Fiche du document numéro 5560

Num
5560
Date
Avril 2009
Amj
Auteur
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Fichier
Taille
666187
Urlorg
Titre
La surmortalité au Congo (RDC) durant les troubles de 1998-2004 : une estimation des décès en surnombre, scientifiquement fondée à partir des méthodes de la démographie
Lieu cité
RDC
Mot-clé
Source
Type
Rapport
Langue
FR
Citation
La surmortalit€ au Congo (RDC) durant les troubles de 1998-2004 : une
estimation des d€c•s en surnombre, scientifiquement fond€e ‚ partir des
m€thodes de la d€mographie
Andr€ Lambert et Louis Lohl€-Tart, d€mographes

AD

adrass@skynet.be, Octobre 2008

1

Introduction : des guerres, des €lections et des morts

On parle souvent, € propos de la R•publique D•mocratique du Congo (RDC), de ‚ quatre
millions de morts ƒ – on cite m…me des chiffres encore beaucoup plus •lev•s – du fait des
troubles politiques de ces derni†res ann•es. Une ONG en particulier (International Rescue
Committee [IRC]) a contribu• € diffuser cette information, reprise sans examen par de nombreuses personnalit•s ou organisations, y compris politiques.

SS
RA

Les quatre millions de morts, produit suppos• de la deuxi†me guerre du Congo, entre 1998 et
2004, repr•sentent une •valuation du nombre de d•c†s dus aux troubles et € leurs cons•quences. Depuis lors, ce nombre a, curieusement, subi une inflation dans l’horreur! En ce qui nous
concerne, nous n’•tudions ici que la validit• du nombre initialement proclam• et nous montrons qu’il a •t• incroyablement exag•r•.
Une premi†re guerre a eu lieu en 1996 lorsque les troupes de l’Alliance des Forces D•mocratiques pour la Lib•ration du Congo (AFDL), fortement •paul•es par des militaires rwandais,
ont travers• le Congo d’Est en Ouest, jusqu’€ la fuite du pr•sident Mobutu et l’installation au
pouvoir du pr•sident Laurent-D•sir• Kabila. De l’avis g•n•ral, cette op•ration s’est apparent•e € une ‚ promenade militaire ƒ caract•ris•e par la fuite •perdue (ou la reddition) des troupes fid†les au Mar•chal Mobutu devant les hommes se r•clamant du futur pr•sident. Il y eut
certainement des morts suite € des escarmouches, ou dans le cadre d’ex•cutions ou d’autres
exactions mais un consensus est •tabli pour dire que cette premi†re guerre a g•n•r• peu de
mortalit• directe et un minimum de d•sorganisation suppl•mentaire. D’ailleurs, les ‚ quatre
millions de morts ƒ souvent cit•s ne se r•f†rent pas € cette premi†re guerre.
La deuxi†me guerre opposa de 1998 € 2004 les troupes du pr•sident Kabila, dor•navant appuy•es par des contingents •trangers (zimbabw•ens, angolais,…) aux troupes rebelles de l’Est
de la RDC, soutenues par le Rwanda et l’Ouganda. Une des p•rip•ties de cette guerre a •t• la
d•sunion puis l’opposition entre Rwandais et Ougandais, dont les troupes se sont battues entre
elles € Kisangani et dans la r•gion.
Par ailleurs, un enregistrement •lectoral (‚ enr‰lement ƒ) de la population de nationalit•
congolaise a eu lieu en RDC en 2005-2006 en vue de la constitution d’un fichier des •lecteurs.
Cette op•ration a permis de r•partir les •lecteurs inscrits selon le sexe et l’Šge, par circonscription administrative.
A la demande de la Commission Europ•enne, trois experts, dont les deux auteurs de cet article, ont effectu• un contr‰le des proc•dures d’enregistrement; celles-ci se sont av•r•es extr…mement fiables d’un point de vue statistique.

1

Les experts ont aussi r•alis• une reconstitution dynamique de la population par sexe et Šge
d’abord depuis 1984, ann•e du dernier recensement, ensuite depuis 1956. Cette reconstitution
ressemble en tous points € un exercice de prospective d•mographique si ce n’est qu’il se d•roule sur le pass•.

AD

Vu le caract†re sensible de cette reconstitution, la Commission a demand• qu’un embargo
emp…che la divulgation des donn•es relatives aux effectifs de population estim•s pour 2005.
Nous comprenons parfaitement le bien-fond• de cet embargo et ne publierons donc ci-dessous
aucune donn•e € ce sujet. Les seuls effectifs publi•s seront des estimations de nombres de
morts. Pour le reste, seuls des pourcentages de population ou des indicateurs du mouvement
naturel (par exemple l’esp•rance de vie) seront produits, m…me si tous les calculs n•cessaires
€ la confection de ce texte ont utilis• abondamment toutes les informations chiffr•es relatives
aux populations par sexe, Šge, provinces et districts de la RDC en 2005 (enregistrement •lectoral) et de 1956 € 2005 (reconstitution dynamique).

SS
RA

GrŠce € la reconstitution, on a pu estimer pr•cis•ment les effectifs de population par sexe et
Šge du pays depuis 1956, et par r•gion (c’est € dire pour chaque province et, € l’int•rieur de
chacune, les districts) depuis 19841. Partant, il a •t• ais• d’estimer le nombre de d•c†s qui se
sont produits au Congo durant les p•riodes de troubles et de s’interroger sur la pertinence de
l’affirmation selon laquelle les guerres et leurs cons•quences auraient produit quatre millions
de morts.
Il est •vident que tous les morts de la p•riode ne sont pas dus aux troubles. Il est •galement
clair que lorsqu’on parle de quatre millions de morts, y compris pour en contester le chiffre,
on s'entend bien pour comptabiliser non seulement les morts au combat (qu’ils soient des soldats r•guliers ou non) mais aussi toutes les autres victimes – dont le nombre est beaucoup plus
important que celui des ‚ combattants ƒ – du fait de la d•sorganisation des h‰pitaux, des circuits commerciaux, des travaux agricoles etc..
On pourrait s’interroger sur l’impertinence – ou m…me l’ind•cence – qu’il y a € revisiter une
affirmation comme celle relative aux ‚ quatre millions de morts en RDC ƒ. Nous pensons par
l€ combattre tout r•visionnisme, tant celui qui nie les catastrophes humanitaires que celui qui
s’en empare pour des motifs respectables (mobiliser l’aide; oui mais de ce fait au d•triment
d’autres crises?) ou non (attiser les haines entre nations et/ou ethnies). Mais soyons absolument clairs : si les troubles en RDC ont produit € notre estime bien moins que quatre millions
de morts, ce seront toujours des morts de trop!
Dans les paragraphes suivants, on pr•sentera d’abord les r•sultats des op•rations
d’enregistrement des •lecteurs et de reconstitution de la population.
Ensuite, on montrera la parfaite ad•quation entre les effectifs de population reconstitu•s et
ceux enregistr•s. Cette similitude conduira € accepter comme vrais non seulement les volumes
de population produits en 2005 mais aussi les hypoth†ses de mortalit• et de f•condit• qui les
ont g•n•r•s. Et cette connaissance du mouvement, particuli†rement celle de la force de la
mortalit•, nous permettra de r•futer sans appel la croyance selon laquelle il y aurait eu quatre
millions de morts.

1

Le dÄcoupage administratif du Congo Belge de 1956 et le degrÄ de dÄsagrÄgation des donnÄes ne permettaient pas de remonter plus avant dans le temps par rapport Å la structure administrative actuelle du pays.

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2

L’enregistrement des €lecteurs

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RA

AD

L'enr‰lement des •lecteurs en vue des •ch•ances •lectorales de 2005 et 2006 (r•f•rendum
constitutionnel, •lections pr•sidentielles et parlementaires, puis •lections locales, pr•vues
pour plus tard) a •t• mis en place entre juillet 2005 et f•vrier 2006, € l'aide d'un dispositif largement d•centralis•, couvrant le territoire national par quelque 9.000 bureaux ou "Centres
d'Inscription", int•gralement informatis•s, tr†s largement diss•min•s € travers l'immensit• de
la R•publique. Concr†tement, l'op•ration a •t• men•e en cinq "vagues" successives couvrant
Kinshasa puis deux ou trois provinces € la fois (le d•coupage d'alors portait sur onze provinces, Kinshasa inclus); ces dispositions proc•daient d'une volont• d'optimisation de la logistique, notamment, mais n'ont qu'un impact limit• sur les r•sultats, en particulier pour ce qui
nous concerne. Il faut savoir que l'enr‰lement est l•galement obligatoire pour tous les Congolais Šg•s de dix-huit ans ou plus; l'aspect l•galement contraignant est •videmment sans retentissement, aucune disposition ne permettant en r•alit• de contr‰ler le respect de cette obligation. Par contre, le d•sir des populations d'aller aux •lections et le bonus offert par la loi de
consid•rer la carte d'•lecteur comme tenant lieu de carte d'identit• sont deux facteurs qui ont
fortement motiv• et mobilis• les populations. Un l•ger b•mol doit …tre apport• par la volont•
de certains politiciens influents de saboter le processus en recommandant le refus d'enr‰lement; l'analyse a posteriori des effectifs enr‰l•s a montr• que l'impact n'a pas •t• massif.
On remarquera que si nous cherchons € mettre en •vidence des d•ficits de population entre ce
que l'on observe (donn•es •lectorales) et ce que l'on attend (donn•es prospectives), les lacunes
diverses pourraient …tre prises pour un exc†s de mortalit•. En effet, si nous manquons d'effectifs lors du d•nombrement •lectoral et que nous consid•rons ce dernier comme raisonnablement exhaustif, les "•vad•s" comme les boycotteurs, non compt•s par d•finition, seront alors
confondus avec des morts en exc†s. On peut par contre redouter l'effet oppos•, le "bourrage"
par des gens qui ne devraient pas figurer sur les listes •lectorales, •trangers et jeunes de moins
de 18 ans. Les analyses d•taill•es montreront que ce bourrage n'a eu en g•n•ral qu'un effet
anecdotique, et que la promotion de jeunes au rang d'adultes est parfaitement identifiable. Par
ailleurs, tous les •l•ments d'observation et d'analyse convergent pour montrer que ces jeunes
en exc†s sont ais•ment isolables; le ph•nom†ne, r•pandu dans tout le pays, n'a cependant pas
constitu• une tentative de fraude mais simplement une inscription "anticip•e" massive pour
s'assurer de la possession d'un titre d'identit•, vu que personne n'osait pronostiquer ni si ni
quand une nouvelle op•ration ou m…me une simple mise € jour aurait lieu.
La validation technique de l'enr‰lement a proc•d• € des op•rations analytiques complexes
reposant sur les caract•ristiques particuli†res de la circulation des donn•es dans le processus
global de l'enr‰lement, que nous esquisserons ici bri†vement :
Les donn•es individuelles, qui figurent sur la carte d'•lecteur (identification de la personne et
de ses ascendants, lieu et date de naissance, localisation actuelle et donn•es biom•triques •l•mentaires [photo et une empreinte digitale]), sont enregistr•es sur les disques de l'ordinateur,
munis d'identificateurs uniques automatiques et non accessibles aux op•rateurs. A partir de ce
moment, l'information suit deux fili†res distinctes qui resteront totalement ind•pendantes de
bout en bout du processus :
 Les donn•es individuelles sont syst•matiquement consolid•es et sauvegard•es par
jour, par semaine et € la cl‰ture d'un bureau sous la forme physique de c•d•roms. Une
copie au moins des c•d•roms complets doit remonter des centres d'inscription vers une
hi•rarchie de bureaux locaux et r•gionaux pour aboutir au CNT (Centre National de
Traitement) install• dans les locaux de la CEI (Commission Electorale Ind•pendante)
€ Kinshasa et g•r• par l'assistance technique des Nations Unies.

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Quotidiennement ou, si les circonstances sont plus contraignantes, aussi souvent que
possible, les chefs de Centres d'Inscription communiquent aux bureaux locaux le
nombre de cas trait•s dans la journ•e dans leur centre; cette information agr•g•e remonte de mani†re g•n•ralement immat•rielle (par t•l•phone) selon la m…me hi•rarchie, jusqu'au STN (Secr•tariat Technique National), •galement situ• dans les locaux
de la CEI, et sous la responsabilit• directe des cadres techniques congolais.



Il faut souligner qu'€ aucun moment l'information agr•g•e n'a servi € contr‰ler les effectifs transmis par c•d•rom – ni d'ailleurs les c•d•roms n'ont •t• exploit•s, m…me superficiellement, pour confirmer ou infirmer les chiffres agr•g•s. Si cette scission des
flux d'information est regrettable pour l'efficacit• de l'op•ration, elle est sp•cialement
bienvenue dans le cadre de nos travaux, puisqu'elle garantit l'ind•pendance entre les
deux sources (les informations agr•g•es remontant sous forme d'une d•claration d'activit• quotidienne, elles ne pouvaient …tre "contamin•es" par un •ventuel examen du
c•d•rom final – qui n'•tait d'ailleurs pas € la port•e des chefs de Centre d'Inscription);
la pr•sence de "deux sources ind•pendantes" est une aubaine classique pour toute validation de donn•es.

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RA

Le d•tail du travail des experts ayant valid• les donn•es est bien s‹r sous embargo; il nous est
cependant loisible d'affirmer que les traitements appliqu•s aux donn•es ont permis de r•sorber
pratiquement int•gralement la quasi-totalit• des erreurs relev•es en premi†re analyse dans les
fichiers remontant du terrain (plusieurs millions d'erreurs, dues aussi bien € des donn•es mal
class•es ou mal rout•es, ou € des consolidations incorrectes, qu'€ des d•faillances des mat•riels et logiciels utilis•s sur le terrain). Par contre, le spectre du "bourrage d'urne" avec l'inscription multiple de nombreux •lecteurs a pu …tre •cart• : que ce soient les m•thodes technologiques extr…mement lourdes de d•tection des doubles empreintes digitales (seulement partiellement appliqu•es) ou des m•thodes plus rustiques mais toujours efficaces (couplages de
caract•ristiques individuelles), les cas d'inscriptions multiples frauduleux sont r•siduels, quelques milliers sur les plus de 25.000.000 d'•lecteurs.
Ces mani†res de proc•der constituent la "critique interne des donn•es", qui ne prend en consid•ration que le contenu des donn•es et leur processus de collecte et de remont•e. En r•sum•,
cette critique am†ne € la conclusion que, dans les grandes lignes, les listes •lectorales ont •t•
constitu•es de mani†re s•rieuse et suffisamment transparente, avec peu de doutes sur l'honn…tet• de l'immense majorit• des personnes enr‰l•es. Certes, l'analyse purement d•mographique
(distribution par sexe et Šge) montre des imperfections consid•rables, mais qui ne sont pas
globalement pires que celles d'un Recensement dit "scientifique" : en gros, les gens ont r•pondu comme ils le pouvaient, et ceux qui ne connaissent pas leur Šge n'ont pu d•clarer
qu'une information approximative, mais qui restait strictement dans les standards pour ce
genre de population. On peut aussi en conclure directement € l'absence de "bourrage" sur une
•chelle perceptible, € moins de manipulations sur le terrain par une arm•e de d•mographes
comp•tents et coordonn•s capables d'inventer en temps r•el les individus de populations d•mographiquement correctes! D'autres indicateurs, telle la comparaison entre lieu de naissance
et lieu d'enregistrement, ne permettaient pas de relever des poches d'anomalies qui auraient pu
faire soupŒonner des inscriptions fictives.

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La reconstitution de la population

Une reconstitution de la population s’apparente € un exercice de prospective (ou de perspective ou de pr•vision ou de projection; peu importe ici le vocabulaire) sur le pass•: pratique4

ment, on se base sur une population r•partie par sexe et Šge € un moment donn• du pass• et
on lui applique chaque ann•e des taux et/ou des probabilit•s par sexe et Šge de mortalit•, f•condit• et migrations, constants ou variables, afin d’obtenir pour une ann•e finale une estimation de la population par sexe et Šge la plus proche possible de celle r•ellement observ•e € ce
moment-l€.

AD

Dans le cas de la prospective sur le pass• de la RDC, on s’est d’abord appuy• sur les r•partitions par sexe et Šge du recensement de 1984, le dernier qui ait eu lieu dans le pays. Les estimations de la mortalit• et de la f•condit• de la p•riode 1984-2005 sont celles publi•es par les
Nations Unies (et, pour la plupart, estim•es par les d•mographes congolais). Le solde des migrations externes (balance entre les entr•es et les sorties du pays) est notoirement faibles et
n’a pas •t• prises en compte.
S’agissant d’un exercice dont la finalit• est l’•valuation de la compl•tude de l’enregistrement
des •lecteurs et de leur r•partition par sexe et Šge, on s’est uniquement int•ress• € la population de nationalit• congolaise. Celle-ci repr•sentait en 1984 environ 95% de la population de
chaque groupe d’Šge, € l'•chelle de tout le pays, avec cependant de fortes diff•rences r•gionales, dont les travaux par province ont tenu compte.



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Pour r•aliser correctement ce travail de reconstitution, il a fallu proc•der de la faŒon suivante :
 D’une part, on a traduit en chiffres d•taill•s par sexe et Šge les estimations globales de
mortalit• (esp•rances de vie) et de f•condit• (nombre d’enfants par femme) disponibles pour la p•riode 1984-2005. Ces estimations de la mortalit• et de la f•condit• sont
g•n•ralement assez robustes m…me lorsqu’elles sont r•alis•es dans des pays € statistiques d•ficientes : les d•mographes ont recours € diff•rentes techniques de contr‰le des
observations partielles dont ils disposent et d’un th•saurus consid•rable de ‚ tables de
mortalit• ƒ conŒues pour les diverses sous-r•gions mondiales (par ex. : l’Afrique tropicale n’a pas les m…mes mortalit• et f•condit• que l’Afrique sah•lienne). Les d•mographes transforment alors ces estimations globales en probabilit•s et taux par sexe et
Šge. Cela a •t• fait et on a produit une premi†re reconstitution pour la p•riode 19842005.
Mais un doute subsistait : pouvait-on accepter telle quelle la r•partition par sexe et Šge
produite par le recensement de 1984? En d’autres termes, quelle •tait la fiabilit• de ce
d•nombrement? Dans l’incertitude, on s’est donc r•solu € amplifier l’exercice de reconstitution en le faisant d•buter dans le pass• le plus lointain possible, en l’occurrence en 1956, ann•e pivot de la premi†re grande enqu…te d•mographique au Congo,
r•alis•e par A. Romaniuk. On objectera qu’en 1956 aussi, la qualit• de l’enqu…te pouvait laisser € d•sirer. Dans le milieu des d•mographes, il y a cependant un large
consensus pour vanter la qualit• de cette enqu…te-l€. Mais quoi qu’il en soit, en partant
de 1956, on produit pour 2005 une population dans laquelle 91% des effectifs sont n•s
apr†s 1956. Donc, les •ventuelles erreurs dans la population de 1956 ne p†sent pas
d’un grand poids en 2005. Et si en plus, la reconstitution permet de passer € proximit•
de ‚ balises ƒ, particuli†rement les effectifs ET les r•partitions par sexe et Šge produites par les recensements administratif de 1970 et g•n•ral de 1984, on a alors
l’assurance que la reconstitution reproduit bien la dynamique d•mographique pass•e
de la population congolaise.

Finalement, la reconstitution commence en 1956 et passe entre cette date et 2005 par les balises suivantes :

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AD

L’enqu…te d•mographique de A. Romaniuk centr•e principalement sur l’ann•e 1956 €
partir de laquelle l’auteur a publi• : ‚ La f•condit• des populations congolaises ƒ,
chez Mouton, Paris La Haye, 1967.
Le recensement administratif de 1970.
La synth†se des Etudes D•mographiques de l’Ouest du Za•re 1974-1977, Louvain-laNeuve, 1978.
La th†se de doctorat de Koni Botoke Bongoma intitul•e : ‚ Population trends in Zaire
and their implications 1885 – 2005 ƒ, Australian National University, Canberra, 1979
Le recensement de 1984.
Les estimations des Nations Unies pour la p•riode 1984 – 2002.
L’estimation ‚ ADRASS ƒ de la population du Congo en 2005, faite € partir du recensement de 1984.






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La concordance entre les effectifs estim€s par la reconstitution et ceux issus de
l’enr„lement €lectoral

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Au terme du premier exercice de reconstitution (de 1984 € 2005), des pyramides d’Šges ont
•t• dessin•es pour l’ann•e 2005 et confront•es € celles des •lecteurs inscrits. Les figures 1
(par Šge) et 2 (par classes d’Šge) pr•sentent les diff•rences entre les effectifs reconstitu•s de
mani†re ‚ prospective ƒ et ceux issus de l’enregistrement •lectoral, pour le pays dans son entier.
On constate aux figures 1 et 2 que les deux approches donnent des r•sultats tr†s semblables
sauf autour de l’Šge de 18 ans. L’•cart est le fait de l’enregistrement comme •lecteurs de personnes ayant moins de dix huit ans mais qui se sont d•clar•es avoir 18 ou 19 ans pour devenir
•lecteur ou, surtout, pour obtenir un papier d’identit•. On sait que depuis des d•cennies, en
RDC, il n’y a pas ou plus d’•tat civil ni de registres de population, et qu’il peut s’av•rer utile
de poss•der au moins un document tenant lieu de document administratif. La figure 1 pr•sente
les •carts pour chaque ann•e d’Šge, € partir des effectifs par Šge issus de l’enregistrement
d’une part, de la reconstitution d’autre part. La figure 2 pr•sente les m…mes r•sultats apr†s
regroupement en classes quinquennales afin d’assurer une meilleure visibilit• et •liminer le
‚ bruit ƒ caus• par des erreurs de d•claration d’Šge. Tout naturellement, il y a g•n•ralement
plus d’effectifs de population que d’•lecteurs, car tout le monde ne s’est pas inscrit.
La concordance pr•sent•e dans les figures 1 et 2 a •t• contr‰l•e pour chacune des provinces
et la presque totalit• des districts du pays (€ l’exception de quelques districts urbains tels Bukavu-ville ou Zongo, oŽ les mouvements migratoires – inconnus mais mesurables par reconstitution – emp…chent l’obtention d’une concordance imm•diate).

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Figure 1 : Ecarts par Šge entre la pyramide issue de la reconstitution de la population et celle
des •lecteurs inscrits

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Figure 2 : Ecarts par groupes quinquennaux d’Šge entre la pyramide issue de la reconstitution
de la population et celle des •lecteurs inscrits

On voit nettement € la figure 2 que les ‚ erreurs ƒ d’enregistrement des •lecteurs n’affectent
que les jeunes d’une vingtaine d’ann•es. On remarquera avec malice que les jeunes filles

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trompent plus facilement le monde sur leur Šge que les jeunes gens, sans doute parce que
l’exhibition de leur prog•niture les fait accepter comme de respectables m†res de famille,
donc adultes...

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La tr†s grande concordance entre l’exercice de reconstitution depuis 1984 et celui
d’enregistrement est une validation r•ciproque et s‹re de la qualit• des deux op•rations : il est
en effet impensable que la quasi concordance soit fortuite. Rappelons-en les deux raisons :
 l’enregistrement a •t• collationn• selon deux cheminements administratifs diff•rents.
Il en r•sulte un fort contr‰le interne.


l’exercice de reconstitution est contraint par la r•partition de la population par sexe et
Šge retenue pour l’ann•e 1984 et les balises depuis cette date.
Par s•curit•, il reste donc € contr‰ler comme sugg•r• ci-dessus, la qualit• des donn•es du recensement de 1984 en recommenŒant une reconstitution € partir de 1956.
Aux figures 3 et 4, on compare les effectifs reconstitu•s en 1970 et en 1984 avec les observations des recensements de ces ann•es. Les pyramides dessin•es ne montrent que les •carts,
calcul•s par Šge et regroup•s en classes quinquennales d’Šge, par souci de visibilit•.

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Figure 3 : Ecarts par groupes quinquennaux d’Šge en 1970 entre la pyramide issue de la reconstitution de la population depuis 1956 et celle du recensement administratif de 1970

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Figure 4 : Ecarts par groupes quinquennaux d’Šge en 1984 entre la pyramide issue de la reconstitution de la population depuis 1956 et celle du recensement de 1984

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A titre d’exemple, examinons (figure 4) les diff•rences observ•es en 1984 entre le recensement de 1984 et l’exercice de reconstitution men• depuis 1956. On y constate bien une quasi•quivalence! Or, en 1984, la population n•e depuis 1956 repr•sente d•j€ 70% du total. Ces
‚ 70% ƒ sont issus de l’application de taux et de probabilit•s; mais ces derniers sont euxm…mes la traduction en donn•es d•taill•es (par ann•e d'Šge) des estimations globales de mortalit• et de f•condit• faites par les d•mographes congolais et leurs confr†res des Nations Unies
€ intervalles r•guliers au cours de la p•riode 1956-1984. On peut donc d•j€ :
 valider la r•partition par sexe et Šge du recensement de 1984.


Accepter les niveaux et tendances de la mortalit• et de la f•condit• estim•s par les Nations Unies et/ou les d•mographes congolais pour l’intervalle de temps 1956-1984.

Enfin, € la figure 5, les •carts infimes entre la reconstitution issue de 1956 et celle issue de
1984 l†vent d•finitivement les doutes sur la qualit• du recensement de 1984 – donc aussi sur
la v•racit• de la concordance entre populations reconstitu•es (que ce soit € partir de 1956 ou
de 1984 est maintenant sans importance) et populations •lectoralement enregistr•es.

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Figure 5 : Ecarts par groupes quinquennaux d’Šge en 2005 entre la pyramide issue de la reconstitution de la population depuis 1956 et celle issue du recensement de 1984

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En conclusion,
 De la quasi-identit• en 2005 entre les reconstitutions longue (depuis 1956) et courte
(depuis 1984),
 Et de la quasi-confusion en 2005 entre effectifs reconstitu•s et •lecteurs inscrits,
on peut non seulement valider d•finitivement les trois op•rations (les deux reconstitutions et
l’enregistrement) mais surtout valider toute la Ä machinerie Å utilisÇe pour la reconstitution,
principalement les tendances de la mortalitÇ et de la fÇconditÇ entre 1956 et 2005.
Nous pouvons donc examiner en toute s•curit• l’•volution des esp•rances de vie € la naissance par sexe en RDC depuis 1956. Cette ann•e-l€, les valeurs •taient de 40 ans pour les
hommes et de 43 ans pour les femmes. On observe € la figure 6 une croissance mod•r•e jusqu’en 1971 puis une acc•l•ration rapide mais malheureusement de courte dur•e car, d†s la fin
de la d•cennie 1970, l’esp•rance de vie diminue aussi fortement qu’elle avait augment• jusque l€, sans doute sous les effets combin•s de la mont•e en puissance de l’•pid•mie de
VIH/SIDA mais aussi du commencement du d•clin du ‚ r•gime Mobutu ƒ. Depuis les ann•es
1990, la d•gradation se poursuit doucement et aboutit en 2005 € des niveaux aussi m•diocres
qu’€ l'•poque de l’Ind•pendance!

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Figure 6 : Les tendances des esp•rances de vie au Congo de 1956 € 2005, produites par l’outil
de reconstitution de la population

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Il faut garder € l'esprit ces courbes de mortalit• et bien les resituer dans le temps. En effet, un
argument utilis• par les tenants de l’affirmation ‚ Quatre millions de morts ƒ pour justifier la
valeur •lev• de ses estimations est que les morts "dus € la guerre" trouvent pour l'essentiel
leur origine dans des faits non militaires et non li•s directement au conflit arm•; ce seraient
les cons•quences de la d•sorganisation sociale, de l'arr…t des cultures, de la disparition des
infrastructures de sant•, etc… d•coulant directement de la guerre. Or, l'analyse de la mortalit•
montre que les esp•rances de vie ont commenc• € d•cliner vingt ans avant les conflits et, bien
plus, ont presque cess• de se d•grader, sans pour autant reprendre leur am•lioration, bien
avant le d•but des conflits. Donc, si nous adh•rons volontiers € l'hypoth†se d'une d•t•rioration
de la situation sanitaire et nutritionnelle, sa chronologie indique qu'on doit l'imputer d'abord €
la d•gradation du d•veloppement li•e € l'effondrement progressif du r•gime, € la fois bien
ant•rieure € la guerre et bien plus aigu• avant celle-ci. Cela exclut radicalement de l'imputer
aux situations de guerre.
Dans la suite du texte, on citera des nombres de morts € l’unit‚ prƒs, simplement pour laisser
la plus grande transparence possible € nos calculs. Mais il ne faudrait pas imaginer que nous
avons l’outrecuidance de croire avoir estim‚ la mortalit‚ avec un tel degr‚ de pr‚cision!
D’ailleurs, on conclura avec des nombres arrondis.
Notons aussi que les sc‚narios produits dans les lignes qui suivent sont tous r‚alis‚s par sexe,
„ge et bonds d’un an. Pour ‚viter la lourdeur du texte et respecter l’embargo, on ne pr‚sentera ci-dessous que des totaux de d‚cƒs et des esp‚rances de vie … sexes r‚unis †.

11

5

La r€futation sans appel de l’estimation d’un volume de quatre millions de morts

Puisque la reconstitution sur le pass• est valid•e, on peut •galement admettre que le nombre
de morts produit par la reconstitution entre 1998 et 2004 est acceptable. Ce nombre – qui
comporte tous les d•c†s – s’•l†ve € 7 679 821!

AD

Donc, en suivant le raisonnement des tenants de l’affirmation ‚ Quatre millions de morts ƒ,
s’il n’y avait pas eu de troubles, il y aurait eu dans la population quatre millions de morts de
moins que ceux reconstitu•s. On a donc test• des niveaux d’esp•rance de vie (et les probabilit•s de d•c†s qui en d•coulent) pour parvenir € un nombre de d•c†s de 7 679 821 – 4 000 000
soit environ 3 680 000 d•c†s. On obtient ce r•sultat € condition de programmer une esp•rance
de vie de 60 ans entre 1998 et 2004 alors qu’en dehors de ces dates, elle stagne aux environs
de 42 ans. Burlesque comme on le voit au tableau 1 et € la figure 7.
On objectera que si le cumul des d•c†s entre 1984 et 2005 est valid•, il se pourrait qu’il y ait
eu moins de d•c†s avant 1998 et plus € partir de cette date. Mais alors l’esp•rance de vie hors
de la p•riode 1998-2004 aurait •t• plus •lev•e et il e‹t quand m…me fallu la faire bondir vigoureusement pour •ponger les quatre millions de morts. Cette objection de type ‚ calendaire ƒ ne peut donc …tre retenue.

SS
RA

L’inanit• de l’affirmation selon laquelle il y aurait quatre millions de morts en RDC est tellement visible qu’on pourrait en rester l€ et renvoyer les protagonistes des ‚ Quatre millions de
morts ƒ € leurs fantasmes ou … € leurs mensonges rentables.
Nous allons cependant franchir un pas de plus et tenter une estimation sens•e du nombre de
morts caus•s ces ann•es-l€ du fait des troubles.

12

Tableau 1 : l’esp•rance de vie et les d•c†s annuels au Congo (RDC) selon la reconstitution
valid•e par l’enregistrement des •lecteurs et s’il n’y avait pas eu de troubles (calculs
ADRASS)
Reconstitution
Chiffres de base
"sans troubles" (voir texte)
46.69
46.30
45.90
45.50
45.10
44.71
44.31
43.91
43.51
43.36
43.21
43.06
42.91
42.76
42.61
42.47
42.32
42.17
42.02
42.02
42.02
42.02

1
1
1
1
1
1
1
1

573
601
634
655
682
714
746
783
813
836
867
899
944
970
003
038
064
102
125
159
185
234

484
834
877
429
035
431
063
685
479
733
194
799
313
081
199
639
297
670
880
307
829
933

46.69
46.30
45.90
45.50
45.10
44.71
44.31
43.91
43.51
43.36
43.21
43.06
42.91
42.76
59.99
59.99
59.99
59.99
59.99
59.99
59.99
42.02

573
601
634
655
682
714
746
783
813
836
867
899
944
970
463
484
500
521
535
557
575
1 349

484
834
877
429
035
431
063
685
479
733
194
799
313
081
667
303
440
760
475
060
620
920

SS
RA

AD

1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005

13

Figure 7 : l’esp•rance de vie et les d•c†s annuels au Congo (RDC) selon la reconstitution valid•e par l’enregistrement des •lecteurs et s’il n’y avait pas eu de troubles (calculs ADRASS)

6

SS
RA

AD

Note : l’•chelle de gauche est celle des esp•rances de vie (E et e) ; celle de droite des d•c†s (D
et d). Les r•sultats de la reconstitution sont point•s en majuscule, ceux des d•fenseurs de
l’id•e ‚ Quatre millions de morts ƒ en minuscules. En dehors des ann•es 1998-2004, les courbes ‚ E ƒ et ‚ e ƒ sont confondues. Avant 1998, les courbes ‚ D ƒ et ‚ d ƒ sont •galement
confondues, mais pas en 2005 car la mortalit• reconstitu•e s’applique € une population augment•e de tous ceux qui ne seraient pas morts des troubles.

Une estimation raisonnable – mais encore surestim€e – de la surmortalit€ congolaise due aux troubles de la p€riode 1998-2004

Nous croyons que la lente d•gradation de l’esp•rance de vie, telle que dessin•e sous les traits
‚ E ƒ de la figure 7 a •t• l’•volution la plus vraisemblable. Elle est d’ailleurs bas•e sur des
estimations r•alis•es autour des ann•es-pivot 1982, 1992 et 2002. Mais pour entrer dans le jeu
des croyants en ‚ quatre millions de morts ƒ et estimer le nombre de morts dus aux troubles,
on a r•alis• un sc•nario dans lequel l’esp•rance de vie de 1984 continue de se d•grader jusqu’en 1992 seulement, date € laquelle elle demeure constante. Pour estimer la surmortalit•, il
suffit alors de comparer les effectifs de population de 2005 produits par la reconstitution avec
ceux calcul•s dans ce sc•nario d’arr…t de la d•gradation de l’esp•rance de vie d†s 1992. Signalons qu’en proc•dant de la sorte, on donne un avantage consid•rable aux d•fenseurs de
l’id•e ‚ Quatre millions de morts ƒ puisqu’on envisage l’ensemble de la p•riode 1992-2004 et
non pas la p•riode de troubles limit•s € l’intervalle 1998-2004.
Les r•sultats apparaissent au tableau 2 et € la figure 8. La diff•rence entre les volumes de d•c†s depuis 1992 est •gale € 13 011 420 – 12 605 661 soit 405 759 d€c•s. Et dans la population
totale, on observe en 2005 un accroissement de 446 696 personnes qui repr•sente le cumul
des 405 759 d•c†s •vit•s et des naissances suppl•mentaires que ces survivants ont produites.
14

Tableau 2 : l’esp•rance de vie et les d•c†s annuels au Congo (RDC) selon la reconstitution
valid•e par l’enregistrement des •lecteurs et si la d•gradation de l’esp•rance de vie avait •t•
stopp•e depuis 1992 (calculs ADRASS)

AD

Reconstitution
Chiffres de base
Avec mortalit• fig•e d†s 1992

46.69
46.30
45.90
45.50
45.10
44.71
44.31
43.91
43.51
43.36
43.21
43.06
42.91
42.76
42.61
42.47
42.32
42.17
42.02
42.02
42.02
42.02

573
601
634
655
682
714
746
783
813
836
867
899
944
970
003
038
064
102
125
159
185
234

484
834
877
429
035
431
063
685
479
733
194
799
313
081
199
639
297
670
880
307
829
933

46.69
46.30
45.90
45.50
45.10
44.71
44.31
43.91
43.51
43.51
43.51
43.51
43.51
43.51
43.51
43.51
43.51
43.51
43.51
43.51
43.51
43.51

573
601
634
655
682
714
746
783
813
831
857
885
924
944
971
001
020
052
069
102
129
177

484
834
877
429
035
431
063
685
479
935
490
098
166
511
813
111
949
789
957
992
371
399

SS
RA

1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005

1
1
1
1
1
1
1
1

1
1
1
1
1
1
1

15

Figure 8 : l’esp•rance de vie et les d•c†s annuels au Congo (RDC) selon la reconstitution valid•e par l’enregistrement des •lecteurs et si la d•gradation de l’esp•rance de vie avait •t•
stopp•e depuis 1992 (calculs ADRASS)

SS
RA

AD

Note : l’•chelle de gauche est celle des esp•rances de vie (E et e) ; celle de droite des d•c†s (D
et d). Les r•sultats de la reconstitution sont point•s en majuscule, ceux du sc•nario ‚ sans d•gradation de l’esp•rance de vie depuis 1992 ƒ en minuscules. Avant 1992, par hypoth†se, les
courbes ‚ D ƒ et ‚ d ƒ d’une part et ‚ E ƒ et ‚ e ƒ d’autre part, sont confondues.

Jusqu’€ maintenant, les calculs ont •t• •tablis sur base de la reconstitution la plus pr•cise possible de la population de nationalit• congolaise par sexe et Šge entre 1984 et 2005. Cette reconstitution et l’enregistrement des •lecteurs se valident r•ciproquement. Par comparaison, on
estime donc le surcro•t de mortalit• € 405 759 unit•s. Ce nombre doit …tre corrig• de deux
mani†res :
 D’une part, il est sans doute encore sur•valu• si l’on veut bien consid•rer que la totalit• du territoire n’a pas •t• concern•e par les troubles de la p•riode 1998-2004 et qu’on ne peut
pas imputer € la guerre des morts caus•es dans d’autres r•gions par la d•liquescence
d’une dictature finissante. Si on admet que Kinshasa, le Bas-Congo, le Bandundu
n’ont pas •t• touch•s, que la totalit• – mais dans la r•alit•, c'est nettement exag•r• –
des provinces Orientale, du Nord Kivu, du Sud Kivu, du Mani•ma ont subi les troubles et que les Kasa•, l’Equateur et le Katanga ont •t• touch•s pour la moiti• de leur
population, on constate que les troubles ont couvert des territoires repr•sentant 45% de
la population du Congo. Alors, l’estimation des d•c†s pourrait diminuer € 405 759 *
0,45 = 182 592 personnes!


D’autre part, tous les calculs ont •t• effectu•s sur la population de nationalit• congolaise. Or les •trangers, qui repr•sentaient 5% de la population du pays en 1984 ont vu
leur part s’accro•tre au cours des deux derni†res d•cennies, quasi exclusivement du fait
de l’immigration •trang†re dans les provinces de l’Est. Admettons – c’est vraiment un
maximum – que les •trangers soient maintenant 10% de la population du pays et qu’ils
soient tous concentr•s dans les zones de troubles. Alors, cela voudrait dire que dans
les zones couvrant les 45% de la population soumise aux troubles, les •trangers comp16

teraient pour 22% de la population (22% =10% d’•trangers / 45% de la population totale). Sous cette hypoth†se, le nombre maximal de d•c†s s’•l†verait alors – dans une
perspective maximaliste – € 182 592 * 1.22 soit un volume de 222 762 morts. Sachant qu’on est parti de 1992 – et non pas de 1998 –, disons par facilit• que le nombre
de morts dus aux troubles est d’environ DEUX CENT MILLE MORTS.

AD

On peut certes accepter l’estimation pr•alable de quatre cent mille morts mais refuser de
consid•rer qu’ils sont r•partis relativement uniform•ment sur le territoire et penser au
contraire qu’ils sont tous concentr•s dans la partie ‚ orientale ƒ soumise aux troubles. Et donc
ne pas appliquer € ce nombre le pond•rateur r•gional de 45%. C’est oublier que l’•volution de
l’esp•rance de vie est orient•e € la baisse dans toutes les provinces et que cette •volution est
valid•e par la concordance ‚ reconstitution – enregistrement •lectoral ƒ au niveau de chaque
province.
On pourrait m…me dire a contrario que le d•clin de l’esp•rance de vie dans les provinces en
paix plaide en faveur de l’id•e selon laquelle les morts du Congo – m…me dans l’est du territoire – sont plus la cons•quence de la d•liquescence du r•gime Mobutu que celle de la guerre
€ l’Est et de ses cons•quences. Il y aurait alors moins de deux cent mille morts! Mais nous ne
voudrions pas d•forcer notre d•monstration par des consid•rations difficilement quantifiables.

SS
RA

Ainsi donc, l’approche dynamique de l’•volution de la population du Congo nous a permis
d’affirmer, par des m•thodes uniquement quantitatives et adoss•es € des observations extr…mement robustes de d•truire compl†tement les affirmations d•lirantes et malheureusement
universellement reprises, selon lesquelles les troubles au Congo auraient entra•n• quatre millions (ou plus) de victimes.
Il existe certes un v•ritable drame humain en RDC; mais il n’est que tr†s partiellement d‹ € la
guerre de 1998-2004 comme on vient de le montrer. En fait, les Congolais souffrent surtout
des cons•quences de la gestion d•sastreuse du pays par le r•gime du mar•chal Mobutu et on
pourrait se demander pourquoi dans le pass• la Communaut• Internationale n’a pas plus •nergiquement manifest• son •coeurement face € la d•liquescence des conditions de vie de
l’immense majorit• de la population congolaise. Peut-…tre fallait-il soutenir un ‚ ami ƒ dans le
contexte de guerre froide qui pr•valait encore € cette •poque?
On pourrait aussi se demander si l’affirmation ‚ quatre millions de morts en RDCƒ r•sulte
d’une simple – mais grossi†re – erreur d’appr•ciation ou si elle sert les int•r…ts de pays,
d’organisations ou d’autres puissances occultes.
Enfin, nous soulignons fortement que notre travail n’a pas pour but de banaliser les conditions
de vie extr…mes dans lesquelles la population congolaise se d•bat. Cependant, il nous a paru
n•cessaire, en pr•sentant des estimations scientifiquement d•fendables, de lutter contre la
tendance € exag•rer le nombre des victimes. Le pr•sent travail ne nie pas l’inhumanit• des
conditions de vie congolaises mais donne € penser que ce ne sont pas les interventions •trang†res – condamnables – qui sont la premi†re cause de l’•tat marastique incontestable dans
lequel le Congo se trouve. De surcro•t, on en arrive € penser que cette situation n’est malheureusement pas exceptionnelle : il se pourrait m…me qu’il y ait plus de morts en Somalie ou au
Darfour, eu •gard € la population ‚ soumise au risque ƒ, et que la justice et la compassion les
plus •l•mentaires ne devraient pas oublier ces populations-l€.
D/2008/4001/4

17

Retour sur la non existence de 4 (ou 6) millions de morts en RDC

AD

AndrÄ LAMBERT, avril 2009, adrass@skynet.be
Dans le document : € La surmortalit• au Congo (RDC) durant les troubles de 1998-2004 : une
estimation des d•c‚s en surnombre, scientifiquement fond•e ƒ partir des m•thodes de la
d•mographie „ (Andr• Lambert et Louis Lohl•-Tart, novembre 2008, asbl ADRASS, D•p…t
l•gal D/2008/4001/4), on a montr• qu’il •tait impossible d’•valuer ƒ plusieurs millions de
morts les cons•quences directes et indirectes des troubles des ann•es 1998-2004. Au plus, en
acceptant de consid•rer les ann•es 1992-2004 et en posant l’hypoth‚se que la mortalit• aurait
pu ne plus cro‡tre depuis 1992, - qui sont des positions non fond•es mais favorables aux
tenants de l’affirmation € 4 millions de morts „, - on peut estimer ƒ 200 000 les morts en
surnombre dans la moiti• du pays qui a •t• soumise aux troubles.
Suite ƒ de fructueuses discussions et ƒ la demande de Mme D. G. Sapir, j’ai r•alis• deux
simulations compl•mentaires dont les hypoth‚ses et les r•sultats sont synth•tis•s dans le
tableau ci-dessous. L’intuition est de dire qu’il y a peut-ˆtre eu de nombreux millions de
morts mais que ceux-ci sont la consÄquence de la dÄliquescence dÄveloppÄe durant une
bonne partie du rÄgime du MarÄchal Mobutu et non pas de l’invasion – certes
condamnable – de troupes rwandaises et ougandaises.

SS
RA

Rappelons qu’on a montr• que la reconstitution (depuis 1956 et depuis 1984), les listes
d’•lecteurs, les recensements de 1970 et 1984 et les estimations du mouvement
d•mographique list•es dans le document cit• ci-dessus se valident mutuellement. On admet
donc que l’esp•rance de vie a atteint un maximum ƒ la fin des ann•es 1970. En 1984, le
niveau avait d•jƒ baiss• et se situait presque au niveau de l’ann•e 1970. Dans les deux
simulations pr•sent•es ci-dessous, on imagine que l’esp•rance de vie est demeur•e constante
soit depuis 1977, soit depuis 1984 et on compare le cumul des d•c‚s entre ces dates et 2005 ƒ
la reconstitution de la population, dont on a expliqu• la pertinence dans le document cit• cidessus. Notons incidemment que le niveau de 1977 (52 ans) n’est pas atteint en 2005 par 24
pays d’Afrique sub-saharienne !
EspÄrances de vie Constance Å partir de
Constance Å partir de
validÄes
1977
1984
1956
41,6
41,6
41,6
1963
44,1
44,1
44,1
1970
46,5
46,5
46,5
1977
52,0
52,0
52,0
1984
46,7
52,0
46,8
1991
43,9
52,0
46,8
1998
42,6
52,0
46,8
2005
42.0
52,0
46,8
Cumul des
Cumul des dÄcÇs Cumul des dÄcÇs simulÄs Cumul des dÄcÇs simulÄs
dÄcÇs validÄs
validÄs depuis
sous constance depuis
sous constance depuis
depuis 1977
1984
1977
1984
23 751 824
20 210 120
17 647 528
17 783 312
DiffÄrences 1977 ou 1984
6 104 296
2 426 808
On voit ainsi que l’affirmation selon laquelle il y aurait eu au Congo de nombreux millions de
morts (jusqu’ƒ 6,1 millions) ƒ cause des € troubles „ est plausible a condition de penser que le
mot € troubles „ est une faŠon de nommer la gabegie d•velopp•e par l’ancien r•gime et PAS
la guerre de 1998-2004 !

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