Fiche du document numéro 9147

Num
9147
Date
Jeudi 19 mai 1994
Amj
Auteur
Taille
112721
Titre
Revenir à l'accord d'Arusha
Soustitre
Le vice-président du Front patriotique rwandais s'est entretenu avec trois journalistes, parmi lesquels l'envoyé spécial de « l'Humanité »
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
De notre envoyé spécial au Rwanda.



PATRICK MAZIMPAKA, vice-président du Front patriotique rwandais (FPR), a reçu plusieurs représentants de la presse internationale à Mulundi: la RTBF (télévision belge), « la Voce » (Italie) et « l'Humanité ».

Répondant à la question « Le FPR est-il un mouvement ethnique? », Patrick Mazimpaka a pris comme exemple la composante militaire de cette formation: « Au début, notre armée s'est constituée avec 2.000 à 2.500 hommes. Elle a recruté surtout dans les milieux des réfugiés rwandais installés au Burundi, en Tanzanie, en Ouganda et au Zaïre. A ce moment-là, l'essentiel des réfugiés appartenait à la communauté tutsie. C'est un fait: nos plus anciens combattants sont surtout des Tutsis. Le FPR a d'abord recruté chez les Tutsis pour une raison simple: ils constituaient la majorité des exilés. Aujourd'hui, le FPR est une force nationale regroupant toutes les communautés issues de toutes les régions. Plus de 40% de nos combattants (sur un effectif d'environ 25.000) appartiennent aux deux autres communautés: Hutus et Twas. »

N'y aurait-il aucune division au sein de la société rwandaise? « Notre histoire est empreinte de violences et de brutalités. La dictature militaire est au pouvoir depuis 1972. Elle a exacerbé délibérément toutes les oppositions internes entre les communautés et entre les régions. Un exemple? L'encadrement supérieur de l'armée gouvernementale est exclusivement composé de notables hutus du Nord-Est, la région d'origine du général Habyarimana. Notre projet politique peut se résumer ainsi: créer les conditions d'une réconciliation nationale fondée sur une justice transparente et une véritable démocratie. Nos actions témoignent de notre sincérité »

Comment résoudre pacifiquement la situation? « Lorsque sera venu le moment d'une consultation électorale authentique, le FPR l'emportera. » Un journaliste lui coupe alors la parole: « Mais si vos candidats ne l'emportent pas? ». Réponse: « Quels que soient les résultats, du fait même que des élections démocratiques se soient tenues, le FPR sera pleinement victorieux. »

Puis le vice-président du FPR revient sur le problème ethnique: « Vous avez vu les camps de réfugiés de Byumba? Les familles tutsies de Kigali ne cessent d'y affluer, alors que cette région du Nord est à 90% hutue. Les réfugiés tutsis ont confiance. Ils viennent trouver la sécurité. N'est-ce pas là aussi une démonstration éclatante du caractère pluriethnique du FPR? »

« Le FPR collabore avec toutes les forces démocratiques de changement depuis 1992 (les partis d'opposition qui viennent d'être décimés par les assassinats politiques se sont créés vers 1991-92, chacun d'eux ayant une base largement régionale, NDLR). Nous agissons avec tous ceux qui se situent dans l'opposition. Nous comptons bien continuer dans ce sens après la guerre », poursuit-il.

En ce qui concerne l'accord d'Arusha, Patrick Mazimpaka estime: « Dans les zones libérées, le FPR met en place une administration territoriale. Pour nous, les principes de l'accord d'Arusha prévoyant une autorité multipartite de transition vers la démocratie demeurent valables. Les modalités sont évidemment à revoir car les massacres des dirigeants et militants des différents partis de l'opposition par la dictature ont eu pour conséquence l'élimination de l'élite politique. »

« Les orientations inscrites dans notre programme de 1992 restent pour nous d'actualité. Nous nous prononçons plus que jamais en faveur d'une gestion des collectivités par des assemblées élues et non plus par des émissaires du ministère de l'Intérieur. Nous posons toujours le principe d'une armée nationale rassemblant les éléments des deux forces: le FPR et les FAR (Forces armées rwandaises) qui se dissocient des massacres et qui n'y ont pas pris part. »

« Les coupables devront être jugés. Nous avons demandé un tribunal international sur le génocide au Rwanda. Nous ferons tout pour associer la communauté internationale dans les enquêtes et les jugements. »

par JEAN CHATAIN

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024