Fiche du document numéro 19113

Num
19113
Date
Jeudi 1er septembre 1994
Amj
Taille
21128
Titre
Réponse du ministère des Affaires étrangères à la question écrite posée par Monsieur le Sénateur Jacques Habert le 28 juillet 1994
Nom cité
Fonds d'archives
Type
Question d'actualité au Parlement
Langue
FR
Citation
Site du sénat

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Politique de l'ONU et des Etats-Unis en Haïti et
au Rwanda
10e législature
Question écrite n° 07416 de M. Jacques Habert (Français établis
hors de France - NI)
publiée dans le JO Sénat du 28/07/1994 - page 1839
M. Jacques Habert attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la gravité de la résolution
que le gouvernement américain aurait l'intention de déposer cette semaine devant le Conseil de sécurité
des Nations Unies pour obtenir l'autorisation d'intervenir militairement en Haïti. De plus, selon certaines
informations parues dans la presse, Washington aurait demandé à plusieurs pays, et notamment à la
France, de participer à une force multinationale qui serait éventuellement constituée pour cette
intervention. L'attention doit être attirée sur les dangers et l'inopportunité d'une telle politique. Alors
qu'avant tout recours à la force, il convient d'épuiser tous les moyens de la diplomatie, aucune négociation
n'a été tentée, depuis des mois, avec les autorités de fait de Port-au-Prince. La possibilité d'un retour au
processus démocratique à l'occasion des élections législatives qui doivent avoir lieu en Haïti à l'automne,
bien que proposée par la délégation française à l'ONU, n'a pas été sérieusement examinée. Il est donc
envisagé d'envoyer des soldats en Haïti pour " régler " le problème politique de ce pays, malgré
l'opposition d'une grande partie de l'opinion américaine, les très fâcheux précédents à cet égard et les
déclarations d'une quinzaine d'organisations populaires favorables au président en exil Jean-Bertrand
Aristide, qui ont condamné d'avance toute intervention militaire étrangère. Il paraît inconcevable que,
d'une manière ou d'une autre, la France puisse s'associer à une telle entreprise. Et cela d'autant plus qu'en
ce moment même un drame humain d'une dimension catastrophique se déroule sous nos yeux. Au
Rwanda, des dizaines de milliers de personnes, échappées à l'horreur des massacres, meurent chaque jour
de la soif, de la faim et du choléra. Malgré leur dévouement, les militaires français, envoyés seuls pour
une mission humanitaire, ne peuvent suffire à la tâche. " C'est avec des camions-bennes que l'on déverse
les corps dans la fausse commune, sans même plus les recouvrir d'un pauvre linceul. Faute de décision
politique, la mort continue de faucher. " Devant une telle tragédie, toute la communauté internationale ne
devrait-elle pas se mobiliser ? Alors que l'on assiste à des initiatives ponctuelles, désordonnées et
inefficaces, les Nations Unies ne devraient-elles pas prendre la direction d'un vaste mouvement de
sauvetage, en invitant tous les pays du monde à envoyer au Rwanda des médecins, des médicaments, des
hôpitaux et tout ce qui peut aider à la survie des malheureux réfugiés ? Ne devraient-elles pas suivre
l'exemple de la France, qui a investi ses hommes, ses avions et tout le matériel disponible dans cette
grande oeuvre humanitaire ? C'est, de toute évidence, dans cette direction que se trouve aujourd'hui le
devoir essentiel de l'ONU et des Etats-Unis et non pas dans une expédition militaire qui, de façon ridicule
et scandaleuse, rappellerait la " politique de la canonnière " du siècle passé. Le monde, profondément ému
par le drame du Rwanda, attend, en priorité absolue, que l'on aille au secours des populations de ce pays.
Est-ce bien là la recommandation que la France s'apprête à faire, cette semaine, aux Nations Unies et au
gouvernement américain ?

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Réponse du ministère : Affaires étrangères
publiée dans le JO Sénat du 01/09/1994 - page 2130
Réponse. - La résolution 940 concernant Haïti a été adoptée par le Conseil de sécurité le 31 juillet par 12
voix pour et 2 abstentions (Chine et Brésil), le Rwanda ne participant plus aux travaux du conseil. La
France a soutenu et coparrainé cette résolution avec l'Argentine, le Canada et les Etats-Unis. Cette
résolution est conforme aux dernières propositions du secrétaire général des Nations Unies et de son
représentant spécial en Haïti, M. Caputo. Elle autorise la constitution d'une force multinationale sous
commandement unifié pour faciliter le départ des dirigeants militaires, le retour du président élu et le
rétablissement des autorités légitimes et l'instauration d'un climat sûr et stable permettant la mise en
oeuvre de l'accord de l'île des Gouverneurs. Elle prévoit qu'une fois cette phase achevée la mission des
Nations Unies en Haïti (MINUHA) se déploiera pour aider le gouvernement démocratique à
professionnaliser les forces armées et à créer une force spéciale de police séparée, et à créer les conditions
permettant l'organisation d'élections législatives libres et régulières observées par les Nations Unies. Cette
résolution autorise également l'envoi d'un élément précurseur de la MINUHA, dès la première phase,
comprenant un groupe d'observateurs, pour veiller à ce que la force multinationale agisse conformément
au mandat donné par le Conseil de sécurité. Avant d'en venir à cette solution ultime, comme le sait
l'honorable parlementaire, toutes les voies du dialogue et de la raison ont été explorées. Le Conseil de
sécurité, saisi depuis juin 1993, a multiplié les messages et les signaux adressés aux militaires (neuf
résolutions et une dizaine de déclarations présidentielles) pour qu'ils respectent l'accord de l'île des
Gouverneurs, conclu sous l'égide des Nations Unies, qu'ils avaient librement accepté il y a plus d'un an et
qu'ils n'ont depuis cessé de violer. Aucun de ses avertissements n'a été entendu. Les putschistes portent
donc la pleine responsabilité de la situation présente catastrophique en Haïti, tant sur le plan des droits de
l'homme que du point de vue économique et social. Le président Aristide a d'ailleurs lui-même demandé
une action décisive au Conseil de sécurité pour mettre un terme à cette situation. La position de la France
au sujet d'Haïti est demeurée constante : l'accord de l'île des Gouverneurs doit être appliqué, qui prévoit le
retour du président élu, une profonde réforme de l'institution militaire et la reprise de l'aide économique.
C'est à l'initiative de la France que le mandat de la MINUHA a été élargi à la préparation des élections
législatives, étape essentielle à une restauration durable de la démocratie. La France a indiqué au
secrétaire général et aux pays " amis d'Haïti " qu'elle participerait, comme initialement prévu, à la
MINUHA pour des actions de formation de la nouvelle police, mais qu'elle ne se joindrait pas à la force
multinationale du fait notamment de l'importance de ses engagements dans d'autres opérations, en
particulier au Rwanda. En effet, la France a déployé jusqu'à 1 500 hommes sur le sol rwandais au
lendemain de l'adoption de la résolution 929 autorisant les Etats membres qui le souhaitaient à intervenir
dans ce pays afin d'y protéger les populations menacées et alors que la force des Nations Unies n'avait
toujours pas les moyens de renforcer ses effectifs. Elle a ajourd'hui achevé son retrait conformément au
mandat de ladite résolution. Au sein du dispositif Turquoise, mis en place par la France à cette occasion,
participaient également des forces sénégalaises, tchadiennes, congolaises, nigériennes, bissao-guinéennes,
ainsi qu'une unité médicale mauritanienne et sept observateurs égyptiens. Le geste de la France a
encouragé les pays membres de l'ONU à agir davantage en faveur du Rwanda. La MINUAR élargie est
maintenant en cours de constitution, grâce au renfort de troupes africaines et aux offres en équipements
proposés par certains pays industrialisés. La relève des forces françaises par des forces de la MINUAR
s'est opérée dans de bonnes conditions. L'effort humanitaire est également considérable quoique encore
insuffisant. La France incite sans relâche la communauté internationale à ne pas diminuer son effort en
faveur de la restauration de la paix dans ce pays. ; également des forces sénégalaises, tchadiennes,
congolaises, nigériennes, bissao-guinéennes, ainsi qu'une unité médicale mauritanienne et sept
observateurs égyptiens. Le geste de la France a encouragé les pays membres de l'ONU à agir davantage
en faveur du Rwanda. La MINUAR élargie est maintenant en cours de constitution, grâce au renfort de
troupes africaines et aux offres en équipements proposés par certains pays industrialisés. La relève des

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forces françaises par des forces de la MINUAR s'est opérée dans de bonnes conditions. L'effort
humanitaire est également considérable quoique encore insuffisant. La France incite sans relâche la
communauté internationale à ne pas diminuer son effort en faveur de la restauration de la paix dans ce
pays.

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