Fiche du document numéro 4295

Num
4295
Date
Mercredi 23 novembre 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
1266211
Titre
Rapport succinct concernant la rencontre de Bukavu sur le thème crucial du retour des réfugiés rwandais (23-28/10/94)
Tres
L'Internationale démocrate chrétienne persiste dans son soutien aux auteurs du génocide des Tutsi
Nom cité
Nom cité
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Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Résumé
The Internationale démocrate chrétienne persists in supporting the perpetrators of the Tutsi genocide
Source
IDC
Fonds d'archives
VdM
Type
Langue
FR
Citation
Internationale Démocrate Chrétienne
Internacional Democrata Cristiana
Christian Democrat International


UNION MONDIALE DES PARTIS DËMOCRATES·CHRETIENS ET DES PARTIS QUI ADHÈRENI AUX VALEURS DËMOCRATES·CHRETIENNES
UNION MUNDIAL DE LOS PARTIDOS DEMO{;FA TA CRIS llANOS Y Dt LOS F'ARTIDOS QUE COMPARTEN LOS VAl.ORE$ tlfMOCRATA CRIS f1ANOS
wom n UNION Of CHRISTlAN·OI:MOCflA1IC PARTIES AND OTHEn PARTIFS WHICH SHARE THE r:HRISltAN tlEMOCRATlC VALUES

Date: 23/11/94 Nombre de pages: 3

DE: Alain DE BROUWER, Conseiller politique IDC

POUR: Mme WALDAK . Secours International de CARITAS CATHOLICA
Rue Guimard, 1 - 1040 BRUXELLES

Annexes: 2 pp.
Fax: 514.48.67

Message urgent à l'intention de Monsieur Luc HEYMANS, Directeur du Secours International de CARITAS.

1. tout grand merci pour l'accueil réservé par l'équipe de CARITAS lors des rencontres de BUKAVU fin octobre 94: mon rapport de mission vous a été envoyé ainsi qu'au Colonel Paul MALHERBE;
une "Charte de retour rapide et Pacifique des réfugiés rwandais" a été adoptée par les principaux concernés à cette occasion: voir annexe texte en kinyarwanda et français.

Est-il possible de transmettre des exemplaires disponibles à ACT aux milieux concernés
dans le..., ONG, ligues de défense des droits de l'homme ... ?

2. Dans mon rapport de mission p. 4, j'ai constaté l'ouverture de certaines personnalités MDR (Jean KAMBANDA et Jérôme BICAMUMPAKA), leur volonté d'éloigner les éléments douteux dans la restructuration du gouvernement en exil (confirmée par la décision du 1.11,94), de renoncer aux accusations non fondées à l'encontre de la Belgique soutenue même par l'ancien Ministre de la Justice et de coopérer honnêtement avec l'Auditorat militaire belge, afin de faire toute la lumière sur la mort de nos 10 casques bleus.

J'ai transmis cet engagement personnel de Mr. KAMBANDA à Mr l'Auditeur militaire VAN WINSEN.

Je pense qu'il faudra aider l'Auditeur dans son enquête prochaine à BUKAVU et lui faciliter tous les contacts utiles avec des témoins importants.

Est-il possible d'annoncer cette visite? L'action de la Justice, dans une sous-région où l'impunité a trop souvent régné, aura un effet bénéfique, y compris dans les efforts de réconciliation et de retour en dignité des réfugiés.

Enfin, l'expertise judiciaire belge sera essentielle si l'on veut donner du contenu au Tribunal international créé par le Conseil de sécurité et accepté finalement par les deux anciens, si possible pas encore futurs, belligérants


Bien cordialement.

Alain DE BROUWER

SECRETARIAT GENERAL

,

Flue de la Vicloire. 16 (Btt! 1)

SFcm,TARIADO

1060 Bruxelles

GENERAL

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IJNION MONDIALE DES PARTIS DEMOCRATES-CHRÉTIENS ET DES PARTIS QUI ADHÈRENT AUX VALEURS DÉMOCRATES-CHRËTIENNES
IJNION MIJNDIAL DE LOS PARTIDOS DEMOCRATA CRISTIANOS y DE LOS PARTIDOS QUE COMPARTEN LOS VALORES DEMOCRATA CRISTIANOS
VüRLD IINION or CHRISTIAN-DEMOCRATIC PARTIES AND OTHER PARTIES WHICH SHARE THE CHRISTIAN DEMOCRATIC VALUES

Monsieur W. MARTENS
Président du Groupe PPE
du Parlement Européen
Rue Belliard, 97 - 113
1047
BRUXELLES

Bruxelles, le 10 novembre 1994

Monsieur le Président,
-


Suite à ma mission dans les camps de réfugiés rwandais à Bukavu (Zaïre), j'ai rédigé un rapport succinct que je vous soumets en annexe.

Dans ce rapport, j'ai repris pages 9 et 10 l'essentiel de la Charte de Bukavu qui définit la position unanime des représentants des communautés exilées et de certaines ONG sur les conditions d'un retour rapide et sûr des réfugiés dans leur pays. Cette voie nous apparaît comme la seule possibilité d'éviter la déstabilisation de tout l'Est du Zaïre et la reprise des affrontements et donc la poursuite des massacres.

Ces conditions du retour sont raisonnables, car elles respectent le cadre international pour la paix conçu à travers les accords d'Arusha et appuient sans ambiguïté la mise en place du Tribunal international.

Malheureusement ceux qui détiennent la réalité du pouvoir à KIGALI (l'aile militaire du FPR) ne semblent pas ouverts à cette main tendue des communautés de réfugiés pour des négociations de réconciliation.

Notre crainte sur l'attitude réelle de Kigali est confortée par le départ du Ministre des Affaires étrangères M. Jean-Marie Vianney NDAGIJIMANA, accusé faussement d'avoir subtilisé des fonds publics destinés aux ambassades du Rwanda, mais qui, dans un communiqué du 19.10.94, accuse le FPR d'imposer au Gouvernement une "politique non réaliste et arrogante et à terme suicidaire" (voir page 5 du rapport les points précis du communiqué précité).



Bruxelles, le 2 novembre 1994
I/ADB/cs/
Au Comité de gestion de l'IDC

RAPPORT SUCCINCT CONCERNANT

LA RENCONTRE DE BUKAVU SUR LE

==================================================

THEME CRUCIAL DU RETOUR DES REFUGIES RWANDAIS 23-28/10/94)
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Sommaire:
I- Organisation de la rencontre
II - ses objectifs

III - l'expression politique des communautés de réfugiés, les partis politiques
rwandais et le gouvernement en exil

IV- - Visite des camps: principales observations

V - L'essentiel de la Charte de Bukavu (25.10.94)


VI - L'appréhension de la crise rwandaise du côté zaïrois

VII - Les interférences avec la situation au BURUNDI

VIII - Premières conclusions



1.
ORGANISATION DE LA RENCONTRE

A l'initiative du "Comité Rwandais d'Action pour la Démocratie" (1) et avec l'aide de "ONG flamande ACT d'inspiration démocrate chrétienne et de la fondation du Groupe PPE, une rencontre a été organisée à Bukavu (Zaïre) du 23 au 28 octobre 1994 avec la participation:

1° de réfugiés rwandais engagés dans les camps et dans une série d'associations
volontaires, ONG de développement, ligues des droits de l'homme et mouvements
socio-politiques;

2° d'une délégation de rwandais oeuvrant en Europe en faveur de la reconstruction démocratique de leur pays et comprenant François NZABAHIMANA (animateur du C.R.A.D. et responsable du projet suisse des Banques Populaires au Rwanda), Paul MBARAGA (joumaliste à Deutsche Welle) et Samuel HITIMANA (délégué de la section belge du MDR);

3° d'une délégation européenne composée de Bernard STASI (Vice-Président de la
commission développement et coopération du Parlement européen, ancien Ministre
CDS), Rika DE BACKER (ancien Ministre CVP et Présidente d'ACT), le Sénateur Jan
VAN ERPS (ancien médecin de MSF), le Père Serge DESOUTER (responsable de
la coordination des Instituts Missionnaires CIM-CMI) et Alain DE BROUWER
(Conseiller chargé de l'Afrique à l'IDC).

II. LES OBJECTIFS DE LA RENCONTRE

Un des objectifs importants de la rencontre de Bukavu a été, au moment où les visites se multiplient à Kigali, et où la question de la reprise de la coopération est posée avec de plus en plus d'insistance, d'écouter la voix des réfugiés rwandais, l'essentiel de la population, et d'accompagner toute initiative allant dans le sens d'un retour pacifique et sûr des réfugiés.

(1) Le C.R.A.D. a été lancé dès mai 1994 par un ancien Ministre du Commerce François NZABAHIMANA, qui a pu se réfugier en Belgique dès le début du drame rwandais et qui a connu la perte de plusieurs membres de sa famille et la dispersion des survivants.
Le C.R.A.D. est indépendant des partis et a réalisé une première mission
d'observation financée par ACT dans les camps de réfugiés au Zaïre du 14 au
27.08.94: celle-ci a donné lieu à un rapport intitulé "Le Rwanda ou l'urgence politique" et disponible au siège du C.R.A.D. (119, Rahier, à B. 4987 STOUMONT - Belgique).

3

La rencontre qui s'est déroulée en dehors du contexte étroit des partis politiques et indépendamment du gouvernement en exil, a permis de nombreuses visites dans les camps aux environs de Bukavu et de Goma et au nord d'Uvira, avant et après les réunions.

La rencontre a enfin débouché sur une "Charte du retour des réfugiés rwandais",
résultat de trois jours de discussion entre les participants des groupes 1° et 2° et après deux échanges de vues avec la délégation européenne (groupe 3°) (cfr plus loin: par. V p. 9).

III. L'EXPRESSION POLITIQUE DES COMMUNAUTES DE REFUGIES,
LES PARTIS POLITIQUES ET LE GOUVERNEMENT EN EXIL

a. Sans être exclus de la rencontre de Bukavu, les partis politiques qui sont en "examen de conscience" et à l'écoute du monde associatif des camps, s'expriment sur un ton beaucoup plus constructif et coopératif qu'auparavant.
L'on se reportera à cet égard à la contribution écrite du délégué du MDR Samuel HITIMANA: celle-ci fustige les luttes d'influence qui ont marqué la période précédant la tragédie rwandaise, et le manque de sens du bien commun et de respect de la démocratie interne des partis politiques qui a caractérisé le comportement de certains leaders.
Idem concernant la note du 20.10.94 d'André LOUIS, Vice-Président de l'IDC, précisant le statut d'observateur d'A. DE BROUWER à cette rencontre de Bukavu et qui observait que les forces politiques non-liées au FPR ne pouvaient établir un dialogue sérieux "qu'entre personnes irréprochables" et que, dès lors, il fallait peut être "instaurer dans chaque parti - ou conjointement - un tribunal d'honneur permettant d'écarter du dialogue tout qui a été mêlé aux tueries".

b. Sur un plan plus large, le Ministre des Affaires étrangères Jérôme BICAMUMPAKA, dans un "mémorandum pour la communauté internationale" diffusé le 14.10.94 à Bukavu au nom du gouvernement en exil, en appelle à "une révolution des mentalités" pour sortir la société rwandaise des pesanteurs et rigidités héritées du passé et pour libérer les acteurs politiques et sociaux de certains conservatismes et conformismes. Il se réfère ici aux conceptions du pouvoir héritées de la tradition féodo-monarchique, autoritaires, exclusives et situées aux antipodes d'une véritable participation du citoyen (1).

c. La rencontre de Bukavu s'est déroulée sans participation, ni représentation, du gouvernement en exil: Contrairement aux allégations de certains quotidiens belges, la charte du retour qui a conclu la réunion, ne constitue en rien "les conditions du gouvernement en exil".

(1) Dans un ouvrage sur "l'arrivée des européens au Burundi" (juin 1994), Jean GHISLAIN n'hésite pas à parler d'une mentalité des dirigeants d'autrefois "fortement imprégnée de l'idée que gouverner c'était profiter du pays: Kury' ikihugu = manger le pays".

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d. En dehors de la rencontre et après l'adoption de la Charte, des contacts personnels ont eu lieu avec deux personnalités issues de l'opposition MDR, les ministres Jean KAMBANDA et Jérôme BICAMUMPAKA, ce dernier venant d'avoir un entretien avec le Ministre de la coopération hollandaise PRONK.

Ces 2 personnalités m'ont donné une impression de grande ouverture que l'on
retrouve aussi dans le mémorandum du 14.10.94 ci-annexé.
Elles condamnent sans ambiguïté les massacres scandaleux qui ont suivi l'attentat aérien, mais signale que le gouvernement n'a été formé que 3 jours après le déclenchement des tueries et ne peut donc endosser une responsabilité dans la planification et l'exécution de celles-ci.
Les 2 ministres ont confirmé que le jour après la prestation de serment du gouvernement intérimaire, le 11.04.94 une note verbale a été remise au Général DALLAIRE pour l'avertir que ce gouvernement n'arrivait pas à maîtriser la situation à Kigali et craignait même l'extension des massacres à l'ensemble du pays (1), et pour demander qu'en raison de la reprise de la guerre par le FPR et de l'accaparement des FAR sur le front, les casques bleus de la MINUAR rétablissent l'ordre à Kigali.
Les 2 ministres n'ont reçu aucune réponse du Général DALLAIRE et ont même constaté sa politique d'encouragement du retrait des unités belges, de diminution des effectifs confirmée dans la suite par la 1ère décision du Conseil de Sécurité et par son attitude d'attentisme.
Non seulement MM KAMBANDA et BICAMUMPAKA n'ont pas peur de l'instauration d'un tribunal internationàl (2) màis ils l'appellent de leurs voeux et demandent que des enquêtes systématiques soient faites sur les massacres commis tant en zone gouvernementale, qu'en zone FPR avant et après sa victoire et en zone sous contrôle de la MINUAR.
Les autorités en exil sont prêtes à recevoir des enquêteurs de l'Auditorat Militaire de Bruxelles pour les aider à faire toute la lumière sur les circonstances et les responsabilités de la mort de 10 casques bleus belges envoyés par la MINUAR dans une mission suicidaire.
Jean KAMBANDA et Jérôme BICAMUMPAKA reconnaissent l'effet très négatif de la campagne anti-belge qui s'est développée à Kigali et aussi le caractère excessif de certaines accusations à l'encontre du gouvernement belge suspecté d'appuyer "la restauration au Rwanda d'un pouvoir tutsi", "d'avoir été mis au courant du projet macabre" (attentat aérien du 6.4.94) et "de n'avoir rien fait pour empêcher l'exécution du dit projet" (voir le document significatif intitulé "Le peuple rwandais accuse" et adressé le 21.09.94, par le Ministre de la Justice Agnès NTAMABYALIRO au Président de la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU à Genève). Jean KAMBANDA a adressé une lettre d'excuse à propos de ces accusations injustes au Premier Ministre belge en juillet dernier, mais trop tard.

(1) Plusieurs réfugiés ont confirmé le comportement non ambigu de Jean KAMBANDA
et ses appels relayés chaque jour par radio Kigali, pour engager la population à ne pas confondre les agresseurs avec les compatriotes tutsi.

(2) Pour qu'un tribunal international puisse aller au fond des problèmes et ne se contente pas d'une solution juridique formelle, il est indispensable que les futurs juges se pénètrent des réalités historiques et sociologiques du Rwanda. (a-t-on relevé lors des réunions de Bukavu: c'est là un des enjeux essentiels. Mais comment faire de la justice un élément de paix et de reconstruction du pays?



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Jean KAMBANDA insiste sur le lent travail de sape contre les Forces Démocratiques
du Changement, les tentatives secrètes pour les impliquer dans la guerre en dotant
certains partis (PL et PSD) de jeunes jeunes milices armées formées à MULINDI.
Les deux personnalités MDR encouragent toutes les initiatives libres issues des
camps et de la société civile qui se reconstitue petit à petit.
Pour eux, le gouvernement en exil doit être au service des réfugiés et de leur retour en liberté et en sécurité, même si pour cela il doit déléguer ses pouvoirs, voire même s'effacer à terme.

Ils sont prêts à négocier avec le FPR et à entrer pleinement dans la logique de la
réconciliation, mais cela doit se faire dans la vérité et avec la garantie de la
communauté internationale.

Enfin, une fois les malentendus dissipés et leur appui confirmé à un tribunal
international, ils ne comprennent pas pourquoi l'isolement diplomatique et surtout
l'embargo sur les visas doivent se prolonger.

Les préoccupations qu'ils veulent faire partager par la communauté internationale et les pays amis du Rwanda rejoignent singulièrement celles exprimées par le Ministre des Affaires étrangères de Kigali, l'Ambassadeur Jean-Marie V. NDAGIJIMANA, dans son communiqué du 19.10.94 à Paris:

- non prise en considération par Kigali du rapport du HCR sur les massacres de
dizaines de milliers d'hutu par l'APR depuis juillet 94;
- refus d'ouverture politique en direction des membres MRND non compromis dans
un génocide;

- refus d'intégration des éléments des FAR n'ayant pas pris part aux massacres,
conformément à Arusha;

- refus de libérer les milliers de personnes accusées d'actes de génocide
sans preuve et sur simple dénonciation;

- acceptation par le gouvernement des atteintes généralisées à la propriété privée au profit desréfuqiés revenus d'Ouganda et du Burundi;

- interdiction de fait des activités des partis politiques;

- utilisation des ministres non FPR comme appât pour faire revenir des réfugiés
sans garantie sérieuse

- poursuite d'une politique étrangère non réaliste et arrogante et à terme suicidaire.

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IV. VISITES DES CAMPS DE REFUGIES: PRINCIPALES OBSERVATIONS

Nous avons visité en pleine saison des pluies trois camps dans les environs de Bukavu:

le grand camp d'INERA soutenu par CARITAS (56.000 réfugiés), celui de KASHUSHA
et celui de BAGIRA (quartier NYAKAVOGO) ainsi qu'un camp à 11 km au nord d'Uvira,
KAGUNGA.

Lors de deux pannes le long de la route entre Kavumu (aéroport) et Bukavu, nous avons eu des contacts fortuits avec des réfugiés, dont les camps étaient tout proches et nous avons assisté au sauvetage d'un réfugié ayant fui le Rwanda par le lac.

1. Au cours de ces rencontres tant organisées qu'accidentelles, nous n'avons constaté aucune manifestation d'agressivité à l'égard des belges, mais seulement l'expression d'un regret que la Belgique n'ait pu protéger le Rwanda contre la guerre et les déplacements de populations, ni aider à rétablir les réfugiés dans leurs droits de citoyens rwandais et dans leurs biens. Ils craignent que la Belgique, à l'instar des autres pays amis, donne la priorité à la reprise de la coopération avec Kigali, sans garanties sérieuses.

2. Nous avons entendu toujours le même message: "nous voulons rentrer chez nous et nous réconcilier dans un Rwanda pacifié, mais nous voulons le faire tous ensemble, librement et en sécurité sans subir le tri des soldats du FPR qui sont juges et parties dans les massacres. La plupart ont précisé que le seul retour possible est celui "en bloc" avec leur gouvernement en exil symbolisé par le Premier Ministre Jean KAMBANDA et avec leur armée. Ils admettent le désarmement des FAR, à condition qu'il soit parallèle à celui de l'armée du FPR (l'APR).

3. Tous parlent de témoignages inquiétants de ceux qui ont tenté un retour individuel et qui ont dû fuir à nouveau pour échapper à la mort ou à l'incarcération ou de ceux qui, tous les jours, continuent à grossir les rangs des réfugiés. Ces témoignages font état de massacres systématiques ou de sévices et du règne de la délation et de la terreur. Ils confirment la généralisation de l'appropriation des terres et maisons par les membres et les cotisants du FPR, ainsi que le pillage systématique des villes de Kigali et Butare par l'APR, notamment par des éléments issus de la NRA au bénéfice de commerces privés établis à Kampala. Des réfugiés du sud du pays, proches de partis d'opposition ayant espéré une accélération de la démocratisation à travers les pressions du FPR depuis octobre 1990, nous ont dit avoir découvert avec effarement une guerre qui n'était pas de libération et la restauration dans leur région d'un ordre ancien, ainsi qu'une économie de pillage.

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4. Les réfugiés reconnaissent la réalité sinistre des massacres et la nécessité du recours à un tribunal international pour condamner les vrais responsables: pour eux il n'y a pas qu'un seul génocide frappant la minorité tutsi, mais des génocides: celui de l'élite ou des cadres hutu ou celui de la communauté des réfugiés burundais dans le Mutara (plus de 30.000 personnes massacrées depuis le début de la guerre).

5. Les accords d'Arusha considérés avec méfiance et scepticisme avant la déflagration de la tragédie, sont acceptés comme base de référence pour les discussions futures avec le FPR. De nombreux réfugiés appellent de leurs voeux l'instauration d'un nouveau mandat international, certains ont même parlé de "protectorat, pour assurer avec autorité la mise en application d'Arusha. Malgré les expériences malheureuses avec la MINUAR et son manque d'engagement sur le terrain, les réfugiés espèrent toujours un ressaisissement de la communauté internationale.

6. Nous avons été frappés par la capacité des réfugiés de s'organiser démocratiquement dans tous les camps. Les chefs de camp sont appelés à être élus ou confirmés à Bukavu, tandis que les réfugiés ont déjà désigné leurs représentants aux niveaux de sous-quartiers et de quartiers et ceux-ci siègent au moins une fois par semaine dans un conseil de zone ou de camps. Des commissions de travail sont créées pour aborder les problèmes cruci-aux de sécurité, sociaux et sanitaires. Notons qu'à Goma, les camps se sont organisés selon les structures anciennes (Préfectures, communes, secteurs, cellules) et des commissions inter-camps ont été créées, dont une commission sociale qui est devenue le partenaire naturel des autorités zaïroises et des organisations humanitaires. C'est cette commission sociale qui a fait l'enquête sur la mort des 30 scouts zaïrois dans l'immense camp de Katare et publié un démenti non repris dans la presse occidentale (1). Un des grands absents de la rencontre de Bukavu a été la communauté des réfugiés en Tanzanie (+/- 500.000 personnes) (2). C'est le groupe de Naïrobi qui a établi le contact avec le grand camp de Benako et les autres. Une mission d'explication de la Charte du retour devrait s'y rendre bientôt.

7. Une des priorités ressentie partout est la formation des enfants et des jeunes qui voient leur avenir bouché et qui sont livrés à l'oisiveté et à la délinquance. Malgré l'interdiction par le gouvernement zaïrois d'une scolarisation dans les camps ou à l'extérieur qui signifierait une installation permanente, des classes de fortune ou des activités de remplacement de l'école sont mises sur pieds.

(1) Je n'ai pas pu visiter les camps de Goma où la situation est beaucoup plus tendue, en raison du déplacement en bloc des populations des préfectures nordistes de Ruhengeri et Gisenyi. Ce sont les anciennes structures MRND qui dominent. La violence reste grande comme la crainte d'infiltrations FPR: un nouvel affrontement entre réfugiés et scouts zaïrois soupçonnés d'être impliqués dans la mort d'un responsable interahamwe, vient d'avoir lieu dans le camp de KIBUMBA à 25 km de Goma. Cette fois-ci il n'y a plus seulement des blessés mais 12 scouts tués à coups de bâton!
(2) Lire le dossier "Rwanda" de l'ONG "Droits de l'Homme sans frontière" (N° 5/1994):
extraits du rapport de visite du Pasteur Jörg ZIMMERMANN (cfr pp. 9 et 10).

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Des bourses extérieures pour les universitaires sont réclamées, malgré l'embargo de fait sur les visas.

:Des mouvements de jeunesse (scouts, Xavéris ...) sont reconstitués.

8. Malgré l'organisation de base rwandaise, nous n'avons constaté au cours des visites des camps aucune atteinte à la liberté de mouvement: les réfugiés peuvent sortir ou quitter le camp et rentrer au pays s'ils le veulent. Nous n'avons pas ressenti derrière l'encadrement dont les réfugiés se sont dotés, une prise en otage de la population (nous avons d'ailleurs interrogé à ce sujet des responsables politiques sur les graves accusations d'Alain DESTEXHE, Secrétaire Général de MSF international, selon lequel à Goma "les réfugiés sont prisonniers de leurs anciennes autorités". La seule restriction d'accès constatée a été celle du responsable de l'Ordre de Marte dans un camps situé à côté de l'aéroport de Kavumu: sans autorisation expresse du HCR, notre délégation ne pouvait pas être admise dans le camp.

9. Enfin, le monde des associations et des ONG est devenu très actif à Bukavu, malgré la précarité de l'existence.

Il comprend des groupes de réflexion et d'initiative tels que l'Action pour la Réconciliation Nationale au Rwanda (avec participation d'officiers démocrates), des organisations de défense des droits de l'homme et des ONG de développement. Tous ces groupes s'efforcent d'abord de faire la lumière sur les tragiques événements et leurs causes profondes: ils se refusent à minimiser leur gravité ou à excuser les massacreurs, mais ils analysent les responsabilités de chaque acteur et dénoncent les simplifications des médias occidentaux.

Voir le dossier de l'ASBL "Solidarité internationale pour les réfugiés rwandais" (DUFATANYE) intitulé "le non-dit sur les massacres du Rwanda" (octobre 1994). Cette ASBL a commencé un travail systématique de recueil des témoignages de rescapés des massacres.

Ces groupes et associations tiennent à alerter la communauté internationale de l'impossibilité de résoudre de façon durable et équitable la crise rwandaise en partant de la situation de fait ou de force qui prévaut aujourd'hui à Kigali, tout en reconnaissant que la solution ne se résoud pas au cahier de doléances des millions de réfugiés et qu'il sera nécessaire de négocier directement avec le FPR sur base d'un ARUSHA adapté.

Tous les responsables des ONG rwandaises insistent sur l'importance capitale du partenariat avec les ONG européennes, garantes de leur plus grande liberté d'action. Elles réagissent face au danger de retrait des ONG humanitaires des camps à Goma.

10. Nous avons constaté un décalage dans la perception d'événements de la part des rwandais venant d'Europe pour rencontrer et aider leurs compatriotes réfugiés. Ceux-ci se méfient des approches et solutions "made in Europe". Ainsi des initiatives louables telles que les émissions pacifiques des radios "Gatashya" (hirondelle) et "Amahoro" (paix) sont bien accueillies, parce que non partisanes et ouvertes, mais du fait de leur éloignement les journalistes de ces radios risquent ne pas traduire assez fidèlement la réalité et les besoins concrets des réfugiés.

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V. L'ESSENTIEL DE LA CHARTE DE BUKAVU (25-10-94)

Bien que des divergences significatives existent à propos du nombre de réfugiés entre des organisations internationales comme le HCR (qui ont parfois tendance à minimiser les chiffres) et les milieux rwandais intéressés, l'on a parlé à Bukavu d'un total d'au moins 4 millions de réfugiés... Les informations récentes confirment la poursuite de l'exode.

La Charte établit une série de conditions préalables susceptibles de créer la confiance des rwandais et permettre un retour rapide et pacifique des réfugiés:

1° Mise en place d'un gouvernement légitime d'union nationale, d'une Assemblée nationale et d'une administration territoriale représentative de la population, dans un cadre institutionnel concerté entre le FPA et la communauté rwandaise en exil, avec pour référence les accords de paix d'Arusha;

2° formation d'une armée nationale, en se référant aux accords d'Arusha (4e protocole);

3° élargissement du mandat de la MINUAR II pour lui permettre d'assurer la sécurité intérieure et superviser la formation de cette armée nationale et la mise en place d'une nouvelle force de sécurité tant nationale que locale (polices communales);

4° mise en place à l'extérieur du pays d'un tribunal international chargé de juger tous les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis dans le cadre de cette guerre depuis le 1.10.90.



N.B. Les participants à Bukavu ont insisté afin que les membres et services de cette juridiction internationale soient mis en mesure de communiquer directement avec les populations.

Certains ont souligné les dommages graves causés aux recherches de solutions
pacifiques par l'impunité dont ont bénéficié les auteurs de massacres sélectifs au
Burundi depuis environ 30 ans;


5° Création d'un organe permanent d'observation du respect des droits de l'homme,
dont le mandat et la composition devront être acceptés par le FPR et la communauté
rwandaise en exil;

N.B. Ce ne sont pas les quelques observateurs (moniteurs) des droits de l'homme
à pied d'oeuvre au Rwanda qui suffiront.



6° Mise en place d'un système judiciaire indépendant pour identifier et juger équitablement les infractions n'entrant pas dans la compétence du tribunal international. Cela ne peut se faire qu'après la formation du gouvernement légitime d'union nationale.

7° Relance d'un authentique processus de démocratisation pluraliste dans l'esprit d'Arusha;

8° Restitution sans délais des terres et biens occupés:



9° Arrêt des exécutions sommaires et de l'institutionalisation de l'esprit de vengeance à l'intérieur du pays et libération de tous les prisonniers politiques;

10° Rejet des listes sauvages des assassins publiées par les belligérants parce qu'elles exposent des personnes à des jugements arbitraires et même à des exécutions sommaires sur place ou au refus d'octroi de visa à l'étranger et cessation de toute publication ou émission de nature provocatrice dans les médias.

Enfin, la Charte de Bukavu adresse un appel pressant à la Communauté internationale, afin de permettre un dialogue rapide:

1° Elle lui demande de se mobiliser pour favoriser la réalisation des 10 conditions énumérées plus haut;
2° Elle l'engage à réviser certaines attitudes négatives à l'égard des réfugiés, basées sur les affirmations unilatérales du FPR et qui entraînent une sorte d'embargo sur les visas, des restrictions à la libre circulation des réfugiés et une non reconnaissance de leurs droits fondamentaux;

3° Elle réclame son aide pour procéder à un rece~ement des réfugiés, afin de refléter les dimensions réelles de l'exode de population et de permettre une amélioration des services qui leur sont rendus;

4° Elle lui recommande l'orqanisation immédiât'e d'une"Conférence internationale sur les réfugiés rwandais, à laquelle les représentants de ceux-ci seront invités à participer;

5° Elle réclame son soutien à la future structure de représentation des réfugiés, L'on notera ici que la rencontre de Bukavu laisse ouverte cette question pratique urgente, car elle a voulu respecter les efforts de structuration des communautés de réfugiés en cours, ceux de coordination entre les camps et avec la diaspora à l'extérieur. L'on notera également l'équilibre à trouver entre les différents partenaires, y compris les militaires. . Ce point 5 reste essentiel: les besoins des communautés réfugiées en matière de communication externe sont importants: le suivi du projet Bukavu devra porter sur ce point.

VI. L'APPREHENSION

DE LA CRISE RWANDAISE DU COTE ZAïROIS

Des échanges de vues avec différentes personnalités du Kivu (journalistes, prêtres, politiciens, responsables administratifs), une approche commune se dégage: le Zaïre n'a pas voulu renvoyer à la mort les réfugiés et a donc accepté de les accueillir sur son territoire en attendant qu'une issue politique soit trouvée.


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Après 3 mois et demi de dialogue de sourd avec Kigali, le flux de réfugiés s'accroît encore et pèse dangereusement sur la situation du Kivu, au risque d'y compromettre l'évolution vers la démocratie et la tenue d'élections sereines.

Toutes les personnalités zaïroises rencontrées à Bukavu estimaient que les occidentaux devraient observer la situation avec plus de réalisme et ne pas tomber dans le piège tendu par les stratèges du FPR qui ont réussi à transformer les attaquants en "agressés" ou en victimes.

Rien de sérieux n'est fait par les véritables autorités de Kigali pour encourager le retour des réfugiés, au contraire une "politique de rééquilibrage des ethnies" est appliquée froidement et entraîne des massacres et la spoliation des biens des réfugiés.


Le gouvernement civil n'a pas barre sur l'organisation militaire du pays qui est la seule en position de décider et de faire appliquer les décisions.

Les zaïrois du Kivu ne comprennent pas pourquoi le mandat français n'a pas été
prolonqé et pourquoi la MINUAR a envoyé dans la "Zone Turquoise" des soldats
éthiopiens, ce qui a encore aggravé l'exode.
Les relations avec les nouvelles autorités rwandaises sont tendues: plusieurs incidents de frontière sont enregistrés et l'APR se donne un droit de poursuite en territoire zaïrois et n'hésite pas à menacer les autorités exilées.

L'Occident manque de fermeté à l'égard de Kigali et doit veiller à assurer un retour rapide et en sécurité de tous les réfugiés.

Le Kivu déjà surpeuplé connaît d'importants dommages, par exemple, en matière de sécurité (trafic d'armes, banditisme), de santé publique et d'environnement: l'accueil des réfugiés a entraîné une déforestation dangereuse à Bukavu, ce qui a provoqué des glissements de terrain mortels lors des grosses pluies.

Le témoignage du Directeur de la Caritas de l'Archidiocèse de Bukavu, l'Abbé Pierre CIBAMBO mérite toute notre attention (cfr. Caritas-info N° 2 du 11.09.94):
"L'unique solution aux problèmes des réfugiés rwandais reste à nos yeux le retour de ces
derniers dans leur pays.

Où a-t-on vu un pays se vider de toute sa population? Et l'exode se poursuit. Si l'afflux des hutus vers les frontières zaïroises a diminué, on signale toujours de nombreuses fuites vers la Tanzanie, tandis que les retours au Rwanda se font au compte goutte.
La semaine dernière les Nations Unies ont avancé le chiffre de 140.000 rwandais rentrés dans leur pays depuis la victoire du F.P.R. Parmi eux figurent des anciens réfugiés tutsi qui se trouvaient au Burundi, en Ouganda, en Tanzanie et au Zaïre. On raconte que la plupart des hutus qui rentrent au Rwanda spécialement à Kigali, ne retrouvent plus leurs maisons car elles sont occupées par les tutsi. Plusieurs sont conduits dans des villages et sont placés sous contrôle des forces du nouveau gouvernement. C'est ainsi que lorsqu'on demande aux réfugiés pourquoi ils ne retournent pas chez eux, certains répondent que c'est pire d'être dépossédé de ses biens et déplacé dans son propre pays que d'être réfugié. Plusieurs n'ont pas oublié ce qu'ils ont souffert quatre années durant comme déplacés de guerre à l'intérieur du Rwanda. De fait, on oublie facilement qu'avant le 6 avril 1994, il Y avait déjà presque un million de personnes déplacées suite à la guerre entre le F.P.R. et le régime du président défunt Juvénal Habyarimana.

12

Ce n'est donc ni la langue de bois de certains pays du Nord et de certaines Organisations dites Humanitaires, encore moins leur hypocrisie et leur cynisme qui persuaderont les millions de rwandais réfugiés dans la région des Grands Lacs à retourner chez eux. Si des pressions ne sont pas réellement exercées sur le nouveau gouvernement de Kigali, si la communauté hutu diabolisée dans son ensemble par la communauté internationale et le nouveau gouvernement à majorité F.P.R., si les hutus n'ont pas la possibilité de négocier les conditions de leur retour au pays de Mille Collines, nous sommes partis pour de nombreuses années dans cette affaire.

Mais le nouveau gouvernement à majorité tutsi ne doit se faire aucune illusion. La communauté hutu comporte des hommes et des femmes valables et déterminés à retourner dans leur pays avec ou sans le consentement des nouvelles autorités de Kigali. Celles-ci gagneraient à créer dès maintenant les conditions d'un vrai dialogue entre les rwandais pour qu'ils se réconcilient entre eux. L'ampleur des massacres perpétrés par des extrémistes hutu à l'endroit des tutsi a permis aux agresseurs d'hier de se faire passer pour les libérateurs du peuple rwandais et de masquer ainsi leurs propres violations des droits de l'homme qui se poursuivent en face de nous et qu'on veut tout le temps mettre au compte de "quelques forces incontrôlées" du F.P.R. L'histoire nous dira s'il faut parler "d'un génocide" ou "des génocides" au Rwanda et si le fait d'être une minorité riche et très médiatique "donne droit à tout".

VII. LES INTERFERENCES AVEC LA SITUATION AU BURUNDI

La délégation européenne avant de se rendre à Bukavu a fait une escale prolongée à BUJUMBURA, afin de rencontrer le Président de la République M. Sylvestre NTIBANTUNGANYA.

A) Cet entretien a permis de mieux cerner la voie nouvelle empruntée par le leader du FRODEBU, en vue d'amorcer une solution pacifique à la crise burundaise née de la tentative de putsch militaire du 21.10.93: il s'agit à la fois de privilégier la voie des négociations et de prévenir les affrontements entre ethnies, en acceptant un partage du pouvoir jusqu'à la limite admissible pour un parti qui a recueilli la confiance de la grande majorité de la population lors des élections de juin 1993.

Sans rien renier du projet fondamental du FRODEBU de soumettre l'exercice du pouvoir (fait d'accaparement et d'exclusion) aux valeurs démocratiques et humanistes, de mettre fin à la règle de l'impunité en matière de violation des droits de l'homme, d'offrir à toutes les composantes de la société burundaise une égalité d'accès au savoir, à la fonction publique et dans la vie socio-économique, le Président NTIBANTUNGANYA se distancie de ceux qui veulent suivre la voie de la force pour atteindre ces mêmes objectifs, au risque de les dénaturer et de compromettre toute vie démocratique. Au fond la convention de gouvernement du 14.09.94 a permis d'affronter des problèmes qu'on avait refusé d'aborder lorsque le FRODEBU était dans l'opposition. Cette convention constitue une étape indispensable pour permettre au Burundi d'affronter les vrais problèmes.


13

Il faut donc mettre en place des mécanismes de prévention des conflits et de solution
de problèmes brûlants comme celui des déplacés de l'intérieur ou celui du
désarmement de la population civile par des moyens autres que la force militaire
brutale. Enfin il ya la nécessité impérieuse de relancer la machine économique dans
un pays qui connaît une chute de 20% de la production.

~1frL

B) Le Président NTIBANTUNGANYA aborde de façon très large la problématique du
retour des réfugiés rwandais .
. Cela devient une urgence politique, c'est une question de semaines, plutôt que de
mois. Pourquoi?
10

pour des raisons humanitaires d'abord:
la communauté internationale doit mobiliser des moyens importants qui seraient
utilisés plus efficacement dans la réinsertion des réfugiés et déplacés. alors que
la survie artificielle assurée actuellement constitue un investissement à fonds
perdu.



pour des raisons de sécurité:
les réfugiés veulent s'organiser pour rentrer chez eux et disposent de 40 à
50.000 personnes sachant manier les armes. Cela crée une très grande
insécurité pour toute la région. Il faut donc créer un cadre nouveau pour favoriser
une rencontre entre antagonistes. les principaux intéressés (la Belgique plaide
pour une conférence internationale en 2 temps).
Le Président NTIBANTUNGANYA se réfère à l'expérience burundaise du retour
des 60.000 réfugiés après les massacres de Ntega et Marangara en août 1988:
ce retour a été rendu possible par une combinaison des efforts du pays d'origine,
du pays d'accueil et du HCR.
Evidemment dans le cas rwandais, les réfugiés sont partis avec leurs anciennes
structures administratives.



en raison des responsabilités directes de la communauté internationale:
en effet, celle-ci est intervenue trop tard ou de façon erronée au point de ruiner
la crédibilité de l'ONU. Aujourd'hui elle ne voit pas encore que la victoire militaire
du FPR apporte une stabilité très artificielle.
La communauté internationale doit plus que jamais aider les pays de la région
à prévenir les catastrophes. Elle doit apporter une présence neutre et une
garantie de la parole donnée dans le dialogue entre Kigali et les communautés
de réfugiés.
Au Burundi, il ya une allergie à l'intervention internationale armée (cfr la question
des 300 hommes de la MIPROBU), par contre la présence des 47 observateurs
militaires de l'OUA est bien acceptée.

C) En conclusion, le Président NTIBANTUNGANYA
met en garde contre une
assimilation simpliste des problématiques du Rwanda et du Burundi: "il s'agit de faux
jun1aux", mais dont l'histoire politique respective a des incidences directes sur le
voisin: ainsi, le génocide de 1972 au Burundi a eu un impact sur la chute de la 1ère
République, les élections de juin 1993 au Burundi ont un effet positif sur la signature
des accords de paix d'Arusha, tandis que l'assassinat du Président NDADAYE le
21.10.93 a entraîné une bipolarisation politique et une radicalisation qui a conduit à
l'échec d'Arusha.

14
Aujourd'hui, 'Ia conclusion du compromis pacifique à Bujumbura aura-t-elle un effet
positif sur le dialogue entre rwandais?

~Jd

D) Quelques rappels sur l'importance de la question des réfugiés au Burundi
- On s'accorde aujourd'hui à enregistrer la présence de 200.000 réfugiés rwandais
dans le nord du Burundi.
Les incidents graves du 24.10.94 en province de Ngozi, au cours desquels 52
réfugiés rwandais ont trouvé la mort, sont présentés par certains milieux comme
le résultat de "provocations d'extrémistes bahutu appuyés par les anciennes FAR".
Le fait qu'une délégation du gouvernement de Kigali comprenant les ministres FPR
de l'intérieur et du rapatriement Seth SENDASHONGA et Jacques BIHOZAGARA
est-elle de nature à ramener la paix et le dialogue dans les camps visés et à
éloigner la crainte d'opérations combinées de l'APR et de l'armée burundaise?
Selon les estimations du HCR, il y a 360.000 réfugiés burundais dans les pays
._. voisins, dont 180.000 au Zaïre (soit 40.000 d'avant le putsch de 93 et 140.000
depuis), 6.000 restant encore au Rwanda, et 174.000 en Tanzanie (soit 150.000
anciens et 24.000 nouveaux).
Après les affrontements armés graves en Province de Cibitoke, on devine sans
peine que la région des 3 frontières devient névralgique.

VIII.

PREMIERES

CONCLUSIONS

Je suggère, sur base de ce rapport de mission, de prévoir une réunion prochaine du
Groupe de travail Afrique, afin de tirer ensemble certaines conclusions politiques et
pratiques.
Il Y a urgence: il y aura débat d'actualité au Parlement européen en novembre et la
Charte du retour en tant qu'initiative constructive des principaux intéressés devra être
mise en avant.
La préparation d'une visite d'une mission interparlementaire dans les camps doit être
activée, car elle permettrait de faire découvrir à l'ensemble du milieu politique, et pas
seulement à la famille chrétienne, la réalité incontournable des communautés de réfugiés.
Sans
certaines
régionale
s'établira

un dialogue franc entre ces communautés et Kigali et sans l'adoption de
conditions minimales à un retour sûr de l'ensemble des réfugiés, toute stabilité
sera compromise et la reprise souhaitable de la coopération avec Kigali
sur du sable.

La communauté internationale et le monde des ONG doivent rester présents à la fois
au Rwanda et dans les camps de réfugiés d'abord pour faire face à l'urgence humanitaire
et ensuite pour accompagner ce dialogue sur base des données d'Arusha.
Enfin, le rôle pédagogique du Tribunal international dans la reconstruction morale et
sociale du pays, d'un tribunal réclamé, au départ, par les deux côtés est fondamental: il
faut donc permettre à cette juridiction nouvelle d'opérer en toute indépendance, d'aller
au fond du problème et ne pas se contenter de couvrir le droit circonstanciel du plus fort.

15

La rencontre de Bukavu a démontré qu'il existait dans les camps des groupes
raisonnables prêts au dialogue et que même l'ancien gouvernement intérimaire avait fait
son autocritique et avait pu se restructurer sur des bases nouvelles: voir en annexe le
mémorandum du 14.10.94 et la composition de l'équipe ministérielle de Jean
KAMBANOA, rajeunie et réduite à 8 portefeuilles.
En effet la 2e République est bien morte et avec elle le "système MRNO,,: une autre
déontologie politique se met en place: il est indispensable que cet aspect-là de la
rencontre de Bukavu ne soit pas biffé .
Les leaders hutu dont le FPR a hérité des débuts de la 2e République (MM.
KANYARENGWE
ET L1ZINOE), représentent eux aussi un passé violent et fait
d'exclusion .
. Une nouvelle génération libérée de ce système de pouvoir doit enfin s'exprimer.
Pour l'immédiat, il faut souhaiter un
européennes et rwandaises agissant dans
essentiel pour la paix et la reconstitution du
aborder est celui de la scolarisation de toute
projets "Education 2.000").

renforcement des liaisons entre ONG
les camps de réfugiés: c'est un facteur
tissu social. Un des problèmes cruciaux à
une jeunesse forcée au désoeuvrement (v.

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Alain DE BROUWER

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ANNEXES AU RAPPORT I/ADB/cs/ DU 2-11-1994

1.

Composition du gouvernement en exil restreint (1.11.94):
1. Premier Ministre: Jean KAMBANDA
2. Ministre des Affaires étrangères: Jérôme BICAMUMPAKA
3. Ministre de la Défense: Colonel Athanase GASAKE
4. Ministre de la Justice: Stanislas MBONAMPEKA

2.

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5. Ministre de l'information: Professeur Joseph KALINGANIRE

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6. Ministre des affaires sociales: Callixte KALIMANZIRA

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7. Ministre du Patrimoine et de l'équipement: Innocent HABAMENSHI

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8. Ministre de la mobilisation et de la jeunesse: Frédéric KAYOGORA

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Mémorandum du gouvernement
ci-contre.

en exil à la communauté internationale (14.10.94)

1/

D

Peut-on envisager un renforcement des pressions diplomatiques de l'Union européenne
et de ses Etats membres sur KIGALI pour l'ouvrir à la négociation avec les communautés
de réfugiés?
La reprise de la coopération officielle avec Kigali, pour ce qui concerne le secteur non
humanitaire ne devrait-elle pas être liée à "ouverture réelle d'un dialogue avec <.1as
communautés, sur base de la Charte de Bukavu ou de tout autre document représentatif
des milieux réfugiés?
J

Je reste à votre entière disposition, Monsieur le Président,
Très sincèrement vôtre.

1

1
1
/

Alain DE BROUWER
Conseiller politique

Annexes: 15 pp + 1 + 14
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024