Fiche du document numéro 9929

Num
9929
Date
Lundi 7 novembre 1994
Amj
Taille
89344
Titre
Interview du Ministre des Affaires étrangères, M. Alain Juppé à RFI
Source
Type
Langue
FR
Citation
(Biarritz, 7 novembre 1994)

France - Afrique - prévention des conflits - Rwanda

Q - La Baule, c'était l'appel à la démocratie. Libreville celui à la
bonne gestion démocratique, la bonne gestion tout court. Qu'est-ce que
sera Biarritz ?

R - A Biarritz, nous souhaitons avoir une réflexion sur la prévention
des conflits et le règlement des conflits en Afrique. Inutile de
souligner à quel point la situation dans plusieurs pays est
préoccupante. Nous avons vécu tout au long de cette année le drame du
Rwanda. La France a assumé ses responsabilités. Il faut maintenant
réfléchir avec nos amis africains à la manière de monter un dispositif
qui permette de prévenir plutôt que de guérir, ce sera donc un des
grands sujets de conversation de Biarritz.

Nous n'arrivons pas ici avec des idées toutes faites, je crois que
l'intérêt de ce Sommet c'est précisément d'avoir des échanges très
informels et j'espère qu'il pourra en sortir ensuite des orientations
précises.

Processus de démocratisation - dévaluation du franc CFA

Ce Sommet de Biarritz est aussi la confirmation de la démocratisation
en Afrique. Vous parliez tout à l'heure de La Baule, je pense que
depuis on a fait beaucoup de progrès. On a fait d'abord des progrès
dans nos propres réflexions. Que faut-il entendre par démocratisation
? La démocratisation, ce ne sont pas simplement des élections, c'est
parfois dans les situations les plus conflictuelles la constitution du
gouvernement d'Union nationale et des mécanismes de réconciliation de
l'ensemble des parties. C'est aussi une avancée propre à chaque
pays. On a vu que dans ce domaine des progrès substantiels avaient été
accomplis. Et puis enfin Biarritz sera aussi une réflexion sur la
situation économique, sur l'après-dévaluation, là encore il y a des
raisons d'optimisme mesuré et raisonné.

Rwanda

Q - En deux mots, vous avez parlé Rwanda et démocratisation. Sur le
Rwanda, beaucoup s'étonnent, y compris parmi des chefs d'Etat
africains que nous avons reçus, de l'absence du nouveau Président
rwandais. Pourquoi ?

R - Il n'y a pas eu de demande formelle et puis nous souhaitons voir
un peu comment les choses évoluent à Kigali.

Q - C'est à dire que pour l'instant, vous n'êtes pas satisfait ?

R - Vous savez, beaucoup de propos ont été tenus, il faut essayer de
les clarifier. Je m'inquiète en particulier du retard mis à la
constitution du Tribunal international qui avait été présenté à juste
titre, il y a quelques semaines, comme une exigence forte pour y voir
plus clair dans la situation. On perd un peu de temps. Donc j'espère
qu'on pourra progresser. C'est la raison pour laquelle il nous est
apparu prématuré ici à Biarritz de lancer des invitations.

Zaïre

Q - Sur la démocratisation, un étonnement chez certains sur la
présence du Maréchal Mobutu qui n'était pas le bienvenu en France ces
trois dernières années et chez qui aucune élection n'a eu lieu ?

R - Permettez-moi de m'étonner de cet étonnement parce qu'il ne faut
pas dans la vie s'entêter. Pourquoi la communauté internationale
s'entêterait alors que les choses évoluent au Zaïre ? L'opposition a
aujourd'hui engagé un dialogue avec la mouvance présidentielle et la
meilleure preuve en est la constitution d'un gouvernement dirigé par
un homme que j'ai eu l'occasion de recevoir à Paris et qui m'a fait
d'ailleurs la meilleure impression par sa sagesse et sa bonne
conscience des grandes difficultés qui accablent le Zaïre et qui
appartenait à l'opposition. Donc le processus de démocratisation, là
aussi le partage du pouvoir et de réconciliation nationale est en
marche. Alors pourquoi ne pas en tenir compte ?

Ex-Yougoslavie - Bosnie

Q - Une dernière question, c'est la Bosnie. Les forces bosniaques
contre-attaquent en ce moment dans la poche de Bihac. Est-ce que vous
ne craignez pas que cela remette en cause tout le processus et la
FORPRONU elle-même ?

R - Je regrette ces opérations guerrières. Les autorités de Sarajevo
ont accepté le plan de paix proposé à Genève. Il est vrai que les
Bosno-serbes l'ont refusé. Donc il ne faut pas mettre tout le monde
sur le même pied. Ce sont les Bosno-serbes qui sont responsables de la
situation par leurs refus.

Cela dit, l'offensive guerrière n'est pas la bonne solution. C'est par
la voie diplomatique, par le travail du groupe de contact, par les
pressions que nous sommes en train d'exercer, par l'isolement des
autorités de Pale et non pas par l'offensive guerrière qu'on arrivera
à un règlement du conflit./.

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