Fiche du document numéro 27774

Num
27774
Date
Mardi 9 février 2021
Amj
Auteur
Fichier
Taille
213967
Surtitre
Rwanda
Titre
Les archives de l’Elysée, déclassifiées, parlent enfin
Soustitre
Enfin accessibles aux chercheurs et historiens, les archives de l’Elysée sur le Rwanda révèlent la profondeur de l’implication française et mettent en cause Hubert Védrine.
Nom cité
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Mot-clé
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
La recherche de la vérité sur le rôle
de la France au Rwanda en 1994
et durant les années qui ont précédé
le génocide est comme une table gigogne
: à peine certains éléments sont-ils
enfin, après 26 ans, considérés pour
acquis que s’ouvrent de nouvelles polémiques.
Qu’on en juge : une commission
d’enquête composée d’historiens et présidée
par Vincent Duclert, chercheur à
Sciences Po et spécialiste d’Albert Camus,
a obtenu l’accès à toutes les archives
de l’Elysée enfin déclassifiées.
Elle devrait déposer ses conclusions
d’ici le 2 avril, date prévue pour un
voyage à Kigali du président Macron.
Entre-temps, le chercheur indépendant
François Graner, après avoir essuyé un
premier refus, a obtenu gain de cause
auprès du Conseil d’Etat qui l’a autorisé
à consulter les documents déposés aux
Archives nationales par François Mitterrand
et ses principaux collaborateurs
de l’époque, dont Hubert Védrine qui
était son secrétaire particulier, et Bruno
Delhaye, conseiller de l’Elysée pour les
affaires africaines et décédé depuis lors.
(1)
De ces documents, il apparaît que
l’Elysée, soucieux de défendre un « bastion
francophone » contre les « Anglo-
Saxons » n’a jamais cessé de soutenir le
régime Habyarimana, en dépit de tous
les avertissements émanant entre autres
de la DGSE, les services de renseignement
français. Après le début du génocide,
Paris a maintenu son appui aux extrémistes
hutus et en particulier au
« gouvernement intérimaire », constitué
dans l’enceinte de l’ambassade de
France au lendemain de l’attentat et qui
a dirigé les tueries visant à exterminer
les Tutsis du Rwanda.
Enfin exhumés de « tiroirs » aussi
profonds que la raison d’Etat, des dossiers
accablants reviennent au jour,
comme le refus de paralyser la radio des
Mille Collines alors qu’elle appelait au
crime, le refus d’arrêter des ministres du
gouvernement intérimaire hutu – la tête
pensante du génocide – alors qu’en août
1994 ils se trouvaient encore dans la
« zone Turquoise » contrôlée par l’armée
française. Au lieu d’être neutralisés,
ces dignitaires du régime déchu furent
dirigés vers le Kivu, entraînant avec eux
une armée vaincue emmenant toutes
ses armes et plus d’un million et demi de
réfugiés. Installés dans des camps le
long de la frontière entre le Kivu et le
Rwanda, ces réfugiés soudain transformés
en victimes bénéficièrent de l’aide
internationale alors que la veille encore
ils massacraient leurs voisins tutsis.
Le soutien français aux génocidaires
ne s’arrêta pas à l’été 1994 : il se poursuivit
dans les camps de réfugiés, et lorsque
Kigali, deux ans plus tard, décida de
monter une armée chargée de disloquer
les camps et de forcer le retour au pays
de la plupart des réfugiés, une nouvelle
rhétorique apparut, celle d’un
« deuxième génocide » qui aurait été
commis dans les forêts du Congo, contre
les Hutus cette fois, par l’armée de Paul
Kagame et ses alliés congolais parmi
lesquels Joseph Kabila…
La même conclusion
Au fil du temps, de nombreux ouvrages,
sous la plume de Pierre Péan, Charles
Onana, Judi Rever et bien d’autres ont
été publiés, s’ajoutant à des témoignages
de réfugiés hutus. Tous ont
convergé vers la même conclusion, qui
enflamma une opinion publique congolaise
indignée par les massacres bien
réels commis à l’est du pays : non seulement
les troupes de Kagame auraient
commis un deuxième génocide dans les
forêts du Kivu, mais au Rwanda même,
elles auraient tenté de faire « place
nette » au bénéfice des Tutsis réfugiés
en Ouganda et désireux de se réinstaller
dans le pays dont leurs parents avaient
été chassés. Bien souvent évoqué, mais
jamais publié officiellement, un document
des Nations unies, le « rapport
Mapping », a tenté voici dix ans de documenter
une décennie de violences au
Congo de 1993 jusque 2003, et il est
souvent évoqué par les tenants du
« deuxième génocide ».
A l’instar de François Graner, le chercheur
indépendant qui s’est engagé dans
le labyrinthe des archives de l’Elysée, un
journaliste, tout aussi indépendant, Patrick
de Saint-Exupéry, s’est lancé, lui,
sur les pistes traversant la forêt congolaise,
de Bukavu jusque Mbandaka,
pour y rechercher les traces de ce « génocide
oublié » en interrogeant la mémoire
des derniers témoins (lire ci-contre).
(1) François Graner avec Raphaël Doridant, L’Etat
français et le génocide des Tutsis au Rwanda,
éditions Tribord, 2020
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