Fiche du document numéro 29623

Num
29623
Date
Mardi 15 février 2022
Amj
Auteur
Fichier
Taille
15568
Titre
Quand la vérité judiciaire ébranle la pyramide du mensonge
Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Etrange conclusion que celle d’une affaire qui aura empoisonné les relations entre la France et le Rwanda pendant 28 ans : à Paris, la Cour de cassation a débouté les plaignants qui souhaitaient revenir sur un précédent non-lieu et ont tenté jusqu’au bout d’incriminer le Front patriotique rwandais dans l’attentat contre l’avion présidentiel. Il ne s’agit pas d’un « simple » litige judiciaire mais de la légitimité d’un régime qui, après avoir mis fin au génocide, a dû entreprendre de reconstruire le Rwanda et d’établir de nouvelles règles du « vivre ensemble » dans un pays où une partie de la population avait tenté d’exterminer l’autre et y avait en partie réussi.

On pourrait espérer que la conclusion du tribunal mette fin à une autre guerre qui, elle, ne s’est jamais terminée. Elle s’est jouée dans les esprits et les cœurs des Rwandais ainsi que dans toute la sous-région, principalement au Congo, le pays voisin qui paya de deux guerres le fait d’avoir accueilli les réfugiés précipités de l’autre côté de la frontière à l’occasion de l’Opération Turquoise. Force est cependant de constater que la « vérité judiciaire » risque de ne pas suffire à renverser la « pyramide du mensonge » qui fut édifiée durant un quart de siècle, à l’aide de puissants appareils de propagande.

Certes, du côté français, la politique l’a emporté : le président Macron a su se rendre à Kigali où il a prononcé enfin les quelques mots que l’on attendait. Par ses succès économiques, sa participation à des opérations de paix, sa vision de l’Afrique et sa volonté de bonne gouvernance, le président Kagame a réussi à devenir un modèle pour de nombreux jeunes Africains en même temps qu’il se réconciliait avec Paris. Cependant, on ne peut s’empêcher de penser que le mal est fait : les survivants du génocide vivent toujours dans la solitude et la pauvreté, justice n’est toujours pas rendue aux Congolais victimes des guerres successives menées sur leur sol. En outre, les poisons de la propagande mensongère, de la haine aujourd’hui diffusée par les réseaux sociaux continueront longtemps à polluer les esprits et à occulter la « vérité judiciaire ». Les menteurs d’hier n’ont pas seulement réussi à dissimuler leurs responsabilités, ils ont aussi semé les germes de futurs conflits… Il faut également noter que si les juges ont définitivement disculpé l’une des parties, l’autre bataille est demeurée sans vainqueur ni vaincu : nul n’a encore réussi à identifier les auteurs de l’« attentat du siècle », qu’il s’agisse des « tireurs d’élite » ou de leurs donneurs d’ordres…
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024