Fiche du document numéro 22182

Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Num
22182
Date
Samedi 27 septembre 1997
Amj
Auteur
Fichier
Taille
1023823
Titre
Interrogatoire de Jean Kambanda - Cassette # 20 [Action et responsabilité personnelle de Jean Kambanda]
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
Cassette 20 - Jean Kambanda Hé 8 2 À

Face A :
PD - Alors, euh, toujours le 27 septembre 1997, à 11 h 57 minutes. On reprend, après avoir
scellé pendant la pause le ruban numéro 19 à 11 h 41 minutes. Ce qu'on voit... On pourrait

reprendre un nouveau chapitre?
JK - Oui.
PD -Ceserait...

JK - C’est la partie qui concerne mon action et ma responsabilité personnelles en tant que
premier ministre dans les événements d’avril-juillet 94. La première partie, ça concernait les
documents que vous avez retrouvés, euh, retrouvés à Nairobi. Au fil du temps, alors que j’occupais
la fonction de premier ministre, et pendant mon exil, j'avais accumulé des documents provenant des,
de différentes sources. Des communications avec la population rwandaise, des autorités civiles et
militaires, des ambassades rwandaises à l’étranger, des gouvernements étrangers, et les organismes
internationaux et d’autres sources diverses de renseignements. Ils étaient classés en fonction du
contenu et conservés dans des fardes que j’ai gardées dans une grande malle verrouillée identifiée
au nom de ma femme Vénantie Nabyenda [phonetic] et à mon nom avec une adresse à Butare.
Lorsque j’ai décidé d’écrire à compter de novembre 1995, j’ai fait un tri des papiers s’y trouvant.
Lors de mon départ, en août 1996, la plupart de ces documents avaient déjà été analysés et
synthétisés. Je l’ai considéré comme archive et je l’ai traité en conséquence. Les documents relatifs
au Tribunal avaient resté à portée de main et ce sont ceux-là qui furent saisis. Par contre, certains
documents déjà traités et archivés pourront être d’intérêt pour le Trib. .. Tribunal. La plupart des
documents élaborés au cours d’exil étaient enregistrés sur disquettes que j’ai conservées avec moi,
de même que certain films vidéo réalisés au cours de cette période. J’avais confié ma malle
contenant les archives au Docteur Murego Donat, qui les transmettait Monseigneur Muzirwa
[phonetic], évêque de Bukavu, qui était d’accord à les conserver. Le Docteur Murego m’a confirmé
avoir remis cette malle à Monseigneur Muzirwa, qui fut assassiné lors des derniers événements au
Zaire. J’avais remis au Docteur Murego pour qu’il le confie à Monseigneur Muzirwa le téléphone
satellitaire et le fax qui l’accompagnait qui était propriété du gouvernement, qui de toute façon était
hors service en raison de facture impayé. Concernant ce genre d’équipement très dispendieux,
environ 50 000 dollars chacun, je n’étais pas le seul à en avoir un à ma disposition. Les personnes
suivantes s’en étaient vues attribuer un aussi : le Général Bizimungu, en raison de son
commandement de l’état-major, le Président Sindikubwabo Théodore, Bicamumpaka Jérôme,
Ministre des Affaire Etrangères. Il faut noter que ces appareils avaient été commandés en France
avant la guerre et qu'ils nous furent livrés pendant les hostilités via un messager que nous avions
personnellement mandaté pour le faire. Avant cette livraison, alors que nous étions toujours à
Gitarama, nous utilisions le même système téléphonique, qui avait été mis à notre disposition par
le Président Mobutu via le Ministre de la Défense Bizimana, qui devait toujours avoir le contrôle



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de cet appareil et, lorsque nous avons tenté de le récupérer en exil, il le déclara volé, en nous
indiquant qu’une personne à qui il l’aurait confirmé, un certain Nzabonziza [phonetic], un technicien
de Rwando-Rwanda, et nos recherches furent vaines auprès de lui.

En ce qui concerne mon passé personnel et les événements de 1973... Les troubles inter-ethniques
de 1973 débutèrent en 1972 dans une école secondaire de Gitarama, à Cyubwe [phonetic], dans la
commune du Président de l’époque, Kayibanda. J’étudiais non loin de là, à Biyimana [phonetic]
et quand de ces troubles parvenaient jusqu’à nous, je terminais mon premier cycle et j’allais faire un
examen national me permettant d'accéder à ce qu’on appelait les sections. Ce n’était pas un passage
automatique. L'Etat décidait de la section à laquelle nous étions assignés. Pendant cinq mois, de
juillet à décembre 1972, période surnommée vacances éternelles, une commission de l’Etat parcourut
le pays pour vérifier les ethnies de toutes les personnes éligibles aux sections. Devant eux,
accompagnés de tout le conseil communal, nous devions parader en compagnie de notre père. Ils
nous soumettaient à un interrogatoire pour prouver notre ethnie. Les résultats devaient être
réconfirmés par le conseil communal. Il m’est impossible de le prouver, mais je crois que ces
résultats influençaient notre assignation. Cette longue procédure explique les vacances éternelles.
Ce climat influença les tensions que j’ai rencontrées à Butare en février 1973 au groupe scolaire.
Dans l’autre groupe scolaire de Butare, il venait d’arriver un important groupe de réfugiés hutu du
Burundi. Même le directeur de cet institut, un Belge, venait de se faire expluser de ce pays. Il y était
toujours en 1974. C'était le Frère Bernard Héhimenne [phonetic]. En février 1973, les étudiants
tutsi de l’UNR et de l’IPN, Institut pédagogique national, se virent chasser par leurs collègues hutu,
mouvement qui sera suivi par notre institut. À cette époque, le responsable des étudiants, avertissant
par méga, mégaphone, avertissaient par mégaphone les tutsi de quitter, sinon ils seraient battus. Les
autres étaient invités à dénoncer s'ils ne quittaient pas. Je me rappelle du débat sur certaines
personnes que moi et mes collègues accusions d’être tutsi, qui fut tranché par le Préfet avec la
demande de preuve de nos accusations. Des gens ont effectivement été battus à cause de leur ethnie
à cette époque. À cette période en ville des listes étaient confectionnées visant à exclure les Tutsi
des postes qu'il occupaient. Ces listes étant affichées publiquement partout. Elles étaient toutes
signées ‘comité du salut’. Hors de la ville de Butare, des expéditions auxquelles j’ai participé,
visaient les écoles pour faire les mêmes opérations. Je me souviens avoir fait à Kansi [phonetic]
Kambanda pour se [inaudible] pour se rendre à Kansi, nous avons réquisitionné des véhicules. Cette
situation de tension n’atteindra pas les milieux paysans dans ma région et durera jusqu’au coup d’état
de Habyarimana du 16 juillet 1973. Dans d’autres régions, notamment, il y a eu des morts.
Plusieurs de nos collègues et enseignants durent trouver refuge au Burundi. À la rentrée scolaire
1973-74, certains qui ne s'étaient pas réfugiés à l’étranger firent, furent repris dans leurs fonctions,
mais par des soldats. Donc, deux points, le premier concerne le document que vous avez saisi, le
deuxième concerne mon passé personnel et les événements de 1973.

PD - Est-ce que vous pouvez nous décrire de façon plus précise les documents, quel aurait été
contenu, quel aurait été le contenu des documents qu’on pourrait retrouver. .. euh, au Zaire, à
l’ancien Zaire, pardon. Est-ce que ça comprend comme les minutes, les conseils, ou des choses
comme ça. Est-ce que ça comprend les archives de, du gouvernement, le temps que vous étiez 1à?



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D

4 à

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K - Il y a une partie, qui. je voulais pas dire dans les documents, qui a été remis, mais je vous
l’ai déjà dit, qui a été saisi par les militaires au Zaire, au Nord-Kivu. Donc je ne peux plus savoir
la destination. Donc une partie des documents que j'avais rassemblés ont été acheminés à Goma.
et le Général Kembele [phonetic] les a réquisitionnés, pour une destination inconnue.

PD - Est-ce que c’est une chose que vous pouvez nous faire une, une description sommaire, ou
une description euh... -

JK - Il m'est difficile de dire, il y a... dans... il y avait tant de documents. Ce que je peux dire
est que les documents étaient classés en fonction de. .. de leur objet. Chaque ministère, les
documetns relatifs à chaque ministère étaient classés dans une farde. . . Si, par exemple, ça

concernait les militaires et la guerre, c'était classé dans la farde du Ministère de la Défense. Si ça
concernait la défense civile, ou le Ministère de l’Intérieur, ou les rapports des bourgmestres, ou des
préfets ou des informations concernant les, les communes et les bourgmestres, c’était classé dans une
farde du Ministère de l’Intérieur. Si ça concernait les Affaires Etrangères, c’était classé dans une
farde des affaires etrangères, et ainsi de suite. Si ça concernait l’activité politique, c'était classé dans
une farde où il était inscrit à l’extérieur, Partis politiques. Si ça devenait trop nom. . . trop large, je
pouvais séparer partis politiques, MDR, PL, PSD, en fonction de la taille de, des documents que
j'avais à conserver. Mais je ne peux pas donner la liste, existe-t-il, des, de tous les documents qui
étaient contenus dans cette malle, mais il y avait aussi, bien entendu, des archives, certains
documents qui m'avaient été remis et qui étaient les journaux officiels.

PD - Mais ça concernait, ça peut concerner toutes les décisions du gouvernement pendant la...

JK - Toutes les décisions pendant la période, mais une partie, comme je l’ai dit, se trouve à
Goma, et une autre partie se trouve à Bukavu.

PD - La partie de Goma est sous le contrôle du. . . était sous le contrôle. ..

JK - Du Général Kembele.

PD -Ok. Comment en a-t-il pris possession?

JK - Quand, comme je fus le dernier, ou l’un des derniers, à quitter Gisenyi avant que le FPR
arrive, j'étais dans une voiture que j'ai fait passer par la frontière de Goma. Moi, j'ai pris
l'hélicoptère pour aller jusqu'à Cyangugu et dans cette voiture, il y avait, entre autres, un sac
contenant une partie des documents, et cette voiture a été remis pour conservation au Général
Kembele, qui l’a gardée pour lui, qui l’a confisquée, qui n’a pas voulu me la remettre, les documents
avec.

PD - Ok. La voiture, c'était quelle sorte de voiture?

JK - C'était une Daewoo.



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PD - Le type, est-ce que vous vous en souvenez?

JK - Il s’appelait Daewoo, je connais pas le type, , c’est, c’est la marque.
PD - Est-ce que c'est ‘d-a-1-h-a-t. .

JK - Je ne sais pas comment ça s'écrit, ça s’écrit. C’est une marque je crois coréenne.
PD - Ok. Est-ce que c’est un camion, ça, est-ce que c’est...

JK - Non, c'était une voiture.

PD - Une automobile, euh, comme...

JK - Une voiture. oui.

PD - Ok. Puis, vous avez fait passer les, les documents dans ce...

JK - Dans cette voiture...

PD - Qui appartenait, est-ce que vous savez à qui elle appartenait?

JK - Elle appartenait au gouvernement.

PD - Au gouvernement, c’est une voiture gouvernementale.

JK - Et elle avait une plaque jaune.

PD - La plaque jaune, du Rwanda?
JK - Oui.

PD - Vous n’avez pas mémoir du tout, de ce qu'était le numéro de la plaque? C’est beaucoup.
.… eub, la couleur de l'auto, c'était?

TK - Je n'ai pas, j'ai de la difficulté à décrire cette couleur, je ne peux pas dire.

PD - Le sac dans lequel étaient mis les choses, est-ce que c’était un sac particulier, est-ce que
c’est un sac diplomatique? C'était...

JK - Non, c'était un sac particulier, ordinaire.

PD - Un sac ordinaire.



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JK - Il y a une partie, qui, je voulais pas dire dans les documents, qui a été remis, mais je vous
l'ai déjà dit, qui a été saisi par les militaires au Zaire, au Nord-Kivu. Donc je ne peux plus savoir
la destination. Donc une partie des documents que j’avais rassemblés ont été acheminés à Goma,
et le Général Kembele [phonetic] les a réquisitionnés, pour une destination inconnue.

PD - Est-ce que c’est une chose que vous pouvez nous faire une, une description sommaire, ou
une description euh... -

JK - I m'est difficile de dire, il y a... dans... il y avait tant de documents. Ce que je peux dire
est que les documents étaient classés en fonction de. .. de leur objet. Chaque ministère, les
documetns relatifs à chaque ministère étaient classés dans une farde. .. Si, par exemple, ça

concernait les militaires et la guerre, c'était classé dans la farde du Ministère de la Défense. Si ça
concernait la défense civile, ou le Ministère de l’Intérieur, ou les rapports des bourgmestres, ou des
préfets ou des informations concernant les, les communes et les bourgmestres, c'était classé dans une
farde du Ministère de l’Intérieur. Si ça concernait les Affaires Etrangères, c’était classé dans une
farde des affaires etrangères, et ainsi de suite. Si ça concernait l’activité politique, c'était classé dans
une farde où il était inscrit à l’extérieur, Partis politiques. Si ça devenait trop nom. . . trop large, je
pouvais séparer partis politiques, MDR, PL, PSD, en fonction de la taille de, des documents que
j'avais à conserver. Mais je ne peux pas donner la liste, existe-t-il, des, de tous les documents qui
étaient contenus dans cette malle, mais il y avait aussi, bien entendu, des archives, certains
documents qui m'’avaient été remis et qui étaient les journaux officiels.

PD - Mais ça concernait, ça peut concerner toutes les décisions du gouvernement pendant la...

TK - Toutes les décisions pendant la période, mais une partie, comme je l’ai dit, se trouve à
Goma, et une autre partie se trouve à Bukavu.

PD - La partie de Goma est sous le contrôle du. .. était sous le contrôle...

JK - Du Général Kembele.

PD -Ok. Comment en a-t-il pris possession?

JK - Quand, comme je fus le dernier, ou l’un des derniers, à quitter Gisenyi avant que le FPR
arrive, j'étais dans une voiture que j'ai fait passer par la frontière de Goma. Moi, j'ai pris
l’hélicoptère pour aller jusqu’à Cyangugu et dans cette voiture, 1l y avait, entre autres, un sac
contenant une partie des documents, et cette voiture a été remis pour conservation au Général
Kembele, qui l’a gardée pour lui, qui l’a confisquée, qui n’a pas voulu me la remettre, les documents
avec.

PD -Ok. La voiture, c'était quelle sorte de voiture?

JK - C'était une Daewoo.



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PD -Le type, est-ce que vous vous en souvenez?

JK - Il s'appelait Daewoo, je connais pas le type, , c’est, c’est la marque.
PD - Est-ce que c’est ‘d-a-1i-h-a-t.

JK - Je ne sais pas comment ça s'écrit, ça s'écrit. C’est une marque fe crois coréenne.
PD -Ok. Est-ce que c’est un camion, ça, est-ce que c’est...

JK - Non, c'était une voiture.

PD - Une automobile, euh, comme...

JK - Une voiture, oui.

PD - Ok. Puis, vous avez fait passer les, les documents dans ce...

JK - Dans cette voiture...

PD - Qui appartenait, est-ce que vous savez à qui elle appartenait?

JK - Elle appartenait au gouvernement.

PD - Au gouvernement, c’est une voiture gouvernementale.

JK - Et elle avait une plaque jaune.

PD - La plaque jaune, du Rwanda?
K - Oui.

PD - Vous n'avez pas mémoir du tout, de ce qu'était le numéro de la plaque? C’est beaucoup.
.… euh, la couleur de l’auto, c'était?

JK - Je n’ai pas, j'ai de la difficulté à décrire cette couleur, je ne peux pas dire.

PD - Le sac dans lequel étaient mis les choses, est-ce que c’était un sac particulier, est-ce que
c’est un sac diplomatique? C'était...

JK - Non, c'était un sac particulier, ordinaire.

PD - Un sac ordinaire.



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De:
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JK -Oui. n

PD - La dimension de ce sac-là?

JK - C'était un gros sac.

PD - La dimension, si on donne une idée de la dimension... -

K - Je ne dirais pas, je ne suis pas spécialiste des dimensions. C’était un gros sac.

PD - Un gros sac.

JK - Verte.

PD - Est-ce que quelqu’un pouvait le transporter seul, ou ça prenait deux personnes pour le
transporter”?

JK - Il était quand même lourd.

PD -]létait quand même lourd. Alors, ces papiers-là sont retrouvés dans les mains des gens du
Zaire.

JK - Oui.

PD -Et vous avez été incapable de les récupérer.

JK - Oui.

PD - On dit que ces papiers-là touchaient divers papiers gouvernementals, diverses décisions ou

diverses directives qui auraient pu être émises. Est-ce qu’il existe des duplicata de ça, ou des...
JK - ]l y a des, des documents qui pouvaient avoir des duplicata, mais il y avait aussi des
documents sur, disons, des informations confidentielles, personnelles qui ne pouvaient pas avoir des

duplicata.

PD - Ok. Est-ce que vous avez tenté ou de récupérer ça, vraiment là, ou si, quand vous êtes
arrivé devant le refus de ce monsieur-là, vous avez abandonné vos, vos demandes?

JK - J'ai utilisé tous les moyens qu’on pouvait utiliser dans ce pays pour les avoir, mais je ne,
je n'ai pas réussi.

PD - Est-ce que ça devait avoir beaucoup de valeur, ça?



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JK - Pour moi, ça avait beaucoup de valeur.

PD - Aujourd’hui pour euh, éclairer le Tribunal, est-ce que ça devait avoir beaucoup de valeur?
TK - Oui.

PD - Ça avait beaucoup de valeur. (Ça dirait vraiment ce qui s'est passé au niveau du
gouvernement?

JK - Juste en ce qui me concerne, j’essayais de noter tout ce que je faisais.

PD -Ok. Est-ce que vous croyez que ces documents-là existent toujours, vous?

JK - Je n’ai aucune idée.

PD - Aucune idée.

K - Je, je n’ai aucune idée. Depuis que je les ai donnés, je n’ai aucune idée.
PD - Est-ce qu’il y a d’autres personnes que vous qui ont tenté de les récupérer?
JK - Sauf mon garde du corps que j’ai envoyé une fois, mais qui, quand on le lui a refusé, c’est

là où je me suis investi moi-même à essayer de les récupérer, je ne me suis pas [inaudible]

PD - Est-ce que le, le monsieur-là qui les possédait, est-ce qu’il était conscient des documents
qu’il possédait?

TK - Je crois que ce qui l’intéressait, c’était la voiture, le reste, ça ne l’intéressait pas.

PD -Est-ce que...

MD - [inaudible] qu'il y avait des documents?

JK - Non... Mais il savait, puisqu'il avait ouvert le sac. C’est à dire qu’il a vu du papier. Mais

Je sais qu'il n'était pas intéressé par ces papiers, il était intéressé par la voiture, mais il ne pouvait
pas justifier le refus de la voiture en me donnant le sac [inaudible|

PD - Ça, ça concernait la, la demie, la demie, disons, qui est relative à Goma. ..
JK - Oui.
PD - On a une autre demie qui est relative à Bukavu.



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JK - Oui.

PD - Qui a été confié à Monsieur le Docteur Murego, pour qu'il le remette à, à l’évêque de
Bukavu.

JK - Oui.

PD - Monsieur Murego vous a confirmé que ces documents-là avaient été confiés?

JK - Oui.

PD -Est-ce que çaaété confié directement à Monseigneur, ou s’il y a eu une entremise entre les
deux ?

JK - Je ne peux pas savoir comment lui 1l s’est organisé pour les remettre. Je crois que c’est

plutôt par l'évêché, plutôt que... avec l’accord de l’évêque, mais plutôt à l’évêché et ne pas à la
personne même de l’évêque.

PD - Physiquement, ça, c'était, ce serait à l'évêché? Les documents devraient se retrouver à
l'évêché ? |

TK - C’est ce que je crois.

PD -C'est ce que vous croyez. Dans ce sac-là, ou dans cette malle-là qui est identifiée au nom
de votre dame et à votre nom, que pouvait-on y trouver ?

K - Les … les … les descriptions que j’ai notées.

PD -Les mêmes.

JK - Oui.

PD - Divisées en deux.

JK - Oui.

PD - Est-ce qu'il y avait une raison pour laquelle vous avez divisé ça en deux?

K - C'était pour répartir les documents, parce que j’ai, je ne savais pas ce que je perdrais, ce que

je garderais, mais il fallait répartir, garder un minimum. . . c'était pour répartir le risque.

PD - Est-ce que c'était ça, c'était les documents du gouvernement, ou c’était vos documents
personnels?



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JK - C'était des documents du gouvernement ainsi que mes documents personnels.
PD - À ce moment-là vous étiez comme l’archiviste du gouvernement?
JK - Non. Mes documents en tant que premier ministre...

PD - Oh oui, ça, ok. -

JK - Mais je n'avais pas les documents de tous, de tous les ministres. Comme premier ministre.
je reçois, je recevais des informations de tous les départements ministériels, c’est ça.

PD - Ok. Donc, toutes les informations finissaient par être centralisées à vous?

JK - Non, pas toutes les informations, il y avait des informations qui provenaient de tous, de tous
les départements ministériels.

PD -Ok.
MD - Vous notiez aussi, vous preniez des notes durant les conseils des ministres. ..
JK - Oui.

MD - Vous disiez que vous notiez tout ce qui se passait, et ça c'était aussi dans ces documents?
JK - Oui.

MD - Dans lesquels, dans ceux qui étaient, ceux qui étaient dans la malle, qui étaient dans la. .

JK - Une partie.

PD - C'était vraiment divisé en deux [inaudible]
JK - Non, j'ai, j'ai, j'ai pas, j’ai pas pris unique attention pour diviser en deux, mais...
PD - Non, mais c'était vraiment divisé en deux, 1l y avait une partie qu’on peut retrouver à

Goma, une partie qu’on peut retrouver à Bukavu.

JK - Oui.
PD -Ok...
MD - Le Docteur Murego, c’est une personne à qui vous aviez entièrement confiance?



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K - Oui.
MD - Et à quel moment il, vous a-t-1l confirmé que ça avait été fait?
JK - Quand je suis arrivé à Nairobi, il m'a écrit.

MD - Il était où, à ce moment? s

JK - Il était à Bukavu.

MD -Ilétait encore à Bukavu. Est-ce que vous croyez qu'il est toujours là?
JK - Ïl est porté disparu.

MD -Il est porté disparu?

JK - Il est pas, je n’ai pas de, plus d’informations, après les, les, les événements du Zaire, j’ai
pas eu de contact avec lui.

MD - Vous n'avez plus entendu parler de lui.
JK - Non.
MD - Quelles étaient ces directives, le, d’aller le, le, d’aller déposer la malle, et de, est-ce qu’il

a, est-ce qu'il pouvait y avoir accès, est-ce que vous lui avez, vous lui avez donné accès à cette, à
cette malle?

JK - Oui, puisque je lui avais laissé les clefs.

MD - Vous lui avez laissé les clefs.

JK - Oui.

MD - Parce que les clefs devaient, devaient rester avec la malle, ou il devait les garder, lui?
TK - Je n’ai pas donné de consignes pour la conservation des clefs.

MD - Est-ce qu’il savait ce que ça contenait?

JK - JI savait.

MD - Exactement.



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JK - Oui.
PD - Cette malle-là, est-ce que vous pouvez vous rappeler la couleur de la malle?

JK - Elle était bleue.

PD - Bleue”? °
JK - Oui.
PD - Est-ce que c’est des grosse malles [inaudible] pour le rangement, là, avec les, les, les

ferrures dorées dans les coins, là?
JK - C’est une très grosse malle.
PD -Ok.

MD - En métal”?

JK - En métal, oui.

MD - En métal.

PD - Jamais personne, après les événements du Zaire, ne vous a communiqué relativement à cette
malle, là, vous avez complètement perdu contact avec le...

JK - Oui.
PD -...1le contrôle de cette malle?
MD - Est-ce qu’il y avait d’autres personnes à l’évêché que vous pouviez connaître ou qu’on, qui,

euh. .. avec qui vous avez déjà eu des contacts.

TK - Moi, j'ai pas eu beaucoup de contacts avec d’autres personnes à l'évêché, j’avais juste vu
le, l’archevêque.

MD -L’archevêque lui-même. Est-ce que vous avez trouvé des personnes qui étaient autour de
lui, qui travaillaient pour lui?

JK - Non.

PD - D'autres choses?



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MD -Ça...C'était la même chose pour le téléphone satellitaire?

JK - Oui.

MD - C'était avec?

JK - Oui. °

PD - Prochaine chose, quand vous établissez la valeur à 50 000 dollars chacun, c’est, selon, selon
comment vous établissez ça?

JK - Qu'il y a, nous avions des factures.

PF - Selon les contrats que vous avez, que vous avez faits?

JK - Oui.

PD - Parce qu'on sait qu’aujourd’hui les prix ont beaucoup diminué, mais vous, vous référez à

l’époque, c’était l’époque où. ..

JK - Je sais effectivement que les prix ont fortement diminué. A titre d’exemple, le, le fax a été
acquis après, à environ 5 000 dollars.

PD -Ok...Y a-t-il d’autres choses?
MD - Non.
PD - Voulez-vous ajouter d’autres choses sur cette partie-là?

JK - Non, non.

PD - Ça vous amène, ça nous amène à votre passé personnel en 93, en 73, pardon.
JK - En 73.
PD -Oui. C’estça. Pavais dit que c’est en 93, mais c’est en 73, pardon. Est-ce que c’est une

manifestation spontanée, ça, ou est-ce que c'était quelque chose qui avait été, euh, qui avait été,
disons, mis en place, la manifestation de 73, est-ce que c’est quelque chose qui a monté, est-ce que
c'était le même principe qu’en 94, est-ce que c’était quelque chose que ça faisait longtemps, qui
germait, qui bouillonnait, qui était, qui était pour arriver ou c’est vraiment plus spontané, ce coup-là,
c’est vraiment quelque chose qui est survenu plus, de façon plus spontanée?

JK - Peut-être qu'il m'est difficile de faire une analyse comme Jje la fais aujourd’hui, euh,



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ï.

d’autant plus qu'à l’époque j'étais relativement plus jeune pour comprendre.
PD -Oui.
JK - Mais, ça me surprendrait que ce soit spontané, si on regarde, je ne sais pas, j’ai fait exprès

pour vous donner mon constat personnel, le fait qu’on m’ait convoqué à la commune avec mon père
pour vérifier mon identité, ce n’était quand même pas si spontané que ça”

PD -Ok.
MD -]I] y avait une raison à faire ça.
TK - [l'y avait une raison dont moi je ne comprenais pourquoi on m’appelait avec mon père pour

passer devant des messieurs qui, qui me demandaient si j’étais vraiment hutu.

MD - Mais ces messieurs-là étaient qui?

JK - C'était des autorités. Je ne me rappelle plus de qui.

PD -En 1973, est-ce qu'on, est-ce que c’était des autorités communales, ou ce sont [inaudible]
JK - 1] y avait, il y avait un sous-préfet, il y avait, ou un préfet, je crois même pas que, à l’époque

il y avait des, des mais pas encore de sous-préfet, mais je ne m’en rappelle plus, mais il y avait une
autorité qui était venu de la préfecture, et puis il y avait le conseil communal, et le bourgmestre. .
PD - C'était à peu près sensiblement les mêmes institutions qu’on retrouve aujourd’hui?

JK - Presque.

PD -Ok. Puis là on fait, on vous a fait parader devant le...

JK - Qu'on a, qu’on a appelé tous, tous les enfants qui terminaient, ce qu’on appelait le tronc
communal à l’époque, et on nous a dit de venir avec nos parents, et on nous a appelé un à un à passer

devant le conseil communal. Ils nous posaient certaines questions, nous on ne savait pas pourquoi.
On nous demandait les sections que nous avions choisies etc.

MD -Bon...
JK - Et puis...
MD - On établissait ça à ce moment-là.



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TK - On nous posait des questions.
MD - Les sections que vous aviez choisies.
JK - On nous posait des questions sur les sections, on, ils avaient même des bulletins, pour voir

nos résultats, [inaudible] certains ont rentré, puis on a attendu la proclamation pour la fin du mois
de, de décembre. -

MD - Est-ce que des autorités scolaires étaient impliqués dans le, dans dans ce processus”?
JK - Quel processus?
MD - Le dans, les, les, quand on servait à compter, quand ils vous recontraient pour établir, qu’on

vérifiait vos euh, vos bulletins, tout ça, les notes et votre identité?
JK - C'était des autorités politiques qui faisaient ça.

MD - Politiques seulement, mais, euh, ils étaient seuls, les autorités scolaires n’étaient, ne
participaient pas.

TK - Non.

MD - Ah, c'est là, c’est le temps qu’ils décidaient de la section dans laquelle vous, vous étiez
assigné.

JK - Là, je ne peux pas confirmer ça, mais j’imagine que c’est, qu’ils ont qu’ils ont profité pour

faire des propositions, ou des décisions.

MD - Est-ce que vous vous souvenez comment ça s’est passé dans votre cas?
TK - Oui.
MD - Est-ce que les sections que vous aviez choisies sont, étaient les sections qui vous ont été

assignées, où vous avez eu accès?

JK - Une des sections, mais ce n’était pas celle que je souhaitais le plus, mais je, j'avais à
l’époque de bons résultats qui m’ont permis d’entrer dans n’importe quelle section, mais celle qu’on
m'a donnée ne correspondait pas à mon premier choix.

MD -...0k. Vous dites, les, vos résultats, ils pouvaient influencer votre assignation. .. C’est
à ce moment-là que vous aviez senti une tension, que la tension, euh. . . que la tension, là, était, était,
était, palpable, à ce moment-là.



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f46261
JK - Non, c’est pas à ce moment-là, puisque j’ai dit, ça c’était la deuxième fois, parce que la
première fois, il y a eu des tensions dans une école voisine de la mienne, et, janvier en vacances j’ai
eu cette visite, donc c’est pas à ce moment-là que j’ai eu la, les, la tension, parce que c’était des
[inaudible] que j'avais déjà vu ou entendu dans une école voisine.

MD - Mais quand vous êtes rentré à Butare en 73...

JK - Oui.

MD - au groupe scolaire...

JK - Oui, mais ça, c’est après, c’est la troisième étape.

MD - C’est la troisième étape.

TK - Oui.

MD _- Dans l’autre groupe scolaire il venait d’arriver un important groupe de réfugiés hutu du

Burundi. Même le directeur de cet institut, un Belge, venait de se faire expulser de ce pays. Un
hunbh, en février 73, les étudiants tutsi de l’'UNR et de l’IPN se virent chasser par leurs collègues
hutu, mouvement qui sera suivi par notre institut. Est-ce que ça s’est répandu, c’est, c’est un
mouvement qui s’est répandu à traver le pays?

JK - Oui.

MD - Alors, ces expulsions se sont produit dans toutes les écoles.

JK - Pratiquement.

MD - Vous avez vu ça comment? Ça se faisait. . .Est-ce que c’était quelque chose qui était

discuté, qui était publicisé, que, bon, qu’on parlait à la radio?

JK - Oui, on en a parlé à la radio, de, le gouvernement envoyait des ministres pour venir, euh,
P Y

pacifier, comme ils appelaient ça, pour nous dire, aux étudiants qui, qu’il n’est pas bon, qui, qu'ils,

de chasser leurs collègues, quelque chose comme ça.

MD _- Donc, le gouvernement s'était, a pris certaines mesures pour euh arrêter cette, cette chose-
là. Est-ce que ça a eu de l’effet, ou ?

JK - Non, ça n’a rien eu.

MD -Çan'’arieneu.



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JK - Non.

MD - Qu'est-ce... qu'est-ce qu’a été le raisonnement ? Pourquoi on faisait ça? Vous là, dans
votre cas, là, qu'est-ce qui s’est produit chez vous, là? Euh, quelle sorte, comment avez-vous été
impliqué là-dedans ?

JK - En ce qui me concerne, dans ce qui me concerne à cette époque; on a fait comme tout le
monde, le monde ne savait pas pourquoi.

MD - Vous ne saviez pas pourquoi? Mais il était clair, c’était des, des Tutsis, on est, dans le
temps vous identifiiez les Tutsis comme étant des ennemis?

K - Je ne sais pas si on les identifiait comme des ennemis comme tel, on a dit à l’université, ils
ont chassé les Tutsis, à l'IPN ils ont chassé les Tutsis, c’était des, des supérieurs, qui sont beaucoup
supérieurs, ils sont venus il étaient venus de l’IPN pour nous demander de les chasser, on les a
chassés.

MD - Sans chercher à comprendre pourquoi. Est-ce que, est-ce que dans le, dans vos relations,
est-ce que vous dans vos relations personnelles, de ce que, est-ce qu'il y avait des accrochages, est-ce
qu'il y avait...

JK - Moi, je n’en avais pas.
MD - Vous vous en aviez pas. Est-ce que vous aviez dans vos amis des, des [inaudible]
JK - [inaudible] à la personne que, que, une des personnes que, qu’on a mises à la porte, moi j'ai

appris ça [inaudible] je suis entré avec [inaudible] jusque chez elle.

MD - Ça vous faisait pas peur ?
JK - Non.
MD _- Est-ce qu'il y a eu, est-ce qu’il y a eu du, de la violence? Est-ce que c’est, ces expulsions

ont été accompagnées de violence”?

TK - Ah, des, parce que si on parle de violence, on va comparer à 93, ça n’a rien à voir avec ce
qui était en 93 mais il y avait quand même...

MD - Non, non, on les forçait, on les chassait, moi, je parle de violence, on est en train de les
chassait avec force, vous pouvez …

JK - Non, je crois que c’est plus par mégaphone qu’on leur a dit de partir, maïs il y a eu quelques
cas de violence qui ont été rapportés, où des gens se sont fait battre...



T2K7-20 November 18, 1997 (10:37am) 15
KL LG T767

PD - Vous parlez de votre région à vous?

JK - Oui.

PD - On sait que dans d’autres régions, vous mentionnez, qu’il y a eu des morts.
JK - Out. s

PD -Ça. c'est où, c’est dans quelle région, ça?

JK - On m'a parlé de Kibuye.

PD -Ok. C’est la seule région où vous identifiez à ce jour comme. ..

JK - Non, c’est pas à ce jour, c’est la région de, où on m’a dit qu’il y a eu des morts.
PD - À cette, à cette époque...

JK - Il y enaeu.

PD -]Il peut y en avoir eu ailleurs. . . Ça, ça avait précédé la mise en place du coup d’état de
Monsieur, euh, le Président Habyarimana.

JK - Oui.

PD - Suite à la mise en place de son régime, après son coup d’état, est-ce que cette situation-là
a cessé?

JK - Elle a cessé immédiatement. Du jour au lendemain elle a cessé.

PD - Comment a-t-il fait pour faire cesser ce, savez-vous, est-ce qu’il a pris des mesures dans
le sens...

JK - Il n'a pas pris de mesures particulières, mais dès qu’il a fait le coup d’état, ces événements

ont cessé immédiatement.

PD - Alors cette période de troubles étudiants, et aussi on pourrait dire, civils, parce qu’on, on
mettait des, des noms des gens, des fonctionnaires, que les civils, ont précédé la mise en place d’un
coup d'état...

JK - Oui.

PD -]Ilya eu un coup d'état. Fini, fini : on n’en parle plus.



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JK - On n’en parle plus.

PD - Les, les citoyens tutsi à ce moment-là peuvent reprendre leur, euh, leur places ?
JK - Lui, il s’est montré comme le sauveur...

PD -Mm hmm. -

JK - Il, euh, je crois que les Tutsi les considéraient comme tel, jusqu’à la veille de 90, comme
la personne qui les a sauvés du, des massacres de 73. Les troubles sont [inaudible]

PD - Là. il faut faire attention, les massacres de 73, est-ce que ça veut dire à ce moment-là qu'il
y a eu beaucoup de, de personnes...

JK - I] y a eu des massacres ou bien. . . il y a eu des massacres de toute façon dans les régions
que j’ai [inaudible]. Il y a eu également le fait de chasser les gens des mêmes endroits, le fait qu’il
y ait eu des réfugiés, c’est comme des événements, on les appelait les événements de 73, c’est le
terme qu'on a toujours utilisé, mais plutôt que, par déformation on dit massacres, puisqu’on était
moins habitué à en parler, donc euh...

PD - Est-ce que cette situation de, de 73 est marginale comparée à celle de 90-94, celle de 94
précisément?

JK - Elle est marginale.

PD -Gk.

JK - C’est marginal.

PD - C'est pas une situation comparable.

JK - C’est pas une situation comparable, si on regarde les effets sur les massacres, ou sur les

Belges, ou sur les, les [inaudible] politiques, on peut trouver quand même des ressemblances.
PD -Ok. Les conséquences étaient pas les mêmes, étaient pas... On va retourner le ruban tout
de suite et on va poursuivre de l’autre côté, à moins que vous ayez besoin de vous absenter. Il est

12 h 27.

Fin de la face A de la cassette 20.

Face B :



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h. 48267
PD - Toujours 12 h 27, 28, selon, on a changé le ruban, on poursuit. Il faut voir là-dedans que

c’est une explication que vous tenez à nous donner pour, euh, expliquer que les situations qui ont
été vécues en, en 94 sont des situations qui ont pu déjà exister dans le passé?

JK - Oui.

PD - Parce ça n’a pas, vous voyez pas de lien, vous, entre 1973 et 1994 ?

JK - J'ai pas dit que je ne voyais pas de lien.

PD - Est-ce que vous en voyez un de lien, ou est-ce que vous suivez le lien vraiment dans

l’histoire vraiment où vous dites...

JK - Oui, moi je vois un lien.

PD - Vous voyez des liens. Quels liens voyez-vous ?

JK - Je le... je viens de vous en donner un, le fait que, avant le coup d’état, il y ait eu des
troubles. ..

PD - Mm hmm.

JK - ... et que. après le coup, avec le coup d’état, ça s’arrête subitement sans une mesure,
disons. précise ou draconienne. . . on n’a pas été, on n’a pas été obligé de mettre les gens en prison,
on n'a pas été obligé de, de, de prendre des mesures connues pour que ça s’arrête, ça s’est arrêté.
Ça me laisse penser que la personne qui a fait le coup d’état pouvait avoir un contrôle sur les
personnes qui faisaient les troubles. Et cette, cette déduction-là n’est pas seulement de moi-même,
c’est une déduction que d’autres aussi ont pu tirer, et moi je me suis mis à poser des questions sur
certaines personnes qui étaient présentes à cette époque. Donc j’ai dû rencontrer un ancien ministre,
de l’époque, qui était le ministre de l’Intérieur et qui, qui était assez proche du Président
Habyarimana, et qui a été reconduit après dans son gouvernement pour qu’il m'explique un peu cette
période de charnières entre les deux régimes.

PD - Ok. Quelle fut son explication ?

JK - Donc. lui il m'a dit, que dans un premier temps, il avait eu l’impression que les gens qui
étaient à l’origine des troubles étaient des personnes proches du régime du Président Kayibanda.
Kayibanda, le, le, le prédécesseur du Président Habyarimana.

PD - Mm hmm. Mm hmm.

JK - Et que. lui. en tant que ministre de l’Intérieur, il avait même fait des, des, des observations,
des constations qu'effectivement des, des proches du Président Kayibanda étaient, avaient organisé,



T2K7-20 November 18, 1997 (10:37am) 18
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avaient participé à, à ces actions de 73. Lui, en tant que ministre de l’Intérieur, il avait vu ça. Mais
par après, au cours du deuxième république, quand le Président Habyarimana a, a , a pris le pouvoir,
il a eu des témoignages qui lui ont confirmé que c'était faux, que ce n’était pas, que les gens du
régime du Président Kayibanda avaient été utilisés, mais que le cerveau, les gens qui avaient pensé
les massacres, étaient les mêmes qui avaient fait le coup d’état.

PD -Ok. °

JK - Et cette personne-là m'a fait son témoignage, et, donc, il fallait justifier le coup d’état. Et
pour le justifier, il fallait que, qu’on se présente comme un rédempteur, une personne qui vient
sauver une situation catastrophique et c’est ce qu'a fait le Président Kayibanda, ou le Président
Habyarimana. et c’est surtout, ça va lui donner un thème de mobilisation de la population. L’unité,
la paix, ce, c'était ça, ça, disons, son thème de mobilisation, disons, sans moi vous seriez dans la
guerre, sans moi vous n'auriez pas la paix, et il a, a ajouté bien sûr le troisième qui était le
regroupement. Bon, alors, cette personne-là, en discutant avec elle, et en nous rendant en 1990, on
retrouve pratiquement les mêmes situations. Il y a de nouveau une guerre, ça concerne de nouveau
les Tutsi, on ne peut pas dire qu'il n’y a aucun lien entre ce qui s’est passé en 73, puisque ce sont les
mêmes thèmes qui reviennent. C’est toujours la lutte entre les Hutu et les Tutsi. Cette fois-là, ce
n’est, il ne s’agit plus de les chasser de l’école, mais il s’agit de les massacrer, de les éliminer. Est-
ce qu'il n’y aurait pas eu un autre rédempteur, ou un autre sauveur qui vient, qui serait venu à une
autre époque pour dire, je reviens, ou je suis là, je viens de sauver encore la population. C’est ça le
lien que je fais.

MD - C'était pas aussi, aussi facile, par contre, il faut bien, il faut bien reconnaître...
JK - Oui, mais les, les, les, les situations étant, ayant changé, les données ayant changé, mais ça

n'empêche pas que si on raisonne, ou on fait un raisonnement purement scientifique, on puisse faire
quand même un lien entre les deux.

MD - Que faisait Habyarimana avant son coup d’état?

JK - Il était ministre de la Défense.

MD -Ilétait ministre de la Défense.

JK - Oui.

MD - Est-ce qu'il était très influent dans le, le gouvernement?

JK - Ministre de la Défense, chef d’état-major, comment voulez-vous qu’il ne soit pas influent?
PD - C'est le ministre numéro un au gouvernement...



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HT
Fr
on
RO
a
ES

Le
+
ri

MD - Parce que, parce que tout à l’heure, parce qu’on a. ..
JK - C’est en tout cas au niveau des budgets, c’est lui qui avait le plus grand budget
MD - Oui. Est-ce qu’il aurait été en mesure, parce que, on voit que, que vous avez fait ça de

travers, que tout à coup il arrive, élu, là, il a le pouvoir de tout arranger...

TK - Oui.

MD -...Eton a même, on a laissé entendre que peut-être que justement qu’il avait préparé son
lit, qu'il a fait tout que, les événements, les événements, euh, étaient contrôlés par quelqu'un, les
événements-là qui ont eu lieu a été contrôlé par quelqu'un...

TK - Oui.

MD - Est-ce qu’il a eu le pouvoir de faire ça, même s’il a, même comme ministre? Est-ce qu’il
était assez proche, qu'il arrive que lui tout à coup, que lui, d’un coup il pouvait faire tout ça?

JK - Je ne vois pas ce qui l’aurait empêché de l’avoir. Il était en même temps chef d’état-major
et en même temps ministre de la Défense, on gardait une main sur une armée qu’il avait lui-même
créée, parce que il fut le premier chef d'état-major.

MD -Tlétait le premier...

JK - Chef d’état-major.

MD - Chef d'état-major.

JK - Oui. Donc toute l’armée a été créée par lui.

MD -Parlui. Alors on peut supposer qu'il y avait un contrôle dessus, un contrôle...

JK - Non, on ne suppose pas, c’est sûr qu’il avait un contrôle sur...

MD - C'est sûr qu’il avait un contrôle sur lui. Est-ce que les militaires avaient joué un rôle en 73?
JK - Ils avaient joué un rôle.

MD - Quel rôle?
JK - Ils ont aidé à faire le coup d'état.

MD - Non, mais je parle d’avant, là, avant le coup d’état, quand, dans la préparation, là, des



T2K7-20 November 18, 1997 (10:37am) 20
à
O2
RO
CN

XD

événements-là avec les petits, les euh...

JK - Is ont pu jouer un rôle dans la mesure où le gouvernement en place avait pris des mesures
je dirais de circuler contre eux parce qu’ils avaient été retirés et nommés dans des fonctions un peu
bizarres, du genre directeur d’une école secondaire, directeur d’une usine à thé, donc c’est pour nous
à l’extérieur, on savait qu'il ne sortait, qu’il y avait quelque chose [inaudible] qui n’allait pas. Si
vous prenez un colonel que vous aurez nommé directeur d’une école secondaire, c’est qu’il y a un
problème, même, même si on est jeune pour comprendre, mais on, on, on est quand même frappé
par le fait que le Colonel deviendrait directeur d’une école secondaire, ou qu’il deviendrait directeur
d’une usine à thé, ou qu’il ait tout simplement mis à soulever, une résidence se levait chez lui.

PD - Ok. Le comité de salut, est-ce que c’est quelque chose qu’on reverra, ça?
JK - On ne le reverra pas.
PD -[inaudible] ce vocable-là

JK - Ce vocable-là, on ne le reverra pas, mais c’est, les personnes, les messieurs, qui étaient
membres de ce comité...

PD - Est-ce la même, la même mesure a existé en 90, dans les années 90.
JK - Le comité du salut?
PD - Oui, genre. . . des listes de nominations, ceux-là, on doit les tasser, on doit les, les on doit

pas. on doit, on doit faire sortir ces gens-là ou les expulser..….
JK - Ça n’a pas existé.

PD - Ça n’a pas existé, le même forme de listes. Le nom du ministre, l’ancien ministre qui vous
a, qui vous a informé de ça?

TK - Il s’appelle André Sebatware [phonetic].
PD - Qui est Monsieur, qui est à quel endroit, le Monsieur [inaudible]

JK - Qui est à Nairobi.

PD - Qui est à Nairobi. Ok, on, je vais revenir, est-ce que tu as fini avec ça, Marcel ?
MD - Oui.
PD - Je vais revenir à, au paragraphe précédent, là qui était mon moindre inclus.



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JK - Oui.

PD - Vous vous rappelez? On disait que c’était les militaires qui étaient responsables, et puis
là j’arrivais avec mon, ma chose de moindre inclus. On incluait le comité militaire de crise dans les
militaires.

JK - Oui. -

PD - Comme ils sont supérieurs aux partis politiques. ..

JK -Oui.

PD -Ils contrôlent donc aussi les partis politiques.

JK - Oui.

PD -Ils contrôlent le gouvernement.

JK - Oui.

PD - A ce moment-là, il n’y a pas de gouvernement, par exemple, on est dans une période de

flotte, de flottement, où justement le comité militaire de crise prend place du gouvernement. Mais
quand vous dites militaires responsables, c’est des gens qui étaient décisionnaires à ce moment-là.

JK - Oui.
PD - Comité militaire de crise...
JK - L’état-major.

PD - L’état-major, les partis politiques.

JK - Oui.

PD - À tout le moins, ceux-là sont inclus dans le...

JK - Oui.

PD - Est-ce que on peut descendre jusqu’au préfet?

JK - Non.

PD - C’est pas quelque chose, il n’était consulté à ce moment-là?



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2
nu
EX
Re
3
Si

JK - Non.
PD - Vous ne croyez pas que...
JK - Je ne crois pas que les préfets aient été, même s'ils ont été consultés, ça serait par

[inaudible] l’armée ou par les partis politiques, mais que les préfets aient pris l’initiative d’eux-
mêmes... s

PD - Est-ce que vous croyez qu’ils ont pris part à ces décisions-là ou si...
JK - Je n’ai aucune information là-dessus.
PD - Vous n’avez aucune information. Alors votre noyau, qu’on a inclus dans les militaires, on

va inclure les forces armées, les dirigeants des forces armées, l’état-major. .….

JK - Oui.
PD - Le comité militaire de crise.
JK - Oui.

PD - Les partis politiques.

JK - Oui.

PD - Ce sont eux qu'on entend par responsabilité militaire.

JK - Oui.

PD - Est-ce que vous avez autre chose, Marcel, que tu aimerais toucher, toi?

MD - Non... Non, c'est ça qu’on a vérifié, là, avec la venue d’Habayarimana après le coup

d'état, c’est tout, tout est rentré dans [inaudible]
JK - Oui.

MD - Et, est-ce que, est-ce que vous avez continué à sentir la tension ethnique entre les deux
groupes ethniques?

JK - Non, il n’y avait pas de tension entre les deux groupes ethniques. Moi, les, jusqu’en 89-90,
il n’y avait aucune, je ne sentais aucune tension entre les deux groupes ethniques.

MD - Mais comment expliquez-vous que tout à coup, avant, il y a des tensions ethniques, on



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489071

iù 3 £

mettait tout le monde dehors, et puis tout à coup après, on redevient amis, là, on devient. . . il n'y
a plus de problème. |

JK - Je ne peux pas expliquer. . . C’est que... les tensions étaient cultivées, donc, si, si, si c’est
comme ça, c'était, ce n’est pas dans les coeurs, c’est pas en profondeur, c’est, c’est que c’est, c'était
coupant {inaudible] ou il a attisé puis quand l’élément qui attise n’est plus là, des gens vivent de
nouveau normalement entre eux. -

PD -C'’est des problèmes artificiels?

JK - Oui.
PD - Créés.
JK - Oui.

MD - C'est tout.

PD - C’est tout”?

JK - Oui.

PD - Voulez-vous ajouter d’autre chose?

JK - Non.

PD - Sur les conversations qu’on a eues aujourd’hui, ou auparavant?
JK - Non.

PD - On va terminer, il est 12 h 38, le 27 septembre, samedi le 27 septembre 97. Merci.

Fin de la face B de la cassette 20.



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