Fiche du document numéro 27219

Num
27219
Date
Mardi 4 juin 2013
Amj
Auteur
Auteur
Fichier
Taille
141453
Titre
Réponse à l’article de Bruno Boudiguet paru dans Golias Hebdo du 4 avril 2013 et évoquant la participation de soldats français au massacre du 13 mai 1994 à Bisesero
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Mot-clé
Résumé
Right of reply from Jacques Morel and Eric Nzabihimana following the article by Bruno Boudiguet published in Golias Hebdo on April 4, 2013 and evoking the participation of French soldiers in the massacre of May 13, 1994 in Bisesero.
Type
Lettre
Langue
FR
Citation
1 Déclaration d’Eric Nzabihimana
Je n’ai pas eu l’intention de dire que les militaires français n’étaient pas là le 13 mai,
parce que je n’avais pas intérêt à cacher ça si c’était vrai.
Moi, je raconte ce que j’ai vu et quelques fois entendu. Je ne mets aucune pression à
quiconque qui dit ce qu’il a vu ou entendu.
Alors, il faudrait se demander pourquoi certains rescapés de Bisesero, très peu d’ailleurs,
ont dû attendre plus de 10 ans pour raconter qu’ils ont vu des militaires français le 13
mai.
Je n’ai fait aucune mauvaise traduction à qui que ce soit. Les propos ou les témoignages
de Gudelieve sont presque toujours contradictoires. Elle a perdu sa famille, elle est
traumatisée. Elle est perturbée à tel point qu’elle ne parvient pas à situer dans le temps
les événements tragiques qu’elle a connus.
Je ne peux être à la fois un témoin à charge et à décharge. J’ai redemandé à Adrien
Harelimana, un témoin de Farnel, s’il avait vu les militaires français le 13 mai. Il a dit :
« Non. Je l’ai dit parce que les Interahamwe de Mubuga le disaient. » En plus, il a dit à
la commission Mucyo qu’il a rencontré les militaires français pour la première fois le 27
juin.
L’attaque du 13 mai nous a tous surpris, beaucoup étaient rentrés cultiver chez eux.
Ça faisait plus d’une semaine que les attaques ne venaient pas. Et on a vu le matin du
13 les tueurs qui venaient de partout et qui ont commencé à tuer les gens. C’étaient des
Interahamwe, des militaires, des policiers, des gardiens de prison. Ils avaient des armes
à feu et des armes blanches. Les Interahamwe venaient de Ruhengeri, de Gisenyi, de
Cyangugu et bien sûr de Kibuye. On l’a su. Si des militaires français avaient été là, on
l’aurait su.
Pourquoi ce ne sont que les génocidaires de Mubuga qui le disent ? Dans les Gacaca, on
n’a jamais parlé de militaires français au mois de mai. Il faudrait mener d’autres enquêtes
pour être sûr qu’ils étaient là.
1
2 DÉCLARATION DE JACQUES MOREL 2
2 Déclaration de Jacques Morel
Bruno Boudiguet, éditeur du livre de Serge Farnel « Rwanda, 13 mai 1994, Un massacre
français ? », utilise le canal de Golias-Hebdo pour mettre en doute l’honnêteté d’Eric
Nzabihimana, le rescapé de Bisesero qui arrêta le 27 juin 1994 le groupe de reconnaissance
dirigé par le lieutenant-colonel Duval, alias Diego. Eric a déposé plainte contre l’armée
française car cet officier a refusé de les secourir alors qu’ils étaient traqués par des militaires
rwandais et des miliciens. Ce n’est que trois jours après que, suite à l’intervention
de journalistes, des militaires français se sont décidés à porter secours à ces survivants qui
résistaient depuis trois mois à leurs assassins.
Après que Serge Farnel ait fait paraître en février 2010 dans le Wall Street Journal un
article révélant la participation de soldats français au massacre du 13 mai 1994 à Bisesero,
je suis allé entendre deux de ses témoins. Seul Sylvère Nyakahiro m’a répété avoir vu des
Blancs. Gudelieve Mukanganije, extrêmement traumatisée par la perte des siens, était en
pleine confusion. Eric Nzabihimana n’a cessé de me répéter « si c’était vrai on l’aurait
su ». J’y suis retourné en octobre 2011. Aucun rescapé, dont Gudelieve, n’a confirmé
cette présence de militaires français à Bisesero avant l’opération Turquoise. L’interprète
de Serge Farnel lors de la venue de la journaliste étatsunienne estime que c’est un épisode
« non encore historiquement confirmé ».
Du côté des rescapés, la principale informatrice a témoigné dans l’enquête d’African
Rights publiée en 1998 et ne dit pas avoir vu des Français dans la période 12-14 mai 1994.
Un rescapé qui affirme à Farnel en avoir vu le 12 mai, déclare à la commission Mucyo qu’il
n’en a pas vu avant le 27 juin. Du côté des tueurs, le principal informateur a été entendu
par cette commission chargée d’enquêter sur l’implication de la France dans le génocide.
Il n’a pas parlé de la participation de Français aux massacres des 13 et 14 mai à Bisesero.
La lecture des témoignages présentés dans le livre révèle que les rescapés qui affirment
avoir vu des Français sont manipulés par l’enquêteur. Au mieux, ils disent avoir vu des
Blancs. Mais comment ont-ils pu en reconnaître alors qu’on lit qu’ils s’étaient noirci le
visage avec de la suie ? Emporté par sa volonté de convaincre, l’auteur dérape complètement
en assimilant ses témoins, tueurs et rescapés mélangés, aux rescapés de la Shoah
dont les récits laissaient incrédule.
Serge Farnel a été envoyé au Rwanda par la « Metula News Agency », une agence de
presse liée à l’armée israélienne qui s’attache à démontrer que celle-ci n’a jamais commis
d’horreurs analogues à celles commises par les militaires français au Rwanda. Il fait partie
de ceux qui poursuivent le journaliste Charles Enderlin de France 2 et accusent d’avoir fait
un montage sur la mort de Mohamed Al-Dura. Il ferait mieux d’exercer son esprit critique
sur les preuves qu’il allègue. Celles ci ne font que servir à la défense des militaires français,
responsables de massacres accomplis sous leurs yeux durant l’opération Turquoise, en
décrédibilisant la parole des rescapés.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024