Fiche du document numéro 31838

Num
31838
Date
Mars 2023
Amj
Auteur
Fichier
Taille
349690
Urlorg
Titre
Être historien au Rwanda. Entretien avec Raphaël Nkaka
Nom cité
Mot-clé
Résumé
Born in 1958, the Rwandan historian Raphaël Nkaka is currently a professor at the University of Rwanda. In 2013, he authored a landmark thesis on the history of racism and racial policies in Rwanda, from the beginning of the 20th century to the Tutsi genocide in 1994. In this interview, he first recounts his school and university career between 1977 and 1987, before he became a secondary school teacher, a time period that saw a profound renewal in Rwandan historiography as well as an increase in ethno-racial discrimination and violence in Rwanda. He then discusses his post-genocide activities as a lecturer and researcher at the University of Rwanda, where he has been since 1994, and as a producer of radio programmes. His biographical trajectory ties in with a number of prominent issues linked to the history of Rwanda, and more generally to the history of contemporary Africa and its narratives.
Source
Type
Article de revue
Langue
FR
Citation
Cet entretien1 revient sur la carrière de l’historien rwandais Raphaël Nkaka, auteur notamment d’une thèse importante sur l’histoire du racisme et des politiques raciales au Rwanda du début du xxe siècle au génocide des Tutsi en 19942. Le parcours de Raphaël Nkaka le situe à mi-chemin entre les décennies qui précèdent le génocide, puisqu’il a fait ses études de premier et deuxième cycles universitaires entre 1977 et 1987 avant de devenir professeur dans l’enseignement secondaire, et celles qui lui succèdent, au cours desquelles il a été engagé à l’université nationale du Rwanda en décembre 1994 tout en ayant des activités radiophoniques en lien avec l’histoire et en soutenant son doctorat en 2013. Sa trajectoire biographique permet ainsi de revenir sur de multiples questionnements concernant l’histoire du Rwanda, mais aussi, plus généralement, l’histoire de l’Afrique contemporaine et son écriture. Outre un retour sur cette trajectoire biographique, permettant de montrer comment se constitue une carrière historienne et universitaire dans un pays ayant connu par ailleurs des violences de masse, l’échange porte sur l’écosystème académique dans lequel Raphaël Nkaka a évolué depuis les années 1970. Comment son parcours s’insère-t-il dans un champ académique internationalisé, façonné par des échanges croissants avec les pairs et la poursuite de formations et de programmes doctoraux à l’étranger ? De quelle manière la recherche, au Rwanda comme ailleurs, parvient-elle à se perpétuer et à se renouveler malgré les contraintes financières et politiques auxquelles elle est confrontée ? Enfin, comment la recherche peut-elle s’ouvrir à d’autres publics que ceux de l’université et contribuer plus largement à la diffusion des savoirs scientifiques ? Étudier l’histoire au Rwanda avant le génocide des Tutsi. D’après les éléments de votre biographie dont j’ai connaissance, vous êtes né en 1958 à Masango dans la région de Gitarama, mais vous avez grandi à Muyira dans la région de Butare. Pourriez-vous, pour commencer, revenir sur votre enfance et sur l’histoire de votre famille au moment de la révolution et de l’indépendance, et expliquer les causes de ce déplacement dans les premières années de votre vie ?Comme vous venez de le dire, je suis né en août 1958, dans ce qui était alors le territoire colonial de Nyanza et la chefferie de Kabagari, devenus au moment de l’indépendance la préfecture de Gitarama et la commune de Masango3. J’ai été baptisé très vite, un mois après ma naissance, à l’église catholique de la mission de Muyunzwe qui faisait partie du vicariat de Kabgayi, alors dirigé par monseigneur Perraudin. J’insiste là-dessus parce que c’est la fiche de mon baptême qui constitue la source la plus ancienne de mon identité. Je suis né à la veille des violences de 1959, mais, déjà en 1958, il y avait des signes avant-coureurs de ces violences4. En 1961, mes parents ont quitté Kabagari pour Nyanza [où résidait la cour royale5]. Je ne sais pas exactement pourquoi, parce qu’à cette époque je n’étais pas vraiment conscient de ce qui se passait, mais, après, j’ai pu m’informer auprès de mes parents et de mes grands frères et sœurs. Je crois qu’ils espéraient pouvoir bénéficier de la protection de la cour royale, alors qu’elle-même était menacée. Mais c’est seulement une supposition, je ne suis pas sûr de cette explication. Mon père avait été agressé par un groupe de gens que je
ne parviens pas à identifier, tandis que mon frère aîné Kayumba avait été tabassé par une bande dirigée par un homme devenu plus tard un membre très influent du MDR-Parmehutu6. Plus tard, lorsque Kayumba a appris qu’un fils de cet homme était mon compagnon de classe, il ne cessait de me répéter que c’est son père, alors secrétaire général du MDR-Parmehutu, qui l’avait chassé de Kabagari. Ce garçon ignorait cela et était très gentil avec moi, mais j’avais toujours peur de lui. Je croyais, à tort, que la haine était héréditaire. Toujours est-il que c’est certainement suite à ces agressions, mais aussi au climat général qui prévalait, que ma famille a été obligée de se déplacer de Kabagari à Nyanza, car notre résidence n’avait pas encore été attaquée. On est restés là dans un camp de réfugiés improvisé situé à Hanika, tout près de Nyanza, dans le voisinage immédiat de la cour royale. D’après ce qu’ils m’ont dit, c’est de là que mes parents ont voté pour les élections législatives et le référendum [en septembre 1961]7. Ils m’ont dit qu’ils ne savaient pas exactement ce qu’ils devaient faire. Là-bas, les gens n’étaient pas vraiment mobilisés pour les élections. Un peu plus tard, nous avons raté une occasion de nous réfugier au Burundi par manque de places dans un camion de transport public dans lequel la famille d’un oncle paternel parvint en revanche à embarquer. La famille a été déplacée comme bien d’autres familles vers le Mayaga [dans la région de Butare]. J’ai appris plus tard que cette région n’avait pas connu les violences et qu’il y avait là un nombre élevé de partisans de l’Unar [Union nationale rwandaise], le parti qui soutenait le mwami. Évidemment, tout ça, je n’en étais pas conscient à l’époque, mais j’ai souvent posé des questions ensuite. Nous avons d’abord été accueillis au centre commercial de Nyamiyaga, près du siège de la commune de Muyira. On est restés là jusqu’en 1963, puis les familles de réfugiés qui avaient été installées là-bas ont reçu des terres cultivables. C’est à ce moment-là que ma famille aussi a reçu un terrain séparé, ce qu’on appelle en kinyarwanda un isambu, une propriété agricole. On a donc déménagé vers cette nouvelle résidence [à Muyira]. Je me souviens un peu de ces évènements de 1963, parce que je commençais à avoir conscience des choses. Je me rappelle qu’on parlait et qu’on avait peur des mas-sacres contre les Tutsi qui se déroulaient à Gikongoro, soi-disant en réaction contre les attaques des inyenzi, entre fin 1963 et début 19648. Bien sûr, je ne savais pas que, plus tard, je consacrerai un sous-chapitre de ma thèse à ces massacres. En quelques mots, quelle était l’activité de vos parents dans les années1950 et au début des an-nées1960 ?Ma famille ne comptait pas parmi les plus démunies, situation qui allait changer à partir de 1961. Ma mère s’occupait des travaux ménagers. Mon père gérait une boutique dans le centre commercial de Buhanda. Il allait souvent vendre des étoffes à des centres commerciaux situés à l’est du lac Kivu, notamment dans la chefferie de Rusenyi-Itabire du territoire de Kibuye où il avait une clientèle importante. Il envisageait de s’y établir définitivement à la veille des violences de 1959. Je ne peux pas dire qu’il faisait partie des privilégiés de l’époque, il n’occupait aucun poste administratif, mais il y avait des sous-chefs et même un chef dans son lignage. Notre lignage, celui des Abaka, comptait un chef de chefferie, Mfizi de la chefferie de Rukoma dans le territoire de Nyanza, et une vingtaine de sous-chefs, d’après une liste que je suis en train d’établir à partir de témoignages oraux et des ouvrages de Jan Vansina et Léon Delmas9. Il avait un frère élu dans un conseil de sous-chefferie lors des élections des conseils des années1950. Il avait également un frère qui faisait aussi du commerce et qui a pu gagner Bujumbura [au Burundi] en 196110. Il est resté là avec toute sa famille et est décédé en décembre 1993, mais ses enfants ont pu revenir au pays après juillet 1994, à la fin du génocide. Mon père, lui, ne s’occupait pas de politique, mais il faisait du commerce et, par sa position, il avait certainement de bonnes relations personnelles avec des acteurs politiques.
Pourriez-vous décrire votre parcours scolaire, depuis l’école primaire jusqu’à l’école secondaire puis dans l’enseignement supérieur ?En 1963, alors que nous étions encore provisoirement hébergés au centre commercial de Nyamiyaga et que je n’avais pas encore atteint l’âge d’aller à l’école, un moniteur [enseignant] qui habitait près de chez nous a demandé que je fasse partie de ses élèves, même si je n’étais pas inscrit. Je ne sais pas pourquoi, il m’appréciait. J’y suis allé, mais, après deux jours, je suis rentré parce que je ne voulais pas rester là-bas. Je voulais être plus libre, dès dix heures le matin je demandais à rentrer à la maison. Mes parents, mes frères et sœurs ainsi que leurs amis n’ont pas apprécié ma conduite et n’ont jamais cessé de me le reprocher. Pélagie, une camarade qui était écolière dans la classe à l’époque, me l’a encore rappelé l’année passée au téléphone, pour souligner le contraste entre l’enfant qui a abandonné l’école et le professeur d’université que je suis devenu. Alors quand, en 1964, à l’âge de six ans, mon père m’a emmené pour m’inscrire à l’école primaire, il n’avait pas confiance en moi. Mais finalement, il a été surpris que je sois le premier de la classe. [Rires].En 1964, je suis donc entré à l’école primaire de Mugari, près de la paroisse catholique de Nyamiyaga. Il y avait des classes modernes, construites par la mission de Nyanza de laquelle cette paroisse dépendait. C’étaient des classes confortables en matériaux durables flambant neufs qui n’avaient rien à envier à certaines classes occidentales. Il y avait aussi une grande statue du Christ clouée en face de la route, comme pour afficher que c’était une école catholique et que c’est à Nyanza que le roi MutaraIII Rudahigwa avait consacré le Rwanda au Christ-Roi, en 194611.J’ai continué l’école primaire avec assiduité et, après l’école primaire, je suis allé au petit séminaire de Butare. L’école primaire où j’ai étudié était proche de la paroisse qui venait recruter des gens pour le service de la messe ou pour chanter dans la chorale. C’était une ouverture de la voie vers le petit séminaire et j’ai donc été recruté de cette façon, en passant l’examen d’entrée. Toutefois, ceux qui passaient l’examen d’entrée au petit séminaire avaient l’occasion de passer un autre examen, celui du ministère de l’Éducation nationale. Quelques jours après mon entrée au petit séminaire, j’ai été informé que j’avais réussi aussi cet examen et que j’étais admis au collège du Christ-Roi de Nyanza12. Mes parents auraient souhaité que je sois au Christ-Roi, mais je suis tout de même resté au petit séminaire, d’où je suis sorti en 1977 avec un diplôme d’humanités générales, section latin-sciences. Au petit séminaire, on apprenait le latin, le français, un peu d’anglais, les mathématiques, les sciences dites exactes (physique, biologie, chimie). Mais l’histoire était négligée : on en faisait, je crois, une fois par semaine, alors que les mathématiques, le français ou le latin comptaient pour six heures et les sciences sept heures ! Et l’histoire qu’on apprenait, c’était surtout l’histoire sur le modèle colonial, qui différenciait les Rwandais d’après les interprétations raciales. Mais on n’avait pas de choix, à cette époque, on trouvait ça tout à fait normal. Pendant les années au petit séminaire, le fait le plus marquant, ça n’a pas été les leçons apprises, mais la chasse aux Tutsi13. J’ai été chassé deux fois de l’école, la première le 26 février 1973, la deuxième au mois de novembre 1973, sans que je me rappelle la date exacte. La première chasse a concerné tous les établissements scolaires du pays et a précipité l’exil de plusieurs élèves vers les pays voisins14. Quelques mois plus tard, ceux qui étaient restés dans le pays, nous avons été rappelés à l’école et on nous a donné des cours intensifs pendant les vacances, de juillet à septembre, avec des examens que nous avons passés avec succès. Cela nous a permis de passer à l’année suivante, ce qui n’a peut-être pas été vu avec un bon œil par certains de nos camarades et par certains enseignants. La deuxième chasse a eu lieu en novembre 1973, après le « calme » ramené par le général-major Habyarimana. Certains de nos camarades hutu nous ont attaqués au cours d’une nuit dans tous les dortoirs en même temps. Des élèves tutsi ont été réveillés par des coups de bâton en plein sommeil. Nous sommes alors sortis des dortoirs en débandade et nous avons rejoint le quartier du corps enseignant et les espaces vides autour de l’école à Karubanda, un quartier de la ville de Butare. Certains d’entre nous étaient grièvement blessés. Très tôt le matin, l’évêque de Butare Mgr Jean-Baptiste Gahamanyi et le major Ruhashya sont arrivés à l’école et tout le monde est sorti de sa cachette, car la présence des deux autorités était rassurante. Au cours du petit déjeuner, ces hautes autorités nous ont ordonné de rentrer tout de suite chez nos parents. Après une enquête menée par le diocèse de Butare, des élèves ont été chassés de l’école sans distinction entre bourreaux et victimes. D’autres ont été retenus, y compris moi-même, sans que nous sachions exactement la raison. À notre retour, je me rappelle qu’au cours d’une soirée, je suis passé tout près d’un groupe d’élèves qui m’effrayaient. J’ai essayé de passer le plus loin possible de l’endroit où ils se groupaient. L’ayant remarqué, ils m’ont appelé en me disant de ne pas les fuir, non pas pour me réconforter, mais pour me signifier que s’ils décidaient de m’attaquer, je ne pourrais en aucun cas leur échapper. Pour revenir aux études, c’est au cycle supérieur du petit séminaire que j’ai connu l’abbé Alexis Kagame15. Il appartenait au diocèse de Butare et ses ouvrages récents étaient distribués sur nos pupitres, notamment son Introduction aux grands genres lyriques de l’ancien Rwanda publiée en 1969 ou son Abrégé de l’ethnohistoire du Rwanda publié en 197216. Ces deux ouvrages circulaient dans notre classe et, avec certains élèves, nous les lisions avec beaucoup d’intérêt. Par exemple, celui sur les grands genres lyriques, dans lequel il présente une partie de l’ancienne littérature rwandaise (la poésie dynastique, la poésie pastorale, la poésie guerrière) en kinyarwanda et en traduction française, c’est vraiment un livre très riche, qui m’attirait beaucoup et que j’admire encore aujourd’hui. Bon, quand on étudiait ça à l’époque, on croyait que c’était de l’histoire, alors que c’était plutôt des sources. C’est plus à prendre sur le plan littéraire que sur le plan historique. Mais à l’époque, on avait un peu l’impression que Kagame était le véritable dépositaire du passé des Rwandais et qu’il n’était pas possible de le contredire. [Rires] Je l’admirais beaucoup, c’était mon grand homme et je rêvais de faire comme lui, mais sans savoir comment m’y prendre. Après le petit séminaire, je suis entré à l’IPN [Institut pédagogique national] en octobre 197717. Dans le secteur de Nyamiyaga où j’habitais, des gens me disaient que je n’avais aucune chance d’avoir une bourse d’études à cause de l’équilibre ethnique18. Mais je ne m’en inquiétais pas et c’est par hasard que l’équilibre s’est fait en ma faveur. J’ai appris ensuite que j’avais été admis dans la section français-anglais, mais qu’il y avait la possibilité de changer seulement au sein de la même faculté. Comme le programme de français et d’histoire se trouvait à la faculté des lettres, j’ai demandé et obtenu d’être inscrit dans cette section. Avant de commencer les cours, les élèves admis en première année devaient être initiés à la nouvelle vie académique par des étudiants de niveau supérieur. Cette initiation connue sous le nom de « baptême » consistait à dégrader moralement les nouveaux venus en public. Cette pratique a été abolie par le gouvernement quelques années après. C’est dans cette situation de totale domination qui permettait la liberté de tout dire qu’un étudiant a eu l’audace de me demander, en me pointant le bout d’un bâton qu’il tenait à la main, ce qu’en tant que Tutsi, j’étais venu faire dans leur école : « Iyi ntutsi yaje gukora iki mu ishuri ryacu ? », avec une sorte de diminutif péjoratif, « iyi ntutsi». Par la suite, il y a eu d’autres épisodes similaires, mais j’ai fini par trouver cela normal et j’ai cessé de m’en inquiéter. Et puis, nous étions très peu nombreux, les Tutsi : on était quatre en première année, sur à peu près cent étudiants19.
À l’IPN, nous suivions les cours de français avec ceux de la section français-anglais et nous étions séparés pour étudier l’anglais et l’histoire. Nous avions des enseignants français dans les cours de français et des enseignants rwandais et burundais dans les cours d’histoire. Il y avait surtout des cours d’histoire générale, de l’Europe, des Amériques, mais aussi, tout de même, un cours sur l’histoire de l’Afrique, un autre sur l’histoire du Rwanda. Parmi les enseignants, il y avait Augustin Ngayabateranya20, qui est aujourd’hui en France, ou Jean-Népomucène Nkurikiyimfura21, qui donnait les cours d’histoire du Rwanda et de l’Afrique et qui a été tué pendant le génocide contre les Tutsi. Je me souviens également du Burundais Salvator Rusura, mort quelques jours après la fin de notre programme. Il donnait le cours d’histoire générale. Lui, nous le redoutions beaucoup parce qu’il était un peu trop exigeant, sans savoir qu’il nous rendait un bon service. L’histoire de l’Afrique qu’on nous enseignait était dominée par Robert Cornevin22. Nous prenions la dictée des notes, les mémorisions pour les rendre à nos enseignants à l’examen. C’est une méthode aujourd’hui décriée, mais elle avait ses avantages. C’est qu’en retenant des phrases de bons écrivains, on se familiarisait avec le beau style et on n’oubliait pas tout tôt ou tard ! C’est aussi à cette époque que j’ai appris dans les cours de Nkurikiyimfura qu’il y avait un grand historien qui contredisait Kagame, en la personne de Jan Vansina23. [Rires] Je ne pouvais pas accepter que quelqu’un puisse le contredire, à ce moment-là, même si, après, j’ai changé d’avis. Nkurikiyimfura préférait la chronologie relative des règnes des rois du Rwanda établie par Vansina à celle établie par Kagame24, ce qui n’était pas de bon goût pour moi, mais je devais m’y conformer à contrecœur pour ne pas échouer à l’examen. C’est donc à l’IPN que j’ai terminé [en 1980] le premier cycle universitaire, ce qu’on appelait alors le « programme de baccalauréat » de trois ans. J’en profite pour dire que l’abbé Kagame a dirigé mon travail de fin d’études, une monographie avec pour titre « La poésie rwandaise épique, source d’histoire », dont je ne possède plus aucun exemplaire. À l’IPN, on était formés pour aller enseigner au premier cycle de l’école secondaire. C’était très difficile de poursuivre les études directement en deuxième cycle [de l’enseignement supérieur]. Il fallait faire une demande au ministère de l’Éducation et ça n’était pas facile à cause du système des quotas ethniques et régionaux, mêlé parfois de corruption. Je suis donc allé enseigner le français et l’histoire à l’école secondaire. Alors que j’enseignais au petit séminaire de Rwesero, sur les bords du lac Muhazi, entre 1981 et 1984, j’ai réagi contre un article de Jean Rumiya, un autre historien victime du génocide25. Il avait critiqué Kagame et je n’étais pas d’accord. [Rires] Alors, je lui ai écrit en privé pour lui dire que je n’étais pas d’accord avec ce qu’il avait écrit. J’ignorais alors qu’en retournant étudier à l’université nationale, j’allais devenir son étudiant. En effet, au bout de quelques années, en octobre 1985, j’ai finalement obtenu une bourse d’études du gouvernement rwandais et j’ai pu m’inscrire en deuxième cycle et commencer une licence d’histoire à Nyakinama26. Là, j’ai rencontré de grands historiens, bien formés, principalement en France et en Belgique. Il y avait donc Rumiya qui avait fait sa thèse à Paris 1, et d’autres comme Emmanuel Ntezimana, que vous connaissez bien et qui portait le surnom de Ki-Zerbo27. Ntezimana écrivait des choses vraiment différentes, concernant le peuplement du Rwanda, les « différenciations raciales », les catégories, etc. Il critiquait les mythes hamites ou bantous28. Il ne respectait pas les discours officiels, en fait. D’ailleurs, dans les années 1990, il a été fortement critiqué pour ça, notamment dans le journal Kangura, où on disait que Ntezimana voulait changer l’histoire du Rwanda29. Il y avait aussi Gamaliel Mbonimana30 et Roger Heremans31, sans oublier Antoine Nyagahene32 qui était en même temps en formation à Paris. C’est pendant mes études à Nyakinama que j’ai commencé à voir plus clair puisque les professeurs, pas tous mais la plupart, nous expliquaient que tout ne pouvait pas s’expliquer par l’appartenance ethnique. Ntezimana incarnait bien cette dimension idéologique. Ces professeurs nous ont ouvert des horizons de recherche par des références bibliographiques plus nombreuses, surtout sur l’histoire de l’Afrique. L’ouvrage de Catherine Coquery-Vidrovitch qui venait de paraître était à la pointe des écrits que nous devions connaître33. À Nyakinama, nous menions des recherches dont nous devions présenter les résultats devant la classe. Je me souviens que lors d’une présentation des Masaï que je faisais, Roger Heremans m’a posé la question de savoir quelles relations il y avait entre eux et les Tutsi du Rwanda, probablement pour me tendre un piège relatif au mythe hamite. J’ai répondu que je ne savais pas. À une autre heure de cours, il a critiqué le peuplement du Rwanda sur le modèle racial. Je lui ai posé la question de savoir pourquoi il avait écrit la même chose que ce qu’il était en train de nier34. Il a répondu qu’il regrettait cela. Parmi les autres souvenirs que j’ai concernant les cours, je me rappelle qu’alors que je m’étais absenté du cours de Ntezimana sur les lignages et les groupes familiaux, il a distribué aux étudiants des exemplaires d’un livre de Jean-Pierre Chrétien35. Lorsque je me suis présenté à son bureau pour demander ma part, il m’a répondu que les absents ont toujours tort. Nous avons ensuite connu un enseignant-visiteur qui venait de Paris enseigner un cours sur les villes africaines. Je ne voudrais pas citer son nom au risque de me tromper. Toujours est-il qu’à son premier jour de classe, il nous a demandé de nous identifier par nos origines. Il a demandé aux étudiants du nord de lever le doigt, et à ceux du sud de faire de même. Il a noté que ceux du sud, nous étions plus nombreux que ceux du nord. Quand il a fait de même pour compter les Hutu et les Tutsi, il a marqué un grand étonnement qu’aucun étudiant ne lève le doigt. Il avait une maîtrise en histoire de Paris 7. Durant mon séjour à Paris, j’ai appris la valeur d’une maîtrise en France et je n’arrivais pas à comprendre comment l’université nationale du Rwanda avait pu l’inviter pour ce cours, alors que des Rwandais vivant au Rwanda pouvaient faire mieux que lui. Un autre visiteur est venu du Zaïre pour donner le cours d’archéologie. Il est reparti avec les examens et n’a jamais envoyé les points au département d’histoire, qui a considéré seulement les points obtenus dans les travaux. Quelle était l’ambiance à Nyakinama, au sein du campus ?Il y avait vraiment une bonne entente au campus. Les relations étaient bonnes, entre les étudiants mais aussi entre les étudiants et les professeurs. Je n’ai rien trouvé d’anormal à cette époque. Il faut dire que mon passage à Nyakinama a correspondu à un moment de répit dans les épisodes de violences physiques et psychologiques contre les Tutsi. À la fin de la deuxième année de licence, les étudiants devaient écrire un mémoire de recherche inédit. Sur quel sujet a porté votre mémoire ?
Pour mon mémoire de licence, dirigé par le professeur Gamaliel Mbonimana, j’ai travaillé sur [la région du] Mayaga, dans le territoire de Nyanza, sous l’administration belge de 1916 à 195236. Lorsque j’effectuais mes recherches, dans les années 1980, je me suis aperçu que beaucoup de vieux se souvenaient encore de l’arrivée des Belges en 191637. Et je me suis rendu compte que, pendant cette période, beaucoup de choses avaient changé par rapport à ce qui prévalait auparavant, notamment dans l’administration. C’est à cette époque qu’on a commencé à considérer que le recrutement des chefs et des sous-chefs devait se faire seulement au sein des Tutsi. J’ai par exemple pu reconstituer la liste des batware, des chefs avant la colonisation dans cette région du Mayaga, et m’apercevoir que, parmi eux, il y avait des Tutsi, mais aussi des Hutu. Même s’ils étaient en petit nombre, il y en avait. Ce n’est qu’après l’arrivée des Belges qu’on a dit que ce devait être seulement les Tutsi. Avant, il n’y avait vraiment pas de déterminant selon lequel telle « ethnie » ou telle « race » devait détenir le commandement. Le critère était plutôt familial, au sein des lignages plutôt qu’au sein des groupes ethniques. Mon mémoire a plu à Emmanuel Ntezimana, qui faisait partie du jury pendant la défense, qui s’est faite en public devant plusieurs étudiants et autres. Il a dit qu’il avait fait une recherche similaire dans la même région et qu’il arrivait aux mêmes résultats. Jean Rumiya faisait également partie du jury et lui aussi a apprécié mon travail. Il a rappelé notre correspondance et le fait que j’avais osé le contredire alors qu’il était professeur à l’université, tandis que j’étais un enseignant du secondaire qui avait seulement terminé le premier cycle. [Rires] Voilà mon parcours à Nyakinama. Pour résumer, je dirais que c’est vraiment là que j’ai pu m’orienter dans la recherche, grâce aux historiens professionnels qui m’ont mis sur la piste de la recherche, si je puis dire. De même que vous avez vous-même travaillé sur le Mayaga, beaucoup d’étudiants de licence d’histoire faisaient des monographies de régions historiques38, de lignages, etc. Je me demande donc comment se passait le choix des sujets et pourquoi ces recherches à l’échelle des régions en particulier ? Quel était selon vous l’objectif final de toutes ces monographies ? Si j’étais journaliste, je dirais que c’était en quelque sorte la « ligne éditoriale ». C’est ce que les professeurs du département souhaitaient. À mon avis, ils voulaient montrer ainsi que l’histoire générale du Rwanda diffusée à l’époque ne reflétait pas complètement la réalité. On reprochait à Alexis Kagame d’avoir confondu l’histoire de la dynastie nyiginya et celle du Rwanda39. Par conséquent, il fallait faire une histoire des régions qui mettrait en évidence une évolution réelle en marge des influences de la dynastie nyiginya, surtout centrée sur les espaces de l’actuelle province du Sud et qui entourent le lac Muhazi. Il fallait que des dirigeants autres que les Nyiginya et leurs alliés apparaissent dans l’histoire du Rwanda. Pour écrire une véritable histoire générale du Rwanda, il fallait donc commencer par les régions. On ne faisait d’ailleurs pas que l’histoire des régions, mais aussi les missions catholiques, etc.40.Et vous avez choisi le Mayaga parce que c’était la région où vous viviez ?Oui, c’est cela. Cela pouvait me faciliter le travail de terrain. Justement, pouvez-vous me décrire ce travail de terrain et votre méthodologie pour mener à bien ce mémoire de licence ?À l’époque, la région du Mayaga correspondait à quatre communes [Ntyazo, Muyira, Ntongwe et Mugina], que j’ai toutes parcourues. Le plus souvent, je résidais chez un ami ici ou là qui m’offrait l’hospitalité. Et je parcourais les collines pour interroger les gens. Le Mayaga est une région où il n’y a pas de montagnes, donc j’utilisais parfois le vélo. Le vélo, ça m’a beaucoup aidé, parce que c’est une région praticable. [Rires] Après avoir interrogé les gens, bien sûr, j’ai mis tout cela en relation avec les ouvrages qui existaient déjà, notamment les ouvrages d’Alexis Kagame, de Marcel d’Hertefelt sur les clans du Rwanda ancien41, également avec la thèse de Jean Rumiya et d’autres publications. J’ai aussi pu collecter certains documents aux archives nationales. Vous venez de dire que vous vous êtes notamment appuyé sur des entretiens. Vous souvenez-vous de leur nombre et avec quel type de gens ?Je ne saurais pas dire aujourd’hui combien parce que ça fait vraiment très longtemps42. J’ai surtout interrogé des vieux de cette époque, qui avaient connu l’arrivée des Belges et les changements qui avaient suivi, qui connaissaient le roi Rudahigwa et pouvaient même avoir des informations sur le roi Musinga43. Le critère de l’âge n’était pas le seul déterminant, il fallait en plus que ces personnes aient été en rapport avec les données recherchées. C’est pourquoi j’allais par exemple parmi les éleveurs de vaches quand il s’agissait d’une question de bovins. Dans le Mayaga, il y avait un groupe de chasseurs qui pratiquaient la chasse avec Rudahigwa et qui donc le connaissaient bien. Ils m’ont donné beaucoup de témoignages sur lui : comment il se comportait avec les gens de là-bas et quelles relations il entretenait avec eux, comment il était bon, mais pouvait aussi se mettre brusquement en colère. Et puis ils m’ont dit aussi que les relations à cette période ne dépendaient pas que de l’appartenance ethnique. C’est une chose que Ntezimana avait aussi relevée et pour laquelle il m’a beaucoup félicité. On disait que c’était une région où il n’y avait pas de tensions entre les paysans, où régnait une certaine entente. Tout n’était pas parfait, mais les clivages n’étaient pas basés sur l’appartenance ethnique. Une carrière historienne après 1994Qu’avez-vous fait après avoir terminé votre licence à Nyakinama en 1987 ?Je suis retourné dans l’enseignement secondaire. Et vous y êtes restés jusqu’au génocide ?J’ai quitté le Rwanda en 1991 pour rejoindre le FPR [Front patriotique rwandais44] au nord du Rwanda45, [en passant d’abord]par le Burundi et l’Ouganda. Je suis parti au début de l’année, le 2 janvier. Je venais de réfléchir sur deux discours du président Habyarimana. Dans le premier, tenu le 26octobre 1990, il avait déclaré qu’il ne négocierait pas avec le FPR. Dans un autre, tenu à Gabiro au nord-est du pays sur le front, le 7décembre 1990, il avait affirmé qu’il vengerait ses soldats tombés sur le champ de bataille, tout en affirmant que les mobiles de la guerre relevaient d’une stratégie des Tutsi pour restaurer la monarchie rejetée par les Hutu. De là à comprendre qu’il annonçait le massacre des Tutsi, pour moi, il n’y avait qu’un pas. Je suis allé à Bujumbura chez mon oncle. J’ai été bien sûr accueilli et, petit à petit, je me suis frayé un chemin pour rejoindre le nord du Rwanda, car on ne pouvait pas s’y rendre n’importe comment. J’ai d’abord pris l’avion à mes frais jusqu’à Entebbe [en Ouganda] avec un collègue, qui enseigne aussi ici à l’université en physique. Nous sommes partis de Bujumbura en compagnie d’une cadre haut placée du FPR. Nous sommes arrivés à Kampala où il y avait une maison de passage privée. Elle nous a laissés là-bas puis, quelques jours après, un véhicule privé est venu nous prendre et nous a amenés à Mbarara, avant un autre qui nous a emmené de Mbarara jusqu’à la frontière avec le Rwanda. Nous sommes entrés sur le territoire du Rwanda contrôlé par le FPR. Là, nous avons reçu un entraînement. C’était extraordinaire de suivre une formation en plein air assis sur le gazon au milieu des jeunes de toutes catégories, après avoir parcouru un programme universitaire. C’était en 1992, quand le FPR contrôlait déjà une partie du pays. En fait, j’ai quitté le sud du Rwanda pour revenir au nord du Rwanda en passant par des pays voisins [Rires].Lorsque j’étais à Kampala, dans la maison de passage où nous étions, quelqu’un qui était en contact avec les membres du FPR présents au Rwanda a avisé le directeur de radio Muhabura [la radio du FPR] que des intellectuels arrivaient et qu’il faudrait qu’ils viennent travailler à la radio. Ah, vous êtes allé à la radio. Vous pouvez me raconter ça ? On ne connaît pas très bien Radio Muhabura. Oui. [Rires]. On ne pouvait pas connaître, c’était gardé secret. C’est pour cela qu’on ne connaît pas. Vous avez parlé longtemps à la radio ?Oui, tous les jours, y compris la nuit à partir de janvier 1993 jusqu’à juillet 1994. J’étais toujours avec le physicien dont je vous ai parlé et avec qui j’étais parti, mais aussi avec un autre, qui venait de terminer le secondaire en section littéraire à Gahini, à l’est du pays. Il y avait d’autres journalistes que nous avons rejoints, venus d’un peu partout, et d’autres qui nous ont rejoints après. On faisait des émissions relatives au programme du FPR, on surveillait les médias de Kigali et les médias internationaux comme RFI, la BBC. On enregistrait leurs émissions puis on réagissait contre le contenu quand il comportait des propos haineux ou contraires à la vérité. Cela nous permettait de critiquer le régime d’Habyarimana avec une référence authentique. On préparait aussi des bulletins d’information. C’était un véritable laboratoire de médias, dans un bois sur un sommet peu accessible de la montagne de Kaniga. Moi, je faisais surtout des émissions sur l’histoire du Rwanda. C’était apprécié, même par ceux qui appartenaient à d’autres formations politiques, qui étaient ici, qui n’étaient pas... de l’autre côté. [Rires]. Ça m’a beaucoup plu lorsque je suis revenu à Kigali [après la guerre] : j’ai rencontré des gens qui me connaissaient déjà, qui étaient d’autres partis, comme du MDR [Mouvement démocratique républicain46] et qui me disaient : « On aimait bien tes émissions. » C’était le résultat du professionnalisme de Radio Muhabura. Et que se passe-t-il pendant les mois du génocide ?Des survivants du génocide contre les Tutsi nous donnaient des témoignages et nous les diffusions. On parlait évidemment de l’évolution de la guerre, tout en réagissant contre les propos racistes qui étaient diffusés au Rwanda. Vous rentrez au Rwanda tout de suite après la fin de la guerre ?Après [la prise de la capitale] le 4 juillet, nous sommes arrivés à Kigali pour continuer à travailler sur Radio Rwanda, la radio gouvernementale. Après le génocide, si je ne me trompe pas, vous avez très vite été recruté à l’université, dès décembre 199447. Pourriez-vous revenir là-dessus et plus généralement sur la situation de l’université après le génocide ?Alors que j’étais producteur à Radio Rwanda, j’ai appris que l’université allait rouvrir ses portes. Il y avait une carence d’enseignants, comme on pouvait s’y attendre, et je voulais emprunter une carrière académique. C’était le moment ou jamais. On recrutait des assistants, parmi ceux qui avaient terminé la licence avec distinction, c’est-à-dire avec une moyenne d’au moins 14/20. J’ai sauté sur l’occasion. Ça a d’ailleurs été très facile parce que le recteur, Déo Kambanda48, m’avait connu à l’IPN et à l’université. Quand je l’ai rencontré, j’ai été surpris qu’il se rappelle encore de moi. Il avait occupé des postes d’administration, aussi bien à l’IPN qu’à l’université avant le génocide. Il m’a recruté sans hésiter dès que j’ai déposé le dossier de demande d’emploi. À l’université, il y avait alors des professeurs qui venaient de rentrer d’exil et étaient d’anciens réfugiés, ainsi que des professeurs qui exerçaient avant le génocide contre les Tutsi et étaient restés. Bon, il y avait aussi quelques aventuriers qui voulaient profiter de ce début tâtonnant, mais ils ont disparu petit à petit, avec le temps. Le département d’histoire était bien fourni, avec des professeurs comme Gamaliel Mbonimana qui était déjà là avant 1994, Paul Rutayisire qui venait de rentrer49, Faustin Rutembesa qui est rentré plus tard de Bujumbura50, ouDéo Byanafashe et Jyoni Wa Karega qui sont revenus respectivement du Congo et du Zaïre, sans oublier Célestin Kanimba Misago, l’archéologue, alors directeur du musée national. C’est moi qui étais le moins qualifié à cette époque, mais j’avais la chance de travailler avec eux, ce qui m’a encouragé. Donc le département d’histoire était bien fourni, je pense que c’est ce qu’il faut retenir. D’ailleurs, Faustin Rutembesa a été nommé directeur de la recherche scientifique. Vous voyez, notre département d’histoire donnait un directeur de la recherche au niveau de l’université ! C’était très motivant. Et que pouvez-vous me dire des étudiants de cette époque ? Étaient-ils nombreux et pourquoi venaient-ils faire de l’histoire ?Ça, je ne peux pas le dire aujourd’hui, mais je peux affirmer qu’il y avait beaucoup de candidats. C’est ce dont je me rappelle sans pouvoir en connaître précisément les raisons. En 1995, par exemple, il y a eu une centaine d’étudiants en première année, mais leur niveau était tellement bas que la majorité a échoué. Il était très facile de posséder un faux diplôme de l’étranger et d’être admis à l’université. Heureusement, la plupart abandonnaient les cours au cours du trimestre ou échouaient à l’examen. Ces cas frauduleux ont rapidement été bien maîtrisés. Qu’est-ce qui a changé selon vous dans les milieux universitaires entre avant et après le génocide ?La grande différence, du point de vue du département d’histoire, c’est évidemment un changement d’orientation. Les mémoires, par exemple, remettent en cause l’interprétation raciale, sont focalisés sur le génocide, critiquent la révolution, alors qu’auparavant il était tabou de le faire51. On s’est aussi intéressé à l’héritage culturel, ce qui a donné ensuite des projets de recherche. Et on n’a plus cette vision de l’histoire régionale qu’on avait avant 1994.Pourquoi on ne fait plus ces histoires régionales selon vous ?La principale raison est qu’en 1995-1996, les étudiants avaient peur de se déplacer dans les régions, pour des questions de sécurité. Il y avait des endroits encore dangereux, dans le nord, à l’ouest. Si on continue à suivre votre biographie, on apprend que vous avez suivi à la fin des années 1990 et au début des années 2000 des programmes de formation aux Pays-Bas et à Yale aux États-Unis. Pouvez-vous revenir sur ces programmes, sur ce que vous y avez fait et sur la manière dont ils vous ont servi ensuite, une fois revenu au Rwanda ?En fait, à cette époque, j’étais très actif dans la presse et j’animais [encore mon] émission de radio sur l’histoire du Rwanda. Lorsqu’on a ouvert une école de journalisme, on m’a demandé d’aller apporter mon aide. J’ai donc officiellement quitté le département d’histoire, tout en maintenant les cours que j’y donnais. C’est à ce moment que je suis allé suivre un programme de formation aux Pays-Bas, à Radio Netherlands Training Center à Hilversum. C’était un programme intensif en anglais de quatre mois sur la radiodiffusion, de février à juin 1999. À mon retour, cela m’a permis d’améliorer mes productions sur l’histoire du Rwanda, mais aussi d’améliorer mon travail à l’école de journalisme. L’année suivante, je suis allé à Yale University pour suivre une formation de deux mois sur la documentation des génocides, avec le professeur Ben Kiernan, spécialiste du Cambodge52. Ça m’a offert une approche méthodologique sur la collecte des données concernant le génocide des Tutsi et ça a contribué à me maintenir sur la voie de la recherche.
Si mes informations sont bonnes, vous avez eu un projet, avec François-Régis Rukundakuvuga, alors secrétaire exécutif de l’association de rescapés Ibuka53, de création d’un programme de formation sur le génocide des Tutsi. Pouvez-vous expliquer ce qu’était ce projet ?Ce n’était pas un projet de formation sur le génocide. En fait, avec Rukundakuvuga, on était ensemble à Yale et avant notre formation le professeur Ben Kiernan avait eu l’idée de créer un centre de documentation sur le génocide contre les Tutsi. Ça n’a pas pu continuer parce qu’il n’y a pas eu de financements. Alors, on a abandonné l’idée. Il me semble également que vous avez travaillé avec Ibuka à un projet de recensement des génocidaires. Quel était ce projet ?Il s’agissait de faire des recherches sur les présumés (il vaut mieux employer ce terme, parce qu’on n’est pas des juges) génocidaires. C’est moi qui dirigeais le projet et j’avais choisi des étudiants pour travailler avec moi. C’était un travail de consultant. Il faudrait demander à Ibuka ce qui a été fait de cette recherche. Comment aviez-vous travaillé ? Quelle était votre méthodologie ?On allait sur les collines et on cherchait à identifier les gens qui avaient été impliqués dans le génocide. On essayait de rassembler des témoignages oraux, des témoignages écrits. On faisait aussi appel à la presse et aux ouvrages déjà publiés. On a fait la synthèse. Puis on a remis tout cela à Ibuka. Sur le plan scientifique et académique, quelles sont vos activités dans les années qui suivent le génocide ?J’ai collaboré à des ouvrages, comme celui du professeur Déo Byanafashe sur l’historiographie rwandaise, dans lequel j’ai rédigé un article sur le journal Kinyamateka pendant la période de changements politiques entre 1959 et 1962 et un autre sur la chronologie de l’histoire rwandaise54. Je crois que c’est tout ce que j’ai fait avant ma thèse. Mais j’avais aussi mon programme hebdomadaire de production de radio en histoire. Je faisais chaque semaine, le samedi, une émission de trente minutes sur l’histoire du Rwanda à Radio Rwanda. Ça a duré une dizaine d’années. Vous étiez seul ou aviez-vous des invités ?J’étais seul, je faisais une synthèse de publications sur un sujet donné. C’était très populaire, d’après ce qu’on disait. Parce que les gens aiment l’histoire, même s’ils ne se pressent pas pour l’étudier à l’université. Quand vous parlez de leurs ancêtres, de la colline qu’ils habitent, quand vous parlez des gens de leur région ou du ruisseau qui passe en bas de leur colline, de l’histoire de leur culture, ça les intéresse. Un paysan du district de Huye55 m’a dit un jour qu’il aimait mes émissions parce qu’elles parlaient de pauvres gens, c’est-à-dire des paysans inconnus du grand public et pas seulement des grands hommes, ikiganiro kivuga abakene. Mais il faut dire du bien de leurs ancêtres, sinon, ils ne sont pas toujours prêts à l’accepter. [Rires] Ils veulent entendre parler d’eux, de leurs ancêtres qui ont été braves, mais ils ne tolèrent pas... disons les points négatifs. L’audience est très exigeante. Il arrivait que je parle d’un ruisseau qui n’existe pas dans une certaine vallée, faute d’avoir été sur les lieux, et que des gens réagissent en disant qu’il n’y a pas d’eau, que je suis un menteur. Ils ne réalisaient pas que ce ruisseau pouvait couler au xviie siècle et que, par la dégradation de l’environnement, il pouvait avoir cessé d’exister au xxe siècle. N’empêche, cela m’a appris que je devais d’abord visiter le terrain. Vous avez arrêté cette émission pour une raison particulière ?J’ai dû arrêter quand je suis venu faire mon DEA à Paris en octobre 2002, mais j’ai repris à mon retour en juin 2003, jusqu’en 2005. Je voulais me consacrer davantage à la recherche académique.
Pouvez-vous expliquer en quelques mots ce qui vous a conduit à reprendre vos études et à venir en France faire un DEA puis une thèse avec Pierre Boilley ?En fait, à ce moment-là, j’ai été dans l’obligation de reprendre mes études pour continuer ma carrière, parce que je ne pouvais pas rester à l’université sans doctorat. J’avais rencontré une première fois Jean-Pierre Chrétien en 1995 à Kigali où il avait donné une conférence. Je l’ai rencontré ensuite en 1998 à Bujumbura lors d’un colloque sur la bonne gouvernance, et à nouveau à Kigali en 2002. C’est à ce moment-là que je lui ai parlé de mon projet d’étudier à Paris. Il m’a renseigné sur les préalables à remplir pour être admis à Paris 1 et j’ai eu un prêt-bourse d’une année du gouvernement du Rwanda. Jean-Pierre Chrétien a dirigé mon mémoire de DEA, puis j’ai continué en thèse entre 2009 et 2013 avec Pierre Boilley quand Jean-Pierre Chrétien a pris sa retraite. C’est grâce à eux que j’ai pris connaissance des théories de l’ethnicité, des doctrines raciales, etc. Pour ceux qui ne connaissent pas votre travail, pouvez-vous expliquer ce que vous avez voulu faire dans votre thèse et les raisons pour lesquelles vous avez fait ces choix ?Ma thèse est liée à la fois à mon mémoire sur le Mayaga sous l’administration belge, mais aussi à ma formation à Yale University, aux rencontres avec Jean-Pierre Chrétien et à la lecture de ses ouvrages, que j’ai découverts en 1998 au colloque de Bujumbura dont j’ai parlé il y a un instant56. J’avais envie de faire un travail relatif au génocide des Tutsi, mais je ne savais pas trop comment m’y prendre. Quand je suis arrivé à Paris 1, il y avait un cours sur les théories de l’ethnicité. Je me suis familiarisé avec la littérature dans ce domaine et j’ai commencé à voir comment je pourrais, à partir de ça, expliquer certaines données sur le génocide. Le livre de Philippe Poutignat et Jocelyne Streiff-Fenart, Théories de l’ethnicité, a été très important pour moi57. J’ai aussi beaucoup lu à propos des doctrines raciales. On voit bien comment celles-ci ont été élaborées en Europe et transportées en Afrique par le biais de la colonisation. Au Rwanda, c’est avec la colonisation qu’on a commencé à parler de races alors qu’auparavant, ce terme n’existait pas. Ma question essentielle a donc été de comprendre comment, au Rwanda – qui n’est pas une création coloniale, qui existait auparavant, avec bien sûr des clivages sociaux –, les tensions dites ethniques se sont accrues après l’indépendance alors que ce n’était pas évident avant la colonisation. Voilà, c’était la question essentielle : pourquoi un pays qui n’a pas été créé par la colonisation a pu sombrer dans les tensions dites ethniques après l’indépendance ? Avec comme hypothèse, après avoir pris connaissance de ces théories raciales, que c’était peut-être dû à la gestion coloniale de la société selon un prisme racial. La réponse à ces questions ne consiste pas, néanmoins, à statuer sur les origines de ce clivage, mais à expliciter les options idéologiques et politiques qui ont manipulé ces identités de manière à faciliter l’exécution du génocide. J’avais déjà des bribes de réponse quand j’avais travaillé sur le Mayaga, mais je voulais le vérifier de manière plus générale. Pour cela, j’ai collecté des données sur le terrain, mais aussi dans les archives africaines de Bruxelles et à travers des témoignages oraux. Pouvez-vous décrire comment vous avez travaillé sur le terrain, au Rwanda spécifiquement ? Dans votre thèse, vous citez des documents inédits, qu’on ne connaît pas beaucoup par ailleurs, et j’aimerais savoir comment vous avez trouvé ces documents, pour toute la période après l’indépendance. En France, j’ai surtout travaillé à la bibliothèque du Centre Pompidou et à la Bibliothèque nationale de France, dont l’architecture ne cessait de m’impressionner. Parfois aussi à la bibliothèque Sainte-Geneviève près du Panthéon. En Belgique, j’ai exploité des dossiers des archives africaines de Bruxelles et des bibliothèques de Tervuren. Au Rwanda, j’ai beaucoup travaillé sur la presse, mais aussi sur tout ce qui est conservé ici à Butare, à Huye, dans la bibliothèque de l’université. Nous avons une bibliothèque très riche, notamment dans son centre de bibliographie rwandaise, avec par exemple des rapports provenant des ministères, du Parlement, etc. Les procès-verbaux des séances de l’Assemblée nationale dans les années 1960 m’ont beaucoup aidé, par exemple. Ils sont toujours disponibles dans notre bibliothèque. Et puis, il y a la presse locale : Kinyamateka, Imvaho, etc.58. C’est une mine inépuisable de documents. Concernant les témoignages oraux, je me suis concentré sur l’actuel district de Bugesera, dans le secteur de Gashora.
Quelles sont vos activités aujourd’hui ?Je continue à mener des recherches sur le Rwanda précolonial, sur la colonisation et sur le génocide contre les Tutsi59. Une dernière question, pour terminer : quel regard portez-vous sur l’histoire au Rwanda aujourd’hui ? Quelle place occupe-t-elle ?L’histoire occupe une place importante aujourd’hui. On a recours à elle pour des séances de formation pour comprendre les racines du génocide contre les Tutsi, pour évaluer et préserver l’héritage culturel, pour identifier les héros nationaux et les bénéficiaires potentiels des ordres nationaux, pour consolider l’unité des Rwandais. On a besoin d’elle aussi pour comprendre comment le Rwanda s’est construit en tant que nation et en tant qu’État.À une époque, [dans les années 2000 et au début des années 2010,] il n’y avait pas assez d’étudiants et on a craint que le département puisse fermer. Mais les choses changent depuis quelque temps. C’est une bonne nouvelle, car l’histoire permet de comprendre tout ce qui s’est passé au Rwanda. C’est aussi grâce à cela qu’on peut aider à la réconciliation.
Florent PitonEnseignant-chercheur contractuel, Université d’Angers, TEMOS
(France)

[Notes :]
1 Ce texte combine deux interviews menées, la première, à distance le 22 septembre 2021 et, la seconde, de visu à Huye au Rwanda le 26 avril 2022. Des précisions écrites ont été apportées par Raphaël Nkaka lui-même sur une transcription légèrement remaniée de la première interview début 2022. Les sections en italiques correspondent à ces précisions écrites. Les sections entre crochets, le plus souvent des précisons factuelles, sont des ajouts de l’éditeur de l’entretien. Cet entretien peut par ailleurs être mis en relation avec d’autres effectués avec Raphaël Nkaka lui-même ou d’autres historiens rwandais : Piton Florent (2021), « Écrire l’histoire du génocide des Tutsi au Rwanda à partir de sources locales. Entretien avec Paul Rutayisire, Charles Kabwete Mulinda et Philibert Gakwenzire », Sources. Matériaux & terrains en études africaines, 3, pp. 257-281. En ligne, consulté le 5 mars 2023. URL : https://www.sources-journal.org/662 ; Ramondy Karine (2022), « Entretien avec Raphaël Nkaka, historien rwandais », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 143-144, pp. 98-101. 2 Nkaka Raphaël (2013), « L’emprise d’une logique raciale sur la société rwandaise, 1894-1994 », thèse de doctorat, Paris, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.3 Au moment de l’indépendance, les territoires deviennent des préfectures et les chefferies et sous-chefferies des communes. La carte administrative est également redessinée.4 C’est en effet en 1959 que se déroulent les premières violences anti-Tutsi. Sur cette période : Carney James Jay (2014), Rwanda Before the Genocide. Catholic Politics and Ethnic Discourse in the Late Colonial Era, New York, Oxford University Press ; Saur Léon (2013), « Catholiques belges et Rwanda : 1950-1964. Les pièges de l’évidence », thèse de doctorat, Paris, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.5 La monarchie, apparue au Rwanda autour du xviie siècle et à la tête de laquelle se trouve le mwami (roi), avait été maintenue durant la période coloniale, dans le cadre d’une administration dite indirecte.
6 Principal parti politique ayant conduit la révolution entre 1959 et 1961, il devient après l’indépendance en 1962 parti unique de fait jusqu’en 1973.7 Référendum qui met fin à la monarchie et consacre un nouveau régime républicain, près d’un an avant l’indépendance.8 Kabanda Marcel (2007), « Rwanda, les massacres de 1963. Le témoignage de G. D. Vuillemin », in C. Deslaurier et D. Juhé-Beaulaton (dir.), Afrique, terre d’histoire. Au cœur de la recherche avec Jean-Pierre Chrétien, Paris, Karthala, pp. 415-434.9 Delmas Léon (1950), Généalogie de la noblesse (Les Batutsi) du Ruanda. Au pays du mwami Mutara III Charles Rudahigwa, Kabgayi, Vicariat apostolique du Ruanda ; Vansina Jan (2001), Le Rwanda ancien. Le royaume nyiginya, Paris, Karthala, p. 137 (note 32).10 Il s’agit du même oncle paternel que celui évoqué plus haut.
11 La consécration du Rwanda au Christ-Roi par le roi Mutara Rudahigwa en 1946 apparaît à l’époque comme le symbole des succès de l’évangélisation dans le pays. Tout au long de la colonisation, les missionnaires, au premier rang desquels les catholiques, avaient d’ailleurs été au cœur des politiques scolaires, dans le cadre d’un enseignement subsidié.12 Fondé en 1956, le collège du Christ-Roi avait été le premier établissement d’enseignement secondaire du pays, en dehors des séminaires et du groupe scolaire d’Astrida, au statut particulier. Il est resté par la suite un établissement particulièrement prestigieux.13 Raphaël Nkaka fait référence aux évènements du début de l’année 1973, lorsque des milliers de Tutsi furent chassés des écoles secondaires, de l’université ou des emplois qu’ils occupaient dans les entreprises publiques, voire dans certaines entreprises privées. Ces évènements ont précipité le coup d’État du 5 juillet de la même année mettant fin au régime de Grégoire Kayibanda et conduisant Juvénal Habyarimana à la tête du pays.14 Un témoignage plus complet de Raphaël Nkaka a été publié au Rwanda : Commission nationale de lutte contre le génocide (2020), Ubuhamya bwatanzwe na bamwe mu Batutsi bakorewe itotezwa n’iyirukanwa mu mashuri makuru n’ayisumbuye mu mwaka 1973 [Témoignages de certains Tutsi persécutés et expulsés des écoles supérieures et secondaires en 1973], Kigali.
15 Auteur prolifique tout au long de sa vie (1912-1981), l’abbé Alexis Kagame est considéré comme le premier historien rwan-dais, même si certains lui dénient ce qualificatif. Sur cet auteur, voir notamment : Karangwa Jean de Dieu (2002), « L’abbé Alexis Kagame : un érudit engagé », in M. Quachebeur et al. (dir.), Figures et paradoxes de l’histoire au Burundi, au Congo et au Rwanda, Kinshasa/Paris/Bruxelles, Celibeco/L’Harmattan/Archives et musées de la littérature, pp. 401-433 ; Ntezimana Emmanuel (1984), « Alexis Kagame à la rencontre de l’histoire du Rwanda », repris dans F. Imbs et F. Piton (dir.), Emmanuel Ntezimana (1947-1995). Être historien et citoyen engagé au Rwanda, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2021, pp. 241-255 ; Vidal Claudine (1991), Sociologie des passions (Côte-d’Ivoire, Rwanda), Paris, Karthala, pp. 45-61.16 Références complètes de ces deux ouvrages : Kagame Alexis (1969), Introduction aux grands genres lyriques de l’ancien Rwanda, Butare, Éditions universitaires du Rwanda ; Kagame Alexis (1972), Un abrégé de l’ethnohistoire du Rwanda, Butare, Éditions universitaires du Rwanda.17 Créé en 1970 et fusionné avec l’université nationale du Rwanda en 1981, l’IPN était destiné à fournir le vivier principal des enseignants du secondaire. Quelque 550 étudiants en sont sortis diplômés au cours des dix ans de son existence, dont environ 70 en français-histoire.18 Mise en œuvre selon les périodes de manière officieuse ou officielle, cette politique d’équilibre était présentée comme un moyen d’assurer la représentativité de l’ensemble des régions et des catégories dites ethniques pour l’accès aux écoles secondaires, à l’université ou à l’emploi public. Elle fut en réalité un instrument au service d’une éviction organisée des Tutsi de ces voies privilégiées d’ascension sociale, notamment dans les années 1970 et 1980.19 L’accès des Tutsi à l’enseignement supérieur était alors globalement freiné par la politique d’équilibre, d’où ces disparités statis-tiques, diverses toutefois selon les filières.
20 Ngayabateranya Augustin (1992), « Le rôle des catéchistes dans l’expansion de l’Église catholique au Rwanda (1900-1952) : aspect sociohistorique », thèse de doctorat, Paris, Université Paris 7 Denis Diderot. 21 Nkurikiyimfura Jean-Népomucène (1994), Le Gros bétail et la société rwandaise. Évolution historique : des xiie-xive siècles à 1958, Paris, L’Harmattan (issu d’une thèse soutenue en 1993).22 Cornevin Robert et Marianne (1962-1975), Histoire de l’Afrique, 3 volumes, Paris, Payot.23 Jan Vansina a commencé sa carrière au Rwanda à la fin des années 1950. De ces premières recherches fondées sur une remise en cause de l’historiographie coloniale et monarchiste ont notamment été tirés, à quarante ans d’intervalle, ces deux ouvrages : Vansina Jan (1962), L’Évolution du royaume Rwanda des origines à 1900, Bruxelles, Académie royale des sciences d’outre-mer, Bruxelles, 2000, 2e édition ; Vansina J., Le Rwanda ancien..., op. cit.24 Pour la chronologie d’Alexis Kagame, voir : Kagame Alexis (1959), La notion de génération appliquée à la généalogie dynastique et à l’histoire du Rwanda des xe-xie siècles à nos jours, Bruxelles, Académie royale des sciences coloniales. Pour la chronologie de Jan Vansina, voir la note précédente. Jean-Népomucène Nkurikiyimfura a par la suite proposé sa propre chronologie : Nkurikiyimfura Jean-Népomucène (1989), « La révision d’une chronologie : le cas du royaume du Rwanda », in C.-H. Perrot (dir.), Sources orales de l’histoire de l’Afrique, Paris, Éditions du CNRS, pp. 149-175.25 Rumiya Jean, Le Rwanda sous le régime de mandat belge (1916-1931), L’Harmattan, Paris (issu d’une thèse soutenue en 1983).26 Située au nord-ouest du pays, la commune de Nyakinama a accueilli à partir de 1981 la faculté des lettres dont faisait alors partie le département d’histoire de l’université nationale du Rwanda.27 Imbs François et Piton Florent (dir.) (2021), Emmanuel Ntezimana..., op. cit.28 Sur ces mythes et leur remise en cause, voir également : Chrétien Jean-Pierre et Kabanda Marcel (2013), Rwanda, racisme et génocide. L’idéologie hamitique, Paris, Belin.
29 Créé en mai 1990, Kangura a été le principal titre de presse écrite extrémiste jusqu’au génocide.30 Mbonimana Gamaliel (1981), « L’instauration d’un royaume chrétien au Rwanda (1900-1931) », thèse de doctorat, Louvain-la-Neuve, UCLouvain.31 Présent au Rwanda depuis les années 1970 et devenu par la suite docteur de l’université de Louvain, Roger Heremans occupe une place singulière dans l’histoire de l’université et, plus généralement, des mondes intellectuels et historiens au Rwanda avant le génocide.32 Nyagahene Antoine (1997), « Histoire et peuplement. Ethnies, clans et lignages dans le Rwanda ancien et contemporain », thèse de doctorat, Paris, Université Paris 7 Denis Diderot.33 Coquery-Vidrovitch Catherine (1985), Afrique noire. Permanences et ruptures, Paris, Payot, 1992, 2e édition. Catherine Coquery-Vidrovitch a elle-même donné des cours à l’université nationale du Rwanda dans la seconde moitié des années 1980, dans le cadre du partenariat alors existant entre le département d’histoire et l’université Paris 7 où elle était professeure.34 Raphaël Nkaka fait référence à l’ouvrage suivant : Heremans Roger (1971), Introduction à l’histoire du Rwanda, Kigali, Éditions rwandaises. Ce livre a fait l’objet de rééditions en 1973 et en 1988, les révisions opérées sur le manuscrit permettant de saisir les évolutions de l’auteur et, avec lui, la réévaluation progressive de l’historiographie au sein de l’université entre les années 1970 et les années 1980.35 Chrétien Jean-Pierre (1983), Histoire rurale de l’Afrique des Grands Lacs. Guide de recherches, Paris, Afera/Karthala.
36 Nkaka Raphaël (1987), « Le Mayaga sous l’administration belge de 1916 à 1952 », mémoire de licence, Ruhengeri, Université nationale du Rwanda.37 Auparavant colonie allemande, le Rwanda est occupé militairement par les Belges à partir de 1916. Il est ensuite attribué par la Société des nations à la Belgique en tant que territoire sous mandat, devenu territoire sous tutelle après la création de l’ONU en 1945.38 L’expression, communément usitée dans l’historiographie du Rwanda, désigne des espaces bénéficiant d’une relative homogénéité géographique, partageant une organisation sociale et des récits historiques communs et, parfois, ayant correspondu à d’anciennes entités politiques avant leur absorption dans le royaume central. Elles correspondent le plus souvent, mais pas systématiquement, aux chefferies administratives de l’époque coloniale.39 Nyiginya désigne le nom du clan dont était issu le mwami et les principaux chefs avant et pendant la colonisation.40 Pour une liste de ces mémoires d’étudiants, voir Imbs F. et Piton F. (dir.), Emmanuel Ntezimana..., op. cit., pp. 40-43.
41 Hertefelt Marcel d’ (1971), Les Clans du Rwanda ancien. Éléments d’ethnosociologie et d’ethnohistoire, Tervuren, Musée royal de l’Afrique centrale.42 Le mémoire, consultable au Centre de bibliographie rwandaise à la bibliothèque du campus de Huye, liste 38, informateurs interrogés entre août 1986 et mars 1987.43 Yuhi Musinga a été mwami de 1896 à 1931, année au cours de laquelle il est remplacé par Mutara Rudahigwa, décédé subitement en 1959.44 Créé en Ouganda en 1987 au sein d’une partie des réfugiés, majoritairement tutsi, qui avaient fui le pays depuis la fin des années 1950, le FPR mène en octobre 1990 une première incursion militaire au Rwanda, un évènement qui marque le début de la guerre civile. À la fois parti politique et mouvement armé via sa branche militaire, l’Armée patriotique rwandaise (APR), le FPR fédère ensuite une partie de l’opposition au régime de Juvénal Habyarimana, essentiellement en exil et clandestinement à l’intérieur du pays. L’essentiel de l’opposition politique intérieure est néanmoins constitué d’autres partis politiques dont une partie s’opposent tout autant au régime en place qu’au FPR.45 À mesure de ses incursions au Rwanda, le FPR parvient à contrôler une partie des régions frontalières au nord du pays.
46 Parti d’opposition fondé en 1991, le MDR a fini par se scinder en 1993 en une branche modérée et une branche extrémiste. Sur l’histoire de ce parti, voir : Bertrand Jordane (2000), Rwanda, le piège de l’histoire. L’opposition démocratique avant le génocide (1990-1994), Paris, Karthala.47 Les cours ont repris quelques mois plus tard, début avril 1995.48 Déo Kambanda a été recteur de l’université nationale du Rwanda après le génocide, jusqu’en 1997.
49 Rutayisire Paul (1987), La Christianisation du Rwanda, 1900-1945. Méthode missionnaire et politique selon MgrLéon Classe, Fribourg, Éditions universitaires ; Rutayisire Paul et Rutazibwa Privat (2007), Génocide à Nyarubuye, Kigali, Éditions rwandaises.50 Rutembesa Faustin (1976), « La politique belge et son impact sur l’évolution politique du Rwanda de 1950 à 1962 », thèse de doctorat, Montréal, Université de Montréal ; Rutembesa Faustin et Mutwarasibo Ernest (2009), Amateka ya jenoside yakorewe abatutsi muri Mugina, Kigali, Commission nationale de lutte contre le génocide.51 Pour une vue plus précise des thématiques abordées par les étudiants du département d’histoire dans leurs mémoires de fin d’études, se reporter aux listes des sujets disponibles à la bibliothèque de l’université, notamment : Université nationale du Rwanda (vice-rectorat académique), « Liste des mémoires défendus (1995-2001) », novembre 2002.52 En français, voir notamment : Kiernan Ben (1998), Le Génocide au Cambodge, 1975-1979. Race, idéologie et pouvoir, Paris, Gallimard.
53 Principale association de rescapés, fondée d’abord en Belgique en août 1994 avant de s’implanter au Rwanda en décembre 1995, Ibuka fédère aujourd’hui l’essentiel des associations de rescapés du pays et a des antennes dans plusieurs pays du monde.54 Nkaka Raphaël (2004), « La chronologie dans l’historiographie rwandaise », in D. Byanafashe (dir.), Les Défis de l’historiographie rwandaise, tome 1 : Les Faits controversés, Butare, Éditions de l’université nationale du Rwanda, pp. 85-99 ; Nkaka Raphaël (2004), « La presse et les changements politiques au Rwanda, 1959-1962. Le cas de Kinyamateka », in D. Byanafashe (dir.), Les Défis de l’historiographie rwandaise, tome 2 : La révolution de 1959, mythe ou réalité ?, Butare, Éditions de l’université nationale du Rwanda, pp. 83-96.55 La ville de Butare (Astrida jusqu’à l’indépendance) a pris le nom de Huye en 2006.
56 Chrétien Jean-Pierre (1993), Burundi, l’histoire retrouvée. 25 ans de métier d’historien en Afrique, Paris, Karthala ; Chrétien Jean-Pierre (1997), Le Défi de l’ethnisme. Rwanda et Burundi, 1990-1996, Paris, Karthala, 2012, 2e édition.57 Poutignat Philippe et Streiff-Fenart Jocelyne (2008), Théories de l’ethnicité, Paris, Presses universitaires de France.58Kinyamateka, organe de presse de l’Église, a été créé en 1933. Imvaho, titre gouvernemental, l’a été en 1960.
59 Parmi les publications récentes, voir : Nkaka Raphaël (2017), « Rwanda National Days Celebrations and Racist Propaganda (1962-1982) », Rwanda Journal of Social Sciences, 4(1), pp. 33-61. En ligne, consulté le 5 mars 2023. URL : https://www.ajol.info/index.php/rj/article/view/163303 ; Nkaka Raphaël et Kabwete Mulinda Charles (2017), « The Political Vision of the Rwandan Kingdom », Rwanda Journal of Arts and Humanities, 2(2), pp. 59-75. En ligne, consulté le 5 mars 2023. URL : https://www.ajol.info/index.php/rj/article/view/163987 ; Nkaka Raphaël et Kabwete Mulinda Charles (2017), « Royauté sacrée et pouvoir politique dans l’ancien Rwanda », Afrika Zamani. An Annual Journal of African History, 25, pp. 1-20. En ligne, consulté le 5 mars 2023. URL : https://journals.codesria.org/index.php/az/article/view/1776/1835 ; Nkaka Raphaël et Kabwete Mulinda Charles (2020), « Sacred Kingship and Political Power in Ancient Rwanda », Rwanda Journal of Social Sciences, Humanities and Business, 1(1), pp. 20-32. En ligne, consulté le 5 mars 2023. URL : https://www.ajol.info/index.php/rjsshb/article/view/198337.

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