Fiche du document numéro 30750

Num
30750
Date
Jeudi 12 mai 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
112573
Titre
Lettre à Henri Sannier, Directeur de l'Information à FR 3
Nom cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Mot-clé
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Source
CRF
Type
Lettre
Langue
FR
Citation
La Communauté Rwandaise de France
46 bis rue du Louvre
75002 PARTS
Tel : 40.39.91.12
Fax : 40.26.37.59

Paris 12 mai 1994

Monsieur le Directeur

Les Rwandais résidant en France et leurs amis qui ont
suivi le Journal de 22h30 le 11 mai 1994 vous remercient de
l'intérêt que vous portez à la situation qui prévaut au Rwanda. Le
peu d'intérêt des media français sur ce qui se passe au Rwanda est
difficile à comprendre pour qui sait le rôle que la France a joué
ces dernières années dans ce pays.

Cependant, tout en saluant votre effort à briser ce
silence, nous voudrions relever ce qui nous a paru comme une grande
confusion ou inexactitude dans la manière de présenter les
informations. Alors que presque tous les observateurs sont
aujourd'hui unanimes pour qualifier de crime contre l'Humanité ce
qui s'est passé au Rwanda, France 3 met sur le compte de la guerre
les victimes d'un génocide.

Selon le commentaire des images, les 250.000 morts et les
centaines de milliers de réfugiés seraient les victimes de la guerre
entre l'armée gouvernementale et le Front Patriotique Rwandais. S'il
est un fait aujourd'hui établi, c'est que les massacres ont été
perpétrés par la garde présidentielle et par les milices des partis
MRND/CDR appuyées par des unités de l'armée. Commencés sous les yeux
des observateurs étrangers en cours d'évacuation et en dehors des
zones de combat ces massacres se poursuivent toujours en dehors des
zones de combat. Bien plus, les régions contrôlées par le Front
Patriotique Rwandais sont devenues des lieux de refuge des
populations civiles. Vous en avez vous-mêmes apporté la preuve en
montrant des images tournées à l'hôpital de Gahini situé dans une
zone abandonnée par l'armée gouvernementale et aujourd'hui occupée
par le FPR. Loin des lignes de front, la Croix Rouge a fait état de
massacres dans un hôpital à Butare au sud du pays et dans un stade
à Cyangugu, au sud-ouest et le long de la route entre Kigali et
Butare.

Des témoignages abondent sur l'identité des auteurs, des
commanditaires et des complices de ces massacres, sur les atrocités
commises sur les charniers découverts hors des zones de combats
contrôlées par les Forces Armées rwandaises. L'envoyé spécial du
journal "L'Humanité" pour ne citer que la presse disponible à Paris,
a publié des témoignages qui se passent de tout commentaire.

Monsieur Henri SANNIER
Directeur de l'Information à FR 3
Cours Albert 1er
75008 PARIS

On entend aujourd'hui des gens qui mettent en doute
l'existence des chambres à gaz et l'historicité de l'holocauste du
peuple juif. Nous espérons que ce que nous avons entendu sur France
3 n'est que le résultat d'une insuffisance d'information et non le
reflet d'une volonté délibérée de mise en route du processus
"révisionniste". Certes, il y a aujourd'hui la guerre au Rwanda.
Mais, de la même manière que les contraintes de la guerre n'ont
jamais pu constituer d'alibi suffisant pour justifier ou défendre
les nazis coupables de l'holocauste, la guerre du FPR ne pourra
jamais être invoquée en faveur des auteurs du génocide qui se
déroule au Rwanda depuis maintenant près de 4 ans.

Par respect pour la mémoire des victimes innocentes de ces
massacres, et par souci de la vérité dans l'information, nous vous
serions reconnaissants de bien vouloir rectifier cette information
en rappelant que les 250.000 morts (le nombre exact est encore
difficile à établir) ont été purement et simplement massacrés par
la garde présidentielle et les milices de l'ancien parti unique MRND
du Général Président Habyarimana et de son émanation, le tristement
célèbre CDR.

Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l'assurance de
notre considération distinguée.

La Communauté Rwandaise de France
Le Président
Augustin Gatera
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