Fiche du document numéro 31443

Num
31443
Date
Vendredi 17 janvier 1964
Amj
Fichier
Taille
25426
Urlorg
Titre
De sanglants incidents auraient lieu au Ruanda
Nom cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Différentes informations en provenance du Ruanda font état d'événements graves survenus récemment dans ce petit État d'Afrique centrale, et au cours desquels de nombreuses personnes auraient trouvé la mort.

Les troubles sont le prolongement de la rivalité qui oppose les deux principales communautés ethniques du Ruanda, les Hutus et les Tutsi. On sait que les premiers ont pratiquement éliminé les seconds de tous les postes de responsabilité dans le pays depuis 1959. C'est parmi des personnalités hutus que fut formé le gouvernement lors de l'accession à l'indépendance, en juillet 1962. De nombreux Tutsi, entre temps, avaient quitté le territoire du nouvel État. On estime qu'environ quatre-vingt mille d'entre eux sont réfugiés dans les pays voisins, Burundi et Ouganda, notamment.

Dans les derniers jours du mois de novembre 1963, un groupe de Tutsi résidant au Burundi fut intercepté au moment où il allait franchir la frontière, apparemment pour tenter d'y déclencher une insurrection armée. Un mois plus tard environ, un autre groupe parvint jusqu'à une vingtaine de kilomètres de la capitale ruandaise, Kigali, où il se heurta à un élément des forces armées du Ruanda qui lui infligea des pertes (1).

Il semble qu'à la suite de ces diverses tentatives une répression sanglante se soit abattue sur les Tutsi demeurant encore au Ruanda. Un correspondant, demeurant à Butare, nous écrit notamment que depuis la mi-décembre « les Tutsi évolués sont systématiquement arrêtés », et qu'en certains points du pays « on procède à l'extermination » de leur communauté.

« C'est dans la préfecture de Gikongoro. poursuit-il, que cette répression semble prendre la plus grande ampleur. Encouragés par certaines des autorités, les Hutus attaquent les huttes des Tutsi ; armés de lances et de massues, ils massacrent tous les Tutsi qu'ils peuvent atteindre et jettent leurs cadavres à la rivière. Quatre mille Tutsi parvinrent à se réfugier à la mission de Kadwa deux mille cinq cents à celle de Cyanika. Les autres, sept ou huit mille, sont probablement morts. La Nyabarongo charrie des cadavres. »

« Le ministre de l'intérieur, ajoute-t-il, a envoyé un délégué chargé d'ordonner aux pères blancs de renvoyer chez eux les réfugiés. Pour les pères, il ne s'agit là que d'un moyen d'éliminer les derniers témoins, et ils se refusent à suivre les instructions gouvernementales... Ce qui se passe dans les autres régions du pays, je ne le sais pas avec certitude. On parle de milliers de morts dans la préfecture de Shangugu, d'autres massacres dans le Nord... »

Toujours d'après notre correspondant, M. Thant a récemment délégué au Ruanda un de ses représentants, M. Dorsinville. « Le gouvernement. écrit-il, l'a entretenu des crimes des terroristes, et l'ambassadeur s'est rendu à Usumbura pour examiner avec le gouvernement du Burundi le problème des réfugiés. » (2).

Il convient de signaler que le journal la Libre Belgique fait état ces jours derniers d'informations identiques, et que la réalité des incidents serait confirmée dans les milieux belges bien informés. Les mêmes sources indiquent que les troupes ruandaises, postées aux frontières pour éviter de nouvelles tentatives de pénétration, ne peuvent actuellement assurer l'ordre à l'intérieur du territoire.

(1) Voir le Monde des 1er et 2 décembre et 24 décembre 1963.

(2) M. Max Dorsinville a présidé en 1961-1962 la commission des Nations unies pour le Ruanda-Burundi. Il est depuis à la direction des opérations de l'O.N.U. au Congo, à Léopoldville.

A. J.
Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024