Fiche du document numéro 3506

Num
3506
Date
Samedi 25 juin 1994
Amj
Hms
20:00:00
Taille
23997250
Surtitre
Journal de 20 heures [6:12]
Titre
Le général Lafourcade a réaffirmé que les militaires français respecteraient une stricte neutralité mais qu'ils utiliseraient tous les moyens nécessaires pour protéger les civils contre des bandes qui échappent à tout contrôle
Soustitre
À Kigali les soldats du Front patriotique constatent que la présence française a redonné le moral à leurs adversaires.
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Mot-clé
Résumé
- Operation Turquoise is proceeding without incident for the moment. The French soldiers are based in Goma and Bukavu in Zaire. They have already been to a Tutsi refugee camp on the other side of the border. They also tried to remove all the roadblocks set up by the Hutu militias who terrorized the Tutsi.

- Contact has already been made with the local authorities, the endangered populations identified. The work to be done in depth in the country is only just beginning.

- The headquarters of the French forces is based in Goma. This is where General Lafourcade arrived, commanding Operation Turquoise and organizing reconnaissance missions in Rwanda with his men. About 100 men, including 30 Senegalese, entered the Gisenyi region near the Zairian border. They discovered two Hutu refugee camps comprising about 500 people, whose health status is not catastrophic.

- General Lafourcade indicated that the population is friendly. He reaffirmed that the French military would respect strict neutrality but that they would use all necessary means to protect civilians against bands which were out of control.

- For the moment a thousand French soldiers out of the 2,500 planned have arrived on site. They still have logistical problems. And only 40 remain permanently in Rwanda, the others return to their base in Zaire every evening.

- During this time in Kigali, the Patriotic Front and the government forces could not agree on a provisional ceasefire. The situation is extremely tense to the point that the United Nations forces have abandoned their plan to evacuate refugees stranded behind the front lines.

- The soldiers of the Patriotic Front try to convince themselves that France will confine itself to a humanitarian intervention but find that the French presence has boosted the morale of their adversaries.

- François Léotard declared today that "the humanitarian operation carried out by the French army in Rwanda is gradually becoming more European than it was at the beginning". The operation received the support not only of six WEU members but also of the participants in the Corfu summit.
Source
TF1
Fonds d'archives
INA
Type
Journal télévisé
Langue
FR
Citation
[Claire Chazal :] Madame, Monsieur, bonsoir. Dans ce journal un peu retardé pour cause de football, la poursuite du déploiement des soldats français à la frontière entre le Zaïre et le Rwanda. Ils s'efforcent maintenant de désarmer les civils.

[…]

Venons-en tout de suite à la situation au Rwanda. L'opération Turquoise se déroule pour le moment sans incident. Les militaires français -- vous le savez -- sont basés à Goma et à Bukavu au Zaïre. Ils se sont déjà rendus dans un camp de réfugiés tutsi de l'autre côté de la frontière. Ils se sont également efforcés de lever tous les barrages établis par les milices hutu qui terrorisaient les Tutsi. Une mission de désarmement des civils que nous décrivent nos envoyés spéciaux Marine Jacquemin et Frans-Yves Marescot.

[Un capitaine français équipé d'un matériel et d'un casque radio retire une grenade de la main d'un milicien en lui disant : - "Voilà. Donne-moi, donne-moi. Tu es civil ! Le barrage, faut enlever, là. Les bambous, enlève ! Tout enlever les poteaux, là. Allez vous occuper de vos familles et reprendre une vie normale…, d'accord ?". Un autre milicien : - "C'est ça. On espère que…, ça doit marcher [inaudible]." Le militaire : - "Mais ça va marcher ! Ça ne peut que marcher maintenant" [des militaires rwandais observent la scène].

[Marine Jacquemin :] Avec beaucoup d'autorité mais aussi de diplomatie le capitaine Hervé et son unité font tomber ces barrages [une incrustation "Kamonbe [Kamembe], Rwanda" s'affiche à l'écran] où civils, parfois encadrés de militaires, imposaient des contrôles très souvent meurtriers. L'opération n'est pas du goût de tous [on voit un militaire français descendre de son véhicule et se rendre vers un barrage].

[Un milicien : - "Il faudrait que ce soit pour donner avec les autorités…". Marine Jacquemin : - "Locales ?". Le milicien : - "Les autorités locales, les autorités de la préfecture".

Un soldat des Forces armées rwandaises, tenant une grenade à la main : "Pas de réaction parce que j'ai…, j'ai…, j'ai mon commandement. Je vais demander à mon commandement".

Marine Jacquemin s'adressant au capitaine Hervé : - "Ils ont l'air assez surpris quand même, hein ?". Réponse du capitaine [une incrustation précise qu'il dépend de la "11ème DP de Toulouse"] : - "Oui ils ont l'air assez surpris mais, euh…, comme on a eu un accueil excellent et que… on, donc…, euh, de la part des gens ici, de la part du camp de réfugiés, je pense que c'est assez bien perçu et qu'ils nous écouteront. Du moins on l'espère".]

[Un militaire français à bord d'un véhicule qui traverse un village crie à la foule : "Mwaramutse !"] Par petites unités comme celle-ci -- huit hommes --, ils abordent le pays. Un dispositif léger mais tous ont une bonne connaissance de l'Afrique [perché sur son véhicule, un soldat français énumère les pays dans lesquels il a été envoyé : "Centrafrique, Tchad, Côte d'Ivoire"].

Dans cette partie du Rwanda épargnée par les combats pour l'instant, les récoltes ont pu être faites. Le marché est prospère [la foule applaudit les militaires français qui se font diriger par des gendarmes rwandais]. Contrairement aux Américains en Somalie, comme ils nous le font bien remarquer, les soldats français améliorent leur ration localement. Certains poussent même l'exigence jusqu'à parler leur langue.

[Un soldat français, arborant un béret rouge et tout sourire : "Euh…, 'Amakuru' : quelles sont les nouvelles. 'Bite', euh…, comment ça va, euh… Il suffit de leur demander". Il s'adresse alors à la foule : - "Bite !". La foule : - "Ni Byiza !". Le soldat : - "Ni Byiza, ça va".]

Dans ce secteur le contact a déjà été pris avec les autorités locales, les populations en danger repérées. Pas toutes a priori comme nous l'explique ce prêtre qui ne veut pas être filmé [on voit Marine Jacquemin s'entretenir avec un homme au volant de son véhicule].

Le travail à faire en profondeur dans le pays ne fait donc que commencer. Un nouveau barrage tombe avec le même acharnement qu'ils ont mis à tuer. Il suffisait simplement de leur demander [on voit des militaires français et des miliciens démonter une barrière sous les acclamations de la foule].

[Marine Jacquemin s'adressant à des miliciens qui portent des lunettes noires : - "Tout ce que disent les militaires français vous allez les écouter ?". L'un des miliciens : - "Oui nous sommes sûrs avec vous jusqu'à présent". Marine Jacquemin : - "Ah bon ?". Le même milicien, tout sourire : - "Ah oui". Marine Jacquemin : - Pourquoi, plus tard ça risque de changer ?". Réponse : "Non, on sait pas". Marine Jacquemin : - "Ah ?". Le milicien : - "Ah oui, on réserve ça à Dieu".]

En Afrique, un rien peut tout changer. Une simplicité qui fonctionne aussi bien dans le bon que dans le mauvais.

[Claire Chazal :] Le quartier général des forces françaises est basé à Goma au Zaïre, juste à côté de la frontière rwandaise, je vous l'ai dit. C'est là qu'est…, qu'est arrivé le général Lafourcade qui commande l'opération Turquoise et qui organise avec ses hommes des missions de reconnaissance au Rwanda. Des soldats ont même pu entrer ce matin dans Gisan…, Gisenyi où est installé le gouvernement rwandais de transition. Le point de la situation, sur place, avec l'une de nos envoyées spéciales, Catherine Jentile au téléphone.

[Catherine Jentile :] C'est donc aujourd'hui que les Français ont fait leur première opération de reconnaissance dans le Nord. En tout, une centaine d'hommes -- dont 30 Sénégalais -- ont pénétré dans la région de Gisenyi près de la frontière zaïroise [une carte du Rwanda et de l'Est du Zaïre s'affiche à l'écran ; elle indique les villes de Goma, Gisenyi, Cyangugu et Kigali ainsi que la ligne de front]. Ils ont découvert deux camps de réfugiés hutu comprenant environ 500 personnes, dont l'état sanitaire n'est pas catastrophique [diffusion d'images d'archives du camp de Kabgayi].

La population s'est montrée amicale nous a dit le général Lafourcade, responsable de l'opération Turquoise. Il a réaffirmé que les militaires français respecteraient une stricte neutralité mais qu'ils utiliseraient tous les moyens nécessaires pour protéger les civils contre des bandes qui échappent à tout contrôle [on voit Jean-Claude Lafourcade répondre à une interview sur le tarmac de l'aéroport de Roissy].

Pour l'instant un millier de soldats français sur les 2 500 prévus sont arrivés sur place. Ils ont encore des problèmes de logistique. Et 40 seulement restent en permanence au Rwanda, les autres regagnent tous les soirs leur base ici au Zaïre [diffusion d'images de gros-porteurs].

[Claire Chazal :] Et pendant ce temps-là à Kigali, la capitale, le Front patriotique et les forces gouvernementales n'ont pu se mettre d'accord sur un cessez-le-feu provisoire. La situation est extrêmement tendue au point que les forces des Nations unies ont abandonné leur projet d'évacuation de réfugiés bloqués derrière les lignes de front. Au téléphone Loïck Berrou.

[Loïck Berrou :] Kigali a connu cet après-midi une nette accalmie dans les combats, comme une parenthèse. Chacun des adversaires reste suspendu aux nouvelles de l'intervention française dans l'Ouest du pays. L'armée française a-t-elle découvert un charnier à Cyangugu et voici que la radio des milices hutu appelle à tuer tous les journalistes qui ont pu faire état de cette information [diffusion d'images d'archives montrant des miliciens]. Cinq minutes après, elle n'hésite pas à encenser les sauveurs de la nation rwandaise : marsouins et légionnaires français venus du Zaïre.

Une propagande qui laisse sceptique les soldats du Front patriotique du Rwanda. Ils essaient de se convaincre que la France se cantonnera à une intervention humanitaire mais constatent que la présence française a redonné le moral à leurs adversaires [diffusion d'images d'archives montrant des soldats du FPR]. L'armée gouvernementale rwandaise en effet, convaincue de l'appui de l'ami de toujours -- la France --, résiste bien sur tous les fronts, y compris l'essentiel, celui de Kigali [diffusion d'images d'archives de soldats des FAR].

[Claire Chazal :] François Léotard a déclaré aujourd'hui que "l'opération humanitaire menée par l'armée française au Rwanda devenait, je le cite, petit à petit plus européenne qu'elle ne l'était au début". Il faut dire que l'opération a en effet reçu le soutien non seulement de six membres de l'UEO mais aussi des participants au sommet de Corfou.

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