Fiche du document numéro 33347

Num
33347
Date
Jeudi 7 octobre 2010
Amj
Auteur
Fichier
Taille
58960
Titre
Extradition de Sosthène Munyemana : décision le 19 octobre
Nom cité
Mot-clé
Source
Type
Transcription d'audience d'un tribunal
Langue
FR
Citation
Extradition de Sosthène MUNYEMANA : décision le 19 octobre.
Audience du 7 octobre 2010 à la Chambre d’instruction de la Cour d’Appel de Bordeaux
Le président de la Cour, Bernard BOULMIER, commence par rappeler les audiences précédentes :
• celle du 4 février 2010 qui se termine par une demande d’un supplément d’information.
• celle du 15 juin 2010 : le Rwanda n’ayant pas répondu, une nouvelle demande de
supplément d’information est faite au Rwanda.
A noter que le 2 juillet 2010, notification de placement sous contrôle judiciaire
adressée à MUNYEMANA. Le Rwanda transmet 17 pièces dont 3 non traduites. Le
président de la Cour énumère toutes les pièces

Le président évoque ensuite le mémoire de l’Avocat général, monsieur Jacques DEFOS du RAU. Ce
dernier relève des difficultés d’ordre juridique au vu des pièces reçues. La loi date de 2003 alors que
les faits reprochés se sont passés entre 1990 et 1994. L’Avocat général souligne le manque de
précisions sur les faits reprochés dans l’acte d’accusation, « éléments généraux et imprécis ». D’autre
part, pour certains crimes, il y a probablement prescription.
Le président évoque enfin le mémoire des avocats de la défense. Pour eux :
• il existe une jurisprudence en ce qui concerne les extraditions.
• des articles de presse plaident en faveur de Munyemana.
• la décision de la Cour d’Appel de Versailles dans l’affaire RWAMUCYO le 15/09/2010 ne
va pas dans le sens d’une extradition.
• Les avocats s’interrogent même sur la légalité de cette demande d’extradition.
• Les prescriptions ne sont pas vérifiées.
• Il ne faut donc pas extrader MUNYEMANA.

L’avocat général, Jacques DEFOS du RAU, prend alors la parole e s’adresse à la Cour. « La
demande d’extradition que vous devez trancher s’inscrit dans un contexte très particulier de violence
extrême, de conflit entre des ethnies, avec de nombreux assassinats […] lors d’événements à caractère
politique […] Vous devez appliquer le droit […], ne pas juger les faits […]. Il s’agit d’une simple
demande d’extradition qui obéit à des règles précises […] Cette demande doit être traitée selon des
conditions légales ».
Pour l’avocat général, des questions se posent quant à l’antériorité des faits. Les juges ont
besoin d’informations. Le Rwanda demande l’extradition de MUNYEMANA, ce qui laisse entendre
qu’il sera livré « menottes aux poings ».
« C’est à la justice rwandaise de se prononcer sur le fond. Encore faut-il qu’il y ait des charges
réelles… Malheureusement, je n’ai pas trouvé d’indices qui pourraient engager la responsabilité de
MUNYEMANA ».
Puis, faisant référence à l’article 696/14 du code pénal : « Il faut refuser l’extradition lorsqu’il
apparaît que la personne ne pourra bénéficier des droits de la défense. Faut-il une nouvelle demande
de complément d’information ? Les faits datent de 16 ans ! Existe-t-il des indices matériels prouvant la
culpabilité de MUNYEMANA » ?
« Vous avez la liberté de prendre une décision ».
L’avocate de la défense, madame Florence BOURG.
« C’est la troisième fois que nous sommes là. Nous n’avons reçu aucun complément
d’information en juin, et aujourd’hui ? Voilà 8 mois que Sosthène MUNYEMANA a une épée de
Damoclès sur la tête. In extrémis, nous avons obtenu des éléments du Rwanda, mais… (sous-entendu,
ce n’est pas probant). Je m’oppose donc à tout nouveau renvoi.
« C’est la septième fois que la justice française a à se prononcer sur une demande
d’extradition. Aucune réponse favorable à ce jour. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’une demande
inacceptable. Les demandes du Rwanda ne respectent pas un seul article de notre code pénal ». Et
d’annoncer sept motifs d’exclusion, mais décide d’en évoquer trois.





On ne peut pas extrader lorsqu’il y a prescription. La loi est de 2003 alors que les faits
reprochés se sont déroulés en 1994.
La peine de sûreté de 20 ans, en cellule d’isolation, est contraire à l’ordre public français.
Ce sont des traitements inhumains.
Il n’existe pas de garantie du respect des procédures.

Commentant ces trois points, l’avocate soulignera le fait que le TPIR a lui aussi refusé
d’extrader des prévenus vers le Rwanda… Les droits de la défense ne sont pas respectés au
Rwanda […] qui vit sous un régime dictatorial. Elle évoque ensuite le cas de l’avocat
américain ERLINDER, avocat de l’opposante Victoire INGABIRE, arrêté au Rwanda… Elle
ironise sur la loi qui traite de « l’idéologie génocidaire », loi au nom de laquelle on peut être
condamné, loi « fourre-tout », dénoncée par Amnesty International et Human Right Watch.
Elle évoque enfin le dernier rapport de l’ONU qui accuse le Rwanda d’avoir commis un
génocide au Congo. « Aujourd’hui, les masques tombent. Le Rwanda n’est pas un pays de
droit ». Elle évoque enfin la faiblesse de l’acte d’accusation qui fait allusion à un « viol »
commis par quelqu’un qui habiterait « en Belgique » ! Cela ne peut donc concerner son client.
Elle termine en déclarant qu’il faut refuser l’extradition.
Parole est enfin donnée à monsieur MUNYEMANA.
« Je n’ai rein à ajouter […] mon avocate a très bien parlé […] La justice du Rwanda
n’est pas fiable, surtout les Gacaca. J’ai moi-même déposé plainte contre des personnes. L’acte
d’accusation ne fait que reprendre les faits évoqués par African Rights, une association à la
solde de Kagame. »
Voulant évoquer la situation au Rwanda, Sosthène MUNYEMANA est interrompu
par le président de la Cour car cela a été longuement évoqué par son avocate. Monsieur
MUNYEMANA demande que la Cour prenne une décision défavorable. Il termine en
exprimant sa compassion pour les victimes au Rwanda, au Congo et en France.

L’arrêt sera rendu le 19 octobre.
Alain Gauthier, président du CPCR
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024