Fiche du document numéro 123

Num
123
Date
Mars 1999
Amj
Fichier
Taille
211158
Titre
Bulletin d'accusation no.1 - Callixte Nzabonimana
Nom cité
Lieu cité
Lieu cité
Source
Type
Langue
FR
Citation
Bulletins d’accusation
Les bulletins d’accusation d’African Rights sont publiés pour souligner la responsabilité
de personnes accusées de participation au génocide de 1994 au Rwanda et pour accélérer
et soutenir l’ouverture de procédures judiciaires à l’encontre des personnes suspectées
d’avoir commis des actes de génocide. Ils ont pour objet principal d’aider les tribunaux
rwandais, les pays offrant asile aux accusés et le Tribunal pénal international. Nous
espérons sensibiliser le public et fournir un soutien pratique aux enquêteurs chargés de ce
dossier ainsi qu’aux témoins concernés.
Les survivants dont les noms apparaissent dans ce rapport tiennent Callixte
Nzabonimana pour responsable de la mort de parents et d’amis, lors de massacres
perpétrés dans leur commune natale de Nyabikenke ou de Kabgayi, dans la préfecture de
Gitarama. Ils sont prêts à témoigner contre M. Nzabonimana devant un tribunal. African
Rights possède les dossiers de leurs témoignages complets. En plus des allégations
énumérées ici, leurs témoignages contiennent d’autres accusations qui devront faire
l’objet d’instructions ultérieures. African Rights accueillerait favorablement et apporterait
son soutien à toute enquête officielle sur la conduite de Callixte Nzabonimana au cours
du génocide d’avril 1994. Nous estimons que son dossier a été trop longtemps négligé.

Bulletin d’accusation no.1

Mars 1999

Callixte Nzabonimana
Callixte Nzabonimana, ancien ministre de la Jeunesse sous le régime par intérim qui gouverna le
Rwanda d’avril à juin 1994, est accusé d’avoir eu un rôle prépondérant dans le génocide de
1994. Ce bulletin d’accusation renferme les récits de dix-huit témoins et survivants provenant de
la préfecture d’où Nzabonimana est originaire, Gitarama au Rwanda. African Rights demande
aux différents appareils de justice, au gouvernement et aux citoyens du Rwanda de travailler
ensemble pour s’assurer qu’il soit traduit en justice. Nous espérons qu’en rendant public les
allégations portées contre lui, ce bulletin d’accusation lui fermera bien des portes dans le monde
entier et que, finalement, Callixte Nzabonimana aura à répondre aux accusations détaillées cidessous. Nous en appelons notamment aux autorités du Kenya, où Nzabonimana résiderait
actuellement, pour examiner ces allégations et pour y réagir rapidement et sans équivoque, dans
l’intérêt de la justice.

Bulletin d’accusation no.1
Callixte Nzabonimana

Résumé des accusations
Selon les faits rassemblés par African Rights dans les communes de Nyabikenke et de Kayenzi,
toutes deux situées dans la préfecture de Gitarama, Callixte Nzabonimana est la personnalité la
plus importante associée au génocide dans cette région. Ces allégations suggèrent que Callixte
Nzabonimana a planifié et supervisé les massacres de Nyabikenke et qu’il devrait donc être
considéré, selon la loi rwandaise sur le génocide, comme un criminel de catégorie 1.

2

Bulletin d’accusation no.1
Callixte Nzabonimana

Callixte Nzabonimana est accusé des crimes de génocide suivants:
• Organisation des Interahamwe à Nyabikenke
Callixte Nzabonimana était un personnage qui jouissait d’une grande autorité et qui était
particulièrement influent dans les affaires de Nyabikenke, sa commune de résidence. En tant que
président du Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND)
pour la préfecture de Gitarama, il utilisait menaces, pots-de-vin et propagande pour que le
MRND progresse dans cette zone.
Nzabonimana a organisé en milice les jeunes de Nyabikenke, leur a permis de
s’entraîner et leur a fourni des armes, quatre ans au moins avant le génocide. En tant que
représentant légal de l’Association des parents pour la scolarité (APS) de Nyabikenke, il a
ordonné à tous les jeunes de suivre les sessions d’entraînement militaire qui avaient lieu dans les
bâtiments de l’école. Il a également recruté un capitaine de l’armée et un réserviste qui les ont
entraînés dans les forêts de la colline de Ndiza. Selon Martin Nkubito qui enseignait les maths et
la physique à l’école à cette époque et qui a été lui-même emprisonné à la suite du génocide, “il
a demandé à tous les jeunes de suivre l’entraînement militaire à l’APS. C’est lui qui leur a
trouvé entraîneurs, armes et nourriture”.
On dit que Nzabonimana s’est servi de ces miliciens pour sévir contre les opposants au
MRND. Après l’adoption du multipartisme en 1991, le Mouvement démocratique républicain
(MDR) est devenu de plus en plus populaire dans la région de Nyabikenke. Nzabonimana a
organisé des réunions régulières avec les supporters du MRND. Vincent Niyonsenga a déclaré
qu’à la suite d’une de ces réunions, les Interahamwe ont érigé des barrages routiers. Ils ont
attaqué les Tutsis qui s’y présentaient ainsi que des Hutus appartenant à des partis d’opposition.1
Mais c’est d’avril à juin 1994 que les hommes connus comme “les Interahamwe de Callixte” ont
démontré la pleine mesure de leur brutalité, alors qu’ils dirigeaient les massacres généralisés de
Nyabikenke.
• Propagande pour le génocide
Tandis que les massacres commençaient dans les autres préfectures, Gitarama est pour sa part
restée calme pendant près d’une semaine, essentiellement du fait qu’il s’agissait d’un fief de
l’opposition politique. Les habitants de Nyabikenke ont d’abord résisté au génocide, Hutus et
Tutsis combattant ensemble contre les Interahamwe au début du mois d’avril. Comme l’a dit
Camille Karamuka, un habitant du secteur de Kiyumba, à Nyabikenke, “le génocide n’a
commencé qu’avec l’arrivée du ministre Callixte”.2
Nzabonimana est arrivé à Nyabikenke au cours de la deuxième semaine d’avril. Il a
aussitôt commencé à organiser des réunions pour convaincre les Hutus de la commune que les
Tutsis étaient responsables de la mort du président Habyarimana, et que les différences
politiques devaient être mises de côté pour combattre la menace qu’ils représentaient. Selon
Damascène Hakorimari, lors d’une de ces réunions, Nzabonimana a montré des lettres qu’il a
assurées avoir été écrites à un jeune Tutsi par le Front patriotique rwandais (FPR). Elles
demandaient des informations “sur le nombre de Hutus qui vivaient dans la région, afin de
pouvoir les éliminer totalement”. Damascène s’est également rappelé des mots d’encouragement
que lui prodigua Nzabonimana alors qu’il était de garde, avec d’autres Hutus, à un barrage
routier : “Gardez courage car nous vous supporterons. Vous devez savoir que les Tutsis sont les
ennemis.”3
Védaste Gasana habitait le secteur de Rukaragata. Il a décrit comment, jusqu’à l’arrivée
de Callixte Nzabonimana, tous les habitants s’y étaient unis pour lutter contre les Interahamwe
venant d’autres secteurs. Védaste et ses voisins se trouvaient dans le centre de Remera lorsqu’ils

1

Témoignage recueilli à Nyabikenke, le 30 juillet 1996.
Témoignage recueilli à Nyabikenke, le 30 juillet 1996.
3
Témoignage recueilli à Nyabikenke, le 2 août 1996.
2

3

Bulletin d’accusation no.1
Callixte Nzabonimana

furent attaqués par des Interahamwe venant de Kavumu, le secteur de Nzabonimana. Ce dernier
avait garé sa voiture non loin de là et s’est adressé aux Hutus qui se trouvaient parmi eux.
Il nous gardait là debout sur place, plus de 1 000 personnes. Il nous disait : “si vous avez de la
force, il faut combattre, mais je sais qu’il n’existe pas un Tutsi ailleurs”. Les Hutus s’étonnaient
de ces paroles, ils étaient découragés, et le ministre a ajouté qu’ils étaient fous. Il disait : “vous,
les Hutus, ne savez-vous pas que les Tutsis ont l’objectif d’éliminer tous les Hutus et c’est la
raison pour laquelle ils ont commencé par le Président de la République ? Ne vous y trompez
pas, votre tour va venir bientôt si vous ne travaillez pas”.4

Il est dit que Nzabonimana s’est rendu hors de Gitarama pour inciter au génocide. Des
témoins ont parlé d'une réunion qu’il a tenue dans une commune voisine, Rutobwe. Virginie
Kantengwa s’est remémoré son appel en faveur du génocide.
Le ministre Callixte Nzabonimana est venu sensibiliser la population que ce n’était pas un
problème de partis. Le problème était Inkotanyi et leurs complices tutsis dans le pays qui
voulaient éliminer tous les Hutus. Il faut savoir que votre ennemi est tutsi, qu’on doit chercher
partout et l’Etat est avec nous. N’ayez pas peur, même si vous avez besoin de fusil, le
gouvernement est prêt à vous en donner. 5

Au cours de la réunion, Nzabonimana a remarqué, au milieu de la foule, Augustin
Sebwaduli qui avait fui de Nyabikenke à Rutobwe.
Il disait aux Hutus : “Voila un homme comme celui-là avec vous ! Il est de chez nous. En plus, il
est tutsi. Qu’est-ce que vous pensez de lui ? 6

Augustin a été immédiatement pris par les miliciens et amené au bord la rivière
Gakokwe. Il a réussi à soudoyer un des hommes et a pu s’échapper, mais il a vu deux autres
Tutsis se faire frapper à coup de massue puis être jetés dans la rivière.
Antoine Rutazibwa a entendu Nzabonimana prononcer un discours chargé de haine lors
d’une réunion dans le centre de Remera.
Callixte disait à la population que les Tutsis ont colonisé les Hutus pendant 400 ans et que
pendant ces années les Tutsis ont torturé beaucoup de Hutus en leur crachant au visage et en les
forçant à travailler. Alors Callixte dit que les Inkotanyi ont attaqué le Rwanda dans le but de
ramener leur roi pour pouvoir tuer les Hutus. Lorsque ces derniers écoutaient ces paroles, ils
étaient pris par la colère et voulaient tuer les Tutsis tout de suite.7

• Distribution d’armes et de matériel aux tueurs
Peu de temps après son retour à Nyabikenke, Nzabonimana a été vu distribuer des armes au
cours de massacres, à des barrages routiers et au bureau communal de Nyabikenke. Un témoin
l’a accusé d’avoir donné de l’essence à des Hutus du secteur de Kiyumba pour incendier les
maisons des Tutsis. Cependant, presque tous les témoins avec lesquels nous avons eu un
entretien, ont dit avoir vu Nzabonimana distribuer des armes. Jean Munyabarenzi a décrit le
choc ressenti par les habitants de Nyabikenke à la vue de son comportement.
Quand il arriva, je croyais qu’il était venu pour nous sauver, en tant que nouvelle autorité du
pays. Je ne m’attendais pas à ce que le ministre fasse une tuerie des hommes, femmes et enfants,
qui ne savaient pas ce qui leur arrivait. J’avais tort. C’était clair qu’il distribuait des fusils aux
assassins les plus braves. 8
4

Témoignage recueilli à Nyabikenke, le 22 octobre 1996.
Témoignage recueilli à Nyabikenke, le 22 octobre 1996.
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Témoignage recueilli à Nyabikenke, le 22 octobre 1996.
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Témoignage recueilli à Nyabikenke, le 30 juillet 1996.
8
Témoignage recueilli à Nyabikenke, le 30 juillet 1996.
5

4

Bulletin d’accusation no.1
Callixte Nzabonimana

Justin Ngabonziza, ancien milicien, a expliqué comment Nzabonimana a ordonné à la
milice d’ériger des barrages routiers et comment il a ensuite distribué des armes aux hommes
qui y étaient de garde. Justin était de ceux-là.
Il m’a dit : “Soyez vigilant ; aucun Tutsi ou Inkotanyi ne doit passer ce barrage. Je vais aller voir
si tous les barrages ont des armes pour mieux se protéger.” Il ajoutait que même les autorités du
pays sont pour nous. “Travaillez sans peur, le seul ennemi est tutsi et vous pourrez combattre
contre lui.” Callixte m’a donné un fusil. Lui-même en avait un autre de la même marque.
Callixte lui-même a tiré sur un bandit et le bandit que l’on appelait Kararyanye est tombé mort.9

Les membres de la famille de Nzabonimana, les officiels des administrations locales et
les hommes du secteur Kavumu, où résidait Nzabonimana, ont été parmi les premiers à recevoir
des armes. Cependant, il est également allégué que Nzabonimana en a apporté à Rutobwe.
Souvent armé de sa propre Kalachnikov et portant des grenades attachées à la ceinture,
Nzabonimana a incité les gens de la commune à se présenter et à s’inscrire pour recevoir une
arme. Il a proposé l’entraînement immédiat par un expert local de ceux qui ne savaient pas
utiliser un fusil.
Emmanuel Musabyimana a perdu sa mère, son frère et sa soeur dans le génocide. Il a
déclaré que Nzabonimana fournissait non seulement des armes aux tueurs, mais leur procurait
également des moyens de locomotion et une incitation financière.
Au commencement du génocide dans notre commune, Nzabonimana a circulé dans tous les
secteurs, surtout là où il y a des cabarets, en distribuant des grenades et en donnant de l’argent
pour les encourager à tuer les Tutsis. C’était Callixte qui donnait des voitures pour transporter
les miliciens lorsqu’ils allaient tuer loin.10

Il a également souvent été allégué que Nzabonimana fournissait de la nourriture et de la
bière aux assassins. Alors qu’il s’enfuyait de chez lui pour chercher refuge dans la commune de
Rutobwe, Célestin Musoni a vu le ministre de la Jeunesse.
J’ai vu Nzabonimana à Nyanza (l’un des petits centres de la commune de Nyabikenke),
distribuant des fusils et de la bière aux assassins qu’il a entraînés. 11

Vincent Niyonsenga traversait Rutobwe quand il a été témoin d’un incident similaire.
Quand je suis arrivé au centre commercial de Karehe, dans la commune de Rutobwe, j’ai vu
Callixte Nzabonimana et sa voiture, une Pajero. Il était en train de distribuer de l’argent aux
gens de cette commune en leur disant d’aller acheter de la bière pour avoir le courage de tuer les
Tutsis.

Il paraît même que ceux qui avaient fait de nombreuses victimes ont été invités chez le
ministre pour recevoir une récompense.

9

Témoignage recueilli à Nyabikenke, le 2 août 1996.
Témoignage recueilli à Kayenzi, le 22 octobre 1996.
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Témoignage recueilli à Nyabikenke, le 22 octobre 1996.
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Bulletin d’accusation no.1
Callixte Nzabonimana

• Organisation des massacres

Massacre au bureau communal de Nyabikenke dans la nuit du 14 avril
Ayant conscience du danger immédiat où ils se trouvaient, de nombreux Tutsis avaient fui leur
maison et s’étaient rassemblés au bureau communal de Nyabikenke, pensant y être en sécurité.
Mais dans la nuit du 14 avril, la milice a lancé sa première attaque sur les réfugiés, utilisant des
grenades et des machettes. Ceux qui ont survécu au massacre ont déclaré avoir vu la milice
utilisant des véhicules appartenant à Nzabonimana et à un de ses amis, Ngarambe, un
commerçant de la commune.
Védaste Kabanda, qui était le cuisinier de Ngarambe, a déclaré qu’au départ Ngarambe
était contre les Interahamwe, mais qu’avec l’arrivée de Nzabonimana, il avait changé d’attitude.
Védaste a vu les deux hommes le soir du 14.
Le ministre Callixte Nzabonimana est venu avec Kamari, beau-frère de Bagosara et directeur de
Minitrape. C’était à 19 heures, nous étions à la maison. Ministre Callixte et Kamari sont entrés
dans la maison de Ngarambe, armés, avec des renforts. Callixte avait un pistolet et deux
grenades à la ceinture, même chose pour Kamari. Ngarambe voulait donner de la bière à ces
autorités, mais ministre Callixte a dit : “Attends, je ne veux pas de bière. Je suis venu pour te
tuer”. Ngarambe lui a demandé pourquoi. Callixte lui répondit que les gens lui disaient que c’est
lui qui défend les Tutsis : “C’est pour cette raison que je vais te tuer, avant que les Tutsis
meurent. Bien que tu sois mon ami, c’est comme ça.” Ngarambe a demandé pardon. Callixte a
dit : “Pour que tu sois pardonné, va maintenant emmener mes Interahamwe à Kavumu vers le
bureau dans ta voiture.” Ngarambe a pris sa camionnette Toyota bleue, il est parti pour Kavumu
tout de suite. Callixte et Kamari avec leurs escortes sont aussi partis je ne sais où. Pendant la nuit
j’ai entendu des bruits de grenade au bureau communal de Nyabikenke et des gens hurler.
Ngarambe est revenu très tôt le matin vers 5 heures. Il m’a dit : “Tu restes sur le toit car c’est la
fin pour les Tutsis. Le ministre a dit que personne ne peut rester sur cette terre sous le nom d’un
Tutsi.”

Massacre au bureau communal le 15 avril
Le lendemain, Nzabonimana est retourné au bureau communal avec la milice, Ngarambe et le
bourgmestre, Anatole Karuganda. Les récits du massacre qui a suivi sont nombreux et
étonnamment consistants. Tous les survivants affirment que Nzabonimana a été parmi les
premiers attaquants à arriver au bureau communal, vers 10 heures du matin. Ils l’ont identifié
comme le principal organisateur, commandant les assassins et fournissant les armes utilisées par
la milice pour tuer les réfugiés.
Epiphanie Mukamusonera a déclaré que Nzabonimana tenait un fusil et portait des
grenades à la ceinture.
Presque toute la population hutue était derrière lui car c’est lui qui dirigeait. D’abord il nous a
dit de rentrer chez nous mais nous avons refusé. Il nous a dit que si nous ne voulions pas rentrer
en paix, il allait nous montrer comment nous pouvions rentrer, les pieds devant. Il est allé
distribuer des fusils aux assassins car il en avait beaucoup. Après la distribution de ces fusils,
certains de nous se préparaient à lancer des pierres; mais c’était impossible pour nous et on ne
pouvait pas faire grand chose car les assassins nous ont encerclés. Ils ont commencé à lancer des
grenades et tirer des coups de fusil en s’amusant bêtement contre nous. Nous avons perdu des
nôtres, il y avait beaucoup de cadavres devant nous. 12

Benigne Muteteri a expliqué comment les réfugiés ont essayé de se défendre,
courageusement mais sans succès.
Le matin du 15 avril à 10 heures, il y a eu une attaque au bureau communal, dirigée par Callixte
Nzabonimana. Le ministre a distribué des fusils aux assassins qui étaient avec lui. Callixte était
12

Témoignage recueilli à Nyabikenke, le 30 juillet 1996.

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Bulletin d’accusation no.1
Callixte Nzabonimana
avec un commerçant du nom de Ngarambe. Les assassins ont tiré sur nous et ont lancé des
grenades. Les hommes essayaient de se défendre mais ils n’avaient pas assez de moyens. En
effet, ils utilisaient des armes traditionnelles comme des lances ou des pierres alors que les
assassins avaient des fusils et des grenades. 13

La plupart des survivants du massacre du bureau communal ont fui vers Kabgayi, autre
commune de la préfecture de Gitarama. Annonciata Mukabadege se trouvait parmi eux.
Les assassins ont tué beaucoup de personnes. Le reste a fui dans les brousses et dans les coins
perdus parce que même le ministre qui pouvait nous sauver des mains des assassins était parmi
eux et les encourageait. 14

• Poursuite et enlèvement des survivants à Kabgayi
Quelques-uns des survivants des massacres de Nyabikenke ont été attaqués dans la commune de
Rutobwe alors qu’ils s’enfuyaient en direction de Gitarama. Cependant, la plupart d’entre eux
réussirent à atteindre l’évêché de Kabgayi. Ils espéraient y trouver refuge, dans un camp où se
trouvaient déjà des Tutsis qui avaient fui les régions avoisinantes et des Hutus fuyant la violence
ou l’avance du FPR.
Cependant, à Kabgayi, les survivants de Nyabikenke n’étaient pas moins vulnérables
aux ordres de Callixte Nzabonimana. A leur arrivée au camp, tous les réfugiés devaient donner
leur nom et leur commune d’origine. Nzabonimana est venu à Kabgayi, cherchant d’éventuels
survivants du massacre de Nyabikenke. Il a insisté pour que l’appartenance ethnique des
réfugiés soit également indiquée. Marie Ingabire avait l’impression qu’elle n’échapperait jamais
à Nzabonimana et à sa milice.
Quand je suis arrivée à Kabgayi, Nzabonimana était déjà là. C’était comme si des esprits
sataniques le guidaient. Partout où j’étais, il était là aussi. Je l’ai même vu dans les brousses
avec ses assassins. Je le voyais à chaque fois dans son véhicule Pajero bleu.
A Kabgayi, c’est lui qui demandait la liste des Tutsis de Nyabikenke aux Hutus qui étaient
gardiens du centre. Après quelques jours, la liste était complète, les véhicules sont venus pour
transporter les Tutsis. Ils ont fait deux voyages et ont transporté plus de cent personnes. Toutes
ces personnes sont mortes, pas une seule n’a survécu. 15

La majorité des survivants des massacres de Kabgayi étaient des femmes. Béata
Uwamahoro est persuadée que Nzabonimana avait également l’intention de les tuer.
Callixte est venu voir si les cadavres des Tutsis qu’il n’avait pas vus à Nyabikenke étaient à
Kabgayi. Il a ordonné aux gardiens de compter les Tutsis qui étaient à l’intérieur du centre et de
les séparer des Hutus. Les gardiens ont obéi. Le ministre a ajouté que les Tutsis de Nyabikenke
devaient être mis à part. Le moment est venu où les gardiens mettaient les Tutsis de Nyabikenke
sur leur liste. Sans tarder, les véhicules sont venus ; bus et minibus qui transportaient ces
derniers en deux fois. Ils ont commencé avec les hommes et les garçons. Tout le monde a été
tué. Nous, les filles, nous étions désespérées. Heureusement pour nous, les génocidaires furent
rapidement battus. 16

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Témoignage recueilli à Nyabikenke, le 30 juillet 1996.
Témoignage recueilli à Nyabikenke, le 30 juillet 1996.
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Témoignage recueilli à Nyabikenke, le 30 juillet 1996.
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Témoignage recueilli à Nyabikenke, le 30 juillet 1996.
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