Fiche du document numéro 29550

Num
29550
Date
Lundi 11 avril 1994
Amj
Taille
914713
Titre
Fiche particulière n° 18502/N - Rwanda : Précisions sur la mort des Présidents rwandais et burundais
Cote
N° 18502/N ; D8875
Source
Fonds d'archives
PAT
Type
Note
Langue
FR
Citation
Sans anticiper sur les conclusions de l'enquête chargée de déterminer
les responsabilités de l'attentat qui a coûté la vue aux présidents
Habyarimana et Ntaryamira, il est possible d'avancer les éléments
suivants :


I) Hypothèse

Le Falcon 50 revenant de Dar-es-Salam
a été touché par deux roquettes (1), tirées d'une distance d'environ
300 mètres et provenant de la bordure du camp militaire de
Kanombe. Il n'y a aucun survivant (Cf. Annexe I).

L'hypothèse selon laquelle ces roquettes pourraient avoir été tirées
par des éléments armés du Front patriotique rwandais (F.P.R.) n'est
pas satisfaisante. Pour pouvoir approcher de l'aéroport, il est
nécessaire de franchir plusieurs barrages militaires et la zone est
strictement interdite aux civils. Par ailleurs, des patrouilles de
gendarmes et de soldats de la Mission des Nations Unies pour
l'assistance au Rwanda (MINUAR) quadrillent le terrain.

Les roquettes semblent donc avoir été tirées par des
personnels bien entraînés et se trouvant déjà dans le périmètre de
sécurité de l'aéroport.

Il faut exclure de cet attentat les éléments les plus radicaux du
réseau Zéro connu généralement sous l'appelation du ``premier cercle''
ou encore ``clan de l'Akazu''(2).
D'une part, l'un de ses principaux chefs, le colonel
Sagatwa, se trouvait dans l'avion, et d'autre part, le président
Habyarimana semblait finalement s'être rangé à l'avis de ses membres,
à savoir reprendre le combat contre le FPR.

Il est ainsi possible que l'attentat soit le fait d'une faction de
l'armée, proche du parti Mouvement démocratique républicain (MDR), et
majoritairement originaire du sud du pays. Le sud du Rwanda, très
opposé au président Habyarimana, natif du nord, s'est toujours refusé
à reprendre le combat contre le FPR. Or, il semble bien que c'est à
cette solution que se trouvait réduit le président, après avoir épuisé
toutes les voies possibles pour retarder l'application des accords
d'Arusha.


.../...


(1) L'hypothèse, non vérifiée, d'un ou plusieurs missiles sol-air est
également avancée.

(2) Le groupe comptait une vingtaine de membres prêts à tout pour
conserver le pouvoir. Outre le colonel Sagatwa, mort dans l'attentat,
y figurent l'épouse du président Habyarimana ainsi que son beau frère
Zigiranyirazo.



II) Réactions de la garde présidentielle

Dès l'annonce de l'attentat, mercredi 6 avril 1994, vers 21 heures,
``Radio mille collines'', organe de radio-diffusion de tendance
extrémiste hutu, proche de la Coalition pour la défense de la
République (CDR)(1), a lancé des appels au meurtre.

La nuit du 6 au 7 avril 94 a été relativement calme, mais, dès l'aube
du jeudi 7 avril, la garde présidentielle est passée à l'action. Dans
un premier temps, elle s'est emparée de l'aéroport en se battant
contre d'autres éléments de l'armée, probablement en rapport avec
l'attentat. Les forces de la MINUAR ont été désarmées ou se sont
enfuies, perdant deux soldats ghanéens. Des combats se sont ensuite
poursuivis dans les casernes entre la garde présidentielle et les
auteurs ou complices présumés de l'attentat.

Dans une deuxième phase, la garde présidentielle a entrepris une série
d'enlèvements et d'assassinats programmés (Cf. Annexe II) dans le but
de permettre aux radicaux originaires du nord de conserver leur
position dominante. L'épuration systématique, entreprise par la garde
présidentielle, poursuivait un but de vengeance contre les tenants de
la démocratie qui avaient soumis à rude épreuve la domination,
autrefois sans partage, de la Présidence. Elle consistait également à
empêcher toute succession constitutionnelle susceptible de maintenir
au pouvoir le gouvernement de transition de madame Uwilingiyimana.

Par ailleurs, guidés par les activistes de la CDR, munies de listes
préétablies, les militaires de la garde présidentielle ont entrepris
de massacrer tous les Tutsi, ainsi que les Hutu originaires du sud ou
soutenant les partis d'opposition. Le plus souvent, ces liquidations
n'épargnent ni les femmes, ni les enfants.

(1) La CDR est une organisation extrémiste hutu, dirigée par MM. Jean
Barahinyura et Ferdinand Nahimana. Déjà, en octobre 93, ``Radio mille
collines'' avait appelé au massacre des populations tutsi pour venger
la mort du président Ndadaye.

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