Fiche du document numéro 5613

Num
5613
Date
2005
Amj
Taille
102419
Titre
Témoignage de Harerimana Marcel, survivant de Bisesero
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Source
Fonds d'archives
Type
Langue
FR
Citation
Marcel: Je m’appelle HARELIMANA Marcel, je suis né dans la Cellule Bisesero, Secteur Bisesero, District de Rusenyi, province de Kibuye. Mon père s’appelle BIRARA Abinadamu, et ma mère MUKANGAMIJE Esther.

Marcel: Je suis étudiant à l’Institut Supérieur Pédagogique de Kigali.

Manu: ??

Marcel: Ok, je suis né à Bisesero, c’est là où j’ai grandi et c’est là où j’habite. En ce qui concerne mon adresse je crois que c’est ceci, quand je suis ici à Kigali, je reste à l’école. Je n’ai rien à ajouter à ce sujet.

Manu: ??

Marcel: J’ai 25 ans.

Manu: ??

Marcel: Ma vie avant le génocide? Je menais une vie bien parce que je suis né dans une famille dont les parents étaient mariés officiellement, ils m’ont éduqué, j’ai grandi, mais il est arrivé....au fait ils étaient fermiers. Puis on leur a ôté la vie quand j’avais 14 ans. Ils sont morts durant le génocide, ils n’étaient pas vieux, à cause de l’histoire du pays.

Manu: ??

Marcel: Nous étions quatre enfants dans ma famille restreinte.

Manu: ??

Marcel: Aujourd’hui nous sommes deux.

Manu: ??

Marcel: J’ai mon grand frère qui s’appelle Mukomeza Aaron.

Manu: Vous avez survécu ensemble?

Marcel: Je m’excuse ! Nous sommes ensemble.

Manu: ??

Marcel: Ok, dans les années 90, les nouvelles qui circulaient partout, dans notre zone, mais que personne n’avait encore vu de ses propres yeux, c’était la guerre menée par les Inkotanyi! Certains paysans disaient que la guerre était causée par certains d‘entr’eux, des gens avec qui ils cohabitaient, à qui ils avaient marié leurs enfants : Je parle de la guerre entre les Hutus et les Tutsis. Donc ils ont voulu faire porter le chapeau à ces gens [les Tutsi] en disant que ce sont eux qui emmenaient les Inkotanyi [FPR] de l’étranger ou encore qu’ils étaient responsables de la venue des Inkotanyi [FPR] dans le pays, ils ont tout fait pour éloigner leurs semblables. Ils [les Hutu] disaient aux leurs de ne couper tout contact avec ces gens là [les Tutsi], avec qui ils cohabitaient pourtant. La guerre a continué dans les années 90, 91, puis en 92 les tueries ont débuté dans certaines zones comme Rusenyi, dénommée Rushyita actuellement ; dans des endroits comme Itabire, les Hutu tuaient les Tutsi. Cela a continué puis vers 1993, on tuait à Sovu, mais ils tuaient d‘une manière secrète, puis des gens ont été mis en prison parce que l’on prétendait que c’était des traîtres. Ces gens ont été maltraités, torturés, on peut citer l’exemple de Munyaneza Jean Paul qui avait été relâché ensuite, il a eu de la chance de s’enfuir vers l’étranger. Après cette période de prise des [prétendus] traîtres, en 1994 est arrivée une guerre, comment dire sans merci ! cette guerre a rayé tout ce qui est Tutsi. Ce qui a été le mobile de cette guerre, je peux dire que c’était la mort d’Habyarimana mais je ne dirai pas non plus que sa mort est la cause de la guerre ! puisque depuis les années 90, il y avait la guerre excepté que leur système était de liquider surtout les gens qui occupaient des postes dans le Gouvernement, les enseignants, et ceux qui étaient dans d’autres domaines de l’emploi. Ce système a eu lieu entre 1993 et 1994. Mais en 1994, ils n’épargnaient personne soit disant qu’ils allaient tuer uniquement les enseignants, et d’autres... Tout Tutsi devait être tué. C’est ainsi que les gens ont utilisé le voile de la mort d’Habyarimana pour commettre le génocide.

Manu: Décris-nous en peu de mots Bisesero !

Marcel: La Cellule Bisesero ? eh bien Bisesero se trouve à l’ouest de Kibuye, il est proche des communes suivantes : Gisovu, Gishyita, Rwamatamu et Gitesi. Il y a approximativement moins de 10 km de la plage à la Cellule Bisesero. Au fait, je vous faisais une brève description du Secteur Bisesero, en ce qui concerne la Cellule Bisesero, je ne sais comment la décrire tellement elle est petite.

Manu: ??

Marcel: Ok, décrire la Cellule, au fait c’est comme quitter Kibuye, jusqu’à la Province, puis se diriger vers la Commune Gitesi, puis traverser Gishyita et enfin prendre la route qui conduit à la forêt de Nyungwe. Près de Gisovu, avant d’arriver à l’usine, cela représente environ 8 kms en revenant au point de départ.

Manu: ??

Marcel: Non, j’étais en 6ème.

Manu: Où l’as- tu faite ?

Marcel: Je l’ai faite à Bisesero.

Manu: ??

Marcel: Excusez-moi. C’était l’école primaire.

Manu: ??

Marcel: Avant 1990, je ne sais pas comment te dire mais je ne pouvais pas savoir que tel ou tel était Hutu et tel était Tusi, parce que je suis né dans une zone où je trouvais que tout le monde se ressemblait. Ils n’étaient pas divisés du tout ! Au fait la ségrégation a débuté dans les années 90 quand ils identifiaient que tel est Hutu et tel est Tutsi. En fait ce qui faisait que je ne puisse pas savoir distinguer les deux ethnies avant, c’est que j’ai grandi dans une communauté où ils s’offraient des vaches, mariaient leurs enfants [Hutus aux Tutsi et vice- versa], je ne pouvais donc pas dire que tel est ceci et tel est cela.

Manu: ??

Marcel: C’est au fur et à mesure que je grandissais que j’entendais dire que tel est Hutu, tel est Twa et tel est Tutsi. Il est arrivé un moment où j’ai compris cette énigme. Mais jusqu’à présent, moi je pense que ces histoires d’ethnie n’ont aucun fondement. Qu’on soit Tutsi ou qu’on soit Hutu, je pense que ces deux ethnies sont tous les mêmes parce qu’ils parlent tous la même langue qui nous unit tous [les Rwandais]. Et ainsi je crois que je n’ai toujours pas compris ce que c’est Hutu ou Tutsi.

Manu: ??


Marcel: Ok, moi je n’accorde aucune importance à ceci parce que, je trouve que ce sont certaines personnes qui avaient bien des intérêts et pour y parvenir, se sont couverts du voile de l’ethnie. Cela n’a vraiment aucune valeur.

Manu: ??

Marcel: L’atmosphère se métamorphosait vers la fin des années 90 jusqu’en 94 lorsque dans les écoles, les enseignants nous disaient : « toi tu es Tutsi, toi Hutu, et toi un Twa ». Mais parmi les élèves, ces propos-là n’étaient pas connus. Tu pouvais t’apercevoir que l’enseignant se dirigeait vers toi, t’observait en face, [observait] ta taille et la personne que tu es et pouvait te dire que tu es Tutsi. En plus, la plupart de ces enseignants connaissaient nos parents sans qu’on le sache ; il arrivait même qu’il [un enseignant] te dise : « Que les Tutsi se lèvent ! ». Quand on ne se levait pas, il te disait : « toi tu es Tutsi, je le sais bien, lève- toi ! », tu te levais sans pourtant accorder de l’importance à cet acte, parce qu’on se disait que prononcer [les termes] Hutu ou Tutsi, c’était semblable aux noms que portent les gens.

Manu: ??

Marcel: Ceci je le savais ! Des gens m’avaient dit que j’étais Tutsi tout comme je l’avais appris à l’école. C’est ainsi que nous avons grandi en tenant compte qu’il y a des Tutsis et des Hutus.

Manu: Comment l’as- tu appris ?

Marcel: Je l’ai appris dans les années 90.

Manu: ??

Marcel: Non je ne le savais pas.

Manu: Tu nous as dit qu’il y a eu des tueries en 1992 !

Marcel: Oui dans les zones telle que Rusenyi ! Mais elles n’ont pas eu lieu dans la nôtre parce que la majorité de la population chez nous était ce qu’ils appelaient les Tutsi. Ils avaient donc peur d’entrer dans cette zone. Au contraire, ils allaient dans des zones où le nombre des Tutsis était minime, puis les massacraient. Il ne passait pas 4 ou 5 mois sans qu’on ne les tue !

Manu: En ce qui concerne les Partis Politiques, dis nous comment....

Marcel: C’était la période des Partis Politiques, je ne me souviens pas très bien si c’était cette année-là [1992] que le M.D.R [Parti Politique] est né.... on parlait d’Arusha... La naissance de tous ces Partis Politiques n’a pas empêché l’idéologie ethnique parce que c’était clair qu’il créait un Parti sur base de l’ethnie. Ceci faisait que les Rwandais, habitant Bisesero, n’appréciaient pas cela.

Manu: ??

Marcel: Expliquer 1994 est une chose très vague. Ceci débuta avec la mort d’Habyarimana, juste après la chute de son avion [dans lequel il était]. Ils [les Hutus] accusaient aux Tutsi en disant que ce sont eux qui ont assassiné le Président Habyarimana et par conséquent ils devaient mourir aussi. Le 07 avril 1994, nos voisins Hutus prenaient la fuite et se réfugiaient dans d’autres zones avec les leurs [Hutus]. Mais d’autres avec qui nous avions vécus, avec qui nous nous offrions réciproquement des vaches, mariions nos enfants, sont venus nous apaiser en disant qu’il n’y aurait pas de guerre et que même si elle arrivait, ils nous aideraient quoi qu’il en soit. Ils nous ont réconfortés et nous nous sentions en sécurité. Le 08 Avril 1994, les attaques de la Police Communale escortée par une centaine de civils, surgirent. A leur arrivée, ils posaient la question de savoir s’il y avait la sécurité dans notre Cellule puis on leur répondait en ces mots : « il y a des brigands qui viennent voler, piller, nous pourchasser... on n’a pas la paix ici ! ». Ils nous ont ensuite dit : « soyez sans crainte, au contraire allez nous apporter vos armes, que ce soit des machettes, lances, bâtons... bref toutes vos armes traditionnelles, nous nous chargerons de votre sécurité. »

Certains ont rendu leurs armes, les autres ont refusé. Mon père tenta de leur faire comprendre qu’ils ne devaient pas rendre leurs armes. Il leur disait : « vous ne savez rien de ces gens ! Ils ont fait pareil en 1959 et 1973. Ils nous avaient d’abord assurés que rien ne nous arriverait mais ensuite ils nous ont tués ! ». Certains ont compris et ont pu cacher leurs armes mais d’autres les ont rendues. Les policiers ont donc gardé les armes à la Commune. Le lendemain, c’était le 09 Avril 1994, ceux qui étaient nos voisins auparavant mais qui s’étaient mis à l’écart pour rejoindre les leurs [Hutus], ont surgi en masse avec des policiers qui ont aussitôt tiré des coups de feu. Ils tuaient des innocents sans défense en disant que nous cachions des soldats Inyenzi, que l’on ne connaissait même pas, et que nous avons tué aussi le Président Habyarimana ! Ils ont placé tout le crime sur nos épaules [ils nous ont accusés de ce crime], nous avons été reconnus coupables, et ils se sont même servis de ce crime pour nous massacrer. Ce jour-là [le 09 Avril 1994], les policiers n’ont pas tué plusieurs personnes. Les Tutsis se sont ensuite mis ensemble pour s’organiser en disant : « les Hutus ont l’intention de décimer tout Tutsi, nous devons donc nous défendre et ne pas mourir comme des lâches ». Ils se sont ensuite organisés en prenant des armes telles que des machettes, des lances, de petites houes, et même des pierres. Ils se sont affrontés avec les interahamwe, mais eux [les interahamwe] étaient escortés par des policiers qui possédaient des armes à feu.

Nous avons résisté contre ces assaillants pendant une semaine. Nous avons réussi à tuer quelques-uns qui possédaient des armes traditionnelles ou des armes à feu, nous les confisquions et les gardions puisque nous ne savions pas comment les utiliser. Lorsqu’ils constatèrent une perte considérable de leurs hommes, ils [les interahamwe] ont été effrayés en disant : « ces gens, ce sont des kamikaze ! Il y a sûrement des soldats Inyenzi parmi eux ! Il faut faire appel aux militaires parce que nous ne sommes pas en mesure de les vaincre ». Cependant presque tous les policiers étaient déjà morts, tués par des individus qui se défendaient. Ils ont été pris de panique et ont ensuite pris une ou deux semaines de repos. Les gens ont rapidement repris leurs activités en disant que la guerre était terminée. Ils se rendaient aux champs, d’autant plus que c’était la période de semence. Mais avant ces deux semaines, tous les policiers de presque toutes les quatre communes : Gishyita, Gisovu, Gitesi et Rwamatamu, se sont entendus que tout Tutsi qui s’était réfugié dans l’une de ces trois communes, devrait être tué ! ils les ont poursuivis, leur ont tiré dessus mais ils se défendaient aussi et ont pu tuer quatorze policiers. Parmi ces policiers, figuraient Rukazamyambi, Rwigimba... mais ce dernier leur a échappé quoique blessé. Les autres, je n’ai pas pu les identifier car à cette époque, je n’en connaissais pas beaucoup.

Manu: Ces gens que tu as cités, qui étaient-ils ?

Marcel: C’était des policiers. Depuis lors, ils ont pris l’initiative de ne plus jamais rentrer à Bisesero. Quand nous avons passé deux semaines sans que nous soyons agressés, nous nous sommes dit que la guerre était finie. Mais après, est arrivée une attaque purement militaire organisée par la Garde Présidentielle. Nous avons essayé de nous défendre avec des armes traditionnelles, quand tu lançais une pierre, ils t’ignoraient et se rapprochaient. Ils n’avaient qu’un objectif : nous tirer dessus. Nous avons résisté et quand ils ont vu que nous n’avions aucune intention de fuir, et qu’on avait déjà tué un lieutenant, ils ont pris la fuite. Mais en fuyant vu qu’ils avaient perdu des hommes, ils ont essayé de rassembler les troupes qui venaient de Kibuye, de Gisenyi... bref ceux qui fuyaient les autres régions et qui passaient par Bisesero. Il s’en est suivi des tueries incessantes ! Les plus faibles comme les femmes et les enfants ont été tués à la machette... si je m’en souviens bien, je crois que celui qui a survécu le lendemain, était une personne apte, capable de courir. D’ailleurs je ne dirais pas que c’est parce que l’on fuyait qu’on a pu se sauver ! C’est Dieu qui sauvait les gens parce que tu pouvais t’enfuir et leur échapper mais en même temps c’était se jeter dans la gueule du loup de l’autre côté ! Ce qu’on fait c’est quoi, chacun s’en allait chercher un moyen de fuir pour mourir un peu plus loin à environ 100 mètres. Ceux qui sont restés en vie ce jour-là, je ne peux appeler ceci le fait de survivre mais de demeurer. La guerre a continué jusqu’aux mois de Mai et Juin, c’était la même scène, courir tout le temps. On se disait que au cas où ceux de derrière nous rattrapaient, nous nous battrions contre ceux de devant pour trouver un passage et traverser. Nous avons fui en courant jusque de l’autre côté, et pendant ce temps, les gens étaient continuellement tués, les femmes violées... les gens étaient tués d’une manière horrible.

Mais la nuit tombée, ils [les tueurs] s’en allaient chez eux. Ils [les interahamwe] avaient l’habitude de rentrer tôt, vers 16 heures. Une fois, le Ministre de l'information était arrivé pour une visite à Bisesero, il a croisé des interahamwe qui rentraient puis leur a demandé : « qu’est-ce qui vous fait rentrer si tôt ? » puis ils lui répondirent qu’ils étaient fatigués. Il leur a ensuite dit : « celui qui se bat contre un ennemi n’a pas le droit de se reposer à cette heure-ci ! Vous allez désormais rentrer à 18 heures ». L’ordre était ainsi mis en application. Ils allaient tuer et rentraient à 18 heures. Mais une autre chose qui s’était rajoutée à la faiblesse des fugitifs, c’est qu’il n ‘y avait aucune maison pour s’abriter, celles qu’on trouvait c’était des ruines, ils [les anciens occupants de ces maisons] avaient emporté tout le bétail... il n’y avait rien à manger, c’est d’ailleurs durant ce mois de Juin que plusieurs personnes sont mortes de faim puisqu’ils n’avaient nulle part où trouver de quoi manger. Et puis il [le Tutsi] ne pouvait pas se rendre dans les champs, il attendait la nuit pour aller voler à manger dans une maison abandonnée par des gens qui avaient peur d’y retourner. Nous sous sommes ensuite décidés de prendre le chemin de Nyungwe. Sur le chemin, on nous tirait dessus, nous étions environ 3 000 personnes puis ils nous ont fait reculer ; les uns se sont rendus dans la forêt de Nyungwe puis les autres sont revenus à Bisesero sur la colline de Muyira. Ils ont campé sur cette colline, ce n’était pas un camp pour préparer le champs de bataille mais pour attendre la mort. Mais de grâce, plus les jours s’écoulaient plus au moins une personne survivait, même s’ils [les interahamwe] en tuaient toujours !

L’évènement qui a suivi, était l’arrivée des Français [soldats Français]. Quand nous les avons vus, nous pensions qu’ils étaient arrivés pour nous porter secours ! Ils sont arrivés, il y avait un homme dénommé Nzabihimana Eric, actuellement Maire de Itabire, qui est allé à la rencontre de ces Français [soldats Français] mais c’était du suicide. Il s’était d’abord caché sur le bord de la route, puis s’est introduit dans l’une des voitures qui s’y trouvaient. Il se disait qu’elles ne pouvaient pas appartenir aux interahammwe et même s’ils [les interahamwe] se trouvaient à l’intérieur [de ces voitures], ils ne pouvaient pas nous battre. Il trouvait que ceux qui étaient arrivés dans ces voitures n’étaient pas des gens ordinaires ; et puis nous étions habitués au fait que les interahamwe se déplaçaient dans des camions comme de marque TATA ou DAIHATSU, ou encore dans des bus. Il [NZABIHIMANA Eric] s’est donc entretenu avec ces hommes Blancs et a exposé le problème en leur disant que la guerre, qui se déroulait à Bisesero, était une guerre civile : des gens quittaient leurs localités pour venir les agresser avec des armes modernes et automatiques. Les hommes Blancs lui ont répondu de ne pas paniquer et d’attendre quelques jours puis ils viendraient à notre secours. Mais ensuite, nous nous sommes rendu compte que ce n’est pas du tout ce qu’ils étaient venus faire. Au fond, ils étaient venus voir le nombre de rescapés puisqu’ils étaient avec un interahamwe qu’ils avaient caché pour qu’Eric ne puisse pas le voir ; il l’avait vu quand la voiture avait démarré.

Manu: ??

Marcel: C’était des Français [soldats Français]

Manu: ??

Marcel: C’était des militaires mais parmi eux se trouvaient des journalistes... Ensuite l’interahamwe est rentré avec eux et nous, nous sommes restés là ! Nous étions à un endroit fixe, nous étions éparpillés et ceci leur posait des problèmes quand ils venaient nous tuer parce qu’ils n’arrivaient pas à nous rassembler. Ils pouvaient pourchasser un groupe et le tuer, mais les autres restaient. Le lendemain, il est arrivé une attaque sans précédent, les interahamwe de ce Secteur sont venus, une attaque qui n’épargna personne. Ils ont tué jusqu’au point de se dire qu’il n’y avait pas de rescapés, qu’ils ne reviendraient plus pour tuer! Mais quand ils rentraient, ils pouvaient facilement distinguer les silhouettes sortant des buissons puis ils se dirent : « vous savez quoi, il y a encore des Tutsi à Bisesero, nous devons y retourner un de ces jours. » Trois jours plus tard, les hommes Blancs [les soldats Français] sont revenus. Ils demandaient: « où se passe la guerre ici ? », ce n’était pas la première fois qu’ils posent cette question. Ils avaient rencontré Ndayisaba, qui est actuellement un étudiant au KIST [Institut de Science et de Technologie de Kigali]. Il leur a répondu ceci: « la guerre se passe ici ! » Ils lui ont ensuite demandé : « qui sont vos agresseurs ? », il leur dit à son tour : « ce sont des paysans , des militaires et des interahamwe qui viennent nous massacrer ». Les Français sont ensuite partis mais en se dirigeant du côté où les interahamwe provenaient. Quand ils y sont arrivés, les interahamwe se sont expliqués en ces mots : « ce ne sont pas nous qui leur faisons du mal, au contraire ce sont eux qui se déplacent pour venir nous tuer ! ». Les Français leur ont posé la question suivante : « si ce sont réellement eux qui viennent vous agresser, pourquoi y a t-il des ruines chez eux et non pas chez vous ? », puis les interahamwe disaient : « cela n’est pas le problème ! » mais ils répondaient ainsi parce qu’ils n’avaient pas d’explication à ceci [à la question] ! Les Français sont ensuite revenus à Bisesero où ils se sont encore entretenus avec Nzabihimana Eric qui leur a dit : « si vous ne nous faites pas évacuer, vous non plus n’allez pas partir d’ici ! ». Les Français ont ensuite pris l’initiative de mettre en place un camp pour pouvoir prendre soin des malades et ainsi donc sauver des vies humaines.

Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024