Fiche du document numéro 32493

Num
32493
Date
Lundi 5 juin 2023
Amj
Taille
326712
Titre
Charles Butera : « témoin à nu » du génocide rwandais
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Photo: La famille de Charles Butera. De gauche à droite : son fils Dannick, Charles Butera, son épouse Kosita Musadye, sa fille Kelly et sa tante Devota Uwamwezi

Collègues, amis et parents de Charles Butera étaient rassemblés, le 18 mai à la Chambre de commerce de Hamilton, pour le lancement de son livre Témoin à nu, génocide contre les Tutsis.

M. Butera est consultant en emploi au Collège Boréal à Hamilton depuis de nombreuses années. C’est d’ailleurs le gestionnaire du site d’accès de Boréal à Hamilton, Luc Bonaventure, et son équipe qui ont organisé cet événement.

« L’inclusion, la dignité, le respect et la diversité sont très importants pour nous à Boréal, mentionne d’entrée de jeu M. Bonaventure. Avec son bagage d’expérience de travail au Collège, Charles sait comment gérer les différentes personnalités provenant de diverses origines culturelles. C’est un homme bon et talentueux qui a beaucoup de vécu et dont l’histoire vaut la peine d’être racontée. »

Charles Butera est un survivant du génocide contre les Tutsis au Rwanda en 1994. L’auteur a toujours voulu raconter son histoire mais ses blessures étaient profondes et il n’a « jamais pu trouver les mots justes et appropriés pour raconter son récit sans états d’âme qui risqueraient de susciter colère et différentes négativités ».

M. Butera a perdu ses parents et plusieurs cousins et cousines lors de ce massacre qui a coûté la vie à plus d’un million de Rwandais. Il a expliqué pourquoi il a décidé de finalement raconter ce qu’il a vécu, aussi douloureux que soit le processus de mémoire et d’écriture.

« Au bout de 29 ans d’attente, d’essai et de silence, me voici finalement dans "le nu" de mon histoire, de notre histoire. Pour mes proches, les faits racontés dans ce livre sont pour la plupart inconnus. Certains se demanderont si c’est le même frère, le même ami qui parle. C’est bien le même qui renaît à la parole par l’écriture, non sans peur ni peine car j’ai encore de la misère à exprimer ce que j’ai vécu. J’ai peur d’inspirer la haine où j’espérais la dépasser. »

Sa décision de parler de son expérience vient du constat que l’oubli est constamment aux aguets. « En 2004, j’ai remarqué que je commençais à omettre quelques détails ou des noms. Cependant, chaque fois que j’essayais de rédiger, tous les souvenirs se bousculaient dans ma tête dans un chaos douloureux qui m’obligeait à arrêter, perpétuant ainsi le silence qui était mon seul refuge, raconte-t-il avec émotion. Ce n’est qu’à l’été 2018, de retour au Rwanda, que j’ai commencé à rassembler tous mes brouillons qui sont devenus la fondation de cet ouvrage. »

Il a expliqué que ses enfants grandissent et lui posent des questions sur sa vie et celle des membres de sa famille qu’ils n’ont jamais connus. « Je n’ai jamais été capable de leur fournir des réponses convenables, dit-il. J’aimerais que ce livre puisse leur apporter satisfaction. »

Une autre raison qui l’a poussé à publier son récit est, qu’après 29 ans, les négationnistes et les révisionnistes prennent beaucoup d’espace, déformant et niant ce génocide qui pourtant a eu lieu au grand jour. Un carnage qui, selon lui, aurait pu être évité.

« C’est notre devoir de laisser notre histoire aux générations futures afin que le "plus jamais" ne cesse d’être que des mots. En ce moment où l’intolérance et la peur de l’autre deviennent des vérités de notre quotidien, il est plus que temps de rappeler qu’un génocide n’est pas une réalité propre à certains peuples ou à certaines régions. Il peut se produire n’importe où une fois que la haine du prochain doit faire partie de l’agenda sociopolitique d’un pays », ajoute-t-il.

Un récit bouleversant, un génocide qui lui a coûté famille et amis, ainsi que sa dignité d’être humain. « Être un survivant, c’est un miracle de Dieu. Il n’y a que deux choix possibles lorsque tu vis une expérience semblable : la résilience ou la dépression. Ce n’est pas la peur d’être tué qui est la pire, c’est celle d’être pourchassé. Le survivant est un individu fragmenté dans son cœur et dans son corps. Il vit avec des remords permanents et a le sentiment d’avoir été un traître. J’ai choisi de vivre », conclut-il.

Ce livre a été publié par la maison d’édition Le Groupe L’Harmattan et est disponible sur amazon.ca.

Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024