Fiche du document numéro 33973

Num
33973
Date
Samedi 6 avril 2024
Amj
Auteur
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Taille
0
Urlorg
Titre
30 ans du génocide des Tutsis au Rwanda : « Si la France avait voulu arrêter le génocide, elle aurait pu » [Avec Annick Kayitesi-Jozan, Jean Hatzfeld et Patrick de Saint-Exupéry]
Soustitre
Dans le grand entretien de 8h20 de France Inter, retour sur le génocide des Tutsis au Rwanda, avec Jean Hatzfeld, ancien journaliste, grand reporter et écrivain, Patrick de Saint-Exupéry, reporter pour Le Figaro au Rwanda en 1994 et Annick Kayitesi-Jozan, rescapée du génocide et auteure.
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Émission de radio (son)
Langue
FR
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Nos invités du grand entretien de ce samedi : Les reporters Patrick de Saint-Exupéry et Jean Hatzfeld et Annick Kayitesi-Jozan, rescapée du génocide des Tutsis ©AFP - Joël Saget / Alvaro Canovas

Avec :

Jean Hatzfeld, journaliste et écrivain.

Annick Kayitesi-Jozan, rescapée du génocide rwandais, auteure de Nous existons encore, ed. Michel Lafon.

Patrick de Saint-Exupéry, journaliste, grand reporter, écrivain et spécialiste du Rwanda.

Cela fait 30 ans qu'a eu lieu le génocide au Rwanda. Le 7 avril 1994, des massacres de masse à coups de machette sont perpétrés contre les Tutsis par les Hutus. Trois mois de folie génocidaire et plus de 800.000 victimes. Dans un discours vidéo publié dimanche et dont des extraits ont été partagés par l’Elysée jeudi, Emmanuel Macron a reconnu que la France n’avait pas eu la volonté d’arrêter génocide, propos sans précédent depuis 30 ans. Quels mots pour le dire ? Comment commémorer ?

"Ils ont tué tout le monde"



Les tueries du printemps 1994 ont été déclenchées au lendemain de l'attentat contre l'avion du président hutu Juvénal Habyarimana, dans une frénésie de haine alimentée par une virulente propagande anti-Tutsi. "C'est vraiment le déclencheur mais tout était prêt", assure Patrick de Saint-Exupéry, reporter pour Le Figaro. Il décrit un génocide "construit dans le temps avec la destruction annoncée d'une partie de la population". Lorsqu'il arrive au Rwanda en mai 1994 il raconte avoir été marqué par le silence.

Jean Hatzfeld, ancien journaliste, grand reporter et écrivain, qui était sur place en 1994 reconnaît "une erreur collective". "On est totalement passé à côté des rescapés", dit-il. "L'une des raisons du silence des rescapés c'est qu'ils ont peur", explique Jean Hatzfeld. "Ils n'avaient plus intérêts à parler. On les avait abandonné", assure le journaliste. Cependant, d'après Annick Kayitesi-Jozan, rescapée du génocide et auteure, les rescapés ont parlé. "Dès le début on a dit 'ils ont tué tout le monde'", dit-elle. Elle assure avoir raconté son histoire dès 1995 à son arrivée en France. "On n'était pas nombreux", reconnaît-elle, "mais aussi parce que l'on ne nous écoute pas", assure-t-elle. Selon Patrick de Saint-Exupéry, "le récit des rescapés est notre mauvaise conscience".

"On devait intervenir, c'était un devoir, on a failli"



"J'ai perdu toute ma famille", raconte Annick Kayitesi-Jozan, rescapée du génocide. "Si la France avait voulu arrêter le génocide, elle aurait pu. Elle aurait même pu faire en sorte qu'il ne commence pas", selon elle.

Selon Patrick de Saint-Exupéry, la question de la responsabilité de la France se pose. "On a le droit de se tromper, ce qui est inadmissible c'est de refuser que l'on s'est trompé", dit-il. Il dénonce un manque de courage. "Si ces gens là avaient le courage de dire qu'ils se sont trompés, ça serait un pas énorme", assure-t-il. Il dénonce le "cynisme" des autorités françaises.

D'après Jean Hatzfeld, ancien journaliste, grand reporter et écrivain, les déclarations d'Emmanuel Macron cette semaine sur le génocide sont "banales". "On devait intervenir, c'était un devoir, on a failli à ce devoir et donc on est coupable", dit-il. Il y a bien eu, selon lui, une complicité de la France. "Jamais dans l'histoire humaine on a tué avec une telle efficacité", selon lui.

"Le mot génocide réduit. Il ne dit pas le traumatisme dans lequel cela nous a plongé"



Annick Kayitesi-Jozan, rescapée du génocide, dénonce le mot de génocide. Un mot qu'elle a découvert en arrivant en France, raconte-t-elle. "Quand ma mère a été tuée, on m'a fait nettoyer son sang, ça ce n'est pas contenu dans le mot génocide. Cela fait 30 ans que j'attends de trouver le corps de ma mère. Les tueurs savent où elle est. Ils ont laissé son corps aux chiens, le mot génocide ne dit pas ça", explique-t-elle. "Le mot génocide réduit. Il ne dit pas le traumatisme dans lequel cela nous a plongé", dit Annick Kayitesi-Jozan, "ce mot là, je ne le supporte pas parce qu'il va trop vite, il est banalisé". "Je pleure parce que tous les mois d'avril j'ai encore 14 ans", raconte l'auteure.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024