupes rwandaises aux unités
zaïroises. Jetées sur les routes, des colonnes de réfugiés sont menacées par la famine ».
Photographie : afp.

Enfin, la mort peut être présentée comme une mort imminente (troisième
temps de « l’en-deçà de la mort ») qu’il est souvent difficile de distinguer du
moment de l’agonie (« l’instant mortel »). Ces deux temporalités très proches
sont surtout présentes en juillet 1994 et en novembre 1996 à travers des gros
plans, des plans rapprochés voire quelques plans de demi-ensemble21, de grande
21

Les cadrages serrés favorisent l’appréhension des détails de l’expression des visages et mettent en
valeur la peur, la détresse ou le vague de regards déjà désertés par la vie ; le plan de demi-ensemble
a en outre l’avantage de laisser apparaître dans le cadre quelques éléments du contexte (d’autres
réfugiés, des malades du choléra, des humanitaires voire des morts).

60

dossier

Les représentations photographiques des conflits des Grands Lacs dans les médias français

taille, parfois placés en « une » comme dans les deux livraisons de Libération
de la figure 6. Le 22 juillet 1994, le quotidien de la rue Béranger publie le plan
d’un homme de dos portant dans ses bras un jeune enfant sur le point de
mourir qui fait face à l’objectif avec le regard vide. Un plan étonnant qui pose la
question d’une éventuelle composition de la scène par le photographe d’autant
que l’homme porte l’enfant de manière peu orthodoxe afin que le visage de
celui-ci soit bien visible. Cette mort imminente, proche du moment du dernier
souffle, est également représentée sur une grande photographie d’un homme
qui semble appeler à l’aide alors qu’il a dans ses bras une femme (sa femme,
sa sœur ?) qui est emportée malgré les perfusions (voir figure 6, illustration de
gauche). Dans les deux cas, le hors cadre (titres et légendes) établit un lien entre
cette agonie figurée, la menace très forte qui pèse sur la vie de réfugiés et la
nécessité immédiate de leur porter secours. En outre, notons que l’agonie est ici
celle des plus fragiles et qu’elle nous confronte aussi à la souffrance de ceux qui
perdent un être cher.
Figure 6 : La mort comme menace : la mort imminente des réfugiés.

À gauche : « Une » de Libération (23/07/94).
Légende : « 150 000 à 200 000 personnes seraient menacées par l’épidémie de choléra. Le hcr lance un
appel désespéré à tous les gouvernements. L’onu et les États-Unis demandent aux Français de rester plus
longtemps ». Photographie : C. Dufka/Reuters.
À droite : « Une » de Libération (22/07/94).
Légende : « camp de Munigi, Zaïre, un homme transporte dans ses bras son fils atteint du choléra ».
Photographie : J. Dubughian.

En revanche, peu de clichés parviennent à saisir l’instant mortel en tant que tel.
Aucune photographie présentant des victimes du génocide au moment de leur
mort ne figure dans le corpus. De même, aucune photographie de soldats tués sur

dossier

61

Fr. Robinet

le front n’a été recensée. Au total, les trois scansions de ce deuxième archétype
des représentations de la mort sont donc surreprésentées dans les moments
d’intensification de la couverture photographique liée à une crise humanitaire
et marquées de manière commune par certaines modalités sémiotiques
dominantes (photographies de grande taille ; cadrages soignés et serrés avec
mise en scène éventuelle ; majorité de gros plans, plans rapprochés voire plans
de demi-ensemble ; menace soulignée par le hors cadre, etc.) permettant de
mettre en avant la souffrance des plus fragiles et la douleur de leurs proches22.
Bien que plus rare, un troisième archétype paraît devoir intégrer cette typologie :
des photographies de survivants du génocide qui introduisent une autre
temporalité que nous avons choisi d’appeler « la vie au-delà de la mort ». Absent
au début du génocide, ce type de représentations apparaît à partir de mai 1994
quand les journalistes découvrent les premiers camps de réfugiés en Tanzanie.
Sont présentés en plans rapprochés ou gros plans des rescapés des massacres,
souvent des enfants qui ont été blessés. La figure 7 extraite du Figaro du 21 juin
1994 (au moment où l’opération Turquoise23 est lancée) est un bon exemple de
ce type de représentations ; celles-ci sont marquées par la mise en valeur des
bandages et des blessures (ils attestent du statut de celui qui vient d’échapper
à la mort) avec des enfants qui fixent assez systématiquement un objectif qui
les prend en vue plongeante ce qui permet d’accentuer la fragilité de la victime.
Ce type de représentations a pu aussi être recensé pour la première guerre du
Congo, surtout à partir de la fin du mois d’avril lorsqu’on localise des milliers
de réfugiés près de Kisangani ou encore lorsque fin mai des réfugiés arrivent en
République populaire du Congo ; pour les rédactions qui disposent à ce moment
de peu de clichés de victimes, l’évocation de blessés ou de rescapés (« la vie
au-delà de la mort ») peut donc être un bon moyen d’évoquer la mort qui a
frappé (« l’au-delà de la mort »).

22
23

L’attitude des vivants face à la mort varie entre peur, douleur, accablement ou indifférence.
L’opération Turquoise est une opération « militaro-humanitaire » déclenchée par la France à partir
du 22 juin 1994.

62

dossier

Les représentations photographiques des conflits des Grands Lacs dans les médias français
Figure 7 : Les photographies de rescapés : « la vie au-delà de la mort ».

Le Figaro (21/06/94, p. 4). Photographie : Dufka/Reuter.

Au total, deux conclusions principales peuvent être tirées de cette analyse.
La première concerne les fortes évolutions tant dans les types de morts
représentés que dans les caractères techniques de ces représentations (taille
des photographies, cadrage, légende). Si la présence de la mort reste discrète
et diffuse y compris en plein génocide ou lors d’affrontements violents entre
armées, celle-ci se densifie (nombre, place et taille des photographies) et se
diversifie (voir Figure 8) lors de certains moments perçus par la presse comme
des temps de crise grave (épidémie de choléra et crise de novembre 1996). Dès
lors, le nombre de morts sur le terrain ne paraît plus être le facteur principal
expliquant le passage de la mort à la « une » et il apparaît même que certaines
réalités ont pu être occultées ou euphémisées (le génocide). Mais l’existence
de nombreux angles morts dans les formes de représentation de la mort
doit également nous interroger. Comment expliquer l’absence quasi totale de
représentations de la mort des militaires et de l’acte de donner la mort (ou de
ses tentatives) ? Comment comprendre le peu d’informations apportées par
la couverture photographique sur les modes d’extermination, sur l’identité des
victimes ou sur les hommages rendus aux morts alors que ces informations sont
parfois abordées dans les reportages des envoyés spéciaux. Autant de questions
auxquelles l’étude des enjeux des représentations de la mort doit permettre de
répondre.

dossier

63

Fr. Robinet

Temporalités de
la mort
– « L’Au-delà de
la mort »

La mort de
masse

– « l’En-deçà
de la mort »
dans ses trois
scansions.

La mort
comme
menace pour
les réfugiés

– Beaucoup
plus rarement
« l’Instant
mortel »

Périodes

Thèmes évoqués

– Rwanda :
focalisation
progressive sur
cette forme
de la mort
qui passe à
la « une » en
juillet 1994

– Charniers

– 1re Guerre
Congo : rareté
de cette
forme de
représentation

– Squelettes

– Lors des
moments
d’intensification
de la
couverture
(Zaïre cholérajuillet 94 ; Zaïre
novembre
1996)

– Enfants sur
le point de
mourir

– Fosses
communes
– Rues/routes
jonchées de
cadavres

La mort à
laquelle ont
échappé les
rescapés

– Surtout dans
le cas des
rescapés du
génocide à
partir de la
mi-mai 1994.
– Dans une 2e
partie de la
1ère guerre du
Congo (avrilmai 1997)

– Souffrance des
plus fragiles
– Douleur de
leurs proches

– Des enfants
blessés et
rescapés du
génocide
– Des réfugiés
qui ont
échappé aux
massacres de
l’armée de
L.-D. Kabila

Figure 8. Les formes archétypales de représentation de la mort.

64

dossier

– Pour le Rwanda,
on passe de
plans larges et
de petite taille
à des clichés
de grande taille
avec gros plans
– Variable pour la
1ère guerre du
Congo
– Rarement en
« une »

– Promiscuité
morts / vivants

– La vie au-delà
de la mort

Caractères
techniques

– Cadrages
soignés et
serrés : du gros
plan au plan de
demi-ensemble
– Mise en scène
possible
– Photographies
majoritairement
de grande taille

– Plans
rapprochés
– Vues
plongeantes
fréquentes
– Photographies
majoritairement
de grande taille

Les représentations photographiques des conflits des Grands Lacs dans les médias français

Des représentations qui résultent d’interactions
complexes
Deux variables principales permettent de comprendre les évolutions des
modes de représentations de la mort. D’abord, celles-ci résultent avant tout de
l’existence de cadrages dominants de l’événement qui dépendent fortement des
conditions de travail des journalistes sur le terrain et des modalités du traitement
de l’information dans les rédactions. Ensuite, les enjeux fondamentaux que
constituent les représentations iconographiques de la mort pour de nombreux
acteurs (belligérants, humanitaires, autorités françaises, etc...) peuvent aussi
contribuer à orienter le regard que portent les journalistes (photographes,
rédaction en chef, équipes de rewriters24) sur l’événement.

Des représentations en lien avec le cadrage et les pratiques
journalistiques
Au cours des années 90, la mort a pu être très en retrait dans la couverture
de certains conflits comme en Irak en 1991 et 2003 (Mercier, 2004) ou au
contraire plus présente (guerre en Yougoslavie). Ces différences dépendent en
grande partie de l’existence de cadrages dominants de l’événement qui doivent
être décryptés au regard des pratiques journalistiques en vigueur sur le terrain
et dans les rédactions. Quatre périodes se distinguent en ce qui concerne les
cadrages dominants de la couverture des conflits des Grands Lacs. Lors d’une
première phase, du 7 avril jusqu’au début du mois de mai, soit la mort est absente,
soit elle n’est que l’arrière-plan de l’opération d’évacuation des Occidentaux. La
guerre civile est rarement distinguée du génocide et les massacres sont présentés
comme issus de la rivalité entre Hutus et Tutsis. Dans le cas des médias français25,
les représentations résultent d’abord d’une méconnaissance de l’histoire et
du contexte rwandais. En effet, au cours de ce premier mois, la plupart des
spécialistes du continent africain couvrent les premières élections démocratiques
en Afrique du Sud alors que de nombreux grands reporters sont en Bosnie où
vient de commencer l’attaque des Serbes sur Gorazde. Dès lors, les journalistes
et photographes sont peu nombreux, rarement familiers du Rwanda, et leur
mission principale étant de couvrir le rapatriement des Français, ils ne prennent
guère le temps d’enquêter sur les origines de ces massacres (Birck, 1995). Les
conditions de travail sur le terrain favorisent cette présence discrète et diffuse de
la mort. En effet, les journalistes ne peuvent aisément circuler dans Kigali où les
barrages de miliciens se sont multipliés ; ils restent le plus souvent à l’aéroport
et accompagnent les sorties de l’armée française. Les photographies sont donc
Avec le secrétaire de rédaction, les rewriters reprennent les textes et rédigent les titres, sous-titres,
« chapeaux » et légendes.
25
Le cadrage est assez proche pour les médias américains (Thomson, 2007), mais la mise en contexte beaucoup plus précise dans les médias belges (Klinkemallie, 2007).
24

dossier

65

Fr. Robinet

souvent prises depuis les camions de l’armée française, ce qui permet à la fois de
comprendre la domination de plans larges, les cadrages de qualité médiocre et le
fait qu’aucune scène de massacres n’ait pu être captée. Cependant, le photographe
Patrick Robert explique qu’il a pu prendre de nombreux clichés de victimes du
génocide mais qu’à son retour à Paris début mai, ceux-ci n’intéressaient pas les
rédactions (Roskis, 1994). La mort disparaît d’ailleurs de la couverture une fois
l’évacuation des occidentaux achevée.
Une deuxième phase s’ouvre à la mi-mai. Le cadrage évolue du fait d’une
progressive montée de la préoccupation humanitaire. L’événement commence
à être perçu à travers les massacres de masse et les milliers de personnes qui
affluent dans des camps de réfugiés. Cette évolution du regard entraîne une légère
augmentation du nombre de photographies évoquant la mort, l’accroissement
de leur taille ainsi que leur diversification. Différents facteurs expliquent cette
évolution du cadrage. Souvent venus d’Afrique du Sud, certains journalistes et
photographes26 accèdent, grâce à la Croix Rouge, aux camps de réfugiés de
Tanzanie (Lindsay, 2007) où ils découvrent les milliers de corps charriés par
la rivière Akagera jusqu’au Lac Victoria ; d’autres atteignent la zone contrôlée
par le fpr qui les accompagne vers des charniers de victimes du génocide.
Par ailleurs, certaines organisations humanitaires dénoncent de plus en plus
vivement la situation des réfugiés des camps et le 16 mai sur le plateau de tf1,
un représentant de Médecins sans frontières (msf), Jean-Hervé Bradol, évoque
le génocide en cours contribuant par là même à la diffusion du terme dans les
médias27. En outre, les enquêtes sur les motifs et les modalités des massacres
sont désormais plus fréquentes, d’autant que se développe une polémique sur
le rôle de la France dans son soutien aux génocidaires. Ce nouveau regard sur
l’événement, lié à l’intervention de nouvelles sources d’information, est donc une
des causes principales des évolutions constatées.
À partir de la mi-juillet, une troisième période s’ouvre puisque les deux angles
dominants que sont l’opération Turquoise et le choléra contribuent à placer
la mort à la « une ». Le fpr est victorieux, le génocide des Tutsis enrayé et des
soldats français sont présents sur place à partir du 21 juin 1994. L’attention des
médias se porte alors sur les deux millions de réfugiés encadrés par des miliciens
et par les far qui battent en retraite vers le Zaïre où ils se regroupent dans des
camps vite touchés par une épidémie de choléra. Pendant une quinzaine de jours,
celle-ci est au centre de la couverture et les rédactions, culpabilisant peut-être
de ne pas avoir assez couvert le génocide, accordent une place importante à des
formes très diverses de représentations de la mort. Par ailleurs, envoyés spéciaux
et photographes28, désormais nombreux sur le terrain, bénéficient de conditions
de travail « meilleures » qu’à Kigali en avril. En effet, ils ont à la fois accès aisément
Les clichés de J.-M. Bouju (ap), C. Dufka (Reuter) ou G. Peress (Magnum) sont notamment repris.
Sur la diffusion du terme génocide, voir S. Pontzeele (2005, 2006).
28
Les grandes agences ont au moins un photographe sur place. B. Gysembergh, de Paris Match, est
également présent.
26
27

66

dossier

Les représentations photographiques des conflits des Grands Lacs dans les médias français

aux réfugiés des camps (ce qui génère les multiples clichés de réfugiés morts, en
train de mourir ou menacés par la mort) et ils peuvent également accompagner
les soldats français lors de leurs missions dans la « zone humanitaire sûre » au
Rwanda où ils photographient des rescapés. La présence de l’armée française et
de ses infrastructures à Goma facilite donc le travail des journalistes tout comme
la transmission des données à Paris (grâce notamment à la liaison satellite mise
en place par l’armée)29.
Enfin, deux cadrages principaux dominent successivement la couverture de la
première guerre du Congo et permettent de comprendre les variations des
modalités de représentation de la mort. Un premier, très favorable à la mise
en valeur de celle-ci, correspond à la dénonciation d’une nouvelle catastrophe
humanitaire en novembre 1996. Ce cadrage résulte d’abord de l’influence des
organisations humanitaires qui insistent sur ce risque au moment où elles sont
contraintes de se retirer après l’attaque des camps par les troupes de l’afdl ;
largement surévalués30, les bilans humains favorisent l’arrivée de journalistes sur
le terrain31, la perception d’une situation jugée extrêmement grave et de ce fait le
recours à de nombreuses photographies présentant la mort dans ses différentes
temporalités. De plus, suite aux polémiques suscitées par la faible couverture du
génocide de 1994, les journalistes (souvent les mêmes qu’en 1994) ont pu avoir le
souci d’alerter afin d’éviter un nouveau drame. Dès lors, qu’il s’agisse des sources
sur le terrain, des sources parisiennes, du contexte tendu ou de l’état d’esprit des
spécialistes de la région, tout concourt à placer la mort à la « une » alors même
que les clichés de cadavres sont rares. Un second cadrage dominant s’impose
de février à juin 1997 ; la presse française se concentre alors sur l’avancée des
troupes de Laurent-Désiré Kabila et sur sa rivalité avec le maréchal Mobutu.
Cet angle moins propice à la présentation de clichés sur la mort explique en
partie les représentations diffuses de celle-ci qui reviennent vers le 10 mars alors
que les autorités françaises et les humanitaires communiquent sur la situation
des réfugiés puis fin avril lorsque Kofi Annan parle d’extermination lente. Les
hésitations du regard porté sur l’événement (doutes quant à la situation des
réfugiés et à l’ampleur de massacres) et le fait que les journalistes n’aient pas
accès à la zone des combats (Braeckman, 1999 : 120) expliquent que nous ne
disposions pour cette période que de rares photographies sur la mort.
Ainsi, plus que les événements eux-mêmes, le regard que les rédactions
portent sur ces événements constitue ainsi le principal élément explicatif de
la place réservée à la mort dans la couverture. Alors que, traditionnellement,
les rédactions cherchent plutôt à rendre la mort supportable et à la mettre à
Les journalistes peuvent aussi utiliser pour leurs transmissions, la liaison satellite mise en place
par l’afp.
30
msf évoquait régulièrement début novembre le chiffre de 1200 décès par jour. Le hcr parlait d’une
« situation humanitaire désespérée ». Le 17 novembre 1996, le hcr annonçait cependant que les
hostilités n’avaient finalement fait que 3000 victimes.
31
Parmi les journalistes présents sur le terrain, on trouve A. Joe (afp) et D. Gutenfelder (ap).
29

dossier

67

Fr. Robinet

distance de leurs lecteurs (Mercier, 2004 : 152), les moments de mise en avant
d’une crise humanitaire justifient la transgression de certains tabous et la remise
en cause des pratiques habituelles de la profession d’autant que la mort favorise
une mise en récit efficace de l’information.
Ce second aspect des pratiques journalistiques qu’est la mise en récit de
l’information éclaire en effet l’évolution des représentations de la mort puisqu’elle
s’appuie fréquemment sur celle-ci pour conditionner notre regard. Seule la
mort des civils est donnée à voir et l’approche compassionnelle est largement
dominante. Cette approche repose d’abord sur les nombreux plans rapprochés
représentant la mort d’enfants dans ses différentes temporalités en juillet 1994 et
en novembre 1996 pour construire un récit dans lequel les guerres deviennent
des catastrophes humanitaires avec une forte focalisation sur le risque qui pèse
sur les réfugiés. De plus, la confrontation quasi permanente des morts et des
vivants contribue à la création d’une dramaturgie qui s’appuie sur le choix des
photographies ainsi que sur celui des titres et des légendes. Par ailleurs, certains
termes reviennent de manière récurrente dans ces deux moments durant
lesquelles la mort est à la « une » (« horreur », « folie meurtrière », « enfer »,
« bain de sang ») et les titres, systématiquement incitatifs, renforcent encore l’effet
de dramatisation. Dès juillet 1994, une analogie entre la souffrance du peuple juif
et celle des Hutus du Zaïre est même établie de manière récurrente32.
Enfin, il apparaît que cette construction narrative fondée sur la mort est facilitée
par la présence de populations non occidentales. Cela semble autoriser en
premier lieu les rédactions à avoir recours à une mort très stéréotypée. La
mort des populations africaines, présentée comme inéluctable, s’inscrit assez
systématiquement dans une certaine normalité sur un continent auquel on attribue
en général tous les maux. S’accordant parfaitement avec d’autres stéréotypes sur
l’Afrique comme la sauvagerie ou la barbarie de l’Africain (Coquery-Vidrovitch,
2003), ces représentations stéréotypées de la mort peuvent aussi s’expliquer
par la recherche de scènes correspondant aux représentations dominantes et
donc qui fassent immédiatement sens pour le lecteur français. Par ailleurs, cela
autorise également les rédactions à publier des clichés présentant des victimes
à visage découvert, la « mort de l’autre » facilitant manifestement la levée de
certains tabous et interdits. Rares sont cependant les cadavres en « une » ; a
priori, il y a là une limite que les rédactions osent rarement franchir (peut-être
par décence, souci de l’audience ou crainte d’effrayer les annonceurs) et les
formes de la mort choisies pour la « une » sont toujours euphémisées. Dès lors,
cette logique d’ordre narratif s’impose à la fois aux lecteurs et aux journalistes.
Pour ces derniers, il s’agit de construire à travers les titres, les légendes, les
photographies et certains articles, un récit émouvant dans lequel des réfugiés
confrontés à la mort de masse jouent le rôle de victimes principales, anonymes
et interchangeables. Pour le lecteur, cette mise en récit conditionne fortement le
32

68

Voir par exemple : « La mort aux trousses », Paris Match (28/07/1994, pp. 58-61).

dossier

Les représentations photographiques des conflits des Grands Lacs dans les médias français

regard porté sur l’événement au profit du drame humanitaire et au détriment
des autres aspects de la situation (le conflit armé, les explications contextuelles,
les négociations, etc.).
Le dernier lien entre les pratiques journalistiques et les représentations de la
mort concerne la faible valeur informative des photographies sur la mort et
leur tendance à ajouter de la confusion quant à la compréhension des enjeux
profonds de l’événement. D’abord, le choix des photographies évoquant la mort
peut mener à ces confusions. Assez exemplaire est le cas de la publication par
Libération d’un plan moyen représentant cinq visages de cadavres enchevêtrés
(avec la légende « Byumba, après un massacre attribué au fpr ») pour illustrer
une tribune de l’historien, spécialiste des Grands Lacs, Jean-Pierre Chrétien dans
laquelle celui-ci compare l’idéologie du Hutu Power33 à un « nazisme tropical »34.
En contradiction avec l’un des premiers articles tentant d’identifier les massacres
comme un génocide mené par des extrémistes hutus contre la population
tutsie, les victimes de la photographie sont des Hutus massacrées par le fpr
ce qui brouille complètement la compréhension de la situation. Ces confusions
apparaissent également dans les légendes des photographies évoquant la mort.
En effet, les victimes sont rarement identifiées et les origines comme les modalités
de la mort restent souvent floues.
En 1994, de nombreuses légendes insistent sur la réciprocité des massacres,
sous-entendent qu’ils sont une conséquence de la guerre civile (le terme
de génocide est rarement utilisé) ou encore désignent les Hutus comme les
principales victimes. Ainsi, Paris Match souligne le 21 avril 1994 (p. 61 ; voir
figure 1) en regard des trois clichés représentant des cadavres dans les rues de
Kigali, que « les victimes les plus nombreuses étaient jusqu’à mardi matin à Kigali
les Tutsis […] mais l’arrivée de leurs combattants fait craindre un enchaînement
de vengeance ». Cette confusion est encore renforcée au moment de l’épidémie
de choléra puisqu’on précise que les réfugiés, en majorité hutus, ont subi un
premier traumatisme avec le génocide35 alors qu’ils ne furent pas victimes du
génocide et firent même parfois partie des génocidaires. Ces confusions se
poursuivent en novembre 1996 avec la continuité établie entre le génocide du
printemps 1994, les victimes du choléra de l’été 1994 et la situation des réfugiés
en novembre 1996, continuité qui renvoie dos à dos Hutus et Tutsis, les victimes
de 1994 devenant ici bourreaux en 1996. Ces confusions récurrentes résultent
de facteurs qu’il n’est pas forcément aisé de dégager. On peut cependant estimer
que le choix des photographies évoquant la mort, de même que le travail sur les
titres et légendes, sont le plus souvent effectués à Paris par la rédaction (et par
les équipes de rewriters) qui suivent l’événement de loin et ne connaissent pas
forcément bien le contexte. De ce fait, la couverture photographique sur la mort
Mouvement fondé en 1993 qui rassemble les extrémistes de différents partis autour d’une idéologie racialiste et antitutsie.
34
J.-P. Chrétien, « Un nazisme tropical », Libération, 26 avril 1994, p. 7.
35
Par exemple en « une » du Figaro (22/07/94).
33

dossier

69

Fr. Robinet

paraît propice à la répercussion des approximations véhiculées par le cadrage
dominant, d’autant qu’elle constitue un des outils principaux de la dramatisation
mais aussi peut-être en raison des enjeux stratégiques que revêtent ce type de
clichés pour de nombreux acteurs.

La mort en image : un enjeu stratégique majeur
pour de nombreux acteurs
Les représentations de la mort lors d’un conflit sont à même de susciter des
réactions allant de la haine de l’ennemi au rejet de la guerre. Dès l’apparition de
la photographie, elles ont constitué un enjeu fondamental pour les belligérants
comme pour les journalistes (Sontag, 1977) et les conflits de la fin du XXe siècle
ont été marqués par un effort croissant des gouvernements et des armées
pour maîtriser les images de guerre. Lors de la couverture des conflits des
Grands Lacs, la mort semble revêtir plusieurs enjeux importants, somme toute
assez traditionnels (Arboit, 2003 ; Gervereau, 2001) pour les belligérants, les
humanitaires36 mais également pour les autorités françaises. L’analyse du corpus a
révélé à plusieurs reprises une simultanéité entre la mise en avant de la mort par les
médias et l’implication diplomatique et/ou militaire de la France dans ces conflits.
En effet, les périodes durant lesquelles les représentations de la mort sont les plus
nombreuses et les plus diverses correspondent, pour juillet 1994, à l’opération
militaro-humanitaire Turquoise et pour novembre 1996, à l’initiative diplomatique
française en faveur d’une nouvelle intervention dans l’est du Zaïre. Fort de ce
constat, il a paru nécessaire de questionner la communication officielle française
en ces temps de crise et d’évaluer son influence éventuelle sur les modes de
représentation de la mort. De nombreux travaux se sont intéressés aux ressorts
de la communication officielle en temps de guerre (Mathien, 2001). L’analyse
porte en général sur les stratégies de communication de régimes en guerre,
qu’ils soient autoritaires ou démocratiques, et sur l’influence de ces stratégies sur
le regard des médias nationaux et internationaux. Dans la mesure où la France
n’est pas un des belligérants, la perspective est ici un peu différente. Cependant,
force est de constater qu’elle est un acteur influent de ces conflits du fait de ses
interventions en avril 1994 puis en juillet 1994 au Rwanda mais également du
fait de ses liens avec le Gouvernement intérimaire rwandais (Chrétien, 2009)
et avec le régime du maréchal Mobutu (Braeckman, 1999). Si les modes de
représentation de la mort résultent principalement de facteurs liés aux pratiques
journalistiques, il semble que la communication des gouvernements français et
de l’armée française a pu favoriser la focalisation du regard des rédactions sur la
mort. En effet, en juillet 1994 comme en novembre 199637, la parole de certains
membres du gouvernement est omniprésente dans les médias (communiqué,
36
37

70

Sur la communication des humanitaires, voir L. Melvern (2007).
À un degré moindre, c’est également le cas en juin 1994 et en mars 1997.

dossier

Les représentations photographiques des conflits des Grands Lacs dans les médias français

conférence de presse, interview, etc.)38 pour souligner ou dénoncer un risque
de catastrophe humanitaire, les points d’orgue de cette communication étant
les visites, en 1994, d’Édouard Balladur, de François Léotard ou de Philippe
Douste-Blazy39 sur place à Goma sous l’œil des caméras et des objectifs avec en
arrière-plan les charniers et les victimes du choléra (voir figure 9). Le service de
communication de l’armée (Service d’informations et de relations publiques de
l’armée, sirpa) assure également une intense communication lors de l’opération
Turquoise : points presse quotidiens, organisation de convois avec les journalistes
vers la « zone humanitaire sûre »40, production de ses propres images ; autant
d’outils qui permettent à l’armée française de mettre en valeur la détresse des
réfugiés qu’elle vient secourir. En ce qui concerne la première guerre du Congo,
si en novembre 1996 les responsables français ne se rendent pas sur place, ils
multiplient à partir du 5 novembre les déclarations alarmistes41 et constituent,
dans la foulée des humanitaires, une des sources principales d’information sur
l’imminence d’une catastrophe humanitaire. Dès lors, par ces différents moyens,
la communication officielle contribue à la construction de représentations de
l’événement dans lesquelles la mort occupe une place centrale.

D. Ambrosetti (2000) a dénombré plus d’une soixantaine de discours officiels visant à justifier
l’opération Turquoise entre la mi-juin et la mi-juillet 1994.
39
Au moment des faits, É. Balladur est premier ministre, François Léotard, ministre de la Défense,
Philippe Douste-Blazy, chargé de la Santé auprès de la ministre des Affaires sociales, de la Santé et
de la Ville (Simone Veil).
40
Zone créée au sud-ouest du Rwanda par l’armée française officiellement dans le but de protéger
les populations menacées par des forces armées.
41
H. de Charette (ministre du Logement) et X. Emmanuelli sont alors en première ligne. Par exemple, la presse rapporte largement les propos du second, secrétaire d’État à l’action humanitaire
d’urgence, qui prédit « la plus grande catastrophe qui ait jamais eu lieu ».
38

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Figure 9 : La communication officielle, vecteur de focalisation du regard sur la mort.

À gauche : Le Point (30/07/94, p. 42).
À droite : L’Express (04/08/94, p. 22).

Comment expliquer ces moments d’intensification de la communication officielle
autour de la mort ? Deux hypothèses principales peuvent être posées. En premier
lieu, la mise en avant des victimes a pu contribuer à justifier et à valoriser les
actions militaires ou diplomatiques de la France auprès des opinions françaises et
internationales : ainsi, lorsque la mort passe à la « une » fin juillet 1994 (voir figure
6), les nombreuses images de victimes légitiment la présence des soldats français
sur les sols zaïrois et rwandais42 alors que celle-ci fait polémique. De nouveau, en
novembre 1996, l’image de la mort a pu renforcer la légitimité du projet français
d’intervention humanitaire présenté à l’onu. Dans sa « une » du 7 novembre
199643 (voir figure 10), Libération se fait l’écho de l’initiative française et choisit de
publier une vue plongeante d’une vingtaine de réfugiés qui tendent les bras lors
d’une distribution d’aide humanitaire. Face à la menace de la mort, signalée par la
titraille, ces réfugiés semblent appeler à l’aide. Dès lors, la détermination française
évoquée dans le titre paraît non seulement légitime mais moralement nécessaire
au lecteur. À plusieurs moments dans ces conflits, les autorités françaises ont
Dès le 18 mai 1994, des prises de parole très cohérentes sont effectuées par les responsables
français (en dépit de certains désaccords à la tête de l’exécutif) afin de légitimer l’opération Turquoise et de la présenter comme une opération humanitaire, limitée dans le temps et qui s’effectue
avec l’accord des Nations Unies. Pour une analyse plus globale des discours officiels français sur le
Rwanda, voir D. Ambrosetti (2000).
43
Dans cette livraison, la focalisation sur la crise humanitaire et ses victimes ne résulte pas uniquement de la communication du gouvernement français mais aussi de la présence de M.-L. Colson sur
place dont le reportage est titré « Goma mise à sac et jonchée de cadavres ».
42

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Les représentations photographiques des conflits des Grands Lacs dans les médias français

donc pu avoir intérêt à œuvrer dans le sens d’une dramatisation de la situation
et d’une focalisation du regard sur les victimes afin de convaincre les opinions
françaises et internationales de la légitimité de leur démarche.
Figure 10 : La mort comme outil de légitimation d’une intervention militaire.

« Une » de Libération (07/11/96).
Légende : « Goma cité des morts et des pillards. L’envoyé spécial de Libération s’est rendu à Goma,
désertée depuis samedi par les organisations humanitaires fuyant les combats. Tout a été pillé dans cette
ville de l’est du Zaïre où quelques dizaines de volontaires démunis ramassent les cadavres de réfugiés du
génocide rwandais ».
Photographie : Georges Mulala/Reuters.

En second lieu, on peut s’interroger sur les liens entre les représentations de la
mort, la communication officielle et l’image des belligérants. Dans l’iconographie
sur le Rwanda, une majorité de clichés présente soit des victimes du fpr, soit des
victimes du choléra chassées du Rwanda par l’avancée du fpr44 ; dans le cas de
la première guerre du Congo, la quasi-totalité des références à la mort dans la
couverture fait état de victimes de massacres commis par l’afdl de Laurent-Désiré
Kabila. Si les exactions de ces deux groupes sont bien réelles45, il existe cependant
un décalage entre le regard porté sur ces événements dans les photographies
(mais aussi dans les éditoriaux, les « unes » et la titraille) et les informations
À partir du 18/07/ 1994, les clichés représentent pratiquement tous des victimes du choléra. Avant
cette date, en plein génocide, 20 % des photographies évoquent une mort perpétrée par le fpr,
42 % une mort provoquée par les génocidaires et dans 36 % des cas l’origine des victimes et des
tueurs n’est pas spécifiée.
45
Rappelons que si le bilan exact des massacres et les responsabilités des différents groupes armés
font encore aujourd’hui l’objet de débats, les rôles de l’afdl et de l’armée rwandaise sont désormais
mieux établis qu’à l’époque (Braeckman, 1999 ; Le Pape, 2000 ; Rapport de l’onu, 2010).
44

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contenues dans les reportages. Alors que les reportages des envoyés spéciaux
au Rwanda décryptent de mieux en mieux à partir de la mi-mai 1994 (Le Pape,
1995) les responsabilités et les modalités du génocide, dans les photographies,
les responsables du génocide de 1994 ne sont pas toujours bien identifiés et le
fpr apparaît parfois tout aussi responsable que les génocidaires.
En outre, pour la première guerre du Congo, on n’a recensé aucune référence
aux exactions commises entre septembre 1996 et juin 1997 par les Forces
armées zaïroises de Mobutu ou les anciens génocidaires alors même que
celles-ci sont citées dans les reportages. Si ces observations peuvent en partie
être expliquées par l’évolution des cadrages dominants, l’influence que les
responsables politiques français ont pu avoir sur les choix éditoriaux effectués à
Paris doit être questionnée plus en profondeur. En effet, il a été montré que le fpr
puis le régime rwandais et ses alliés (afdl), étaient en général considérés à Paris
comme hostiles aux intérêts français46. Par certaines déclarations publiques47
mais aussi par les informations fournies aux journalistes48, les autorités françaises
ont vraisemblablement contribué à encourager la construction d’une image très
négative du fpr et de l’afdl, représentation renforcée par l’existence de massacres
perpétrés sur le terrain. Dès lors, les représentations de la mort pourraient
donc avoir été un outil utile de délégitimation d’acteurs49 considérés comme
hostiles aux intérêts français du fait de leur lutte contre des « régimes amis ».
Au total, il apparait que les autorités françaises ont assuré à certaines périodes
une occupation du terrain médiatique, dans le but d’influencer le regard des
médias sur ces conflits. La communication officielle peut donc avoir intérêt à
accompagner ou renforcer une vision dominante s’articulant autour de la mort
pour légitimer une intervention militaire, valoriser l’image de la France, voire
délégitimer un camp jugé hostile aux intérêts français.
Parmi les autres enjeux des représentations de la mort, l’exploration du corpus
révèle aussi que, à plusieurs reprises, ces représentations ont pu exercer une
influence sur le jeu des acteurs sur le terrain. Un premier cas concerne la grande
L’analyse des archives de l’Élysée par R. Maison (2010) atteste par exemple de cette forte hostilité
envers le fpr. Sur la grille de lecture de l’événement qui s’impose à Paris, voir également A. des
Forges (1999) et J.-P. Chrétien (2009).
47
Au moment du déclenchement de l’opération Turquoise, les autorités françaises insistent dans
leurs déclarations sur la neutralité de la France. Cependant, certaines déclarations officielles restent
très ambiguës : A. Juppé par exemple écrit le 16 juin 1994 dans une tribune de Libération intitulée
« Intervenir au Rwanda » que « la France exige que les responsables de ces génocides soient jugés ». Pour A. des Forges (1999 : 766), l’utilisation du pluriel est ici destinée à suggérer que les deux
parties du conflit sont impliquées dans le génocide.
48
G. Prunier (1995) souligne des tentatives de désinformation de la dgse concernant le fpr dès 1993.
D. Epelbaum (2005) note également le réinvestissement par certains journalistes du vocabulaire
utilisé dans l’entourage de François Mitterrand qualifiant par exemple les soldats du fpr de « khmers noirs ».
49
Sur la fonction stratégique de la mort comme outil de délégitimation de l’adversaire, voir M. Lits
(2008).
46

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Les représentations photographiques des conflits des Grands Lacs dans les médias français

diversité des clichés évoquant la mort des victimes du choléra fin juillet 1994,
dans la presse français et dans les médias internationaux50. En effet, ce traitement
a pu inciter les nouvelles autorités de Kigali à proposer des solutions ; c’est ainsi
que le 22 juillet 1994, en plein pic de la couverture, le nouveau gouvernement
appelle au retour des réfugiés afin de mettre fin à la crise humanitaire, d’éviter la
prolongation du mandat français et de renforcer une légitimité écornée par les
nombreux clichés de victimes qui avaient fui au Zaïre de peur du nouveau pouvoir.
Cette décision allait permettre l’amélioration de la situation à la frontière zaïroise
et, simultanément, le recul des représentations de la mort dans la couverture. Un
second exemple de cette influence semble pouvoir être distingué en novembre
1996, au moment où la médiatisation par les rédactions occidentales de la
menace de mort qui pèse sur les réfugiés menace de discréditer totalement
l’afdl et le Rwanda qui sont accusés d’être responsables de l’attaque sur les
camps (et donc de la situation de crise). Dès lors, le gouvernement rwandais et
l’afdl réagissent à la fois en incitant les réfugiés au retour vers le Rwanda, mais
aussi en investissant le terrain de la communication51. Enfin, on peut s’interroger
sur les enjeux de l’absence de représentation de la mort (Epelbaum, 2005). En
avril 1994, celle-ci favorise en effet le jeu des grandes puissances (France, ÉtatsUnis) qui pour des raisons différentes ne souhaitent pas intervenir et font en
sorte que le terme de génocide ne soit pas utilisé dans les résolutions de l’onu
(Des Forges, 1999 : 741-751). Cette absence fait aussi le jeu des génocidaires qui
ont pu être encouragés par la faible visibilité de leurs victimes dans les médias
internationaux (Thomson, 2007 : 3).

Conclusion
Trois conclusions majeures peuvent être dégagées. En premier lieu, contrairement
à d’autres conflits de la fin du XXe siècle (Grenade, Malouines, première guerre
du Golfe), la mort, visible dans ses différentes temporalités, occupe une place
importante dans la couverture au regard du nombre de clichés, de la place prise
par les photographies et de la diversité des formes de représentation de la mort.
Ces formes sont le plus souvent stéréotypées, fondées sur les iconographies
de la peur et de la douleur mais également parfois euphémisées (génocide des
Tutsis). En outre, comme dans de nombreux autres conflits, les angles « morts »
des représentations de la mort restent nombreux (la mort des combattants,
l’acte de donner la mort, etc.). En deuxième lieu, plusieurs facteurs expliquent
ces modes de représentation et leur évolution. Face à des armées qui contrôlent
l’accès au front, on retrouve ici une tendance forte de la couverture des conflits
contemporains à une focalisation sur des réfugiés menacés par la mort, ce qui
50
51

Sur la couverture internationale, voir A. Thomson (2007).
Les troupes « rebelles » vont désormais mettre en avant le fait qu’elles sont des troupes de libération du Congo et commencer à faire émerger la figure du Congolais Laurent-Désiré Kabila afin de
remettre en cause l’idée souvent avancée dans la presse, d’une rébellion à la solde du Rwanda.

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favorise la mise en récit de l’information et la diffusion d’images spectaculaires. En
outre, si des représentations nombreuses et parfois relativement rares de la mort
(mort de masse) sont présentes ici, cela est aussi dû au fait que ces victimes sont
lointaines et perçues comme exotiques (levée plus aisée des interdits d’autant
qu’il n’y a aucune individuation de la mort). Par ailleurs, à plusieurs reprises, le
cadrage dominant fortement influencé par les sources françaises (gouvernement,
armée, afp, humanitaires, etc.) incite l’ensemble des rédactions à mettre l’accent
sur la mort, le conflit étant perçu comme débouchant sur une crise humanitaire
majeure. Enfin, un prisme national conditionne ces représentations médiatiques de
la mort qui constituent un contexte (plus ou moins présent) mettant en valeur le
danger qui pèse sur les ressortissants français, le dévouement des soldats français
ou la détermination de la France à obtenir une intervention de la communauté
internationale. En dernier lieu, de manière traditionnelle, ces représentations
peuvent avoir des effets importants. D’abord, les représentations de la mort
peuvent être source de confusion pour le lecteur avec des photographies qui
incitent plus à l’émotion qu’à la compréhension. Pour les acteurs sur le terrain,
ces représentations les désignent comme victimes ou comme bourreaux ; elles
jouent donc un rôle important dans l’obtention d’une légitimité internationale
et dans les éventuels soutiens qu’ils pourraient obtenir. Dès lors, les belligérants
cherchent à influencer la perception du conflit véhiculée en Occident en facilitant
l’accès aux victimes ou aux charniers ou au contraire en l’interdisant. Enfin, les
représentations de la mort semblent revêtir des enjeux fondamentaux pour la
politique française dans la région des Grands Lacs ; si les autorités françaises sont
rarement à l’origine des images de morts, leurs discours, leurs déclarations, les
échanges avec les journalistes ou la transmission de certaines informations aux
rédactions ont pu favoriser des usages stratégiques des images de morts.
Ainsi les corrélations entre l’évolution du regard sur l’événement, l’évolution des
représentations de la mort et l’évolution des enjeux liés à ces représentations
éclairent-elles sur le fonctionnement de la sphère médiatique. Il en ressort que
des contraintes fortes pèsent sur la production et la diffusion d’informations
lors des conflits des Grands Lacs, contraintes sur lesquels tentent de s’appuyer
certains acteurs (autorités françaises, humanitaires, belligérants, etc.) afin de
défendre une représentation des conflits qui soit conforme à leurs intérêts.
La couverture donne alors à voir une reconstruction de l’événement fruit des
interactions entre les intérêts de ces acteurs, les choix des rédactions parisiennes
et le travail des photographes sur le terrain, si bien qu’on peut s’interroger avec
André Gunthert (2001) sur la capacité réelle du journalisme photographique à
traduire en images le déroulement d’un conflit.

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Les représentations photographiques des conflits des Grands Lacs dans les médias français

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