Fiche du document numéro 22174

Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Num
22174
Date
Jeudi 25 septembre 1997
Amj
Auteur
Fichier
Taille
1289284
Titre
Interrogatoire de Jean Kambanda - Cassette # 11 [L’attentat contre l’avion du président Habyarimana]
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Mot-clé
Source
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
lFace A de la cassette 11.

PD -Alors, toujours le 25 septembre 1997, à 15 heures 44, nous poursuivons l’inter.. la rencontre
avec Monsieur Jean Kambanda, on va débuter par les, heu, certains scellés qu’on à fait là, puis
qu’on, dont on n’a pas encore parlé.

MD _-Tu peux répéter l’heure, c’est quelle heure qu'il est ?

PD -Je m'excuse, j'ai refermé mon petit cadran, j’ai 15 heures 44. On a ici un scellé qui a été fait
à 12 heures 10, à la fin des enregistrements. Qui est pour la cassette 9 A, vous reconnaissez les
scellés que vous avez faits à cette heure-là ?

JK -Oui.

PD -Ok. Par la suite, au retour du dîner, à 14 heures 15, on a scellé deux grandes enveloppes
brunes, une qui contient les feuilles paginées de ce matin, que vous avez signées une par une, que
j'ai mis dans la grande enveloppe brune, qui ont servies à l’interrogatoire. Vous reconnaissez aussi
votre scellé à l’arrière.

JK -Oui, je le reconnais.

PD -Puis une grande enveloppe aussi contenant 5 rubans qui sont les copies B, des
enregistrements d’hier. Alors, le ruban numéro 3, le ruban numéro 4, le ruban numéro 5, le numéro
6, ruban numéro 7. Ce sont ceux-là qui ont été scellés à 14 heures 15 aussi. On parle aussi, toujours

le 25, le scellé du ruban numéro 10 A, qui vient d’être fait, et signé par vous, à 15 heures 35, c’est

ça ?
JK -Oui.
PD -Vous reconnaissez votre signature sur toutes les formules ?

MD -Moi j'ai une enveloppe aussi, qui porte votre signature, à l’en-dos, ici, 25-09-92 [?], à 12

heures 05...

JK -Oui.

MD -.… et qui inclut la formule de renonciation aux droits que vous avez signée ce matin, 25-09-
97 à 9 heures 46. Ça va ?

JK -Oui, oui.

PD -Si on complète les scellés on peut continuer. Où en est, pardon, où en était.

MD -On parlait des partis politiques.



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PD -Je crois qu’on parlait du volte-face d’Agathe à un moment donné là, je sais pas si vous aviez
terminé de nous entretenir sur ce propos-là, sur le fait qu’ Agathe, lors d’une réunion, d’une réunion
du parti c'était, avait démissionné comme premier ministre, on peut dire ?

JK -Oui.

PD -Puis que le lendemain, publiquement, à la radio, elle avait dit qu’elle avait été forcée de le

faire, que c’est sous la crainte et la menace...

JK -C'est ça.
PD -Est-ce qu’il y a d’autres choses à ajouter sur cette...
JK -Ce que je voudrai ajouter c’est que parmi les gens qui étaient présents, Mugenzi Justin,

devait l'être puisque il a déclaré dans une de ses déclarations, il a dit à l’adresse de Faustin
Twagiramungu, “souviens-toi de cette nuit-là”, et les gens ont interprété la nuit où ils ont été
convaincre Agathe de renoncer à, à sa décision de démissionner.

MD -Dans quel cadre est-ce qu’il a dit ça ? Dans quel, à quelle occasion ?

JK -Je ne peux pas placer dans quelle radio, dans quel cadre mais c’est une citation que la
plupart des gens qui étaient à Kigali répètent et savent.

PD -Quandil parie de cette nuit-là, vous croyez qu’il parle de la nuit.

JK _De la nuit où ils ont été voir Agathe puisque c’est cette nuit-là, où Twagiramungu aurait pu
perdre son poste de, en tant que premier ministre.

PD -Et le fait que les gens des autres partis de la coalition ensembles soient rendus, ça lui a
permis de garder son... |

JK -Oui.

MD -Iis l’ont fait changer d'idée. On disait que Karamira était devenu très puissant, à ce
moment-là, c’est lui qui était devenu... Karamira était devenu, heu, l’homme le plus, l’homme,
l'homme qui dirige, qui avait plus de pouvoir au sein du parti ?

JK C'est à dire c’est, il est l’est devenu progressivement. Dans la mesure où quand le parti a été
fondé, dès sa création, il l’a hébergé dans son immeuble. Et gratuitement. C’était, heu.

MD -Les locaux de.

JK -Les locaux, il les a offerts gratuitement. Et de cette manière-là je crois que les, les, il a acquis



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un certain, par le pouvoir économique il a acquis un pouvoir sur le parti, je suis persuadé que c'est
pour cela qu’il a été élu aussi facilement comme deuxième vice-président du parti, et plus tard, à
cause des financements qu’il accordait au parti, je vois que, c’est Ça qui, qui, qui a de plus en plus
fait son poids au sein du MDR.

MD -C'’est un homme qui avait des moyens financiers importants ?

JK -Oui, et qui les a mis effectivement au service de son parti.

MD -Qu'est ce qu’il faisait comme, qu'est ce qu’il avait comme occupation ?

TK -C'était un homme d’affaires.

MD -Un homme d’affaires.

JK -Oui.

MD -Quelle était votre relation avec lui, c'était quelqu'un avec qui vous aviez de bonnes
relations”?

JK -A partir du moment où j'ai été proposé comme premier ministre, oui. Mais au départ, non.
Au départ, puisque j'ai, je fus pendant les, les élections pour le parti, un de ses concurrents, dans la
mesure où moi-même j’ambitionnais le poste de deuxième vice-président du parti au niveau national.
MD -Alors vous étiez, vous étiez des adversaires à ce moment-là ?

JK -Oui, oui.

MD -Et vous dites que la relation s’ést rétablie quand il vous a proposé comme premier ministre?
JK -Quand, à ce moment-là, quand le, quand Nsengyaremye [phonétique] m'a proposé comme
premier ministre, c’est quelqu'un qui s’est investi à ce que ma candidature se fasse acceptée
notamment au niveau du congrès, au niveau du bureau politique. Et il en avait les moyens dans la
mesure où c’est lui qui logeait le parti et toute personne qui passait il lui demandait de me soutenir.
Et ce n’était pas gratuit dans la mesure où c'était, auparavant, un ancien ami, à part le fait qu’ils
soient du même parti, c'était un ami à Nsengyaremye. Et donc le service que Nsen [Nsengyaremye]
pouvait lui demander, il ne pouvait pas ne pas le rendre. Plus tard, ça va changer mais à cette époque-
là c'était comme ça.

MD -A cette époque. T’as quelque chose ?

PD -Ouais, heu. juste une chose comme ça, le mode de financement des partis politiques



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s’effectuait comment chez vous ?

JK -Ce n’était pas une chose claire.
PD -Est-ce que c'était quelque chose de régit ? Il existait une loi, il existait...
JK -Ce n'était pas. ce n’était, il n’y avait pas de loi, ce n’était pas régit, c’est, d’ailleurs je crois

l’une des erreurs qu’on a commise au niveau des partis politiques, c’est que les partis politiques ont
été accaparés par ceux qui avaient des financements. La plupart des gens qui ont acquis une
importance dans les partis politiques n’étaient pas nécessairement les meilleurs candidats, mais c’est
parce qu’ils avaient le plus d’argent.

PD -La règle, la règle que vous deviez essayer de faire en.

JK -N’a pas marché rendue à un certain niveau. Disons au niveau de la base ça pouvait marcher,
mais rendue au niveau supérieur ça a pas du tout fonctionné.

PD -Ok.

MD -Vous avez parlé des conséquences, les conséquences-là, c’est allé très loin, votre titre,
pendant l’élément déclencheur, le coup d’Etat, et quand on finit à la fin, c’est rendu très loin ça, ça
a amené le, on a, on a franchi...

PD -J’ai pas dit que c’est l’élément déclencheur...

MD -Au sein du MDR.

JK -Non. C’est l'élément déclencheur des événements d’avril-juillet 94.
MD -Oui. Ok.
JK -Donc ce coup d’Etat, pour moi, explique...

MD -Oui parce que ça me dit, ça me donne à percevoir la radicalisation [?] il y a eu, il y a eu, on
parlait, vous avez parlé de, de l'attaque du FPR.

JK -Oui, oui.

MD -Suite à l’attaque du FPR, là il y a eu.

JK -Il y avait déjà un élément qui était là, et puis cet élément, les, le, de la scission du parti, n’a
fait que confirmer la cassure au sein des partis qui étaient relativement au centre, donc qui pouvaient
jouer le tampon entre le FPR et le MRND.

MD -Ok. Et là on peut commencer là...

JK -Et c’est ça qui a disparu, je, pour moi c’est ça qui est disparu, et qui a fait que il y a eu, de,



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O
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deux forces qui se sont opposées.

PD -Deux forces.

MD -Mais à ce moment-là, on a commencé clairement à identifier les Tutsi-là comme étant les,
comme étant, c'est après l’attaque du FPR, quand il y a eu des déplacés, [inaudible], vous parliez
d’un million de déplacés, qu'il y avait eu.

JK -Oui.

MD -Et que là on a commencé à dire “Ah, FPR ils sont en train de vous chasser”

JK -Oui.

MD -“Et ça va être ça, et...” c’est à ce moment qu'on a vraiment commencé, que, c’est vraiment
le début-là de tout ce qui va suivre ça ?

JK _C'est le début de tout ce qui va suivre puisque à ce moment-là les gens n’ont même plus
peur de le dire, de, de prononcer des discours de, en disant “écoutez...”, en associant le FPR
directement aux Tutsi.

MD -Iyena,ilyen,eten faisant le contraire, en associant les Tutsi au FPR.

JK -Oui, oui.

MD -Alors tranquillement le Tutsi devient un ennemi ?

JK _Et en associant bien-entendu les gens qui sont déplacés aux Hutu et au MRND.

MD -Ok. Qui. Là là, est-ce qu’il y a, est-ce qu’on a pas commencé une campagne à ce moment-là
là de, de, une campagne de sensibilisation ou peut-être, ça en est peut-être plus que de la
sensibilisation, est-ce que c'était à ce moment-là que, qu’on peut dire que il y a des gens qui se sont
servis de cette chose, de cette, de ces événements pour enclencher la grande opération, qui va mener
plus tard à, au. ? .

JK -En tout cas, la personne, n’importe laquelle, qui était à Kigali a senti que à partir de cette
date-là, beaucoup de choses, disons beau... le climat social a complètement changé.

MD -Ok. Est-ce que les médias sont, est-ce que, à partir de ce moment-là les médias sont entrés
dans le jeu ? [inaudible]

JK -Les médias sont entrés dans le jeu, que ce soit les médias publics ou les médias, les médias

privés, on, on, chacun a pratiquement pris son camp. Donc au niveau de la radio aussi, c’est, vous



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pouviez identifier une personne qui passait à la radio sans l’avoir vue, en disant lui il est de ce côté-

s

là.
MD -Ahoui ? Ah oui. Et c’est vrai, est-ce que les gens du, qui soutenaient ou qui, qui étaient pro-
FPR, ce sont affichés ouvertement à ce moment-là, ou si on a commencé à prendre un de recul ?
JK -Eux, je crois qu’ils étaient, ils ont été les plus mal placés de tout le système, parce que ils
ne, ne, la plupart, à ce que je sache, ne se sont pas associés par conviction, ils se sont associés par
intérêt.

MD -Parintérêt.

JK -Et c’est ça qui explique que même pendant les événements, on les retrouve finalement, on
ne sait pas de quel côté, on est surpris de les retrouver parmi ceux qui massacrent. Et on est surpris
de les retrouver parmi ceux qui sont massacrés quand ils sont retournés au Rwanda finaudible]
proches du pouvoir dans le FPR.

MD -Parce que pendant un bout de temps ils le supportaient. C’était des supporters ? Pendant un
bout de temps on les avait vus en arrière du FPR ?

JK -Oui. Et puis, quand les massacres ont éclaté, on ne les a pas retrouvés tels qu’on aurait aimé
les voir. Puisqu’on aurait aimé que ce soient les premiers à s’opposer aux massacres, tout ce qu’ils
ont pu faire peut-être, j'ai, là je reviens, le climat peut-être ne le permettait pas. Mais certains ont
presque dénié leur fond de pensée. Parce qu’on a vu des bourgmestres qui appartenaient au PSD
organiser chez eux des massacres, je parle notamment du cas de la commune de Cyanda [phonétique]
dont j’ai déjà parlé. Le bourgmestre était du PSD.

MD -Quel était son nom, lui ?

JK -Je n’ai pas, je n’ai pas en tête son nom. Je n’ai pas, je ne connais pas son nom. Je connais
que la commune était une commune du PSD et qu'ils se disaient alliés du FPR, pourtant les
massacres s’y sont déroulés presque autant que dans d’autres sinon je n’ai pas senti la différence
entre cette commune et d’autres communes que je connaissais.

MD -Sauf que c'était toujours des massacres à base ethnique ?

JK -Oui.

MD -Ca fait que le parti politique, à un moment donné, il est, a eu son importance, ça a eut une

grande importance, mais peu importe il y a des gens qui sont venus, c’était un massacre ethnique



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simplement.

JK -Oui, oui.

MD -Auquel vous aviez pas beaucoup de choix de participer de la façon que les, la conception
était.

JK -En fait les gens ont, sont, sont rendus à un stade où ils ne savaient pas contrôler, en fait
c'était un, ou, bien-sûr il y a eu des gens qui pouvaient contrôler, ce que je, je, si on est rendu ici, on
doit avouer que tout ceci ne se faisait pas tout à fait au hasard, parce que le hasard serait, revenait
plusieurs fois.

MD -Serait trop grand.

JK -Serait trop grand, parce que pour moi, et ce n’est pas un hasard si Twagiramungu a été placé
à un poste et à ce moment-là, et ce n’est pas un hasard si, après l’avoir placé on l’a laissé là-bas et

puis on s’est occupé des autres.

PD -C'’est ce que vous avez expliqué tantôt.
JK -Oui.
PD -OKk.

MD -L’attaque du FPR c'était le 8 février, c’est ça ?

JK -Oui, oui
MD _-8 février 93 ?
JK -Oui.

MD -C'est cette attaque ?

JK -Oui.

MD -Alors on peut dire à partir de février 93, c’est là là que ça a, qu’on a commencé là, qu’on a
vu la situation là, vraiment là, se détériorer ou se radicaliser là...

JK -Oui.

MD -Et tout ça vous vous pouvez relier ça dans le fond là, c’est, c’est, les conséquences de, de,
les conséquences du putsch qu’il y a eu et de la séparation qu’il y a eu dans votre parti.

JK -Oui.

MD -Jusqu’à certain, jusqu’à... on amené les, nous ont dirigé en tout cas ont dirigé l’Histoire vers,

vers les événements d'avril.



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JK -Oui.

MD -C'est, c’est énorme comme conséquence.

JK -Oui. C’est énorme mais c’est.

MD -Qu'il y avait, parce que c'était au départ, si on analyse ça, c'était, c'était un jeu politique.
JK -Oui, c'était un jeu politique mais les gens n’ont pas, disons, au sein de notre parti, je crois
qu’il a manqué une certaine vigilance, parce que, le, l’objectif était de détruire ce parti, qui génait
un peu à l’intérieur, et qui était relativement puissant.

MD -Puis vous là dans tout ça, là, vous étiez, vous étiez dans les [inaudible] pro-MRND.

JK -Oui.

MD -Etest-ce que vous croyez que cette étiquette-là vous a aidé plus tard à être, vous a aidé à
devenir premier ministre ? Ça serait peut-être une des raisons qu’on vous a...

JK -Ce n’est que sur ça qu’on s’est basé.

MD -Ce n’est que sur ça qu’on s’est basé.

JK -Oui.

MD -Le fait que vous étiez connu ?

JK -Que j'avais été présenté par mon parti, que j'avais déjà reçu l’aval de mon congrès, ça faisait
déjà, disons, une nomination relativement non-contestable.

MD -Ouais.

PD -Ou acceptable.

JK -Acceptable.

PD -On parle de votre parti.

JK -Oui.

PD -Ace moment-là.

MD -Ok.

PD -Vous parlez, au tout début-là, vous dites, qu’en février 93, les gens ont été forcés de, les

attaques du FPR ont forcé des gens à se déplacer, environ un million, soit trois fois plus que le
nombre habituel, habituel à quoi ou à quand ou à qui ?
JK -I] faut dire que le, le terme habituel je crois que c’est peut-être quand j’ai parlé que vous

avez noté habituel, c’est le nombre qu’on avait atteint à cet, à ce stade-là, j’ai expliqué qu’au fur des



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combats il y a eu des déplacements de population. Avant le 8 c'était 300 000 qu’on dénombrait de
déplacés. Et en une soirée, en une seule soirée ce nombre est passé de 300 000 à un million.

PD -Çac'est vérifiable ?

JK -Ça c’est vérifiable.

PD -C'est, c’est quelque chose que vous avez...

TK -C'’est quelque chose que j’ai vue personnellement.

PD -Ça fait beaucoup de gens 600 000 personnes.

JK -Ça fait beaucoup de gens, ont les à vu, ils, c'était visible.

PD -C’était visible.

JK -Oui.
PD -Ça veut dire que la ville de Kigali a été littéralement envahie.
JK -On les a empêché d’envahir la ville de Kigali, on a mis les gendarmes du, à la périphérie de

la ville pour les contenir, pour qu’ils n’entrent pas dans la ville de Kigali.

PD -La population de Kigali est de combien de personnes ?

JK -Il y a, heu, entre 300 et 400 000 mais je n’ai pas le chiffre précis.

PD -Si on prend 300 000 c’est trois fois la ville de Kigali à sa porte ?

JK -Non ils ne sont pas tous venus à Kigali.

PD -Ok. Ils se sont divisés.

JK -Ils se sont éparpillés partout mais une bonne partie, comme référence, est venue jusqu’à
l'entrée de Kigali.

PD -A la porte de Kigali.

JK -Oui.

PD -Ok.II y a beaucoup d’interrogations auxquelles vous avez répondu en discutant. Vous dites
que le public accusa Agathe d’avoir vendu le pays au FPR. Est-ce qu’elle a pas tout simplement
respecté des accords signés elle ? Le fait, le fait qu’elle laissait entrer le FPR avec une, une troupe,
c’est pas des accords qui avaient été signés ça, qui avaient été entérinés par beaucoup de gens ?
JK -Non, parce que c’est, c’est, cet accord-là, précisément, ça a été signé sous son mandat, en
tant que, c’est elle qui était [inaudible].

PD -Oui, ça a été signé par qui ?



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JK -Ça a été signé par une délégation du gouvernement, qu’elle elle dirigeait.

PD -A quel endroit.

JK -A.. c’est pas à Arusha, c’est, je crois que c’est, c’est pas à Mulindi, ça doit être quelque part
dans Byumba.

PD -C'est quelque part dans Byumba, où les, une délégation gouvernementale se serait rendue.
JK -Oui. Pour signer cet accord de.

PD -Puis, comme vous dites, tous les ministres, comme chez vous, vous nous avez expliqué ce

matin ça devait être l’unanimité, il y a personne qui a pu s'opposer à ça ?

TK -Non.

PD -Il ya personne qui a pu dire “non”, il y a personne qui peut dire “oui”, tout le monde ont dû
dire “oui”.

JK -C’est, c’est ce que j’ai, j’ai nuancé en disant.

PD -Puis là on accuse c’est ça ? Si, mais, je reprends votre, vos explications-là, très très

sommairement, le public accusa... comment ils l'ont accusé ? Qui a accusé Agathe, puis comment,
comment l’ont-elle accusée ?

JK -Dans les meetings qui ont suivi, même au sein de mon propre parti, donc dans la faction où
moi j'étais, nous le disions. Dans le MRND bien entendu, dans la faction de Mugenzi, dans le PL,
dans la CDR, donc dans les partis politiques, qui n’étaient pas d'accord avec ça, on le disait haut.
Dans les meetings.

PD -Ok. Alors on devrait dire “dans les partis politiques, dans les meetings politiques, elle était
accusée”, pas “le public”. Ou si ça transposait, ces paroles-là dans le public, si c'était quelque chose

4%

que vous pouviez entendre daris le public aussi ?

JK -Oui. Ça se transposait dans le public aussi.

PD -C'’est quelque chose que vous vous avez entendu personnellement ?

JK -C’est quelque chose que j’ai entendu personnellement.

PD -Ok. J'aimerai ça que vous nous parliez de décembre 93. C’est surtout là, ce paragraphe-là,

l’arrivée du FPR à Kigali sous la forme de convoi empruntant le boulevard des poids lourds

augmenta la frustration chez les Hutu. L’entente signée par tous, par tous les partis conformément



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aux accords d’Arusha, avait été signée malgré le fait qu’ils désiraient pas les respecter ou peut-être
c’est pas exactement ça que vous avez dit là, mais, je fais un résumé du paragraphe. C'était quoi ça,
les gens avait signé ça sans vouloir respecter ?

JK -C'était clair.

PD -Les gens se sont rendus à Arusha, qui ne désirait pas respecter ces accords-là ?

JK -Les, la délégation qui était à Arusha était conduite par un ministre du MDR.

PD -Oui, qui était Monsieur ?

JK -Neulinzira Boniface.

PD -Monsieur Boniface ?

JK -Noulinzira Boniface. Le gouvernement était composé en majorité par les ministres du
MRND.

PD -Oui.

TK -Il n’est, ils le disaient, ils n’ont jamais été d'accord avec ce que lui signait à Arusha. Ils l'ont
dit.

PD -Ils l’ont dit. Est-ce que le gouvernement a entériné les accords d’Arusha ?

JK -Le gouvernement après a entériné dans cette vague, à la fin, ils ont entériné les accords

d’Arusha, c’est pour cela que je dis, si ils ont contesté, ils disaient, puisque ça se signait étape par
étape, les étapes, ils ne pouvaient pas accepter le produit fini. Et, la contestation, au niveau des
étapes était réelle, donc ils l’ont dit à la, ils l’ont dit à la radio, ils l’ont dit dans des débats politiques,
nous, au sein de notre propre parti nous avons tenu des réunions où nous demandions au premier
ministre d’alors, Nsengiyaremye, que nous n’étions pas d’accord sur la façon dont les négociations
se faisaient à Arusha. .

PD -Entre, vous savez, entre ne pas être d’accord de la façon dont les négociations se font et le
résultat des négociations c’est deux choses, ça c’est, si, ils peuvent être pas d’accord sur la façon,

ils peuvent être d'accord sur le résultat. Est-ce qu’ils s’opposaient au résultat ou à la façon ?

JK -Is n’ont pas, ils se sont opposés à tout. Au résultat.
PD -Ils se sont opposés à l’accord en entier ?
JK -A l'accord en entier, ils se sont opposés. A l’accord en entier ils se sont opposés aux étapes



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de l'accord et en particulier à la signature pour la venue à Kigali de 600 soldats du FPR.
PD -Est-ce que c’est quelque chose qui a été accepté quand même, entériné par le gouvernement

en son entier à la fin ?

JK -Ça a été entériné par le gouvernement, c’est ce que j’explique...
PD -C’est ça.
JK -Pour des raisons que nous ne connaissons pas, et pour moi c’était ça, qu’ils ont entériné

quelque chose qu'ils savaient qu’ils ne mettaient pas en exécution.

MD C'est ça.

PD -Alors…

JK -Ils n’ont jamais cessé de dire que ils ne, ils, ils n’étaient pas d’accord. Même après l’avoir
signé

PD -Iis, ils, j'aimerai.

TK -Le gouvernement. Le MRND. Les factions qui étaient opposées à ces accords. Tout le

monde l’a dit dans les meetings, je viens de le dire, c'était le MRND, ma faction à moi au sein du

MDR...

PD -Est-ce que vous étiez représentés au sein du gouvernement, vous, votre faction ?

JK -Non.

PD -Ok. Donc vous aviez pas affaire à ça ?

JK -Non.

PD -Ok. Vous étiez un civil.

JK -Oui.

PD -Vous vous y êtes opposé mais vous devez vous plier quand même à la décision du

gouvernement ? C’est une décision démocratique, on s’entend.
JK -Oui
PD -Après ça, qui ? Il y avait aussi le PSD je crois ?

JK -Oui.

PD -Il y avait Justin, Monsieur Justin qui était en désaccord ?
JK -Oui.

PD -Lui était mipistre à ce moment-là ?



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JK -Oui.

PD -Ok. Lui est-ce qu’il est, il a donc pas dû exprimé ouvertement son désaccord.

JK -Ils l’ont dit.

PD -Oui mais, il a pas pu l’exprimer sinon on n'aurait pas pu entériner la décision.

JK -Je ne sais pas comment ils, c’est ça que je dis. Certains ont accepté de signer des accords
tout en sachant qu’ils ne respecteraient pas, parce que vous ne pouvez pas accepté d’entériner un
accord et puis le lendemain faire dans un meeting que vous n'êtes pas d’accord. Tout en étant dans
le gouvernement.

MD -Il l’a entériné parce qu'il avait pas le choix ?

JK -Pardon ?

MD -Parce qu’il n’avait pas le choix de [inaudible] ?

JK -C'’est que j'ai, c’est l'impression que ça donnait à l'extérieur. Pour vous donner une idée,
quand ils ont signé les accords d’Arusha, le 4 août, là on s’attendait à ce qu’il y ait de la joie dans
la rue, il y en a pas eu. Ils ont dû prendre parole à la radio, il a demandé aux gens pourquoi ils ne sont
pas sortis pour fêter ça, ils ont donné un congé pour que, pour obliger les gens à aller dans la rue
pour fêter.

MD -Et personne, personne...

JK -Personne, personne n’a fêté ça. J'ai pas eu de, j’ai pas vu personnellement de fête.

PD - Faut peut-être, c’est plutôt aussi le climat de tension qui existait à ce moment-là dans le
pays, qui était peut-être pas [inaudible] très très à la fête non plus.

JK -Non. C’est pas ce, c’est pas seulement ça, pas seulement ça.

PD -Peut-être les gens craignaient de fêter aussi ?

MD -Quel, qu'est ce qui avait été dit là dessus, pour que les gens, parce que les gens étaient
informés, les gens étaient informés, il y a sûrement des choses qui, qui ont été dites, qui faisaient que
les gens n'étaient pas prêts à fêter.

JK -Non, parce que vous, personnellement, là je le dis comme je le pense, on a négocié ce qu’il
ne fallait pas négocier, c’est à dire que, ils étaient là, ils étaient en train de négocier, ils ont signé des
accords, ils ont partagé le pouvoir entre les partis politiques, il suffisait d’avoir fondé un parti

politique pour se retrouver ministre, mais la question de fond n’a jamais été posée. Puisque dans tous



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ces accords, quand on les analyse, quand on les prend, le problème ethnique n'apparaît nulle part.
Nulle part on ne parle de Hutu et de Tutsi. Nulle part.

MD _-Et pourtant on est en plein coeur de, de, on était en plein coeur là de ça.

JK -Pourtant on était, c’était la question. C’est là la contradiction flagrante au niveau de ces
accords. On n’a pas voulu pointer du doigt le vrai problème, on est passé à côté, on a dit qu'il y avait
pas problème entre Hutu et Tutsi, on a dit que il y avait un problème de partage du pouvoir, que il
y avait une dictature, qu’il fallait remplacer par des partis politiques démocratiques, et puis, les gens
n'étaient pas naïfs, tout le monde savait où était le problème. Tout le monde savait, moi je savais,
en tout cas, que le problème était entre Hutu et Tutsi, que ce n’était pas un problème de partage du
pouvoir entre le MDR, le PL, le PSD, ou le PDC ou le, le, ou le FPR, que ce n’était pas ça le
problème. Et ça je, j'aurai l’occasion d’aller l’exprimer à qui de droit, en l'occurrence au président
de la république.

MD -Ça c’est la visite que vous avez faite au président ?

JK -Oui. C’était pour lui dire que ils ont signé de faux accords, et que le résultat ne peut être que
un faux résultat. Même si tout le monde, notamment à l’extérieur, on disait “écoutez, on a signé des
accords, enfin la paix revient”.

MD -Parce que moi je reviens un peu en arrière, le 8 février, l’attaque, quand on dit que, vous
dites ici plus bas, que, on a commencé à partir de ce moment-là, on a vu là que il y avait une
radicalisation de, de.

JK -Oui.

MD -...des forces, puis là, l’accord d’Arusha, c’est à quelle date ?

JK -C’était le 8 août. |

MD -Le8 août.

JK -Donc c'était 6 mois après.

MD -6 mois après.

JK -Oui.

MD -Alors ça veut dire que 6 mois...

PD -Faut voir, faut voir que en 93, là Marcel on peut insister sur février 93, on a déjà parlé de



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7

90.

MD -Oui, oui, oui mais là c’est parce que là...

PD -Si on retourne dans l'Histoire on peut, on peut remonter à très loin encore...

MD -Oui, oui, c’est ça. Mais c’est parce que là là, quand on prend ça ici puis on dit là...

JK -C’est l'élément déclencheur, donc c’est pas, on ne peut déclencher qu’une situation qui est
là, donc, si j'ai pris cet élément-là c'était pour focaliser la tension sur le dernier, le dernier passage,
qui a fait que tout a changé, mais ça ne vient pas de 90. De 93. Ça ne vient même pas de 90, ça vient
de plus loin, plus loin, plus loin, plus loin...

MD -Excepté que là là on voit là que ça prend forme, ça prend forme, ça prend forme, puis là vous
dites ici “ce qui fera que les Hutu du sud qui étaient traditionnellement appelés les Tutsi, même
parfois plus près de ceux-ci que des Hutu du nord, ont commencé à se radicaliser en s’associant au
MRND”.

JK -Oui.

MD -Qui était, plutôt que le MDR qui était un parti relativement plus tolérant ?

JK -Oui.

MD _-Alors là on voit là que, c’est un torchon qui brûle, mais là, là ça commence, là on commence
à voir de la fumée là.

JK -Oui.

MD -Et puis malgré tout ça, à Arusha, on a, on a, on a, il n’y a rien de cette situation là
[inaudible].

JK -En tout cas, moi je vous dit, je crois que je l’ai dit dans le texte, les accords d’Arusha ont
été signés contre la volonté, disons, des gens qui, qui, qui, essayaient d’analyser la situation. On
aurait dû, et ça je, je crois que, on y reviendra plus tard, on aurait dû négocier le vrai problème qui
se posait et ne pas essayer de le contourner en partageant le pouvoir entre les partis politiques. Sans,
sans nommer la raison...

PD -Vous le vrai problème ça aurait été quoi ? Si vous aviez été appeler à le mettre sur la table,
comment, de quoi auriez vous discuté ?

JK Je, je, j'aurai mis en place un problème ethnique, j’aurai dit “Au Rwanda il y a un problème



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ethnique, qu’il y a un problème de lutte pour le pouvoir, entre les Hutu et les Tutsi. Et que cette
question là doit être débattue publiquement et ouvertement, que chacun s'exprime”. Ce débat-là je
l'aurai proposé, c’est ce que j'ai été dire au président Habyarimana.

PD -Ok. Est-ce que t'as d’autres choses Marcel ? T’as-tu encore des questions ?

MD -Non, pas dans ça.

PD -Vous savez c’est jamais fermé, des fois on peut y réfléchir et revenir, comme je disais si
parfois on réfléchit on revient, on redemandera des précisions, on pourra revenir sur le chapitre.
Vous avez un nouveau chapitre à nous proposer ?

JK -Oui. C’est l’attentat contre l’avion du président Habyarimana.

PD -Ok.

MD - [inaudible] de ruban, c’est pas tellement long ça ?

JK -C’est pas tellement long, c’est.

MD -Ça on parle de 6.

JK -6, il y a 6.1 qui était l’ambiance qui a précédé l'attentat.

MD -Ok.

JK -Là je reviens.

PD -C’est heu, c’est quelque chose heu, est-ce que c’est beaucoup ? Les faits que vous avez, que
vous avez accumulés vous au fil des ‘années, que vous avez... ce sont des preuves que vous avez
accumulées, des choses que vous avez entendues.

JK -Il y a trois parties, la première partie c’est l’ambiance, donc qui a précédé cet attentat. La
deuxième partie c’est l’attentat lui-même. Et puis là où j’ai accumulé les faits c’est l'enquête que moi
j'ai essayé de mener, ou de faire mener. Donc il y a trois parties. La première c’est l’ambiance, la
deuxième c’est l'attentat lui-même et puis la partie la plus grande c’est l'enquête.

PD -Je vois qu’on est à 29, 28 minutes sur le ruban, 29 minutes présentement, alors je crois qu'il
serait sage de...

JK -D'attendre.

PD -Je crois qu’il serait sage de tourner, est-ce que vous avez à faire à sortir ou je peux tourner
tout de suite, est-ce que vous voulez sortir, vous absenter une minute ?

JK -Je vais m’absenter une minute.



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h 479177

PD -Vous allez vous absenter. On va cesser et on va reprendre à votre retour. Il est quelle heure
Marcel ?

MD -[inaudible].

PD -Ïlest, attendez un petit peu avant de sortir, je vais juste mentionner l’heure, il est 16 heures
13 minutes.

MD -16 heures 13.

Fin de la face A de la cassette 11.



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Face B de la cassette 11.

PD -OKk, j'ai 16 heures 15 minutes, on reprend au chapitre 6.

JK -C'est l'attentat, comme je l’ai dit contre l’avion du président Habyarimana. Dans le premier
point je parle de l’ambiance qui a précédé l'attentat. La suite de l'échec de la mise en place du
gouvernement que j'aurai dirigé ne fut pas portée au grand public dans la mesure où il fallait être
initié pour savoir ce qui s’était produit car tout était secret et fait sous le couvert d’une réunion
convoquée pour la mise en place des institutions de transition. Plusieurs personnalités étrangères
demandent d'accélérer la mise en place des institutions à base élargie, deux ministres belges, dont
celui des affaires étrangères et celui de la défense ont été particulièrement insistants. Une réunion
fut convoquée à Dar-es-Salaam pour faciliter la mise en place des accords d’Arusha sous le couvert
d’une réunion pour le Burundi. Côté civil, on assistait vraiment à un affrontement inter-ethnique du
genre un Hutu pour un Tutsi et vice-versa. Mais de façon très violente surtout parmi les jeunes. Mais
c’était encore des assassinats ciblés. L'exemple du fils de Noël Mbonabargi [phonétique] qui se
présentait comme un oncle du président, fut abattu, ce jeune était un Interahamwe de grande valeur
et connu. Il fut abattu à Nyamirambo, en représailles un certain nombre de Tutsi du même quartier
furent assassinés. Plus rien ne fonctionnait, les gens ne travaillant plus, la télévision nationale
diffusait les images en direct des réunions au cours desquelles on devait mettre en place les
institutions et l’on voyait toujours une des parties qui ne se présentait pas. De son côté, la radio
télévision libre des Mille Collines diffusait ses interprétations en ciblant le FPR comme grand
responsable de ces échecs. À la radio nationale, le ministre de l'information de l’époque, Faustin
Rucogoza, a de son côté émis des messages à l'effet que les problèmes origineraient du président
Habyarimana. Il sera abattu dans la nuit du 6 au 7 avril 1994. L'attentat. Début avril 94, le président
Habyarimana revenait d’Arusha où il avait rencontré les présidents tanzaniens, ougandais et
burundais dans le but de le forcer à mettre en place l’accord d’Arusha. Le prétexte donné au
président pour se rendre à cette réunion était la pacification du Burundi. Alors que je me préparais
à me rendre à un séminaire au Sénégal, sur les coopératives d'épargne et de crédit, pour lequel je
devais quitter le pays le lendemain vers 7 heures, la radio télévision libre des Mille Collines, RTLM,

diffusa pratiquement immédiatement l'attentat contre l'avion du président. Ce n’est que le lendemain



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h 47919

matin que la radio d'Etat confirma la nouvelle. Ceci explique en partie pourquoi les massacres
débutèrent à Kigali surtout, dans la mesure où les émissions de la RTLM ne couvraient pas tout le
pays. Je savais déjà que beaucoup de choses surviendraient après cet événement. Je me suis préparé
à fuir, je suis demeuré chez moi à Kacyiru, cette nuit-là, c’était la guerre. Dans la nuit j'ai contacté
des amis habitant d’autres quartiers, j’établis vers 4 heures le début des massacres. Vers 15 heures,
Michel Cyrakera [phonétique], un riche commerçant de Kigali et membre du MDR est tué. Sa
maison est ensuite incendiée. Etant considéré comme relativement aisé et moi aussi identifié à un
parti politique d'opposition, je me devais de quitter, je prends alors contact avec un ami à la
gendarmerie, il m’informe que les gens qui ont fait ces gestes sont des militaires et des voisins de
notre quartier membres du MRND. Il ajoute qu’ils sont incontrôlables. Des militaires viennent me
chercher et me conduisent à la gendarmerie de Kacyiru où je passerai la nuit du 7 au 8 avril 94. A
Dar-es-Salaam, les présidents qui avaient été annoncé sont Mobutu, Mandela, le premier ministre
de l'Ethiopie, le président de Ja Zambie, le président du Zimbabwe et du Kenya. Sur les lieux se sont
retrouvés le rwandais Habyarimana, le burundais Naryamira [phonétique], l’ougandais Museveni,
le tanzanien Muhinyi [phonétique], le président du Zaïre aurait demandé à Habyarimana de ne pas
s'y présenter, mais celui-ci aurait répondu qu’il n’avait pas le choix. Mobutu aurait été avisé par un
haut cadre de l’Elysée, de l’éminence du danger. Il existerait un rapprochement avec le suicide d’un
cadre de l'Elysée et ces communications.

MD -Ça va faire déjà là un petit bout, parce que là après ça, là, c’est...

JK -Après ça c’est l’enquête.

MD -C'est l’enquête.

L

TK -Que j'ai fait moi-même, les informations que j'ai eues sur l'enquête.
MD - Moi j'aimerai ça, jeter un coup d’oeil sur ces deux, vous avez commencé ici hein.
PD -Ok. Vous commencez par “la suite de l’échec de la mise en place du gouvernement que

j'avais dirigé ne fut pas portée au grand public dans la mesure où il fallait être initié pour savoir ce
qui c'était produit car tout était secret et sous le couvert d’une réunion convoquée pour la mise en
place des institutions de transition”. Est-ce que vous allez revenir là-dessus ?

TK -Oui je reviendrai là-dessus parce que c’est, c’est un découpage que j'ai fait...



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PD -Pouvez-vous juste... pouvez-vous juste un peu mettre en place...

JK -Et qui, qui ne rentre peut-être pas directement dans le contexte.

PD -C'est ça. Mais peut-être juste.

JK -Mais jy reviendrai.

PD -Peut-être juste mettre en place un peu c’est quoi le, le, chose, juste expliquer un petit peu
c’est quoi Ça.

JK -C'est que en, à un certain moment, il a été question de remplacer le gouvernement d° Agathe
Uvwilingiyimana...

PD -Mmm [affirmatif].

JK -Et des contacts ont été pris entre la faction de mon parti MDR et le MRND ainsi que celles
d’autres partis pour mettre en place un nouveau gouvernement. À cette époque on m'avait choisi,
le parti, mon parti m’avait choisi pour diriger cet éventuel gouvernement s’il se mettait en place.
C'est de cela qu’il est question mais j'y reviendrai plus en détails plus loin.

PD -Parfait.

JK -Quand il s'agira de ma propre, mon action propre au sein de ces événements.

MD _-Pourquoi expliquez-vous aussi que on a, on a, on a dû employer le couvert de, “Une réunion
fut convoquée à Dar-es-Salaam pour faciliter la mise en place des accords d’Arusha sous le couvert
d’une réunion pour le Burundi”, pourquoi a-t-on été obligé de se servir d’un prétexte ?

JK -Moije.…

MD -C'était parce que les accords d’Arusha c'était quelque chose de tout à fait légitime ?

JK -Moi je ne peux pas vous dire pourquoi mais les communiqués qu’on a entendu, c’est que
les chefs d'Etat avaient été conviés pour donner des conseils au président du Burundi sur le
règlement du problème du Burundi.

MD -Ça ça se [inaudible] comment, c’est sorti comment ça ?

JK -C’est à la radio, partout. C’était ça qui était dit, que le président de la république va dans une
réunion à Dar-es-Salaam, avec ses homologues pour discuter des problèmes du Burundi, il n’était
pas dit, à cette époque, j’ai pas entendu quelqu’un dire “on va s’occuper du cas du Rwanda” à cette

réunion.



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MD -Est-ce qu’on a effectivement signé des accords à ce moment-là ?

TK -Sur ?

MD -A cette réunion-là, qu'est-ce qui a été fait à cette réunion ? .

TK -Là, on a parlé du Rwanda.

MD -Ona parlé du Rwanda ?

JK -Je n’ai pas, je n’ai pas eu peut-être tous les détails mais je n’ai pas senti qu’on ait discuté
du problème du Burundi.

MD -Alors c’est pour ça que vous dites que ça a été, c’était un couvert [inaudible] ?

JK -C'’était un couvert, puisque dans le communiqué que nous nous avons entendu à la radio,
sur la visite du, sur le voyage du président c'était pour discuter des problèmes du Burundi. Nous
n’avons pas entendu dire qu’il allait à Arusha pour discuter des problèmes du Rwanda.

MD -Qu'’est-ce, qu'est-ce qu’on a discuté du Rwanda à ce moment-là ?

JK -C'est la mise en place des institutions de transition à base élargie.

MD -C'est ce qu’on a discuté ?

JK -Oui.

PD -Votre président a d’ailleurs dû, je crois, signer un document ?

JK -Oui.

PD -Est-ce que vous avez vous vu au temps où vous étiez premier ministre ce document-là ?
TK -Je ne l’ai jamais vu.

PD -Vous avez jamais pu toucher...

JK - Apparemment il devait être quelque part dans son avion quand il est revenu.

PD -Oui mais il devait, il devait exister une copie tanzanienne.

JK -Je ne l’ai jamais vu, jamais vu la copie de ce document.

PD -Vous avez jamais, est-ce que vous avez été informé de la teneur du document qu’il avait
signé ?

JK -Non.

PD -Non plus ?
JK -Non, mais tout ce qu’on m'a dit c’est que il y avait un accord pour la mise en place des

institutions de transition à base élargie et des délais étaient proposés, mais là je ne peux pas préciser



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qui me l’a dit...

PD -Bizimana, Monsieur Bizimana était là lui ?

JK -Je ne sais pas, je ne me souviens plus s’il était là au moment de la signature ou s’il était là...
PD -Non mais il était là lors de la discussion ?

JK -Ça je ne peux, je ne sais pas quand lui il est parti pour la mission que le président lui avait

confiée, là j'ai pas.

PD -S’agissait-il de, c’est, c’est. ces réunions-là est-ce qu’elles étaient télédiffusées ?
JK -Les réunions qu’ils...
PD -La réunion qui était tenue à Dar, avec tous les présidents, est-ce que c'est quelque chose qui

était télédiffusé sur les, sur votre télévision d'Etat ?

JK -Non.

PD -Non plus. C’est pas quelque chose que quelqu'un a pu suivre...
JK -Non.

PD -C'était impossible à suivre. Ok. Donc ce que vous avez entendu parler, c’est ce que les gens

ont dit.
JK C’est ce que les gens ont raconté.
PD -Puis vous à Bizimana vous lui avez jamais demandé “écoute donc, qu’a-t'il été signé là,

qu'est-ce que, qu'est ce que c'était...” 7

JK -Non, je ne lui ai pas demandé, je ne me rappelle pas lui avoir demandé ça.

PD -Personne a manifesté d'intérêt pour la signature de ce document-là ?

JK -Non. |

PD -Est-ce qu’il yaune raison pour laquelle les, ces, ça ne représentait pas d'intérêt pour vous?
JK -C’est à dire, ça ne représentait plus d'intérêt pour moi dans la mesure où...

PD -Dans la mesure où il était impossible là, mais.

JK -Où il était impossible de, de mettre en application ce qu'ils avaient signé, et puis j’ai jamais

senti le besoin de, je n’ai jamais posé de question en réalité sur ce document.
PD -Ok. Mais ce que vous en savez c’est que c’est un.

JK -C’était.



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PD -… un document qui touchait la mise en place des accords de paix.

JK -C’est ça.

PD -Avec lesquels les gens étaient en désaccord. Ok.

MD - “De son côté la radio-télévision libre des Mille Collines diffusait ses interprétations en

ciblant le FPR comme grand responsable. Plus rien ne fonctionnait, les gens ne travaillant plus, la
télévision nationale diffusait les images”, on peut dire que tout était prêt, là, là vraiment la table était
mise. Les gens ne travaillaient plus, à la radio est-ce que vous vous souvenez à la radio télévision
libre des Mille Collines, qu'est-ce que, qu'est-ce qu’on disait ? Vous dites là qu’on, qu’on tenait le
FPR, qu’on ciblait le FPR comme grand responsable des échecs. On disait quoi en particulier ? Est-
ce que déjà on insistait, est-ce qu’on insistait déjà dans la violence ? À ce moment-là, cette journée-là
?

JK -Non, j'ai pas, je ne peux pas dire j'ai en mémoire les, le discours qui était tenu à la radio,
ça c’est le résumé tel que moi j'ai pu comprendre le discours qui était, qui passait, mais je ne peux
pas répéter, ils ont dit ça, ils ont dit ça, ils ont dit ça... Mais les images que nous, moi j'ai vues de
la télévision, c’est que on nous annonçait, on nous disait par exemple “aujourd’hui le président va
mettre en place le gouvernement”. Ce jour-là, puisque ni le gouvernement ni les administrations ne
fonctionnaient, chacun, du moins ceux qui le pouvaient, restaient à la maison pour savoir ce qui allait
se passer. Au lieu d’aller travailler. On voyait, une fois, c’était le président Habyarimana qui venait
avec son équipe et on attendait l’autre équipe ne venait pas, d’autres fois c'était l’autre équipe qui
venait, le président Habyarimana ne venait pas. Et les commentaires se faisaient selon le bord sur
lequel on se trouvait. Au niveau de la radio RTLM on disait “voilà, nous vous avons toujours dit que
le FPR ne veut pas signer, ne veut pas, heu, entrer dans les accords de paix d’Arusha, voilà il n’est
pas, il ne s’est pas présenté”. Peut-être qu’elle était plus nuancée quand c’est le, c'était l’autre côté
qui ne s’était pas présenté. Et c’est ainsi que nous vivions cette situation, et ça a duré quand même
plusieurs mois, ce n’est pas une seule période. Ça a duré plusieurs mois. C’est depuis janvier que
cette situation se répétait.

PD -RTLM était-elle identifiée à une faction politique plus qu’à une autre ?

JIK -Oui. RTLM était identifiée comme la radio du MRND.



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p CC TNA

PD -Du MRND ?

JK -Oui.

PD -Est-ce qu’elle était financée par le MRND ?

JK -Ça je ne peux pas faire de liens, puisque la RTLM était censée être une association. Et avec
des membres connus, puisque il avait paru dans le journal officiel où on pouvait trouver les
membres, mais en regardant la liste des membres on constatait que les financeurs [sic] étaient des
membres aussi du MRND.

PD -Ok. Est-ce qu’il y avait des gens du MDR qui étaient à RTLM ?

JK -Je n’en connais pas.
PD -Vous connaissez pas.
JK -Je n’en connais pas.

PD -Est-ce que, est-ce que c’est une exclusivité du MRND et de la CDR ?

JK -Moi je ne connais personne du MRN... du MDR qui a été membre fondateur ou membre
adhérent du, de la RTLM.

MD -Est-ce que ça veut dire là quand vous aviez des, si vous aviez des messages à passer, votre
parti, ne pouvait compter sur cette radio pour diffuser vos messages ? Elle ne diffusait que des
messages, exclusivement des messages MRND ?

JK - Après le, le, la signature des accords d’Arusha, il y a eu certaines interventions de certaines
personnes du MDR sur cette radio. Mais là c’était des négociations, Je dirai, particulières privées.
Donc la personne pouvait négocier en fonction de ses relations avec les, les responsables de la radio,
il pouvait faire passer ces messages, mais c’est uniquement sur cette période-là.

PD -C’était quelque chose que quelqu'un devait quoi, passer comme une, est-ce qu’on peut parler
de censure ? Est-ce qu’on doit parler de censure à ce moment-là ? Est-ce qu’on doit parler de
présentation de projet, acceptation, et là ok tu vas pouvoir venir ?

JK -Quelle censure ?

PD -Si vous vouliez, vous, membre du MDR, passer un message par, comme vous dites, par vos,
vos, vos connaissances à la RTLM, est-ce que vous deviez informer... vous est-ce que vous avez déjà

été capable de passer un message ?

JK -Pendant la guerre j’ai fait un interview.



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PD -Pendant la guerre vous avez fait un interview ?

MD -Comme premier ministre ?

TK -Oui. Comme premier ministre.
PD -Comme premier ministre.
JK Mais c'était à leur demande, ils m'ont demandé si je pouvais leur accorder l’interview, j'ai

dit si, je suis prêt à...

MD -A quelle date ?

JK -Je ne me rappelle plus de la date. Je suis prêt à répondre...

MD -Au début de votre mandat ? Est-ce que c’était au début ?

JK -Non, non, à la fin.

MD -Vers la fin ?

JK -Vers la fin. Ils m'ont demandé si je pouvais répondre à leurs questions, j’ai dit oui. J'ai
répondu à leurs questions.

MD -Et comment, comment avez-vous jugé que l’entrevue s’est déroulée ? Est-ce que c'était
l’entrevue qui était axée vers certaines idées ou. qu'est-ce que, quel, qu'est-ce qu’on voulait
discuter avec vous ? Pourquoi on voulait vous interviewer ?

JK -Ils m'ont demandé qu'est-ce que j'étais venu faire à Kigali, puisque c'était à Kigali que
j'étais, et comment je, je voyais la, la situ... j’analysais la situation, c'était d’autres de ces questions-
là.
PD -Ok. Est-ce que vous voyez vous à la RTLM un outil que le gouvernement a pu se servir
pendant la guerre pour faire de la propagande ?

JK -Je ne crois pas, puisque le gouvemément n’avait pas besoin de la RTLM pour faire ça dans
la mesure où il avait sa propre radio. Donc il n’avait pas besoin de se servir de la RTLM pour faire
sa propagande.

PD -Par contre est-ce que la RTLM a quand même pu être utile, et utilisée ?

JK -Elle a été utilisée.

PD -Ok. Alors vous, c’est une radio qui a été utilisée par le gouvernement...

JK -Je, je rectifie, le gouvernement n’a pas visé à utiliser cette radio, c’est, généralement quand

cette radio a utilisé, c'était à sa demande, des gens appartenant au gouvernement, il y a très peu de



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h 47924

gens qui sont directement passés sur cette radio. Mais par contre il y a eu des émissions qui étaient
partagées entre la radio nationale et qui passaient en même temps sur la RTLM. Comme instrument
le gouvernement n’a pas utilisé comme telle la radio RTLM, il utilisait la radio nationale.

MD -Vous écoutez la radio, je pense que vous aimez écouter la radio.

JK -Oui.

MD -Est-ce que vous avez entendu des messages sur cette station que vous pouvez juger
excessifs, de provocateurs ?

JK -Oui, oui.

MD -A quelle, à partir de quelle période que vous pouvez dire là que vous avez vu que il y avait,
peut-être on incitait assez clairement là à la violence ou à...

JK -A partir du 8 février, je l’ai dit.

MD -A partir du 8 février.

JK -Oui.

MD -A partir de ce moment vous avez vu que les messages-là c'était. on s’est servi à la radio,
suite à ce qu’on discutait tout à l'heure, l’attaque du FPR, à partir de ce moment-là, eux sont entrés

dans le jeu assez activement ?

JK -Oui.
MD -On peut dire ça.
JK -Oui.

MD -Est-ce qu’il y avait des personnes en particulier, vous vous souvenez, qui, qui étaient plus
virulentes, qui étaient plus violentes que d’autres ?

JK -Non, je crois que c’est'une radio privée qui avait sa ligne, et qui, je n’ai pas eu l’impression
qu il y avait quelqu'un qui aurait pu donner un autre message sur cette radio que le message qui a
été véhiculé.

MD -D'’accord. Mais quels étaient, quels étaient les annonceurs vedettes là ou les personnes
vedettes qui occupaient les ondes normalement ? Est-ce que, ils devaient pas avoir quand même une
multitude de personne ? Quelles étaient ces personnes ?

TK -Les journalistes sont connus, qui travaillaient à RTLM.

MD -Est-ce que vous vous en avez identifiés qui étaient plus virulents que d’autres ?



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JK -Je n’en ai pas identifié qui étaient plus virulents que d’autres, moi je les classe, pour moi
c’est une...

MD -Tous sur le même pied.

JK Ils pouvaient être peut-être plus éloquents, mais pas plus virulents. Plus éloquents ça c’est
une question de don ou de personnalité mais plus virulents, au niveau de, du résultat, je ne peux pas
les classifier.

MD -Mais c'était vrai, c'était, c'était clair, leur message était clair.

TK -Pour moi c’était clair.

MD -C'était, c'était de l'incitation à la violence ?

JK -Oui.

MD -L'incitation à l'élimination des Tutsi ?

JK -Oui.
MD -Clairement ?
JK -Oui.

MD -Vas-y, si tu veux y aller.

PD -Non, non, non.

MD -T'as tu, tu veux faire ajouter...

PD -Non, mais pas tout de suite là, j'ai pas fini de lire, je suis en train de lire les {inaudible].
MD -Vous dites que RTLM a diffusé presque immédiatement l’accident de l’avion. Et que ça a
été au lendemain pour la radio d’Etat. Comment se fait-il ?

JK -C'’est une question que nous nous sommes toujours posée, nous nous sommes posée, parce
que la RTLM a fonctionné toute la nuit, sur ce thème-là.

MD -Est-ce que normalement la RTLM fonctionnait la nuit ?

JK -Non. Ça a été, exceptionnellement elle a fonctionné toute la nuit sur ce thème-là. C’est elle
qui a annoncé toutes les différentes étapes, on vient d’être confirmé que effectivement le président
a été tué, des choses comme ça. Jusqu'au matin. D'ailleurs elle a fonctionné pendant trois ou quatre
jours sans, sans arrêt.

MD -Est-ce que on semblait être prêt à quelque chose de spécial ?

JK -Pardon? .



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MD -Est-ce qu’on semblait être prêt, la radio, à des événements-là qui marquent l'Histoire, on
était prêt la tout de suite à réagir à cet événement ?

JK -Je ne comprends pas.

PD -Ce qu’il vous demande c’est est-ce qu’il y a quelqu'un qui avait pu se préparer ou prévoir
qu’un événement comme ça pourrait se produire ?

JK -Là je ne peux pas me risquer à cette spéculation. La radio RTLM je l’écoutais comme Je
pouvais écouter une autre radio, comme je disais je préparai ma valise pour me rendre dans une
mission pour les banques populaires. Et puis ils ont interrompu leurs émissions, ils avaient annoncé
comme à la radio nationale que le président était parti pour une réunion avec d’autres chefs d’Etat,
en Tanzanie, ils avaient annoncé qu’on l’attendait de, d’un moment à l’autre. Et que probablement
qu’il allait annoncer quelque chose de très important.

MD -Est-ce que c’était régulier ça qu’on suive le président là...

JK -Oui, c'était régulier. C’était régulier.

MD -Quand le président allait en voyage, cette radio-là le suivait de très près, son retour et tout
ça.

JK Oui, le suivait, oui. Oui. Alors quand ils ont annoncé que il y avait, qu’ils avaient
l'impression que il y a quelque chose qui se passe, de très grave qui se passe à Kanombe, ils ont dit
qu’ils allaient informer le public et tout le monde est resté accroché sur sa radio pour savoir ce qui
se passait à Kanombe. Sur l’avion du président.

MD -Et à partir de ce moment-là ils ont, ils ont diffusé pendant plusieurs jours.

JK -Ils ont continué, en tout cas, quand moi j’ai quitté chez moi ils diffusaient encore, ils ne
s'étaient pas, les mêmes journalistes ne s’étaient pas relayés.

MD -C'était presque en direct la diffusion...

JK -Ça a été presque en direct, oui.

PD -C'est dans ce paragraphe-là que vous expliquez que vous fuyez à la, à la...

MD -La gendarmerie.

PD -A la gendarmerie de Kacyiru.

JK -Oui.

MD -Peut-être [inaudible] déjà qu’il y a beaucoup de choses après cet événement. C’était la guerre



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h. 47929

à ce moment-là, vous avez, pour vous là, en ayant vécu tout ce qui se passait, tout à coup cet
événement-là, pour vous cet événement a vraiment.

JK -C’était la guerre, donc j'ai, je n’ai pas eu des illusions pour dire, non c’est un événement qui
va passer inaperçu, non, pour moi c'était la guerre.

MD -Est-ce que, dans le fond-là, vous vous êtes dit, c’est, c’est, parce que ça devait arriver, on,
il fallait que quelque chose comme ça se produise, on en était à ce point-là hein ?

JK -Oui, oui.

MD -Ok, alors ça pour moi ça, ça complète une partie.

PD -Ce que vous vous savez de l’accident du président. L’attentat contre le président.

JK -L'enquête. Il y a des indices qui ont précédé l'attentat contre l’avion, ou les indices relatifs
à cet attentat dont j'ai été informé par le chef du protocole du président, je ne l'ai pas, j’ai pas donné
son nom quand j'ai...

PD -C’est Monsieur qui ?

JK -J'oublie le nom mais je, s’il revient je vais le dire puisque je l’ai écrit quelque part ailleurs.
Pas peut-être directement dans ce texte mais je l’ai écrit quelque part.

PD -Ok.II y a beaucoup de noms de toute façon.

JK -Oui.

PD -C'estçahein ?

JK -Donc, dans tous les cas lui c’est le chef du protocole présidentiel, c’est le Major Mageza
Désiré [phonétique]. Le major Mageza Désiré. C’est lui qui m'a transmis le papier que vous avez
saisi dans vos documents qui relate ce que je viens, je vais dire.

PD -Ok. Allez-y, faites la lecture s’il vous plaît.

JK -Deux jours avant l'attentat, le président de l’assemblée nationale du Burundi s’est fait inviter
par le président de l’Ouganda. Il a voyagé avec l’avion présidentiel, un Falcon 50 qui est exactement
le même type d’appareil que la France a offert à notre président. Il n’a pas été reçu, il n’a été reçu,
il n’a pu être reçu que le soir du deuxième jour, le forçant à y passer deux nuits. Donc, le président
du Burundi a dû monter jusqu’à Kigali avec un appareil à hélice pour venir y rejoindre notre

président pour voyager avec lui dans son appareil. Selon les règles diplomatiques, il est rare pour un



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président d’un pays d'inviter le président d’une assemblée nationale d’un autre pays. De plus, le
départ de la mission vers Dar-es-Salaam fut retardé d’une heure et demi par le refus d’Anastase
Gasana de signer les ordres de mission qui débloquent les fonds pour, les fonds du président. Le
président Museveni aurait connu un retard de deux heures et demi sur le début du programme,
retardant le début des travaux. Il se faisait répéter les débats à plusieurs reprises, faisant semblant
de dormir. Le communiqué conjoint n’a pas été rendu disponible à temps, ce qui fit que notre
président signa le texte anglais dans la salle et le texte français avant de monter dans son avion. A
l'aéroport. Le ministre des affaires étrangères n’a pas accompagné le président sur le retour, comme
il est d'usage. Aussitôt la mort du président connue, c’est ce même ministre, Anastase Gasana qui
fut vu au State House, en Tanzanie, gardé par des gardes du corps tanzaniens. Il facturera en
quelques jours à l’Etat 600 000 shillings tanzaniens. Comme, en frais de téléphone. Il effectuera, à
plusieurs reprises, des voyages entre Mulindi, le quartier général du FPR et Dar-es-Salaam. Il fera
bloquer au sol deux avions qui accompagnaient le président à Dar-es-Salaam, et ce jusqu’à la prise
du pouvoir par le FPR. Il sera nommé ambassadeur du Rwanda à Washington aux USA avant de ré-
occuper son poste de ministre aux affaires étrangères, suite à la démission de Ndagijimana Jean-
Marie Vianney. Ça c’est le témoignage sur papier qui m'a été remis par le major Mageza qui était
le chef du protocole du président de la république.

MD -Çail vous a remis Ça sur papier.

JK -Oui.

MD -Ça c'est un document que vous avez ça ?

TK -Oui. Il n’est pas signé mais il m'a remis ça écrit, sur papier. Pendant que j'étais en exil j'ai
fait mener des enquêtes sur la mort du président Habyarimana. J'ai appris de Thaddé Kwitonda
[phonétique], un ex-cadre de la banque nationale qu’en revenant de Kabuga [phonétique], ce soir-là
il a vu un minibus-combi, tout près de l’usine de papyrus. Les deux feux clignotants allumés,
entourés de gens blancs et noirs, son épouse lui a dit de ne pas s’immobiliser. Ils ont poursuivi leur
route. Il venait de collecter l’argent de son moulin. En rentrant à Kigali, il s’est arrêté chez une
famille, rendu chez lui il a entendu deux détonations venant de Kanombe avant d'apprendre qu’il

s’agissait d’un attentat contre l’avion présidentiel. Ce témoignage également vous l’avez dans les



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documents que vous avez saisi, et lui il est signé. Le deuxième témoignage me fut fait par un jeune homme qui, au même endroit, le même soir, fut attaqué par, avec sa soeur, qui fut décé... qui est morte, et fut blessé en S’approchant pour voir ce que des gens pouvaient faire autour d’un véhicule. Certains de ces gens parlaient Kinyarwanda, Il m'a fait une déclaration que j’avais confiée à l’évêque de Bukavu en même temps que d’autres documents, par l'intermédiaire du Docteur Murego Donat.

Le lendemain, un caporal réserviste de Kabuga rapporta au camp Kanombe deux lances-missiles sans lunette. C’est Alfred Ndahimana [phonétique], mon garde du corps qui me déclara ce fait. Ces lances-missiles ont été remis au commandant du camp, Bizimungu, chef d’Etat-major de l’armée m'a confirmé que les objets leur avaient remis. Des agents de la CIA, ça c’est un autre témoignage, l'ont confirmé, ont pris contact avec Segasahe Maximin [phonétique], notre ambassadeur au Canada afin de nous contacter. Damien Muhamyangaka [phonétique], ancien étudiant en URSS comme l'ambassadeur, en novembre 1994 vient me rencontrer à Goma pour m'inviter à former une délégation qui rencontrera la CIA.

PD -On va, on va en profiter pour changer le ruban, avez-vous besoin de sortir ?

JK -Oui.

MD -Là c’est la fin de 11.

PD -C'est la fin de 11, alors je vais en profiter pour sceller. Il est 16 heures 43.

Fin de la face B de la cassette 11.



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