Fiche du document numéro 29736

Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Num
29736
Date
Lundi 10 janvier 2022
Amj
Auteur
Fichier
Taille
66246
Urlorg
Titre
Le triple assassinat de Gendarmes français au Rwanda en 1994 [Perseverare diabolicum]
Soustitre
Charles Kayonga, général proche de Kagame, a menti au journal Le Monde qui enquêtait sur l'assassinat de deux gendarmes français et de l'épouse de l'un d'entre eux, exécutés en 1994 au Rwanda après avoir été capturés et désarmés.
Nom cité
Nom cité
Source
Commentaire
Colonel Robardey questions the testimony of the Belgian doctor Jean Thiry who dug up the corpses of the Didots and the caretaker on April 12 and that of Maïer on April 13. Jean Thiry affirms that he was not accompanied by a Senegalese peacekeeper. Robardey forgets that Jean Thiry saw the corpses before they were put in coffins, he dug them up and carried them. Thiry refutes the words of this Régine peddled by Robardey and Péan. The bodies were not cut with machetes and the little dog was still alive. Colonel Maurin says here that he identified the three bodies on April 14. But in his report at the time, it was on April 13. Ambassador Marlaud left Rwanda on April 12 and not April 11. A little more rigour, Mr. Robardey!
Type
Blog
Langue
FR
Citation
Dans l’après-midi du 8 avril 1994 à Kigali (Rwanda), deux sous-officiers de la Gendarmerie française détachés en mission de coopération auprès de la République rwandaise, ainsi que l’épouse de l’un d’entre eux, ont été assassinés. Depuis, faute de procédure judiciaire, les spéculations vont bon train sur ce quadruple[1] crime contre l’humanité probablement lié à l’attentat qui, en assassinant deux chefs d’état et leur suite deux jours auparavant, avait déclenché le génocide des tutsi et multiplié les massacres de hutu.

La semaine dernière, dans ses numéros datés des 6 et 7 janvier 2022, le journal Le Monde, est revenu sur cette douloureuse affaire sous la plume de Pierre LEPIDI. Je ne peux, comme je l’avais fait précédemment[2], que partager avec lui le regret de voir ce crime impuni.

Cependant, si Pierre LEPIDI a exploré des voies que je n’avais pas empruntées, il donne l’impression de vouloir quelque peu occulter, ou à tout le moins marginaliser et contester, certains témoignages qui me paraissent toujours déterminants et sincères. Il a cru bon, de plus, de faire intervenir d’improbables « personnages sulfureux » alors que d’une part, il semble prouvé qu’ ceux-ci n’étaient pas présents au Rwanda en 1994 et d’autre part, que la réalité des faits semble suffisamment établie. Il me parait donc nécessaire de préciser aujourd’hui, ou de rappeler, certains points qui avaient été peu développés dans mon billet de 2019.

Des officiers sénégalais



Ainsi, parmi les membres de l’équipe de la MINUAR qui a récupéré les corps de mes amis[3], Pierre LEPIDI cite un officier belge alors que j’avais cité un officier sénégalais. Rencontré à Thiès (Sénégal) en 1998, au moment où la mission Quillés était en plein travail, ce jeune officier sénégalais m’avait donné son ressenti sur la manière dont les hommes du FPR, maitres du terrain, avaient accueilli la démarche de la MINUAR effectuée à la demande des Français.

Conscient depuis fort longtemps, et par profession, de la fragilité du témoignage humain, je ne suis pas surpris que des différences d’appréciation apparaissant dans les récits du belge et du sénégalais. Je suis un peu plus étonné que le belge nie la présence du sénégalais. La composition de l’équipe qui a récupéré les corps – et que je dois remercier ici – m’a été confirmée par le Colonel Jean-Jacques MAURIN dont personne ne doute de son très grand intérêt pour cette opération[4] : deux officiers belges et un officier sénégalais,
précise-t-il.

La participation du Sénégal à la MINUAR, trop souvent passée sous silence, n’a pas été négligeable, loin de là. Les officiers sénégalais furent des contributeurs courageux, voire-même héroïques, ainsi que l’a montré le capitaine Mbaye DIAGNE qui a donné son nom à une récompense prestigieuse décernée par l’ONU pour actes de bravoure. Ils furent aussi des témoins d’exception comme l’atteste l’ouvrage publié par le capitaine Amadou DEME[5].

Présent au Sénégal au moment où la mission d’information parlementaire française sur les événements du Rwanda menait ses travaux, j’ai rencontré plusieurs de ces officiers sénégalais ayant servi au sein de la MINUAR. Parmi eux, le 3 juin 1998 à Thiès (Sénégal), j’ai rencontré le capitaine Moctar BADIANE qui avait été envoyé au Rwanda par l’OUA avant de rejoindre les forces de l’ONU à la fin de 1993. Il m’avait résumé cette transition par la première directive reçue du général DALLAIRE : « Maintenant on parle anglais !» me dit-il en souriant pour m’indiquer que ce changement d’idiome était révélateur de tout un programme. Puis, le 14 décembre 1998, je me suis entretenu avec le capitaine El Hadji Babacar FAYE, aide de camp du général DALLAIRE en 1994 et aujourd’hui général et Président du comité onusien de sélection pour la médaille « capitaine Mbaye DIAGNE ».

Tous m’ont confirmé la participation d’officiers sénégalais aux différentes tentatives de récupération des corps[6]. Il est donc assez regrettable que soit aujourd’hui occulté leur ressenti, d’autant plus intéressant qu’il est radicalement opposé à celui du médecin belge THIRY. Si on passe sur l’aspect hâtif et très subjectif de leurs déductions quant au crime lui-même, les uns et les autres tirent des conclusions radicalement différentes de l’attitude - hostile pour les uns, indifférente pour les autres- des troupes du FPR qui les accompagnaient – ou qui les surveillaient ?

Faire partir les Français ?



Pierre LEPIDI fait le lien de cause à effet entre l’assassinat de nos amis et la réunion qui, au quai d’Orsay, a décidé de l’évacuation de tous les ressortissants du Rwanda. Or il n’est pas contestable que, dès les négociations d’Arusha en 1993 et comme j’ai pu le constater, le FPR exigeait le retrait militaire de la France du Rwanda, alors que les « durs » du régime de Kigali souhaitaient non seulement son maintien mais son renforcement. A la question « A qui profite le crime ? » que se pose systématiquement tout enquêteur quel que soit le crime auquel il est confronté, la réponse amène à se tourner vers le FPR qui, lui seul, a pu croire qu’il y avait intérêt... comme pour l’attentat du 6 avril 1994.

Régularisation administrative en hâte



Si, pour ce qui concerne ce qui s’est passé à Kigali, les choses me semblent assez bien connues et établies, elles semblent moins claires si on examine les documents établis à Bangui, comme l’indique Pierre LEPIDI.

« Avec l'A/C BACH, j'ai identifié les trois corps avant leur mise en bière dans les cercueils plombés à l'aéroport de Kigali le 14 avril. Pour l'épisode de Bangui et la rédaction des certificats de décès, je n'ai jamais été partie prenante » indique aujourd’hui le Colonel MAURIN. On comprend que les trois corps ont donc été pris en compte par les autorités des EFAO[7] et, probablement
par le Consul de France, afin d’établir les documents indispensables à leur rapatriement. Ceux-ci -- constatation médicale du décès puis acte de décès enregistré à l’état-civil -- n’avaient pas pu l’être à Kigali du fait des circonstances et de la fermeture de l’Ambassade. A l’évidence, pour l’un comme pour l’autre, ces pièces indispensables ont été réalisées dans l’urgence et dans la méconnaissance de ce qui s’était passé à Kigali : l’aspect administratif nécessaire au rapatriement des corps - comme aux familles[8]- a été privilégié tandis que les nécessités judiciaires semblent avoir été ignorées.

Pratiquer à Bangui une éventuelle autopsie se serait probablement heurtée à une double difficulté : quel magistrat avait la compétence[9] pour ordonner une autopsie de corps assassinés et découverts à Kigali? Quel médecin légiste présent à Bangui aurait pu opérer ?

Les circonstances dans lesquelles les actes ont été établis à Bangui peuvent, à elles seules, expliquer les rectifications qui ont dû être opérées par la suite (date précise du décès[10], prénoms, etc..). Je ne suis pas très sûr qu’il soit nécessaire d’entrer pour cela dans des théories complotistes élaborant des manipulations dont on distinguerait assez mal la finalité. D’ailleurs Pierre LEPIDI, lui-même commet une erreur de date en écrivant que les corps sont arrivés en Centre Afrique le 13 au soir. Le Colonel MAURIN, qui y était comme on le sait, est très clair : le C 130 du COS, qu’il avait pu conserver alors que tout le monde était parti, a décollé de Kigali le 14 avril vers 17H00, malgré les tirs de mortier qui, tombant en bout de piste, visaient à l’en empêcher. Arrivés tard à Bangui, les corps passeront la fin de la nuit aux EFAO et redécolleront dès le 15 au matin pour atterrir au Bourget en toute fin de matinée et être accueilli officiellement dans l’après-midi sur la base
voisine de DUGNY. Les personnels des EFAO ont donc eu moins de 24 h00, voire-même à peine plus de douze heures - et de nuit qui plus est ! - pour accomplir des formalités essentielles sur un triple événement dont ils ignoraient tout. Cela peut expliquer quelques erreurs de forme.



L’indispensable ouverture d’information judiciaire



Il est effectivement regrettable qu’aucune procédure n’ait été initiée en France. Si les familles ont pu croire qu’elles en étaient dissuadées (Cf. ma note n° 8), il était de la responsabilité des certaines autorités de saisir la justice française. Il n’est pas totalement étonnant que cela ait été bien compris par Alain MARSAUD, ancien juge anti-terroriste. Député de la Haute-Vienne en 1994, alors que je commandais le Groupement de Gendarmerie de ce même département, il a immédiatement estimé que, comme il le dit : « L’affaire
exigeait… l’ouverture d’une enquête judiciaire
». Il a saisi qui de droit. Dès lors, l’affaire était entre les mains de la Justice française… comme l’attentat du 6 avril 1994 le sera un peu plus tard, saisi cette fois par les familles de l’équipage.

Si Pierre LEPIDI donne une très (trop ?) large place à une hypothèse favorable au FPR, jugée dès le départ « incompatible[11] » avec les faits rapportés par les officiers de Gendarmerie présents à Kigali, il a totalement raison de s’étonner que la chancellerie n’ait pas suivi l’avis des magistrats et ouvert l’information présentée comme nécessaire.

Selon qui tu mets en cause, sera évalué ton témoignage



Cette ouverture d’information était même indispensable si on en juge par les spéculations auxquelles se livrent tout un chacun aujourd’hui. Une instruction aurait permis de graver dans le marbre les récits des témoins accueillis par les DIDOT à l’arrivée des hommes de l’APR. Or, probablement parce qu’ils désignent le FPR pour coupable, on tente de les réfuter par tout moyen. Ainsi on avance que THIRY prétend que les corps n’étaient pas tailladés. Pour autant que je le sache, c’est exact pour deux d’entre eux. Mais pas pour le troisième ! Comme je l’ai dit, j’étais présent à Dugny (et non au Bourget, mais il est vrai que ce n’est pas très loin) lors de la cérémonie accueillant les corps arrivant de Bangui. Les cercueils étaient accompagnés, comme on l’a vu, par le Colonel MAURIN qui, devant moi, a indiqué très clairement au colonel CUSSAC, qu’un des corps des deux hommes avaient été « travaillé à la machette ». Par ailleurs, comment LEPIDI peut-il prétendre que « sur les photos… on aperçoit les corps des français dans leurs cercueils. Les corps semblent entier » ? Effectivement -
j’y étais et c’est confirmé par les photos - les corps étaient bien dans les cercueils……cercueils plombés et fermés[12] …et les cercueils n’étaient pas transparents[13] et personne n’a vu les corps ! Pourquoi avancer un si mauvais argument ? Probablement pour conforter le témoignage du témoin THIRY dont on a bien conscience qu’il est fragile.

« Le témoignage du gardien semble peu crédible ! » nous dit-on, comme il en est de tous les témoignages défavorables à la thèse qu’on souhaite privilégier ! En fait, très objectivement, rien ne permet de le remettre en cause, bien au contraire, et surtout pas les prétendues erreurs[14] et approximations avancées par tous ceux qui se sont penchés sur ce sujet. Par ailleurs, le témoignage des membres du second groupe (en fait , le premier chronologiquement) de cinq enfants rwandais venus s’abriter chez les DIDO devrait également être pris en compte. Ces enfants de 1994 sont aujourd’hui des adultes très accessibles puisque vivant en Europe, en Belgique et en Allemagne pour être précis. Leur témoignage aurait été intéressant à recueillir. Une information judiciaire dans les formes le ferait inévitablement. C’est là, à mon sens et comme on le verra plus bas, une des raisons pour lesquelles, il n’y a pas eu d’information judiciaire.


Pierre LEPIDI finit tout juste de s’interroger sur l’origine et la fiabilité des témoignages divergents et de se demander « qui avait intérêt à brouiller les pistes » pour se lancer dans une opération de diversion en exhibant un « personnage sulfureux [15]». J’avais bien compris, de nombreux mois avant le 6
avril 1994, en voyant fortuitement débarquer ce « personnage sulfureux » sur le tarmac de l’aéroport Grégoire Kayibanda, que son intervention au Rwanda n’allait pas simplifier les choses. Mais mêler sa présence, niée par l’intéressé, aux conclusions présentées de manière erronées et abusives, d’une expertise balistico-acoustique controversée dite « enquête Trévidic », relève, à tout le moins de l’écran de fumée voire de la manipulation.

Ce crime est étroitement lié à l’attentat du 6 avril 1994 et KAYONGA ment



Mais je suis en accord avec Pierre LEPIDI lorsqu’il semble regretter que le juge Trévidic a abandonné ses investigations sur la mort de mes amis. La raison qu’il avance aujourd’hui, telle qu’elle lui aurait été révélée par ce qu’il appelle « une source proche du dossier », à savoir que « il fallait impérativement rendre le rapport sur l’origine de l’attentat dans les délais » est ENORME ! C’est un scoop que nous propose Pierre LEPIDI ! Ainsi, les magistrats français se seraient vu imposer des délais pour clore le dossier d’instruction sur l’attentat du 6 avril 1994 ? Pourquoi ces délais alors même qu’aucun des mis en examen n’était incarcéré ? Cette explication fournie par « un proche du dossier » est la confirmation des pressions politiques qui ont amené les magistrats, entre autres, à rendre leur copie[16] juste avant la trêve des confiseurs. Vingt-quatre ans après l’attentat il devenait soudain extrêmement urgent de clore[17] le dossier dans lequel les proches de Kagame étaient en examen ! Qui a imposé ce délai ? Et dans quel but ?

Le Monde a rencontré Charles KAYONGA …qui nie ! Bien ! On aurait pu cependant examiner l’hypothèse selon laquelle, ubwenge obligeant, celui qui en 1994 commandait le bataillon FPR cantonné au CND présentait les choses à son avantage. Car, lorsque, comme je l’ai fait, on est entré à Ruhengeri en février 1993, après trois jours d’occupation par les troupes de FPR, on mesure assez bien le déni dans lequel se trouve cet officier proche de Kagame lorsqu’il affirme « On n’entrait pas dans les maisons pour tuer les gens ! ». A Ruhengeri, en 93, les maisons étaient pleines de cadavres après le passage de l’APR! Par ailleurs, le témoignage du chanteur Corneille est assez explicite sur la manière dont, en 94, l’APR « n’entrait pas dans les maisons pour tuer les gens » !

Et puis, finalement, il suffit d’entendre le Colonel Luc MARCHAL, adjoint du général commandant la MINUAR, pour se convaincre de la mauvaise foi de KAYONGA : « Je peux certifier que Charles KAYONGA ment quand il affirme qu’il ignorait que des Français habitaient à un jet de pierre de son cantonnement. Il m’en a parlé lui-même à cause des antennes parfaitement visibles installées dans la parcelle. Un incident avait failli dégénérer dans la seconde quinzaine de janvier ou dans la première quinzaine de février 1994 : j’avais été appelé d’urgence au CND car les FAR installaient une antenne relais sur le toit d’un immeuble de plusieurs étages qui dominait le cantonnement du FPR. KAYONGA menaçait d’ouvrir le feu si les FAR ne mettaient pas un terme à leur installation. L’incident une fois réglé, KAYONGA, qui était particulièrement agressif, m’exprima sa certitude d’être espionné en permanence. Il m’indiqua trois endroits à partir desquels, selon lui, le FPR était espionné. Un de ces endroits, à proximité du CND, correspondait à la localisation de la résidence de l’Adjudant-chef DIDOT. KAYONGA ne fit aucun mystère du traitement qui serait réservé aux occupants de ces endroits en cas de reprise des hostilités…Voici les circonstances qui étayent ma conviction que ces assassinats sont bien le fait du FPR.» affirme aujourd’hui le colonel MARCHAL. Ainsi, non seulement KAYONGA n’ignorait pas la présence des Français dans cette quinzaine de janvier ou dans la première quinzaine de février 1994 : j’avais été appelé d’urgence au CND car les FAR installaient une antenne relais sur le toit d’un immeuble de plusieurs étages qui dominait le cantonnement du FPR. KAYONGA menaçait d’ouvrir le feu si les FAR ne mettaient pas un terme à leur installation. L’incident une fois réglé, KAYONGA, qui était particulièrement agressif, m’exprima sa certitude d’être espionné en permanence. Il m’indiqua trois endroits à partir desquels, selon lui, le FPR était espionné. Un de ces endroits, à proximité du CND, correspondait à la localisation de la résidence de l’Adjudant-chef DIDOT. KAYONGA ne fit aucun mystère du traitement qui serait réservé aux occupants de ces endroits en cas de reprise des hostilités…Voici les circonstances qui étayent ma conviction que ces assassinats sont bien le fait du FPR.» affirme aujourd’hui le colonel MARCHAL. Ainsi, non seulement KAYONGA n’ignorait pas la présence des Français dans cette maison mais leur présence, et leurs antennes, l’inquiétaient suffisamment pour qu’il s’en ouvre aux responsables de la MINUAR … et pour qu’il menace ! Aucun témoin (des préparatifs de l’attentat du 6 avril 1994) ne devait survivre ! KAGAME a toujours adopté la stratégie dite « du théâtre fermé » comme je l’ai expliqué dans d’autres écrits.

Aujourd’hui, KAYONGA ment car, expliquer les raisons pour lesquelles il – lui ou un autre cadre supérieur de l’APR- a cru bon d’ordonner ce quadruple assassinat constituerait une reconnaissance implicite des préparatifs de l’attentat du 6 avril 94 qui ont été réalisées au CND comme l’ont indiqué plusieurs témoins. Difficile d’aller expliquer ça à Kagame en sortant de l’interview !!!

Un crime imprescriptible



On aurait aussi pu examiner l’hypothèse selon laquelle des éléments incontrôlés du FPR auraient commis une bavure. Mais cela parait inutile, puisque KAYONGA nous dit que l’APR n’y est pour rien….Autant il serait nécessaire de remettre systématiquement en cause les témoignages défavorables au FPR , autant , les témoignages qui lui sont favorables devraient-ils être considérés comme autant de paroles d’Evangile! Nous en avons l’habitude dans le dossier « Rwanda » !

Les faits sont-ils prescrits ? Ce papier de Pierre LEPIDI aura eu le mérite non négligeable de lier encore un peu plus l’assassinat de nos amis à l’attentat du 6 avril 1994. J’en suis persuadé depuis longtemps : les hommes du FPR les ont exécutés après capture, et alors qu’ils étaient désarmés, parce que leur état-major a cru qu’ils avaient vu ou entendu quelque chose concernant les préparatifs de l’attentat du 6 avril 94 se déroulant sous leurs yeux au CND. Cela m’a été confirmé il y a plusieurs années par un ancien officier de l’APR : « Le jeune lieutenant qui les commandait a demandé des ordres… » m’a-t-il dit, confirmant sur ce point le récit de Régine. Ert aujourd’hui le témoignage du colonel MARCHAL nous apporte le mobile de ce crime délibéré qui, loin de la bavure, met en cause toute la hiérarchie de l’APR.

« Gaëtan LANA, le frère de Gilda DIDOT est persuadé que tout a été fait pour cacher une vérité inavouable » nous dit Pierre LEPIDI. Ce sentiment, partagé par beaucoup, ne peut que rapprocher la mort de nos amis du dossier de l’attentat du 6 avril 94 qui en assassinant deux chefs d’état et leur suite, a déclenché le génocide des tutsi et de très nombreux massacres systématiques de hutu. Dans ce cas-là aussi, si on croit les Procureurs près le TPIR Carla DEL PONTE et Louise
ARBOUR, si on croit Paul KAGAME lui-même, si on suit les manœuvres élyséennes sous les présidents SARKOZY et MACRON, dont Pierre LEPIDI vient de mettre au jour un épisode intéressant, tout a été fait pour qu’aucun procès ne se tienne.

Ce quadruple assassinat est, on le voit, indubitablement lié au crime imprescriptible de génocide. Il n’est donc pas prescrit. La justice française disposera, si elle le souhaite et si aucune pression politique ne vient plus l’entraver, de tous les éléments nécessaires pour mener à bien une information judiciaire digne de ce nom et aboutir à la condamnation des coupables.

[1] L’employé rwandais du couple Didot a été exécuté avec les trois français.

[2] https://blogs.mediapart.fr/michel-robardey/blog/090919/les-crimes-commis-contre-des-francais-doivent-ils-rester-impunis – 9 septembre 2019.

[3] Deux années au sein du détachement « Gendarmerie » à Kigali créent des liens. Nous avions tous beaucoup apprécié Gilda et Alain DIDOT. Je connaissais beaucoup moins bien René MAIER, arrivé peu avant mon départ.

[4] Malgré la fermeture de l’ambassade de France et le départ de l’Ambassadeur, malgré le départ des militaires français de l’opération Amaryllis, malgré le départ de tous les coopérants civils et militaires français et étrangers, le Colonel MAURIN a refusé de quitter Kigali sans les corps de nos amis. Il est resté seul en compagnie d‘un officier et d’un sous-officier français et a pu conserver un Transall du COS,.

[5] Capitaine Amadou DEME « Quand les vainqueurs racontent l’histoire – Les victimes des nations unies au Rwanda » - Editions SCRIBE – juillet 2021

[6] Par ailleurs, j’avais assisté en avril 1994, sur la base de Dugny, au compte rendu donné par le colonel MAURIN arrivant de Kigali, au colonel CUSSAC qui, sur ordre, avait quitté Kigali avec l’Ambassadeur dès le 11 avril. La participation des officiers sénégalais qu’il avait mentionnée en cette occasion m’était restée en mémoire.

[7] Éléments français d'assistance opérationnelle (EFAO) en Centrafrique

[8] Je ne reviendrai pas ici sur ce que j’ai expliqué en 2019 dans mon blog (op. cité) quant au renoncement par les familles de tout recours contre l’état français. Il s’agit, me semble-t-il, de la procédure normale d’indemnisation des ayants-droits des militaires tués en service. Acceptant le capital décès, les familles acceptent de considérer que l’Etat les a indemnisées en tant qu’employeur. Mais rien ne leur interdit de porter plainte contre les auteurs du crime. On aurait dû le leur expliquer plus clairement, d’autant que, portant plainte, les familles DIDOT et MAIER, auraient bénéficié de la protection fonctionnelle accordée en ce cas par le Ministère des Armées (dont dépendait alors la Gerndarmerie).

[9] Stricto sensu, ce triple crime commis au Rwanda et dont les corps avaient été découverts au Rwanda, relevait des juridictions rwandaises. Aucun parquet français ne s’en était saisi ni en avait été saisi. Le choix opéré par les familles de procéder à la crémation des corps dès leur rapatriements a interdit toute opération de médecine légale ultérieure.

[10] La détermination de la date et de l’heure du décès d’un cadavre découvert plusieurs jours après la mort est toujours un exercice délicat, quelques soient les circonstances. Les erreurs et leurs rectifications ne sont pas rares au cours de l’enquête qui suit, quel que soit le crime.

[11] On ne peut qu’opérer un nouveau rapprochement avec la procédure concernant l’attentat du 6 avril 1994. Dans ce dossier aussi, les magistrats ont estimé, jusque dans l’ordonnance de non-lieu actuellement pendante devant la Cour de Cassation, que toute autre piste que la culpabilité du FPR ne reposait sur aucune preuve tangible.

[12] Transportés par avion et franchissant des frontières, les corps avaient été très probablement placés comme le veut la réglementation dans des cercueils non seulement scellés mais également plombés. Ceux qui ont assisté à la cérémonie n’ont bien évidement pas eu la possibilité d’examiner les corps

[13] Au demeurant un examen superficiel ne suffit jamais ! Il m’est arrivé– alors que je commandais une Section de Recherches - de découvrir lors de l’autopsie que les traces de ce que les premiers enquêteurs avaient pris pour des coups de couteaux étaient en fait les traces de balles de petit calibre en séton !

[14] Péan ne s’est pas trompé en affirmant que des officiers sénégalais ont participé à la récupération des corps. C’est THIRY qui se trompe. Il y en avait au moins un ! Le fait que cette opération se soit déroulé en plusieurs temps explique peut-être ces divergences. D’où la nécessité de prendre en compte tous les récits !

[15] Je ne suis pas un inconditionnel de celui qui fut un temps
mon camarade avant d’emprunter d’autres chemins. Mais jamais , au grand jamais, il n’aurait accepté de participer à l’assassinat de deux gendarmes.

[16] Ordonnance de non-lieu rendue par les magistrats instructeurs en date du 21 décembre 2018 et rendue publique le 24 décembre , à l’heure où les français -n et les média -étaient occupés à tout autre chose!!

[17] En écrivant cela, me revient en mémoire une partie de phrase figurant dans la lettre installant la commission Duclert et qui disait à peu près ceci : « Ainsi que je m’en étais engagé auprès du Président Kagame…. »
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024