Fiche du document numéro 30850

Num
30850
Date
Mercredi 26 octobre 2016
Amj
Taille
4222153
Titre
Procès verbal de déposition de témoin : Olivier Dunant
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Cote
D16090
Source
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
D16090-1 (12 pages)

Cour d'Appel de Paris

Tribunal de Grande Instance
de Paris

Cabinet de Mme Emmanuelle
DUCOS
Vice Président chargé de l'instruction

Le 26 octobre 2016,
Devant Nous, Mme Emmanuelle DUCOS, Vice Présidente chargée de l'instruction au tribunal de grande
instance de Paris, étant en notre cabinet, assistée de Madame Laetitia RACINE greffier,
Instruisant sur les faits reprochés à:
X

mis en examen du(des) chef(s) de:
-Complicité de génocide
-Complicité de crimes contre l'Humanité
-Entente en vue de commettre un génocide.
Faits prévus et réprimés par les articles 121-6, 121-7, 211-1,212-1,212-2,212-3,213-1 à 213-5 du Code
pénal et la loi n° 96-432 du 22 mai 1996
A comparu, le témoin ci-après nommé.
Mentionnons que, conformément à la demande du Ministère de la Défense en date du 25 juillet 2016,
seul le nom et le prénom du témoin seront mentionnés sur le procès verbal. N'y figureront pas les
éléments d'identification et les coordonnées transmises par note séparée classée confidentiel personnel.
Nous lui avons demandé ses nom, prénoms, âge, profession, domicile, s'il est parent ou allié des parties et à
quel degré, ou s'il est à leur service.
Le témoin a répondu:
Je me nomme:

M. DUNANT Olivier
Je ne suis ni parent ni allié des parties, niais j'ai servi sous les ordres du Général ROSIER et du
Commandant GILLIER, témoins assistés dans ce dossier, mais ce n'est plus le cas actuellement car j'exerce
dans le privé.

Après lui avoir fait prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, nous avons reçu sa déposition.

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il ressort des documents déclassifiés (D 4357, D4363) et des auditions que vous étiez
Question
capitaine du 13 ème RDP (Régiment des Dragons Parachutistes) au sein de la Force Turquoise. Pouvez
vous rappeler quelle a été votre position exacte, zone d'intervention et quels hommes aviez vous sous
votre commandement?
Réponse
J'arrivais de Centre-Afrique, j'étais partie à un détachement du 13ème RDP à BANGUI, rattaché
aux EFAO (éléments français d'assistance opérationnelle). Depuis le début des massacres au Rwanda, en avril, il y avait une grosse effervescence, il y avait eu l'opération AMARYLLIS en avril et moi je suis arrivé mi-juin à BANGUI dans le cadre des EFAO. J'avais 3 équipes et j'étais l'adjoint du bureau de renseignement.

L'opération Turquoise s'est déclenchée, on nous a dit que nous serions rattachés au commando Trépel. Je suis parti avec mes 2 équipes et mon prédécesseur dans le poste d'adjoint au bureau de renseignement. On a été
déployé fin juin de BANGUI à GOMA. J'ai passé une nuit à GOMA et j'ai fait jonction avec une équipe du
GIGN et de l'EPIGN, composée de 4 personnes et nous avons rejoint BUKAVU où se trouvait le
détachement du COS. Quand je suis arrivé à GOMA, la France n'avait pas encore l'autorisation découlant de
la Résolution de l'ONU. Nous avons donc attendu celle-ci avant d'aller à CYANGUGU au Rwanda. Le
détachement du ler RPIMA a tout de suite été déployé dans la préfecture de KIBUYE. En revanche les
marins nous ont envoyé dans le sud, près de la frontière du Burundi dont nous sommes revenus le soir même
à BUKAVU. Il s'agissait de voir s'il y avait des parties au conflit dans cette zone, mais c'était une zone
particulièrement paisible, je me souviens que nous sommes tombés sur des réfugiés hutu venant du Burundi
et présents depuis au moins 2 ans. Ensuite nous avons été déployés dans la préfecture de KIBUYE, je ne me
souviens plus le nom de la ville dans laquelle nous étions. Dans les noms dont je me souviens, il y a celui de
NYARUSHISHI où était installé le ler RPIMA, sous toutes réserves, et GISHYITA, là où est née l'histoire
de BISESERO, où des journalistes anglais nous en ont parlé. J'ai le souvenir d'une période de transition,
quand la Résolution est tombée, il y a un changement de nature dans la mission, nous n'y allons plus pour
arrêter le FPR, mais pour mettre en oeuvre une Résolution qui vient d'être votée par le Conseil de Sécurité qui
établit le mandat de la Force. Je pense que nous étions encore à BUKAVU quand la Résolution est tombée.
Une fois que nous sommes à KIBUYE, la mission a déjà changé de nature et nous sommes en zone d'attente.
Concernant mon équipe, j'avais 2 équipes de 4 personnes du 13ème RDP venant de BANGUI. En ce qui
concerne le GIGN et l'EPIGN, je n'étais pas leur supérieur hiérarchique.

Question : quelles informations parviennent jusqu'à vous quant au contenu des ordres d'opération
(celui du général GERMANOS du 22 juin 1994 - D3066- -et du général LAFOURCADE du 25 juin
1994 - D4958 -)? Quels éléments sur le contexte avez vous lors de votre départ en mission et lors de
votre arrivée sur le théâtre d'opération?

Réponse :

Je ne sais rien des ordres d'opération que je n'ai jamais lus. En ce qui me concerne je n'ai même
jamais rencontré le Général LAFOURCADE. Je pense que le 25 juin nous étions déjà sur KIBUYE dans
cette fameuse zone d'attente. L'opération se ré-articule à KIBUYE, conformément aux termes de la
Résolution de l'ONU, je veux dire par là qu'on ne va pas faire ce pour quoi on était venu. En ce qui me concerne, j'avais mes propres informations car j'avais déjà été, en 1992, à BANGUI auprès des EFAO. Dans ce cadre j'étais allé à KIGALI en 1992, à l'époque où l'armée française avait aidé les forces armées rwandaises à arrêter le FPR à BYUMBA. A BANGUI, nous n'avons pas reçu de briefing particulier, nous avions les informations qui passaient dans les médias, nous avions connaissance des massacres d'ampleur à compter du mois d'avril. Il était dit, sur la situation militaire, que tirant partie des accords d'ARUSHA, le FPR ayant un bataillon à KIGALI, reprenait l'offensive. C'est au mois de juin qu'il y a un déclenchement des hostilités du FPR à KIGALI.

Question : quelles sont les directives générales qui vous sont données et comment? Quelle est la ou les
missions ou l'esprit de la mission, puisque vous avez parlé d'un changement de nature de celle-ci?
Réponse : Avant de passer coté rwandais, on part, par mimétisme des opérations précédentes (1990 et 1992),
avec l'idée que tout le monde a, à savoir que l'on va aller arrêter le FPR, c'est à dire qu'on va aller se battre
avec le FPR. Une fois la résolution votée, il est très clair que la mission ne sera pas identique aux opérations précédentes, elle change de nature, elle aura un caractère international et elle se fera dans le cadre d'un
mandat. La présence du COS à KIBUYE ne correspond à aucune opération tactique, mais à ce que je vous ai déjà indiqué comme une zone d'attente, qui correspond à la ré-articulation de la mission. Lorsque nous étions
à KIBUYE, on a pris contact avec les autorités locales, Marin GILLIER avec le préfet j'imagine, et moi même avec les bourgmestres de la zone. Le préfet avait dit qu'il y avait des éléments infiltrés du FPR dans la
zone, une sorte de 5ème colonne, alors que dans les villages où on se rendait à la suite de ces indications, on
se rendait compte qu'il n'y avait pas de trace d'éléments infiltrés du FPR, mais par contre on constatait les
traces de massacres, notamment dans les églises où on pouvait voir encore des cadavres.
Question : lorsque vous dites qu'au déclenchement l'idée est d'aller arrêter le FPR, d'où cela vient-il?
Réponse : De personne en particulier. Il faut comprendre qu'en 1990 les militaires français ont pu être
surpris d'être envoyés au Rwanda, car personne ne connaissait ce pays et il n'y avait pas de planification
opérationnelle sur ce pays. En 1992 les militaires vont partir sur la base de ce qu'il s'est passé en 1990, même
si le but de l'action est différente. En 1994, l'idée, c'est que ce pays est encore en proie à une minorité tutsi
venant de l'étranger, qui essaye de reprendre le pouvoir, c'était la seule chose que les militaires connaissait de
ce pays, l'idée étant de faire respecter un accord de défense avec ce pays ami. Il faut distinguer l'action des
Forces Spéciales du reste de l'armée, par définition les Forces Spéciales, qui sont des éléments précurseurs,
partent souvent avant et les ordres suivent. C'est ce qu'il s'est passé concrètement pour ces deux ordres
d'opération qui sont intervenus après notre déploiement.
Question : après la Résolution de l'ONU, quelles étaient les règles de comportement à adopter vis à vis
des forces en présence?
Réponse Il y a deux choses. Il est rapidement clair qu'on n'ira pas prendre contact, c'est-à-dire qu'il n'y aura
pas de combat avec le FPR. De plus tout le monde est effaré des restes humains que l'on voit. On comprend
vite que ce n'est pas une agression étrangère, mais que nous sommes dans le cadre d'une guerre civile. Dans
mon souvenir tout va très vite, il y a la visite de M. LEOTARD, puis on nous envoie distribuer des gâteaux à
des réfugiés tutsi dont on nous dit qu'ils sont dans le besoin. Ce qui correspond à une mission humanitaire.
Question : avez vous assisté au briefing de BUKAVU avec le colonel Jacques ROSIER le 23 juin 1994,
tel que cela est écrit dans le livre « silence Turquoise » ( D15617-2 page 103)
?

Réponse Je me souviens d'être aller prendre les ordres à BUKAVU comme tous les détachements. J'ajoute
que Laure DE VULPIAN avait pris contact avec moi en 2008, quand elle préparait son livre. Après
information de ma hiérarchie, je suis allé la voir car je souhaitais raconter ce que j'avais vécu, ayant déjà lu
des choses inexactes sur l'action de l'armée française, notamment dans le livre de Roméo DALLAIRE. Nous
avons eu un entretien tout à fait courtois, mais j'ai eu l'impression que sa thèse était déjà arrêtée.
Question : Vous souvenez-vous des propos de Jacques ROSIER lors de ce briefing?
Réponse : Je n'ai pas dû assister à cette réunion, si c'était juste avant le départ, c'est Marin GILLIER qui a dû
y assister. Je vous rappelle que j'avais 28 ans et que j'étais Capitaine et que ce type de briefing n'était pas de
mon niveau mais de celui des chefs de détachement. Moi j'allais juste prendre mes ordres pour les missions
que je commandais.
Question Guillaume ANCEL, ancien capitaine, affecté au 68 ème régiment d'artillerie d'Afrique basé
à La Valbonne, indique (D 15922-4) que les ordres ont été très ambigus pour toutes les unités, y
compris le COS, au moins jusqu'au ler juillet, au sens où ils n'étaient pas orientés vers l'humanitaire
mais vers le combat. Il précise d'ailleurs qu'au départ lui-même avait été missionné comme officier de
contrôle avancé pour dans un premier temps préparer un raid terrestre sur Kigali (D15922-2). Qu'en
pensez vous?

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Réponse : Il faut savoir qu'il s'agit là d'une planification opérationnelle classique. Prendre la capitale, pour
un militaire, fait partie d'un scénario possible. Cela a pu avoir lieu avant la Résolution de l'ONU, c'est le
boulot d'un état-major de planification. Le travail du politique c'est de dire quel est le but de la mission et le
militaire va, en fonction de ce but, chercher le plan pré-établi qui correspond à ce but, parmi les différents
scénarios élaborés. Après la Résolution de l'ONU, tout le monde a compris qu'il n'y aurait pas de prise de
contact avec le FPR, c'est-à-dire de combats, que ce n'était pas ou plus le but de la mission.
Question : dans les ordres d'opération, il est repris la situation du Rwanda lorsque vous êtes déployés,
à savoir des massacres commis sur la minorité tutsi et le but de la mission est de mettre fin aux
massacres (D4953). Avez-vous reçu de telles informations?
Réponse : Oui. Je tiens à préciser qu'on savait déjà avant de partir que les Tutsi étaient victimes de
massacres, je pensais même qu'ils avaient tous été déjà exterminés, notamment dans la région où nous étions.
Pour moi, après la visite de LEOTARD, on nous dit effectivement, qu'il y a des gens qui n'ont pas tous été
tués et qu'il faut aller les chercher. A partir de ce moment là, cela devient la mission explicite de GILLIER.
Quand ce dernier a compris que ce que disait le préfet de KIBUYE sur la présence du FPR était faux, il nous
a dit qu'il fallait aller chercher les Tutsi. Nous avons donc eu comme mission d'aller distribuer des gâteaux à
des réfugiés Tutsi dans un village, à moins de 10km de l'endroit dans lequel nous étions. Alors que nous
étions en train de distribuer ces gâteaux, deux personnes anglophones se présentant comme des journalistes,
nous disent que ce ne sont pas des Tutsi, que nous distribuons ces denrées aux mauvaises personnes. Ils nous
disent que si l'on veut aller secourir des Tutsi, ils les ont vus pas loin d'ici et ils nous montrent sur une carte.
Ces personnes ce sont adressées à moi, GILLIER n'était pas là. Je suis allé le voir, et il m'a dit d'aller vérifier
ce que disaient ces personnes, ce que j'ai fait et c'est comme ça que je les ai retrouvés 3km plus loin. Les
journalistes sont partis et j'ai vu arriver plusieurs personnes des lisières. C'est comme ça que nous avons
découvert les réfugiés de BISESERO. J'ajoute juste que l'équipement de ce journaliste anglais, notamment sa
valise IMARSAT-M m'avait fait penser qu'il était autre chose qu'un journaliste, ou en tout cas qu'il était très
très bien équipé pour un journaliste, car nous-mêmes, Forces Spéciales, nous n'avions pas un tel équipement.
Question quelle est votre perception de la situation lorsque vous arrivez à GISHYITA?
Réponse : Je tiens à vous dire que quand je parle de KIBUYE, pour moi je parle de la région, car
effectivement je n'ai jamais été positionné à KIBUYE, j'étais positionné au sein du détachement de Marin
GILLIER qui se trouvait donc, d'après ce que vous dites, à GISHYITA. Dans mon souvenir nous étions logés
dans l'enceinte d'une mission catholique. Dans mon souvenir ces quelques jours à cet endroit étaient calmes,
on cherchait à savoir s'il y avait des éléments du FPR jusqu'au moment où on a constaté qu'il n'y en avait pas.
C'était les autorités locales qui nous disaient qu'il y avait des éléments du FPR, chose qu'on a jamais
corroboré. Je me souviens qu'il y a eu une réunion avec le préfet de KIBUYE, je ne sais pas qui y est allé,
mais ce dernier a donné l'information qu'il y avait des éléments infiltrés du FPR. Je me souviens également
d'un bourgmestre nous montrant des cahiers d'écoliers sur lesquels était soit-disant notée la propagande du
FPR.
Question quelles étaient les relations de votre détachement avec les autorités locales, civiles ou
militaires, notamment le bourgmestre de Gishyita ou Eliezer NIYITEGEKA, ministre de l'information
Réponse : De façon générale les relations étaient bonnes, nous étions reçus à bras ouverts, on nous jetait des
fleurs. Il y avait un contraste avec les cadavres que nous trouvions par terre. A votre demande, je précise que
quand nous leur demandions qui étaient les morts, il nous était répondu que c'était les gens du FPR ou en tout
cas que c'était leurs ennemis et qu'il n'y en avait plus. Je ne me souviens pas de rencontres avec les personnes
que vous avez citées.

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Question : vous souvenez-vous d'une rencontre entre Marin GILLIER et 3 journalistes, dont Vincent
HUGUEUX de l'hebdomadaire l'Express, Scott PETERSON, américain et Sam KILEY, britannique,
le 26 juin 1994 (D15823) au cours de laquelle ces derniers auraient signalé des massacres se
poursuivant sur les collines de BISESERO?
Réponse Avant le 30 je n'ai vu aucun journaliste, ni entendu parler de qui que ce soit en lien avec un
journaliste. Je ne suis pas sûr que les journalistes du 26 correspondent à ceux que je suis allé voir le 30, c'està-dire le jour de la découverte des réfugiés de BISESERO, car ce jour là Marin GILLIER na pas discuté
avec eux, en tout cas je ne lai pas vu les saluer.
Question : avez vous appris sur le terrain que le CPA 10 du lieutenant colonel DU VAL s'était rendu à
Bisesero le 27 juin et qu'il avait découvert environ 2000 Tutsi dans un état de dénuement extrême
(D11449)? Si oui, quand?
Réponse : Je l'ai lu après coup. La première fois que je l'ai lu dans le bouquin de DALLAIRE, je me suis
même dit que ce n'était pas vrai, car, pour moi, c'est nous le 30 qui avions découvert ces Tutsi. Chez les
Marins, au commando Trépel, en y incluant Marin GILLIER, personne n'a été au courant de cette découverte
du 27. J'ajoute que, à part la rencontre entre Marin GILLIER et le Commandant du ler RPIMA du départ, il
n'y a eu aucun lien entre les 3 chefs de détachement du COS.
Question : il apparaît que des coups de feu ont été entendus par votre détachement (D15975-11) ainsi
que celui de DUVAL (D1578514), le 27 au matin, situé à l'est de Gishyita. Vous en souvenez-vous et si
oui, quelle a été l'analyse de la situation?
Réponse : Je ne m'en souviens pas du tout. En tout cas je n'étais pas là car je n'en n'ai pas été témoin. J'ai dû
en entendre parler si cela figure dans les messages. Il faudrait interroger les Marins. Il fauts avoir que moi
j'étais envoyé là où les Marins n'étaient pas.
Question : nous portons à votre connaissance les messages adressées par Marin GILLIER
alias Omar à Jacques ROSIER alias Romuald concernant la situation à Gishyita pour les 27
et 28 juin 1994.
Ainsi, dans le message du 27 juin 1994 ( D 6668 à D6670), il est indiqué notamment que:
- Les infiltrations à pied de "tanguy" [FPR] se sont amplifiées au sud-ouest puis à
l'ouest pour atteindre le triangle GisovufMont Karongi! Gishyita où ils seraient de
l'ordre de 1500. Le quartier est de Gishyita, appelé Bisesero, est largement infiltré par
"tanguy".
- Sur les actions de Tanguy : Depuis les hauteurs, "tanguy" mènent des actions de deux
types : il sème la terreur dans la population qui s'enfuit sans chercher à se défendre et
s'infiltre dans la région côtière pour rechercher du renseignement et tenter de rallier
des éléments à sa cause. Ainsi, dans la nuit du 26 au 27, 28 hommes de "tanguy"
auraient attaqué la population de Gicisa, et le 24, vers 16 heures, 40 écoliers auraient
été tués par "tanguy" à Gisovu".
- Sur les actions des Aigles [Hutu] le 27, depuis la commune de Gishyita, une troupe
"d'aigles" (une centaine ?) est partie le matin vers 08h30 pour donner l'assaut aux
forces de "tanguy ", cet assaut a été déclenché vers 11 heures et a donné lieu à des
tirs de grenades (ou mortier ?), puis des tirs d'armes légères ... la majeure partie des
hommes étaient en civil retour en masse vers 14h30.
Dans le message du 28 juin (D5027, D5028), il est fait état des informations suivantes:
- « à la suite des actions menées la veille par la population "aigle" (Hutu), et peut-être
inquiet de la présence française, "tanguy" (FPR) se serait replié vers l'est. Mais certaines

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sources laissent à penser qu'une attaque du FPR est possible la nuit prochaine à 5 kilomètres
au nord de votre position ».
- « ce matin vers 10h, une centaine d'aigles"(Hutu) auraient pénétré dans le quartier de
Bisesero, où se trouveraient 300 à 500 "faucons" ( Tutsi), principalement cachés dans les
galeries d'une mine d'étain.
Savez sur quoi reposaient ces informations?
Réponse : Ces messages mixent deux choses. Des informations qui viennent du bourgmestre,
relatives aux assauts du FPR, qui relèvent de la fable, car nous n'avons jamais constaté la présence
du FPR et nos propres constatations, par exemple concernant le fait d'avoir entendu des coups de
feu. Sur le crédit que l'on pouvait apporter aux informations des autorités, il faut savoir qu'au départ
c'était notre seule source d'information, mais on s'est aperçu que ces témoignages étaient entachés
de deux tares, 1, qu'on se rendait compte que la population tutsi avait été liquidée et 2, qu'on a
jamais pu recouper leurs informations concernant les éléments du FPR.
Question : d'où viennent les noms de code? qui les attribue?
Réponse : Je ne sais pas particulièrement, c'est généralement les transmetteurs qui font le code.
Question : concernant l'action des Aigles du 27 juin et des affrontements par armes à feu,
vous souvenez vous des actions effectuées par votre détachement à la suite de ces
affrontements?
Réponse : Non, j'ignorais même l'incident. Pour moi, la seule chose marquante avant la découvert
de BISESERO, c'est la visite du ministre. En amont de la visite, pour mon équipe, il ne se passe
rien.
Question : selon les déclarations de Marin GILLIER ( D15981-4), il a demandé dés le 27 à
pouvoir aller reconnaitre les lieux; le 28, il a reçu l'ordre d'envoyer une équipe de nuit qui est
revenu le 29 sans rien constater de particulier. Il a donc demander le 29 à pouvoir se déplacer
sur les lieux le 30 avec un dispositif robuste, en traversant la zone.
Selon Jacques ROSIER ( D16010-4), informé de l'incident, il a donné l'ordre à Marin
GILLIER de préciser le renseignement. Il précise avoir appris que Marin GILLIER avait
demandé l'appui d'un hélicoptère armé, ce qu'il a refusé; par contre, il a acquiescé à la
mission de reconnaissance de nuit. Qu'en pensez vous? La reconnaissance de nuit a t-elle été
effectuée?
Réponse : Je n'étais pas du tout au courant de ce développement. Il a peut être envoyé ses Marins,
mais ni moi ni les gendarmes n'avons été au courant, nous étions un élément de renforcement du
commando Trépel.
Question : d'après Thierry PRUNGNAUD, « Quand on était GYISHITA, il [Marin GILLIERJ
nous avait interdit d'aller voir dans la montagne alors que l'on observait des gens qui se faisaient
tirer dessus à la kalachnikov, on voyait que c'étaient des civils. Ils tiraient sur des gens qui
courraient. On en avait fait état au débriefing. On pensait que c'était des rebelles du FPR qui
tiraient et qui lançaient des grenades. Et chaque fois Marin GILLIER a dit "on ne bouge pas,
pas de contact". (D1580012). Plus tard, il ajoute qu'ils en discutaient avec les gars du 13 ème
.... C'était la stricte
RDP: «on ne comprenait pas pourquoi on ne pouvait pas intervenir

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neutralité ». Qu'en pensez-vous, sachant que d'après vos souvenirs, la situation était calme?
Réponse : Cela ne m'évoque aucun souvenir. Autant, que quelqu'un ait pu entendre des coups de
feu, c'est possible, pour le reste le fait de voir des gens qui courraient en se tirant dessus, cela me
paraît tenir du roman. Il faut savoir que Thierry PRUNGNAUD reprochait à Marin GILLIER de les
sous-employer, je pense que comme nous, durant ces 3 jours, il a dû ressentir de l'ennui. Pour moi,
ce que voulait dire la neutralité et ce qui était explicite, c'est que nous ne devions pas fraterniser
avec la population et avec les manifestations bruyantes de sympathie qu'elle nous témoignait.
Concernant les FAR, la seule fois où nous les avons vus à cette période, c'était le 30 juin, jour de la
découverte de BISESERO. J'ajoute que dès notre entrée au Rwanda, il nous avait été indiqué ce
souci de ne pas fraterniser et de se mettre en recul par rapport à l'allié des années précédentes. Cela
a été dit très clairement dans les ordres que nous avions reçus, nous ne devions même pas répondre
aux signes de bienvenue.
Question : vous souvenez-vous d'un souci constant de ne pas se confronter avec le FPR?
Réponse : Dans le groupement auquel j'appartenais, ça n'a jamais été un souci exprimé. Cela me
paraît un peu en décalage avec le quotidien de ces 5 jours où nous cherchions précisément les
éléments du FPR dont on nous avait indiqué la présence. Si nous avions confirmé ces informations,
nous aurions rendu compte et attendu les ordres. Il n'était pas question de leur tirer dessus. Je me
souviens d'ailleurs que, plus tard, lorsque nous étions à GIKONGORO, je m'étais fait réprimandé à
la suite d'un accrochage avec des éléments du FPR à la frontière de la ZHS.
Question : vous souvenez-vous à partir de quand vous vous rendez compte que les autorités
locales affabulent sur les infiltrations du FPR?
Réponse : Notre mauvaise impression initiale a été confirmée au bout de 2 ou 3 jours. Quand je
parle de mauvaise impression initiale, c'est parce que, dès le départ, on ne voit pas d'éléments du
FPR et que par contre, on voit des cadavres de civils au sol. Et par la suite cette impression est
renforcée car lorsqu'on tente de vérifier les informations qui nous sont données, nous revenons sans
être en mesure de les confirmer.

Question : vous souvenez-vous de la visite du Ministre LEOTARD le 29 juin à GISHYITA, la
situation dans les collines de Bisesero a t-elle été évoquée ? Si oui, par qui ? Et quels sont les
ordres qui ont suivi?

Réponse : Le fait qu'il vienne en hélicoptère confirme la faible inquiétude qu'avait le groupement
quant à des risques éventuels pour la sécurité du ministre. J'imagine, mais je n'y étais pas, que
l'épisode des coups de feu a dû être évoqué. Dans mes souvenirs toutefois, je fais un lien entre cette visite et la mission qui nous a été donnée le lendemain, à savoir d'aller distribuer des gâteaux à
GISOVU à des réfugiés tutsi. Je suis sûr qu'il s'agissait de réfugiés tutsi car dans mon groupement
nous étions étonnés de cet ordre, car nous pensions que la population tutsi avait déjà disparue et
nous n'avions pas entendu parler de la découverte du détachement de DUVAL.

Question : selon le Général LAFOURCADE, lors de la visite du Ministre à GISHYITA, deux
journalistes américains ont interpellé ce dernier sur des personnes menacées dans la région de
Bisesero ( D1605-11, D16088-4), ce qui incite le Ministre a décidé d'aller voir ce qu'il se passe
dans cette région dés le lendemain (D16088-4). Cela est confirmé par un dépêche de l'AFP du
29 juin à 20.24 relatant la visite du ministre de la défense et qui indique « plusieurs sources
ont rapporté aux militaires français que plusieurs centaines, voire 3000 Tutsi, qui ont fui les
massacres, sont recherchés par les soldats gouvernementaux et des miliciens Hutu sur les flancs
du mont KARONGI, à 8 ou 9 km du poste du commando TREFEL. Les militaires français ont
indiqué au ministre qu'ils allaient y faire une reconnaissance .... ». Est-ce conforme à vos
souvenirs?

Réponse : Je n'en n'ai pas du tout entendu parler. De toute façon je n'ai pas assisté à la conférence de presse du ministre. Mon rôle ce jour-là, a été de sécuriser la zone de posée de l'hélicoptère.

Question : Quel est le nombre des hommes employés sur la mission du 30 juin?

Réponse: S'il n'y a pas la totalité du commando, il y en une très grosse partie.
Question : vous souvenez-vous si cette mission a été particulièrement préparée, ainsi que
l'indique Marin GILLIER en y engageant un dispositif robuste, animé par la crainte de
tomber dans une embuscade du FPR (D15981-12 et 14)?

Réponse : Pour moi, au niveau tactique, il n'y avait pas de dispositif particulier de sûreté,
l'ambiance n'était pas au danger. Par contre la mission a été préparée, car nous avons dû aller
chercher des cartons de ravitaillement.


Question : Nous vous donnons connaissance des trois versions présentes au dossier sur la
découverte des réfugiés
1-selon le gendarme Thierry PRUNGNAUD, le sauvetage des tutsis de Bisesero résulte d'un
acte de désobéissance (D11342 et D15800). Il soutient que l'ordre de son chef était, dit-il, de ne
surtout pas aller là-bas. L'objectif du déplacement du 30 juin était d'aller distribuer des
rations et de récupérer un religieux à Gisovu, il n'était nullement question d'effectuer une
reconnaissance sur Bisesero. C'est en chemin, et alors qu'il fermait la colonne, que son groupe
aurait croisé un individu qui paraissait différent et qui, dans un mauvais français, aurait fait
comprendre qu'il était pourchassé. Thierry PRUNGNAUD précise ne pas avoir informé son
chef de détachement de cette rencontre car il savait qu'on lui aurait interdit d'y aller. Il
aurait donc pris l'initiative, après la distribution de vivres, d'entraîner son groupe à
rebrousser chemin. Ce n'est que quand il découvre le charnier qu'il en informe son chef. Selon
lui, contrairement à ce qu'affirme Marin GILLIER, le seul objectif de ce déplacement était
d'aller à la rencontre du prêtre et en aucun cas d'effectuer une reconnaissance dans le secteur
de BISESERO.
2- Selon les déclarations de Monsieur Michel PEYRARD, grand reporter du journal ParisMatch,qui explique (cote D4023,D4024 et D15782-2) que cette découverte résulte de son
initiative. En effet, il s'était joint à la reconnaissance qui avait été effectuée le 30, il relate que
Je convoi aurait traversé la zone sans rien observer pour atteindre Gisovu où des rations
auraient été distribuées à la population, et c'est là que, encouragé par l'officier de
renseignement, il aurait fait demi-tour avec son photographe, trouvé des rescapés et averti les
militaires.
3- Marin GILLIER quant à lui, relate que le but de ce déplacement était de traverser cette
zone et de continuer jusqu'à un village situé 20 kilomètres plus loin pour rencontrer un père
blanc susceptible de lui faire part de sa compréhension de la zone (D 15981-4). Après avoir
traversé la zone, sans ne rien voir, il arrive au village. Puis il a reçu un appel radio du
capitaine commandant l'élément de queue l'informant avoir vu de personnes lui paraissant
« différentes » et lui demandant de retourner sur place et d'investiguer. Marin GILLIER lui
donne l'ordre de le faire. Ce dernier le rappelle deux heures plus tard pour lui faire part de la
situation dramatique découverte (D15981-14 et 15).
Que pensez vous de ces trois versions ?
Étiez vous avec Thierry PRUNGNAUD lors de la découvertes des réfugiés de Bisesero comme
celui-ci l'indique ( D15800-3)?
Comment êtes vous averti de la présence de réfugiés ? Est-ce de vous dont parle Marin
GILLIER?

Réponse : Concernant Thierry PRUNGNAUD, il était présent à la distribution des rations et
effectivement, comme il le dit, c'était le but de cette mission, puisque ces rations avaient été
chargées la veille. Il mentionne un religieux, c'est possible, mais je n'en ai aucun souvenir. Je n'ai aucun souvenir que PRUNGNAUD soit venu avec moi sur le lieu où on a trouvé les gens, mais cela
est possible. En revanche ce qui est faux c'est qu'il soit parti en désobéissant. Est faux également l'ordre de GILLIER de ne pas y aller. Je ne me souviens pas de quelqu'un parlant un mauvais français. Quand il dit avoir informé son chef à la découverte du charnier, c'est faux, car au mieux, et je ne m'en souviens pas, il m'accompagnait. Concernant le témoignage de PEYRARD, il parle d'un Capitaine, à mon avis il parle de Marin GILLIER qui était Capitaine de frégate et non pas de moi.

Je n'ai pas le souvenir de ce M. PEYRARD. Je n'ai souvenir d'aucun francophone à GISOVU.
Lorsque nous arrivons sur BISESERO, je ne me souviens absolument pas de ce monsieur. Par
contre, après l'arrivée des Marins sur place, j'ai le souvenir d'être parti avec un francophone
travaillant pour RTL sur une hauteur où on nous avait indiqué que des enfants avaient été jetés dans un brasier. Effectivement, nous y sommes allés et nous avons notamment récupéré une petite fille, peut-être que cela était avec M. PEYRARD. Concernant la version de Marin GILLIER, j'ai le
souvenir vaguement d'être allé à GISOVU en queue de convoi. Je suis allé jusqu'à GISOVU, c'est
là, et je le maintiens, que j'ai rencontré les deux journalistes anglophones qui m'ont indiqué où se trouvait les réfugiés tutsi. Je suis donc allé là où ils m'ont indiqué, après avoir demandé
l'autorisation à Marin GILLIER. Je lui ai demandé de vive voix et non pas par radio comme il le dit.
J'y suis allé avec mes 2 équipes de 4. Je me suis arrêté quand j'ai vu la 504 blanche des journalistes
qui m'ont dit : «c'est là» et qui sont partis. J'ai fini par voir une personne, j'ai couru vers elle et là
j'ai vu de nombreux cadavres, puis peu à peu d'autres personnes sont sorties. J'ai demandé à mes
gars de distribuer les gâteaux qui étaient dans les voitures. Pendant ce temps j'ai appelé GILLIER,
puis GOMA. J'ai prévenu GOMA car je dépendais également du Colonel LEBEL du B2 de GOMA.
Je l'ai prévenu via la valise IMARSAT. Dès que GILLIER est arrivé, il a rendu compte également
et l'opération de sauvetage s'est mise en place très rapidement. Dans mon souvenir, durant la nuit, la grande majorité des réfugiés a été évacuée par hélicoptère. Pour moi, l'arrivée des hélicoptères a été très rapide et je la considère comme une belle opération. Tout le détachement a dormi sur place. Je peux vous assurer que dès que ces personnes ont été découvertes, tout a été mis en place pour les sauver. Il n'a jamais été question de les ignorer ou même de retarder d'une seconde leur sauvetage, comme j'ai pu croire que cela a été sous entendu par Mme DE VULPIAN. Tout le monde était très fier d'avoir participé à ce sauvetage de 800 personnes.

Question : Êtes-vous sûr que la distribution de nourriture a eu lieu ce jour là?

Réponse : Je suis certain que la distribution de nourriture a eu lieu ce jour là. Je me souviens
également parfaitement du bourgmestre de GISOVU nous désignant les réfugiés tutsi. Je me
souviens également du journaliste anglais me faisant la leçon sur le Rwanda en me demandant si je
connaissais, insinuant que je n'étais même pas capable de la faire la différence entre des Tutsi et des Hutu et de me rendre compte que les réfugiés qu'on nous désignait comme étant des Tutsi étaient en fait des Hutu.

Question : lors de la découverte de ces réfugiés le 30 juin, quelles sont les mesures mises en
place en termes de sécurisation et de secours?

Réponse : En terme de sécurisation, les réfugiés avaient été regroupés en haut de la route, dans une clairière. Sur la route, avaient été disposés les 5 véhicules de mon détachement, puis après, ceux des Marins, équipés d'armements collectifs. Je me souviens d'un véhicule avec des miliciens et des hommes en uniformes mélangés et armés, qui a fait un aller et retour devant nous. J'ai d'ailleurs une photo que je pourrais vous faire parvenir où je parle avec eux, avec un gendarme à côté de moi qui les braque. Je les ai prévenu qu'ils ne devaient pas repasser une troisième fois. Et nous avons mis deux véhicules armés de part et d'autre de la route. Puis nous avons été renforcés par les Marins et par la suite le lieu a été complètement sécurisé de façon à permettre aux hélicoptères de se poser.
J'ai le souvenir des hélicoptère qui ont défilé toute la nuit pour évacuer les gens, mais je n'ai pas le souvenir de soins prodigués sur place.

Question : nous vous présentons une photographie en cote D15969-51, vraisemblablement
prise le 30 juin 1994. Pouvez vous la commenter?

Réponse : Effectivement, figure sur votre photo la voiture dont je vous ai parlé. Sur la photo en ma possession, on voit que dans ce pick-up il y a un mélange bigarré de personnes en uniformes et en civil. A votre demande, je précise effectivement, que parmi ces personnes il y avait des gens en
uniforme des FAR, ce sont bien à eux que je faisais référence quand j'indiquais que j'avais vu des
FAR pour la première fois le 30 juin.

Question : vous souvenez vous d'une opération de distribution de nourriture pour permettre
l'extraction de personnes menacées?

Réponse : J'ai le souvenir d'avoir entendu parler par le B2 de GOMA d'opérations d'exfiltration
discrète. En tout cas je suis sûr qu'il y a bien eu une distribution de gâteaux le jour de la découverte de BISESERO, car c'est justement pour cette raison que j'étais en possession de gâteaux.

Question : vous souvenez vous par la suite de la réaction de votre chef de détachement vis à
vis des autorités locales?

Réponse : Je ne me souviens de rien de particulier, mais il est clair que le dialogue a dû être assez rude. Nous sommes passés d'une retenue de bon aloi à une défiance affichée.

Question : quelle attitude adoptiez vous par rapport aux miliciens?

Réponse : Je n'en avais pas vu avant BISESERO. Il faudrait savoir à quoi correspond un milicien,
s'il s'agit d'une personne en civil avec un «coupe-coupe », cela correspondait à l'allure de la
population locale. Par contre c'est la première fois, le 30 juin, que j'ai vu des miliciens avec des armes à feu.

Question : Avant BISESERO avez-vous fait face à des barrages avec des civils?

Réponse : Je n'en ai pas le souvenir, mais l'idée ne me semble pas impossible. Je n'ai le souvenir
d'aucun check-point et encore moins d'armes à feu.

Question : Aviez-vous des consignes particulières quant à l'attitude à adopter face aux
miliciens ?

Réponse : Nous avions des consignes générales de retenue vis-à-vis des Hutu. Ce qu'on a constaté,
notamment les traces des massacres dans les églises, c'est que cela avait été fait par la population.
On nous avait effectivement parlé des Interahamwe qui appelaient au meurtre, notamment via la
Radio des Mille Collines. Les consignes étaient de rendre compte de toutes les activités liées à des incitations au massacre, mais nous n'avons jamais vu de tels faits, c'est-à-dire d'appels au meurtre ou d'exactions en train de se commettre.

Question : lorsque que vous étiez positionné à Gishyita, avez vous assisté ou constaté les
départs de miliciens armés et d'attaquants, ceux-ci passant par des barrières tenues par des
militaires français (1116034-41)?

Réponse : C'est faux, je n'ai jamais vu de barrières tenues par des Français, cela aurait contrevenu à l'esprit de nos consignes qui était de faire preuve de retenue vis-à-vis de la population et de ne pas s'afficher avec l'une des deux parties prenantes. Les seules barrières tenues par des Français étaient celles qui assuraient la sûreté des périmètres des campements de Français.

Question : selon Jean-Baptiste TWAGIRAYEZU, les militaires français laissaient passer les
interahamwe qui partaient de Gishyita pour aller tuer les « inyenzi » de Bisesero, les français
ayant accepter d'aider le bourgmestre SIKUBWABO dans cette tâche (D15941-3). En d'autres
termes, selon les parties civiles, les militaires français basés à Gishyita laissaient partir
sciemment les attaquants commettre des meurtres de civils tutsi. Qu'en pensez vous ? Est-ce le
cas?

Réponse : C'est faux, le vocabulaire employé par le témoin démontre qu'il est de parti pris. Les
Français n'ont jamais traité qui que ce soit d'inyenzi. Vous me dites que ce témoin lui-même
reconnaît avoir été complice de massacres mais indique que les militaires français ont aidé les
attaquants dans cette tâche, c'est totalement faux, c'est un mensonge. Par ailleurs, la vitesse à
laquelle les Tutsi de BISESERO sont sortis de leur cachette à notre vue, démontre bien qu'ils
venaient se mettre à l'abri auprès de nous et que nous n'étions pas un danger pour eux.

Question : Thierry PRUNGNAUD relate que durant l'opération Turquoise « des soldats du
ler RPIMa se vantaient d'avoir balancé des gens depuis leur hélicoptère".
Avez vous constaté des actions en ce sens ou entendu de tels propos?

Réponse : Évidemment non.

Question : D'après certains témoignages, soit des réfugiés tutsi auraient été embarqués dans
des hélicoptères pour ne plus réapparaitre, soit des éléments perturbateurs ou des
Interahamwe auraient été emmenés en hélicoptère et jetés par dessus bord. Qu'en pensez-vous ?


Réponse : C'est absurde. Il y a eu un épisode à proximité de GIKONGORO. On est allé dans un
village où un Interahamwe avait jeté un enfant dans le feu, il a été tué par un Marin car il nous avait lancé des grenades en prenant la fuite, mais un de ses complices a été arrêté. On s'est demandé que faire de ce type là. Nous étions la seule autorité sur place. La décision a été prise de le prendre dans un hélicoptère et de le débarquer dans la forêt de NYUNGWE. Il n'a pas été jeté de cet hélicoptère, mais débarqué et il est parti sur ses deux jambes.

Question : A partir du 4 juillet 1994, le détachement du COS s'installe dans la préfecture de
GIKONGORO pour se retirer du Rwanda le 26 juillet 1994 (D 6674). Avez vous été sur le
camp de Murambi dans la préfecture de Gikongoro, commune de Nyamagabe ? Quels
éléments géraient ce camp ?

Réponse : Je n'y suis jamais allé. A partir de ce moment l'essentiel de ma mission a été de recueillir des renseignements sur le dispositif des FAR de la long de la ZHS, ce qui a duré plus de deux semaines. Je ne sais pas qui gérait le camp de MURAMBI, mais la zone brillait par l'absence
d'humanitaires, toutes les ONG étaient parties.

Question : nous vous montrons des photographies tirés d'un site Jacques MOREL
(francegenocidetutsi.org ) représentant des soldats français, photographies intitulées "Photos
montrant des militaires français participant ou assistant à l'entraînement de miliciens ou de
recrues des FAR lors de I' 'opération Turquoise au Rwanda en 1994". Ces scènes vous disent-elles quelque chose?

Réponse Non. J'ai vu des armes en bois seulement à GIKONGORO, sur un check-point. Au vu
des militaires qui figurent sur ces photos, je crois qu'il s'agit de la zone de KIBUYE, au mois de
juillet, où était présent le RICM. Pour moi cela correspond à ce qu'on pourrait appeler le « chant du cygne» c'est-à-dire à la fin des combats. L'idée de soldats français entrainant des miliciens ou des FAR est loufoque. Ce n'était plus l'heure. Ça a été le cas en 1990 et en 1992, mais ce n'était pas la mission de 1994.

Lecture faite, le témoin persiste et signe avec nous et le greffier.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024