Fiche du document numéro 22196

Num
22196
Date
Vendredi 3 octobre 1997
Amj
Taille
1394120
Titre
Interrogatoire de Jean Kambanda - Cassette # 34 [La visite à Kibuye - Bisesero Listes des personnes recrutées par le FPR]
Nom cité
Lieu cité
Lieu cité
Source
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
À

KL. 48709
Face A de la cassette # 34.

PD -Bonjour, nous sommes vendredi le 3 octobre 1997, il est 9 heures 57, nous débutons la
rencontre comme à l’habitude, par la lecture des directives pour l’enregistrement. Cet interrogatoire,

cet interrogatoire est présentement enregistré, nous sommes dans une salle d’interrogatoire à Dodoma.



Il est comme je l’ai dit 9 heures 58, 9 heures 58, le 3 octobre. Les personnes présentes sont priées de
s’identifier afin qu’on enregistre leur nom sur le ruban.
JK -Jean Kambanda.
MD -Marcel Desaulniers.
PD -Pierre Duclos. A la fin de l’interrogatoire, on scellera la cassette dans une enveloppe puis on
signera à l’en-dos comme on a la coutume de faire. Et aussitôt que possible nous vous donnerons une
copie de l’enregistrement à vous ou à votre représentant. Je vais maintenant vous lire ce qu’on appelle
l'avis des droits du suspect. Avant de répondre à nos questions vous devez comprendre vos droits. En
vertu des articles 42 et 43 du règlement de preuve et de procédure du Tribunal pénal international
| pour le Rwanda, nous devons vous informer que votre entretien est présentement enregistré et que
vous avez les droits suivants : premièrement, vous avez le droit d’être assisté d’un avocat de votre
choix ou d’obtenir les services d’un avocat sans frais si vous n’avez pas les moyens financiers de
payer les services d’un avocat. Deuxièmement, vous avez le droit d’être assisté d’un interprète sans
frais, si vous ne pouvez pas comprendre la langue utilisée lors de l’entrevue. Troisièmement, vous
avez le droit de garder le silence si vous le souhaitez. Quatrièmement, toute déclaration que vous ferez
sera enregistrée et pourra servir de preuve contre vous. Cinquièmement, si vous décidez de répondre
à nos questions sans la présence d’un avocat, vous pouvez arrêter l’entrevue en tout temps et requérir
les services d’un avocat. Je vais maintenant vous lire le paragraphe suivant qui s’intitule renonciation
aux droits. J’ai lu ou on m’a lu dans une langue que je comprends l’énoncé de mes droits, je
comprends l’étendue de mes droits, je comprends également que ce que je dis est présentement
enregistré. Je comprends et je parle la langue utilisée lors du présent interrogatoire, soit directement,
soit par l’intermédiaire de l’interprète qui m’a été assigné. Je suis prêt à répondre à vos questions et
à faire une déclaration. J’affirme en toute connaissance de cause que je ne désire pas d’avocat à ce

moment. Aucune promesse ni menace ne m'a été faite et aucune pression n’a été exercée sur moi. Si



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ho EBTAIN

vous consentez à cette renonciation, vous avez juste à signer, signature du suspect, nom du suspect,

la date, l’heure et le lieu.

MD -Merci.

PD -Alors vous avez signé cette formule là à...

JK. -lOheures JA
PD -10 heures. Marcel, t’as signé comme témoin ?

MD -Oui.

PD -Ok. Hier, en terminant on a scellé le dernier ruban qui était le ruban numéro.
MD -33.

PD -Numéro 33. Et nous avons mis aussi sous scellés la copie B des rubans 30, 31, 32 et 33. Vous
avez signé à l’en-dos de ces enveloppes-là hier soir, en terminant, alors qu’on était pas sous

enregistrement, vous vous souvenez de ça ?

JK -Oui.

PD -Ok. Ce matin, vous avez l'intention de nous entretenir d’un nouveau chapitre ?

JK -Sur la visite que j’ai faites dans les régions en commençant par Kibuye.

PD -Ok.

JK -C’est dans la préfecture de Kibuye, vers le 24 avril 94 que j'ai fait ma première sortie

officielle de premier ministre, dans le cadre d’une mission de pacification, organisée suite aux
instructions aux préfets de toutes les préfectures. Plusieurs personnes y assistaient, le préfet, ses
bourgmestres, les conseillers communaux, les chefs de service de la préfecture, à savoir les
agronomes, vétérinaires, comptables, inspecteurs scolaires et les responsables des institutions
religieuses de la région ainsi que toute personne considérée comme influente. J’y ai fait un discours
qui a eu beaucoup d’échos. Le FPR interprétant comme une identification de l’ethnie tutsie aux
ennemis du gouvernement tandis que le gouvernement comprenait qu’il ne fallait pas identifier ses
voisins comme ses ennemis. Ce que je disais en kinyarwanda était “Umwanzi arazwi : ni FPR, si
umuturanyi”. Ce que j’interprète comme “l’ennemi est maintenant connu, c’est le FPR” et je
complétais en disant “cessez donc de confondre l’ennemi avec votre voisin, sur base ethnique,

régionale, religieuse ou autre”. J’avais ajouté à dessein la mention religieuse sachant que cette



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préfecture était sensible à ces problèmes. Dans ce discours, dans ce même discours j’ai aussi parlé des
brigades du FPR, j'avais en ma possession des listes que les militaires m’avaient procurées. Des
fiches qui énuméraient l’identité et le nom de code, la période d’entraînements subis à Mulindi, la
formation scolaire, le classement secteur par secteur, décrivant ainsi la structure de leur organisation
et les membres. Cette annonce amplifia de façon extraordinaire la volonté des gens à éliminer l’ethnie
tutsie, se disant justifiés de le faire par la découverte de ces fiches qui à leurs yeux prouvaient la
préparation des Tutsi à les éliminer. Même les modérés se sont sentis justifiés de tuer les Tutsi. Je
considère ce discours comme une grande erreur. Car il amplifia les massacres et me laissa sans
argument pour contenir les ardeurs des Hutu. Après avoir prononcé ce discours, j’ai pris conscience
de l’influence du pouvoir politique que j’avais ainsi que du poids des mots. Ce discours servait
d’argument à tout le monde par la suite. Ce discours annonçait aussi l’existence des listes de gens
ayant cotisé au FPR pour l’ensemble du pays et aussi la preuve de convois de vivres et de matériel
en faveur des combattants du FPR; de même que des idées sur l’endoctrinement subi par les troupes
ou les membres. Un participant m’adressa une question concernant la région de Kalombi
[phonétique], où les réfugiés tutsis avaient tué deux gendarmes qui se rendaient certainement les
massacrer, sinon rien ne peut expliquer leur présence auprès de ces réfugiés. La question posée me
demandait comment réagir face à l’ennemi armé, j’ai donné une réponse inappropriée et inapplicable,
j’ai répété la phrase dans laquelle je demandais de ne pas confondre l’ennemi avec le voisin. Et il m’a
rétorqué “est-ce que celui qui armé on le considère comme FPR ou comme voisin ?”, je lui ai répondu
que celui qui est armé est FPR, que son voisin ne peut être armé. Cette réponse a sûrement eu des
conséquences sur les mass. le massacre des réfugiés de cet endroit, Bisesero. Le conseil des
ministres, au mois de juin 94, fut saisi du problème de Bisesero. Les ministres originaires de cette préfecture se plaignaient d’un front non-reconnu dans leur préfecture, donc les ministres de l’intérieur, Karemera Edouard, celui de la justice Ntamabyaliro Agnès, de l’information Niyitegeka Eliezer, des finances Ndindabahizi, nous ont rappelé que déjà en avril 94, lors de ma première sortie publique la question relativement au problème de Bisesero m’avait été posée, et qu’à ce jour ils n’avaient pas de réponse adéquate. Je connaissais la difficulté de cette région, et du fait que, du point de vue purement humain, les Tutsi s’étaient repliés pour défendre les leurs. Par contre, politiquement, face


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à la pression de ces ministres, je ne pouvais défendre la présence de gens armés à cet endroit. J’ai dit au ministre de l’intérieur Karemera de voir à contacter le chef de sa région, heu, le chef militaire de sa région, le Colonel Anatole Nsengiyumva, je sais qu’il a même fait sa demande d’intervention par écrit. Le colonel n’est jamais intervenu dans cette région. Les deux ministres mâles [?], auraient eux- mêmes fait mener des attaques armées contre les réfugiés avant et après leur demande de juin, faisant des victimes lors de ces attaques. Lorsque je les interrogeais sur les événements de leur région, ils me répondaient que le front de leur région n’est, n’était pas reconnu et qu’ils devaient défendre les leurs avec les moyens du bord. Mon service de renseignement m’avait fait part de quelques mouvements de réfugiés vers Gisovu, tout près de l’usine de thé, en avril, mais que les Hutu les avaient repoussé et que depuis ce temps, ils s’étaient retranchés dans leurs positions. J’estime n’avoir pas pu trouver une solution à une situation ambiguë qui a duré plusieurs mois, qui causa la mort de personnes. Les militaires de la Turquoise, vers la fin, heu la mi-juin, à leur arrivée, ont solutionné le problème en évacuant les survivants parmi les réfugiés. Le nom de ‘pacification’ vient de la traduction de la directive écrite en Kinyarwanda qui, qui ne fait pas de distinction entre mission de pacification et ramener la sécurité. J’ignore si nous utilisions, dans nos échanges entre ministres, le terme en Kinyarwanda ou une des deux définitions françaises. Le but d’une mission de pacification était de
faire comprendre aux autorités préfectorales, les sous-préfets, les responsables des services présents
dans cette préfecture, les autorités religieuses de toute confessionalité et comme à Kibuye, le directeur
de l’usine à thé, ailleurs le préfet était responsable de l’invitation, heu, qui était responsable des
invitations pouvait inviter d’autres personnes en autorité, les responsables militaires aussi y
assistaient. Les personnes désignées par le gouvernement expliquaient à ces gens la directive pour
ramener la paix dans le pays, émise le 27 avril par le conseil des ministres. Je crois avoir été le
premier à faire une de ces réunions vers la fin avril à Kibuye. Il s’agissait de la première sortie
gouvernementale officielle relativement à cette directive pour ramener la sécurité dans le pays.
Comme le message que je devais véhiculer était celui qu’on trouve dans la directive, cette réunion
n’a pu être tenue avant sa parution. Si je prends exemple de la réunion de pacification que je tenais
à Kibuye, j'ai procédé de la façon suivante : après la parution de la directive, le conseil des ministres

a décidé que cette campagne serait lancée par moi et je crois que c’est parce que j'étais le chèf de ce



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gouvernement et qu'il était bon qu’il soit ainsi fait, que je m’implique moi-aussi avec cette directive.
Par la suite, j’ai compris que certains pouvaient souhaiter me voir aussi impliqué. Il fut établi où ces
missions devaient être tenues, la région de Kibuye fut identifiée comme propice pour tenir la première

car tous les rapports indiquaient qu’il s’agissait de l’endroit où la densité des massacres était grande.

Je croyais que mon intervention pourrait conscientiser certains responsables, dont le préfet et ses
adjoints. Dans le cas de Kibuye, il fut arrêté une date que mes services ont transmis aux autorités
préfectorales. Le préfet, lui, a choisi l’endroit de la réunion et s’est occupé de son organisation.
L'’invitation générale fut lancée au conseil des ministres, à laquelle la majorité des ministres ont
répondu positivement, mais je suis incapable de spécifier qui était présent, si j’ai en mémoire que.
même si j’ai en mémoire que les questions étaient référées au ministre concerné, ce qui me fait dire
qu’ils devaient pratiquement tous y être. La réunion débutait par l’annonce par le préfet de notre visite
comme gouvernement dans leur préfecture pour expliquer la directive pour ramener la sécurité dans
le pays. Il donnait un aperçu des problèmes particuliers de sa préfecture et remettait la parole au
gouvernement. Cette fois-là ce fut moi qui était responsable, je me suis donc adressé à la foule en
commençant par les présentations des personnes présentes, invitées, incluant les représentants des
partis politiques. Les présentations terminées, je commençais la lecture du texte avec explication
spécifique sur les points que je jugeais importants, en l’occurrence cette fois-là ce fut de ne pas
confondre l’ennemi avec le voisin non-lié à la situation, précisément ne pas confondre les Tutsi à
l’ennemi, et aussi j’ai insisté sur le problème de religion, à savoir qu’à cet endroit les protestants
profitaient des troubles pour s’attaquer aux bâtiments de confessionalité catholique, et bien entendu
au fidèles des autres confessionalités aussi. Je ne peux préciser la durée exacte de ce discours, mais
je crois que ce serait environ une heure. L’objectif poursuivi par ce discours ne fut pas atteint, ce fut
le contraire qui se produisit selon les analyses, les informations que j'ai eues. Après avoir terminé
mon discours, j’ai ouvert les questions à l’assemblée, je référai les questions aux personnes
concernées, sauf celles relatives à la sécurité générale du pays auxquelles je répondais moi-même. Je me rappelle d’une question en particulier, qui me fut posée relativement aux réfugiés tutsis de Gisovu, Bisesero, qui auraient eu des armes et que, que l’on me demandait d'identifier, s’il s’agissait d’ennemi ou de voisins réfugiés. J’ai répondu que les réfugiés voisins ne peuvent pas être armés d’armes à feu.


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Cette partie de mon discours fut interprétée comme une incitation car les gens présents s’en justifiait
lors des massacres. Après la période de questions, j’ai fait une synthèse de toute la réunion, et c’était
le départ, après notre hôte a fait la clôture de la réunion. Une réunion de pacification consistait donc

en un discours suivi de questions relativement à la mise en place de la directive pour ramener la



sécurité dans le pays. Situation humaine des Tutsi de Bisesero : Cette région est un endroit où il y a
de hautes montagnes, la population tutsie a pris la décision de s’y réfugier s’y croyant plus en sécurité,
en ayant plus de facilité à se protéger. J’ignore la date où ils ont décidé de s’y réfugier, mais ce doit
être vers le début des massacres car en avril déjà le préfet nous informa de cette situation. J’avais des
informations provenant des gens de mon service de renseignement qui me sont parvenues par Alexis
Nsabimana, à l’effet que des Tutsi qui s’étaient réfugiés dans Bisesero avaient attaqué les
populations hutues de Gisovu, et qu’ils avaient été repoussés dans les montagnes de Bisesero. Cette
information me fut confirmée par des réfugiés à Bukavu. Je n’ai pas entendu parler si cette attaque
avait fait des victimes ou s’il s’agissait d’attaques armées. Les gens se contentaient de me dire qu’ils
avaient été attaqué. Les services militaires m’informaient, via le ministre de la défense, que le FPR
allait faire jonction entre son front de Gitarama et Bisesero. Cette nouvelle nous est parvenue en juin.
Les vérifications que j’ai faites à ce jour me permettent de dire que cette jonction n’a pas été réalisée
mais que le FPR aurait pu le faire si la Turquoise n’était pas intervenue. L’analyse des écoutes de la
radio du FPR faisait référence à son intention d’aller jusqu’à cet endroit selon ce que mon service de
renseignement m’a rapporté. Dans les journaux de Kigali, que j’ai lus en 1995, on faisait état que les
réfugiés de Bisesero se sont défendus du, le mieux qu’ils ont pu, mais que les assaillants étaient plus
forts, même s’ils ont laissé bon nombre des leurs et des armes ramassées par l’opération Turquoise.
Sur la situation humaine, j’avais certaines de ces informations qui me confirmaient que des gens
armés se trouvaient parmi les réfugiés de Bisesero et que par aïlleurs il y avait la pression des gens
de la région pour une intervention militaire à cet endroit. C’est ce qui explique l’ambiguïté à donner
une réponse appropriée à cette situation. Voilà donc en ce qui concerne le, ma visite dans la région
de Kibuye.

PD -Vous commencez en nous disant que c’était la première, votre première sortie officielle. Le

24, avant, avant le 24, depuis votre nomination, il y a, vous étiez jamais apparu en public pour faire



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les discours ? 4 CAR TIT
JK -Pour faire les discours de pacification, non.
PD -Oui. C’est ça.

JK -C'était la première fois que je sortais pour faire un discours de pacification. La première, heu,



l’autre sortie que j'avais faite c’était à Butare, mais ça ça n’avait rien à voir avec la pacification.
MD -Est-ce que la, est-ce que la directive était sortie à ce moment-là, de pacification ?

JK -Je ne peux le préciser dans la mesure où je n’ai pas en mémoire la date exacte de sa sortie.
PD -On a fait des vérifications, je crois même au niveau de votre agenda, à un moment donné
lorsqu’on, on écrit, pas cette, pas cette première, heu, premier paragraphe, concernant la préfecture
de Kibuye, mais lorsqu’on a écrit des, des ajouts là.

JK -Oui.

PD -Un peu plus tard. Puis on a vu qu’il apparaissait pas dans votre agenda exactement la date où
il était, enfin qui vous était difficile pour vous de, de, d’établir une date exacte, c’est ça ?

JK -Oui.

PD -Puis, heu, la date du 24 avril vient d’une date que je vous avais demandée de préciser le plus
possible, c’est pour ça qu’à ce moment-là vous m’aviez dit vers le 24 avril.

JK -C’est ce que j’ai dit oui.

PD -C'est ça. Parce qu’on avait, je vous avais demandé si il était, on voulait situer dans le temps,
à ce moment-là, puis on avait dit ben, est-ce que vous pouvez me donner une approximation de date,
puis vous vous m'aviez dit, vers le 24 avril, mais sans être spécifique et arrêté sur la date du 24 avril.
JK -C’est ça.

PD -Comme vous n’êtes pas non plus arrêté sur une date spécifique de, de votre visite, vous ne
pouvez pas aujourd’hui préciser exactement la date de votre visite à Kibuye.

JK -Je ne peux pas la préciser, mais comme vous l’avez dit c’est, c’était une réunion publique,

peut-être que d’autres gens peuvent.

PD -Mais ce que je veux dire c’est que ici présentement avec les documents...
JK -Ici, je ne peux pas.
PD -.. qu'on a, on est incapable de préciser exactement le, la date de cette réunion-là.



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MD -Est-ce que ça faisait partie là, les, ces réunions, les, heu, ces visites-là est-ce que ça faisait
partie de la stratégie pour, pour mettre en place le, le, la directive ? Est-ce que c’est quelque chose qui
avait été entendu, qui avait été discuté, ça qu’il était pour avoir des sorties publiques par les, par les,

par les ministres, par les, les gens du gouvernement pour, heu, expliquer la directive à la population





?

JK -Oui c’est quelque chose qui avait été discuté, c’est quelque chose sur lequel on avait, on
s'était mis d’accord pour expliquer la directive.

MD -Est-ce qu’il y avait d’autres, à votre connaissance, est-ce qu’il y avait d’autres personnes qui
étaient, qui devaient faire les interventions, est-ce que c'était la responsabilité de, de tous et chacun
?

JK -A cette date-là, à cette sortie c’était moi qui était responsable de, pour les interventions mais
comme je l’ai dit les ministres présents pouvaient répondre à des questions spécifiques qui regardaient
leur département ministériel.

MD -Vous dites que vous avez été le premier, qui a même, qui a fait le premier, qui est sorti, heu,
pour ces réunions-là, vous êtes le premier qui a fait une réunion publique à ce propos.

JK -À ma connaissance, oui.

MD -Le.…. est-ce que vous aviez vous-même préparé votre, le discours que vous deviez faire ?
JK -Je n’avais pas d’autre discours à faire que la lecture de la directive, donc je n’ai pas préparé
un long, je me souviens pas avoir préparé un autre discours que celui de la directive.

MD -Alors les phrases qui ont été, qui ont été prononcées, heu, au cours de votre discours.

JK -Sauf les informations d'explication que moi je pouvais donner en fonction de ma sensibilité
ou de mes propres informations, et comme je l’ai expliqué la, après la lecture de la directive, chaque
intervenant devait, devait l’expliquer. Devait choisir des thèmes à expliquer. Moi j’en ai choisi
quelques unes [sic], dont j’ai cité deux, notamment quand, où j’ai parlé de, où j’ai insisté sur le fait
de ne pas confondre l’ennemi armé avec le voisin, et qui fut interprété comme si j’avais dit que
l’ennemi armé et le voisin étaient à confondre alors que justement j’avais précisé que l’ennemi n’était
pas à confondre. Deuxièmement, le fait que j’ai donné, à titre d'exemple, que le gouvernement est

capable lui de déterminer qui est l’ennemi armé, qui ne l’est pas, notamment par l’existence'du fait,



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des listes de gens qui ont fait la formation ou par la découverte de gens qui ont fait des formations,
les gens se sont précipités sur cette information pour dire nous aussi nous allons chercher les listes,
nous allons chercher les gens qui ont fait la formation, des choses comme ça.

MD -Kibuye avait été choisi, parce que déjà là y a, c'était, les massacres étaient assez actifs à ce



moment-là ?

JK -Non, c’est...

MD -C'était, c'était, c'était, ça avait été choisi là, pour une raison bien spécifique ?

JK -Selon les rapports que nous recevions c'était les, la région où, qui nous semblait être la plus
touchée à cette époque, par les massacres.

MD -Alors votre but, au départ, là, votre but qu départ était de conscientiser les responsables, les
préfets, les responsables de la région.

JK -Oui.

MD -C'était de les conscientiser, dans le sens de la, dans le sens de la directive. Par contre ça a pas
eu l’effet que vous, que vous aviez, que vous espériez ?

TK -Non.

PD -Si on revient au discours de pacification, Monsieur Kambanda, est-ce que il devait
absolument avoir une mise en place de la distribution avec les discours générals [sic] qu’on devait
tenir à cette époque-là, à savoir, est-ce qu’on devait toucher la révolution de 59, la monarchie, est-ce
que c'était aussi inclus ça ? Est-ce que cette forme de discours-là était aussi inclue dans le discours
de mission de pacification ou si vous vous en teniez simplement à la lecture de la directive ?

JK -Disons, celui qui voulait tenir ce discours sur les, la révolution de 59 ou sur les actes de la
révolution, il pouvait le faire dans la mesure où, comme je l’ai expliqué, c’était un discours plutôt
admis et qui, qui, qui était le squelette de tous les discours qu’on faisait à cette époque. Mais au
niveau de la pacification, c’était un thème bien précis, c’était sur la directive qu’il fallait débattre,
donc pour le gouvernement c'était la directive qu’il fallait expliquer, même si, en passant par les, les,
trois thèmes que j’ai déjà développés, le gouvernement n’y aurait pas vu d’inconvénient.

PD -Ok. Vous est-ce que vous avez procédé de cette façon-là ?

JK -Je me rappelle pas que si j'ai, si j’ai, j’ai été obligé de passer par la révolution ou les actes



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de la révolution... Hi ie 718
PD -Et la monarchie, la république...

JK -Je ne me rappelle pas de ça.

PD -Vous ne vous rappelez pas de ça. Est-ce que vous avez eu la, l’occasion d’assister à des

discours à des endroits où les gens s’en sont servi lors des missions, ce que vous appelez des missions
de pacification ?

JK -En dehors des missions que j’ai conduites moi-même je n’ai pas assisté à des missions qui
étaient conduites par quelqu’un d’autre.

PD -Vous n’avez jamais eu l’occasion, vous comme premier ministre, de vous joindre à une

équipe, pour aller les assister ou quelque chose comme ça ?

JK -Non.
PD -Ok. Le. le discours que vous vous avez tenu, s’est donc limité à la directive de la mise en
place.
JK -Le discours que j’ai tenu, puisque c’était la première fois que cette directive sortait, je me suis”
limité à expliquer la directive, en essayant de trouver des exemples que je croyais les plus, les plus
frappant pour, pour donner le, pour une meilleure compréhension de ce que souhaitait le
gouvernement.
PD -Ok. Un des exemples les plus frappant que vous avez choisi c’est de dire que lors de fouilles
ou de perquisitions, il aurait été trouvé des listes.
JK -Oui.
PD -Est-ce que c'était préparé ça, est-ce que c’était quelque chose que vous aviez préparé ?

T JK -Je n’ai pas, je ne me souviens pas si j’avais préparé ça par écrit, mais javais, dans ma

préparation pour la réunion, j’avais préparé de le dire. Oui, j’avais réfléchi.

PD -Ok. Mentalement c'était quelque chose que vous avez dit et que vous étiez préparé à dire, et
que vous étiez, à tout le moins, là, il y a peut-être eu une préparation écrite mais vous avez pas en
mémoire ou...

JK -Je n’ai pas en mémoire si j’ai fait une préparation écrite, maïs j'ai, comme exemple j’ai,

j'avais préparé ça mentalement pour le dire.



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fut 48710
PD -Ok. Etant le premier des discours de mise en place de la directive pour ramener la sécurité,
comment, est-ce que vous étiez préparé avec l’aide de compagnons, est-ce qu’il y a des, des, des gens
qui vous avaient assisté, est-ce que vous avez eu comme une pratique, ou est-ce que vous avez dit,

heu, à vos compagnons lors du séjour, lors du trajet disons, qui vous séparait de Gitarama à Kibuye,





est-ce que vous avez dit “ben je vais m’entretenir de la façon suivante, ça va être comme ça, comme
ça” ?
JK -Non, dans la mesure où les instructions étaient écrites ou le thème était assez élaboré au

niveau de l’instruction, et puis dans la mesure où j’avais quand même l’habitude de prendre la parole

en public.

PD -Oui, c'était vous qui...

JK -.. j'ai pris mes responsabilités pour faire cet exposé tout seul.

PD Ok. C’est pas, c’est pas quelque chose que vous avez partagé avec vos compagnons, vous

avez dit, heu, on va procéder comme ça ?

JK -Non.

PD -Est-ce qu’il y avait une règle à suivre, est-ce que, disons que vous avez discuté au conseil des
ministres pour dire le, une réunion visant à mettre en place les, la directive pour ramener la sécurité
dans le pays devra procéder comme suit, on devra en faire la lecture complète, on devra trouver des
exemples qui s’appliquent plus précisément à la région ?

JK -Non, il n’y avait pas, à ma connaissance, de règle qu’on avait établie pour faire ces, ces
réunions. Chacun devait, il devait le faire, disons, selon sa propre sensibilité tout simplement en, en

se faisant aider par la directive.

PD -Ense faisant aider par la directive.

JK -Iln’y avait pas une règle à ma connaissance qui était établie pour faire ces réunions.
PD -Hier, nous avons discuté très longuement de cette directive.

JK -Oui.

PD -Quand, lorsque, lorsqu'elle fut émise, on a une date arrêtée qui est le minimum, le 27 avril,
vous vous êtes rendus après ça dans cette préfecture-là de Kibuye, c’est vous qui l’avez amenée la

directive, elle était pas encore rendue, c’est vous qui l’avez amenée. On a, je pense qu’hier on a



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conclu que l'efficacité de cette directive-là était à peu près nulle dû à la période.
JK -Oui.
PD -Pourquoi teniez vous des réunions quand même ? Est-ce que c’était, ça avait pour but de

véhiculer le message du gouvernement, de. ?



JK -Disons que, dire que la, la directive était tout à fait inefficace, je me suis expliqué là-dessus,
donc la directive ne pouvait pas être tout à fait inefficace, d’une part, je m’étais engagé, par rapport
aux préfets, je leur avais dit que je leur donnerai une directive, je m'étais engagé pour que cette
directive soit tout de même produite, malgré toutes les difficultés que j’ai rencontrées, que j’ai
expliquées, et d’autre part, j’estimais que cette directive valait plus que rien. Donc ne rien faire ne,
ne rien produire me semblait être plus grave que de produire cette directive, même tardivement.
Comme j'ai expliqué, je comptais plus sur une certaine bonne volonté que sur le contenu lui-même.
Ou l'efficacité de la directive elle-même.

PD -Mais on a, on a discuté hier encore là concernant justement cette mise en place là, lorsqu’on
parlait justement de la mise en place des barrières, puis que même les conseillers, jusqu'aux
conseillers devaient s'impliquer dans la mise en place des barrières, ce qu’ils ont compris eux c’est
qu’ils devaient être plus, plus occupés à faire des barrières, qu’ils devaient plus s’intéresser à en faire
que plutôt les contrôler.

JK -Oui.

PD -Ce qui était interprété c’est ça ?

JK -Oui.

PD -Est-ce que, comme gouvernement, j'imagine que vous aviez pu prévoir ça un peu,
connaissant la situation de fait, à ce moment-là, qui existait au Rwanda, que des massacres ethniques
étaient en, vraiment en grande, en grande marche, c’était une chose que vous deviez savoir que si, en
disant ça, c’est, c’est, vous les, vous faites la lecture de la directive, on vous dit que vous pouvez, vous
devez vous occuper de faire des barrières, vous devez, alors les jeunes ont sûrement dû comprendre
que, ce qu'il y avait à comprendre c'était qu’ils devaient faire des barrières, non ?

JK -Disons que au niveau du gouvernement, c’est pas ça qui était seulement entendu, on se disait

que, ils pouvaient, oui, peut-être, entendre qu’ils devaient faire les barrières, mais aussi en être



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(
e
CC
au
SJ
à

responsables, ce qui était, ce qui n’a peut-être pas été le cas. En faire oui, maïs en être responsable,
ceci n’a pas nécessairement été réalisé, puisque même aujourd’hui, si vous posez des questions à un
conseiller communal ou à un bourgmestre de, de lui demander qui était responsable d’une des

barrières dans sa commune, je ne suis pas sûr qu’ils y parviendraient.

PD -Ok.Ça c’est une chose, c’est pour les barrières, après ça le fait d’avoir identifié que les, il y
avait des gens de l’ethnie tutsie qui avaient des cartes, qui étaient préparés et qui s’étaient entraînés,
qui avaient un nom de code, l’identité, le nom de code, la période d’entraînement à Mulindi, la
formation scolaire, classés secteur par secteur, puis. ça ça pouvait pas faire autrement qu'être
interprété comme une incitation ?

JK - Aujourd’hui oui, mais à cette époque je me disais que c’était plutôt une preuve que tout le
monde n’est pas concerné, qu’il y a, que des individus que le gouvernement ou les, la, les spécialistes
peuvent déterminer qui peuvent être concernés par le, les fouilles ou les, ou les barrières.

PD -Mmm {affirmatif]

JK -Que donc, le, les, la population n’a pas à confondre une personne ordinaire qui n’a jamais
quitté sa colline avec quelqu'un qui, qui, qui, qu’on, qui, qu’on attacherai au FPR.

PD -Ilest 10 heures 27, est-ce que vous avez besoin de vous absenter ? Je vais juste tourner le
ruban.

Fin de la face A de la cassette # 34.



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1

si

Hité8799
Face B de la cassette # 34. hi 4872

PD -10 heures 27, 56, on reprend. Oui, je comprends mais là-dedans, dans les gens que vous avez
identifié, il y en avait des gens sur les collines là. Vous savez, les gens du FPR, qui avaient été
__ identifiés puisque, la preuve c’est qu’il y a des gens qui se sont servis de ces listes-là pour éliminer
des gens. De ces cartes d’identité là, donc c’était, ça identifiait aussi les gens des collines cela, là ?
JK -Oui.

PD -Vous savez c’est, ça l’identifiait pas nécessairement les combattants du FPR en uniforme sur
la ligne de front là, ça identifiait aussi des gens qui avaient donné au FPR, ça identifiait des gens, ça
identifiait toutes sortes de choses ces listes-là.

JK -Oui.

PD -Çaidentifiait des gens de l’ethnie tutsie tout simplement qui avaient choisis d’appuyer un,
une faction plutôt que l’autre faction. C’était ça ces listes-là. Si je me réfère à ce que vous m'avez
expliqué là.

JK -C'était ça mais ce n’était pas uniquement ça, parce que les gens qui avaient quand même reçu

une formation militaire ne pouvaient pas être considérés comme des gens uniquement qui, qui...

PD -Non, non, non, mais il y avait aussi là-dedans, des gens qui avaient juste fourni de l’argent
au FPR.

JK -Certainement.

PD -Vous comprenez ? C’est ça que je veux dire, c’est qu’à ce moment-là ça ça pouvait être

quelqu'un qui était tout simplement sur sa colline, puis qui avait choisi lui de cotiser, donner son
appui à, au FPR.

JK -Oui.

MD -Vous aviez en votre possession ses listes-là ?

JK -Oui.

MD _-Et, vous, elles ont été connues de quelle façon ?

JK -Moi, j'ai, elles m’ont été rapportées par les, une partie par le service de renseignement et une
autre par les responsables militaires.

MD -Et cette information-là était transmise ?



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!
#

CD

D

r

JK -Pardon ? RULEË
MD -Le, le nom des, l’identité des, de ces listes-là, c'était, c’était remis ?
JK -Oui.
MD -A qui ont-elles été remises les listes ?
JK -Certaines ont, à titre d’exemple, donc comme preuve ils m’ont remis quelques listes.
MD -Ah, c'était simplement à.., mais les listes, alors les listes étaient beaucoup plus élaborées,
vous ce que vous aviez c'était, c’était un échantillonnage de ces listes-là ?
JK -Un échantillonage, oui. Pour...
MD -Pour, pour...
JK -Pour information. Ils avaient mis ça dans leur rapport de renseignement et puis ils ont annexé
quelques listes pour me, comme preuve de ce qu’ils avançaient.
MD -Qu'est-ce qu’ils faisaient avec cette liste-là, est-ce qu’elle était remise, est-ce qu’elle était
distribuée à... à certaines personnes ?
JK -Je ne, je ne sais pas ce qu’ils ont fait de ces listes-là.
MD -Mais si on, si on sait que les listes ont servi à éliminer certaines personnes qui étaient sur ces
listes-là, heu, c’était par qui, par les militaires ou par les. ?
JK -Il y en a qui ont été éliminés par les militaires effectivement, d’autres qui ont, qui l’ont été
par les Interahamwe. Mais les, je ne sais pas si ça a été distribué, je n’ai pas été informé si ces listes
ont été multipliées pour être distribuées, ça me surprendrait parce que je n’ai jamais vu des gens qui
circulaient avec ces listes, d’ailleurs certains les mettaient en doute en disant est-ce que ces listes
existent réellement ? Ça veut dire qu’elles n’ont pas beaucoup circulé.

T MD -Mais les Interahamwe auraient pu y avoir accès si ils ont, si certaines de ces personnes qui
étaient, qui étaient listées ont été exécutées par eux.
JK -Auraient pu y avoir accès ou même pourraient avoir été à la base de leur découverte, puisque
ils, ce sont eux qui entraient dans les maisons pour fouiller etc, ils auraient peut-être pu être à la base
de cette découverte-là.
MD _-A quel moment avez-vous connu l’existence de ces listes ?

JK -C’est quand j'étais à Gitarama, peu avant la réunion de Kibuye.



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!

MD -Peu avant la réunion de Kibuye.
JK -Oui.

MD -Et est-ce que c'était exclusif à la région de Kibuye ou ça existait aussi dans les autres

préfectures ?

JK -Non ce n’était pas pour la ré..., ce n’était pas exclusif, n1 à la région de Kibuye ni à la région

de Gitarama, c'était, on en parlait dans tout le pays.

PD -C'est une liste nationale ?
JK -Ce n’était pas une liste nationale, ily avait des listes, disons.
PD -Sectorielles ?

JK -Région par région.

PD -Mais c'était une liste qui couvrait la, la nation, qui couvrait tout le pays, c’est ça ?

MD -L’ethnie des gens qui étaient sur cette liste, est-ce que c'était...

JK -Iln’y avait pas d’ethnie.

MD -Iln’y avait pas d’ethnie.

JK -Il n’y avait pas d’ethnie.

MD -Mais est-ce qu’on peut supposer que, que l’ethnie avait joué un rôle pour la sélection, pour
dresser les listes ?

JK -L’ethnie avait joué, l’ethnie avait joué un rôle pour la sélection puisque dans les cahiers
d’endoctrinement qu’on trouvait, on pouvait lire ça et sentir qui était visé au niveau de la sélection.
MD -Est-ce qu’on peut supposer que les noms qui étaient là-dessus des Tutsi ?

JK -Les noms qui étaient là-dessus étaient des Tutsi.

MD -Totalement, en exclusivité ?

TK -À ce que moi je Crois, OUl.
MD -Oui?
JK -Je ne connais pas les, du moins les listes que j’ai vues, je ne connais pas les, je ne connaissais

pas nécessairement les individus qui étaient là-dessus, mais si, si on regarde le système, donc où vous
aviez un nom, votre nom propre, et puis un nom d’emprunt, par lequel vous deviez vous appeler pour

ne pas vous faire identifier, et puis la, le, en comparant avec le, ce qu’on enseignaïit au niveau de



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À

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1

l’endoctrinement, on peut présumer que c’était des Tutsi.

MD -Mais avant, avant Kibuye vous n’aviez pas entendu parler de ces listes-là ?

JK -Non, avant Kibuye, c’est avant que moi je n’ai ces listes, je n’en avais jamais entendu parler.
MD -Avant que vous. mais vous dites c'était un peu avant la réunion de Kibuye.
JK -A la radio on le disait. Puisqu’il y a eu des incidents, notamment sur les, sur les, au niveau
des transports, on le disait, mais on croyait que c'était.

MD -A la radio, on disait que des listes existaient.

JK -Avant. Oui. On le disait mais on croyait que c’était de la propagande puisqu’on n’en avait
jamais vues.

MD -Est-ce que c’est listes. et ça, est-ce que, la première fois que vous en avez entendu parler,
est-ce que c’était vers les, heu, dans une période assez rapprochée du début des hostilités ?

JK -Ça devait être vers la fin 93, début 94.

MD _-Fin 93-début 94. Alors on parle avant, avant le début de la guerre.

JK -C’est avant le début de la guerre.

MD -Tout de suite avant le début de la guerre.

JK -Oui.

MD -Vous avez entendu, il y avait des rumeurs qui courraient que des listes existaient ?

JK -Oui.

MD -Des ennemis qui étaient les personnes, à ce moment-là, qui pouvaient collaborer avec le FPR?

JK -Oui.

PD -Ça a dû être tout une découverte ça, ces listes-là ?
JK -Pardon ?
PD -Çaa dû vraiment, parce que ça confirmait vraiment ce que, ce que vous, ce que vous croyiez

qui était, qui se passait, et puis, lorsque vous avez, heu, vous avez découvert ça, est-ce que vous
croyez vous que la découverte est contemporaine à votre, au fait que vous vous en preniez
physiquement connaissance de ces listes-là, ou ça pouvait être une découverte qui était, qui datait déjà
9

JK -Moi je pense que c’est, c’est à dire, le service de renseignement militaire devait'être au



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#

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/

courant, parce que ça me surprend... puisque c’était quand-même des réunions qui, qui avaient débuté

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vers les années 92 déjà. Et qui, qui rassemblaient beaucoup de monde, si on, à en juger par les listes
des présences. Et j’imagine qu’un pays qui a des services de renseignement n’a pas pu se permettre

pendant trois ans de ne pas savoir que des réunions se passaient dans, à plusieurs endroits du pays.



MD -Quelle, de quelle réunion, quel genre de réunion vous faites, vous parlez ?

JK -Ces gens qui, qui étaient sur les listes, et, avaient fait, auparavant plusieurs réunions dans
différents, dans divers endroits du pays.

MD -Des réunions publiques ?

JK -Pas publiques.

MD -Oùil y avait...

JK -Clandestines.

MD -Il y avait des réunions clandestines.

JK -Oui.

MD -Et, vous croyez que les listes avaient dressées à partir de ces, de ces réunions.

TK -Non, parce que c’est, c’est.

MD -Onidentifiait les personnes, les services de renseignement identifiaient les personnes qui
participaient ?

JK -Non. C’est à dire que les, les gens qui faisaient ces réunions s’identifiaient eux-mêmes, par
leurs propres listes, et je.

MD -Ok.

JK -Je présume que le service de renseignement n’a pas pu ne pas savoir que ces réunions avaient
lieu dans la mesure où ce n’était pas une seule réunion, ce n’était pas à un seul endroit ou à une seule
date que ces réunions ont eu lieu, mais c’est plus, en plusieurs endroits, à plusieurs reprises et
plusieurs fois.

MD -Qui étaient ces personnes qui, qui organisaient ces réunions-là ?

JK -Le... en fait le, la principale difficulté c’est que le FPR avait, au lieu disons de, de, [inaudible]
peut-être publiquement, avait recruté clandestinement, c’est, il avait opté pour la clandestinité, donc

il avait recruté, comme les autres partis politiques, des responsables de son mouvement, dans les



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18

KHLi48797

communes, mais eux qui étaient clandestins. Et donc ce qui fait que tout ce qu’il faisait était
clandestin, alors que, disons, il avait des membres, il avait des adhérents, il avait des cotisations,

comme tous les autres partis politiques.

PD -Mais l’avenir démontrera que. la clandestinité était peut-être une question de survie.
JK -Oui.
PD -On, on pouvait pas, je crois pas qu’on aurait pu beaucoup vraiment se permettre de s’afficher

vraiment FPR et, à l'exception de si on était vraiment armé ou militaire.

JK -Ils n’auraient pas pu. Donc ça c’est, c’est certain qu’ils n’auraient pas pu s’afficher comme
étant membres du FPR officiellement. Le fait même d’avoir, ne serait-ce que le, le statut du FPR,
même si vous n’aviez rien à voir avec le FPR pouvait vous, vous, vous attirer des ennuis.

PD -Quel genre d’ennui ça pouvait vous attirer ?

JK -Ça.. vous pouviez, d’abord vous aviez disons un certain harcèlement politique où les gens
vous, ne vous faisaient aucune confiance en disant que vous êtes certainement ennemi potentiel, ou
alors vous pouviez même aller jusqu’à être assassiné si, si, si il y avait d’autres indices qui pouvaient
vous rattacher à, de loin ou de près au FPR.

PD -Alors là ce que vous êtes en train de nous expliquer c’est que la clandestinité était justifiée

par la situation.

JK -Pour moi la clandestinité était justifiée, mais les gens...
PD -Ça on parle de quelle année là ?
JK -Je, je, depuis que ils ont commencé, parce que moi les premiers documents, les dates les plus

anciennes que j’ai vues sur l’existence de cette clandestinité c’était vers 92.

PD -Vers 92 ?

JK -Oui.
PD -Alors, là vous vous dites, vous, qu’en 92 ils devaient demeurer clandestins.
JK -Oui, oui. Donc à partir de 92 jusqu’à la période, puisque la situation n’a pas évolué

positivement, parce que de plus en plus...
PD -Là nous discutons pour des gens là, des, des, des gens vraiment, pour toutes les personnes.

JK -Oui. ‘



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2:

hi048729
PD -Même les citoyens des collines ou des cellules, on parle surtout d’eux à ce moment-là qu’ils
doivent être clandestins, c’est ça ?
JK -Oui, oui.
PD -Parce que il y a des militaires FPR.
JK -Oui. de
PD -Qui eux ont pas besoin de vivre dans la clandestinité, ils ont des armes.
JK -Oui.
PD -C’est ça ?
JK -Heu, oui.
PD -C’est, est-ce que je me trompe ?
JK -Je crois il faut faire la différence entre les militaires qui sont sur le front...
PD -Oui.
TK -Donc qui, qui, qui sont sur un front [inaudible] où ils se battent, et des gens qui ont reçu la
formation militaire qui sont retournés sur leurs collines, là c’est différent.
PD -Ok.
JK -Parce que celui qui, si, même s’il a reçu la formation militaire, mais qu’il est retourné sur sa

colline, il ne peut pas se permettre de ne pas vivre dans la clandestinité. Il est obligé de vivre dans la

clandestinité.

PD -Bon. Ok. Ça on dit que ces listes-là, vous, vous êtes capable de remonter à 1992.

JK -Oui.

PD -Vous pouvez pas vous expliquer que les services de renseignement n’aient pas pu savoir ça.
JK -A moins qu’ils n’existent pas, parce que c'était, à voir comment les réunions se tenaient, à

voir où elles se tenaient, et le nombre qu’elles réunissaient, les services de renseignement auraient dû
savoir.

PD -Publiquement, ce qui était confirmé c’est qu’à la radio on vous disait que ces listes-là
existent, que ces gens-là existent en 1992 ?

JK -Ou 93.

PD -93.



T2Kk7#34 du 03/10/97. -15 janvier 1998 (15h38) 20
JK

À

Ki 48790

-Mais, mais c'était, disons, comme une propagande, donc on ne sentait pas que il y avait des,

il y avait jamais eu d’argument pour prouver ce qu’on disait.

PD

-Ok. Bon. Vous arrivez en 1994, puis on vous montre des listes. Sur lesquelles apparaît le

nom, le nom de code, sa date d’entraînement.

JK
PD

Oui.

-Ça ça touche des citoyens, ça touche aussi comme on a dit, ça touche des gens qui ont tout

simplement fait, donné, contribué au FPR.

TK
PD

-Oui.

-Là vous arrivez, vous avez ça, ces listes-là, vous, vous les établissez à quelle date ? Les listes

qui vous sont montrées ? Vous êtes incapable, vous dites que vous êtes incapable de nous fournir d’où

elles proviennent exactement ?

JK
PD
JK
PD
JK
PD
JK
PD
JK
PD
JK
monde
PD
JK
PD
JK
PD

-Je suis incapable de vous fournir d’où elles proviennent exactement.

-Vous elles sont parvenues par ?

-Par le service de renseignement, via Alexis Nsabimana.

-Lui, vous a apporté ça ?

-Oui.

-Dans un rapport écrit ?

-Dans un rapport écrit où, où il me parlait de ça.

-Est-ce que vous avez fait part de ce rapport-là à, au conseil des ministres ?
-Je crois que oui.

-Vous croyez que oui.

-Mais je ne peux pas préciser si on a fait une discussion là-dessus ou si, ou si déjà tout le
était informé sur ça, était, c’était une information...

-C’était une grande nouvelle ?

-Une information qui avait dû circuler.

-Ok. Vous dites c’est arrivé à peu près vers quelle date ça ?

-C’est, au mois d’avril-mai, je ne peux pas préciser à quelle date maïs c’est...

-Ok., en avril ?



T2k7#34 du 03/10/97. -1$ janvier 1998 (15h38) 21
18

JK -En avril, quand nous étions à Gitarama. ALU4G7 EN
PD -Vous étiez à Gitarama. Il vous a apporté ces listes-là. Ces listes-là dataient de quand vous
croyez ?
JK -Les, ce que j’ai, les listes dont je me souviens dataient de 93.
PD -93.
JK -93.
MD -Celle à laquelle vous vous référez ici dans votre document-là ?
JK -Oui.
MD -Celle que vous aviez, les, les, les exemplaires que vous aviez ?
JK -Oui.
PD -Est-ce qu’il était à votre connaissance, depuis quand lui avait possession de ces listes-là ?
JK -Non, ça je ne sais pas.
PD -Est-ce qu’il vous a informé comment lui il les avait eues ?
JK -Non.
PD -Nonplus ?
JK -Non.
PD -Ok. Mais vous vous avez eu en votre possession des listes décrivant des réunions avec des

individus y participant ?

JK
PD
JK
PD

-Oui.
-C'est ça que vous avez eu, datant de 92, 93, 93 vous dites.
-Les, les noms, les listes que moi j’ai vues ça date de 93.

-Ok. Est-ce qu'après vous avez vu d’autres formes de document sur lequel on voit le nom de

code ou si c’est sur ces listes-là ?

JK
PD
JK
PD
JK

-Il y avait les, des cahiers.

-Des cahiers.

-Des cahiers individuels qui comprenaient la formation ou les cours que les gens recevaient.
-Est-ce qu’il y avait une photo de l’individu là-dedans ?

-Heu, plus tard il y a eu aussi des photos.



T2k7#34 du 03/10/97. -15 janvier 1998 (15h38) 22
ns



ri Le É 7 3 1
PD -Plus tard il y a eu des photos ?
JK -Oui.
PD -Comment vous vous expliquez ça ?
JK -Dans, dans d’autres documents que j’ai reçus de Butare, via le colonel Gatsinzi, il y avait
cette fois-là des, des photos, donc des, des... a
MD -Des fiches avec...
JK -Des photos prises à... donc c’était comme des photos-souvenirs prises à l’entraînement à
Mulindi et que les gens ont ramenées chez eux.
PD -Ça c’est des, des, c’est lors des visites des Interahamwe dans les maisons que ça a été trouvé
ces.
JK -Oui.
PD -Ça c’est, disons, quand les, quand les problèmes ont commencé à Gitarama, il y a des photos

qui vous ont été montrées, des retours d’entraînement, comme des groupes militaires ensemble,
comme on voit souvent dans une photo, on s’est entraîné à telle date ensemble, c’est ça qui a été...

JK -Oui.

PD -Puis ça ça servait à identifier les gens qui étaient dessus ? Est-ce que c’était identifié, disons,
heu, position 1, Monsieur Jean Kambanda, position 2, Marcel Desaulniers, position 3... ou si c’était
tout simplement comme une photo-souvenir sans nom, sans rien.

JK -Non, la photo que j’ai vue c’est une photo des étudiants de Mulindi.

MD -C’est une photo de groupe ?

JK -Une photo de groupe mais les gens étaient en treillis militaire, donc les gens qui étaient sur
la photo de groupe.

PD -Ok. Est-ce qu’en bas vous aviez une nomenclature ou un lexique qui vous identifiait le nom
des gens ?

JK -Non.

PD -Vous aviez pas ça.

JK -Non, il n’y avait pas.

PD -Comment vous avez fait pour savoir que c’était les gens de l’université ?



T2k7#34 du 03/10/97. -15 janvier 1998 (15h38) 23
À

L 048730

JK -Parce que les gens, les gens les connaissaient, c’était à Butare, les gens les connaissaient,
c'était des collègues à eux.

MD -Cétait tous des gens de Butare ?

JK -Des étudiants.

MD -Des étudiants de Butare ?

JK -Du moins sur la photo que j’ai vue.

PD -Ok. Où vous avez vu ça, cette photo-là vous ?

JK -A Butare.

PD -A Butare, celle-là c’est à Butare. Qui vous avait apporté ça vous avez dit ?

JK -C’est le, je l’ai eue via le colonel Gatsinzi.

PD -Via le colonel Gatsinzi ?

JK -Oui.

PD -Luiil vous a apporté ça en disant “on a, voici une preuve des entraînements” ?

JK -Oui. Donc c’est Alexis qui me l’a toujours rapporté, mais bon, il m'a dit que c’est, ça vient

de l’école de, de l’école des sous-officiers, je ne dis pas que c’est le colonel Gatsinzi qui lui a remis
ça, mais c’est de son école que cette photo est venue.

PD -Ok. Parce que. c’est ça. C’est si, heu, si c’est.

JK -C’est pas l'individu Gatsinzi qui lui a remis la photo pour dire à Alexis “apporte-moi ça au
premier ministre”, Alexis m'a dit que c’est une photo qui vient de Butare, par les gens de...de
l’école.

PD -Del’ESO.

JK -De l’école des sous-officiers.

PD -Ok. Donc, on va clarifier tout de suite ça. C’est, on n’a pas la, la, vous avez pas l’information
exacte que c’est Monsieur Gatsinzi..

JK -Non.

PD -.…. sauf que ça provient de l’école dont il était responsable, le responsable.

JK -Oui, voilà.

MD -Est-ce que c’est daté la photo ? Est-ce que c'était daté ?



T2k7#34 du 03/10/97. -15 janvier 1998 (15h38) 24
!
Él

JK -Non. Kuuss73 Z
MD _-Il y avait pas, on pouvait pas déterminer.

PD -Ok. Là, on, vous avez ça, ça c’est une des informations que vous avez eue aussi ?

JK -Oui.

PD -C’est ça. Et vous avez aussi eu des cartes décrivant les, comme dans un livre, qui décrivaient
les choses, les gens, son nom, son nom de code, ses.

JK -Oui, ça c’était des tableaux.

PD -Oui.

JK -Qui décrivaient ce que j’ai, j’ai expliqué, donc on disait le nom, son, sa, son nom, son nom
de code et puis sa région, sa formation.

PD -Ces informations-là doivent donc vous provenir avant la réunion de Kibuye ? Puisque vous

en parlez.
JK -Oui, ces informations me sont parvenues avant la réunion de Kibuye.
PD -Ok. A L

MD -Est-ce que les listes, les tableaux que vous parlez, est-ce que c’était pour tout le monde, pour,
tous les gens qui étaient listés avaient le, les mêmes détails, les noms de code et tout ça ?

JK -Oui. C’était, je crois c’était en, un, une consigne pour tout le monde d’avoir à côté de son
nom le nom de code et que c’est par le nom de code que les gens s’appelaient.

MD -Alors dans les réunions, à partir de 92-93, les gens qui participaient aux réunions devaient
être, avaient, avaient établi des noms de code.

JK -Oui.

MD -Tous ces gens-là avaient établi des noms de code pour protéger leur identité.

JK -Oui.

PD -Avez-vous mis en doute l’authenticité de ce document-là ?
JK -Non.

PD -Non?

JK -Non.

PD -Ça vous a semblé authentique ?



T2Kk7434 du 03/10/97. -15 janvier 1998 (15h38) 25
T

JK -Ça m’a semblé authentique. Hit £RT7TA
PD -La copie que vous avez eue c’est la copie originale-là ?
JK -J'ai eu des cahiers originaux pour la formation.

PD -Mmm {affirmatif]



JK -Et à côté des copies originaux {sic] ou des photocopies selon les cas. Mais j'avais...
PD -Vous avez eu à manipuler des documents originaux ?
JK -Originaux, cahiers originals [sic], donc où c’est l’original que j’avais.

MD -Combien estimez-vous qu’il pouvait y avoir de noms dans le cahier par exemple, est-ce que
c'était très volumineux ? Si il y avait beaucoup de monde de listé ?

JK -Les, les, dans le cahier ce n’était pas, ce n’était généralement pas les noms qui étaient là-
dedans, le cahier servait à, à la prise de notes ou à la formation, mais les, les listes, ça devait être des
listes qui leur, qui étaient préimprimées, et qui leur étaient transmises pour remplissage.

MD -Ouais, savez-vous estimer à combien de personne les listes étaient. [inaudible] ?

JK -C’est difficile, c’est difficile dans la mesure où je, ce que j’ai eu c'était à titre d’exemple, ce
n'était pas les listes telles que eux, les services ou les militaires ou les autres pouvaient en avoir.
MD -Alors vous avez jamais pu déterminer combien de personnes pouvaient être listées ?

JK -Non. Je n’ai pas pu.

MD -Est-ce que vous avez pu établir que les, le nom des personnes, les gens qui étaient listés,
étaient tous Tutsi ?

JK -Ça non plus je n’ai pas, je n’ai pas pu l’établir, je, je n’avais aucun critère pour l’établir.
MD -Est-ce que. vous savez que ces listes-là ont servi à identifier les gens, que ces gens-là, des
gens, vous savez en tout cas qu’une partie de ces gens-là ont été assassinés ?

JK -Oui.

MD -Par les militaires et par les Interahamwe ?

JK -Oui.

MD -Est-ce que vous savez si ces listes-là avaient été données aux autorités locales ?

JK -J’ai, j’ai, je ne peux pas dire si ils [sic] ont été données aux autorités locales, peut-être que

si ces listes étaient découvertes dans un endroit où l’autorité locale était relativement forte on pouvait



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1

41 48735
les lui porter, mais ces listes étaient plus en possession des Interahamwe et de l’armée que de, disons,
des autorités locales.

MD -Est-ce que c'était connu d’autres personnes du gouvernement, ces listes-là ?

JK -Ces listes étaient connues.



MD -C’était connu.

JK -Oui.

MD -C'’était connu des autres membres, des autres membres...

PD -Est-ce que quand vous en avez parlé à Kibuye, c’était pas nouveau pour personne ?

JK -Pour les membres du gouvernement, non.

PD -Ok. C'était nouveau pour la population de Kibuye ?

JK -C’était nouveau pour la population de Kibuye, et peut-être aussi pour les autres qui n’avaient
jamais entendu ça ou qui n’avaient pas...

PD -En tout cas ça confirmait, que le premier ministre dise que c’est vrai, que vous aviez en
possession des listes ça confirmait un, une information qu’on laissait planer depuis 93 ?

JK -Oui.

PD -Ok. Là vous, vous êtes venu, vous avez dit “c’est vrai les listes existent, moi je les ai vues,

votre premier ministre les a vues” ?

JK -Oui, oui.

PD -Les gens, vous aviez pas parlé à personne, vous dites, de ça, avant, que vous étiez pour dire
ça?

JK -Non.

PD -Ça vous a. il y a personne qui vous a suggéré d'inclure ça dans votre discours ou, en disant,

“vous savez, Monsieur le premier ministre, l'information qu’on a eue relativement à ça, ce serait peut-
être bon que les gens là, ça leur soit confirmé, ça ça va sûrement être un bon incitatif” ?

JK -Je n’ai pas, je n’ai pas en mémoire si quelqu’un m’a, m'a suggéré de le faire.

PD -Trouvez-vous un petit peu l’incongruité là, dans le fait de, de parler de ça dans votre discours
de mise en place de la sécurité dans le pays ? Trouvez-vous là, si vous regardez ça, les deux choses-là,

vous dites aux gens, depuis 93, les gens sont en attente d’une confirmation de listes.



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1

DH QT?TEA
JK -Oui. HCLL48 7/34

PD -Que effectivement là, il existe des listes, puis on va pouvoir enfin identifier l’ennemi à
àbattre. C’est, ça va être identifié clairement, il y aura pas de problème, puis là, vous vous venez leur
dire ça, puis en même temps vous leur dites de faire des barrières pacifiques puis de, de pas s’en
prendre à la population, vous trouvez pas qu’il y avait un certain message contradictoire dans votre
discours à ce moment-là ?

JK -Oui, aujourd’hui je peux dire oui, mais à cette époque je, disons, je croyais que en étant
transparent et ouvert, je pouvais résoudre des situations qui, qui, qui étaient camouflées et cachées.
Je crois c’est peut-être par ça que j’ai péché, parce que j’ai, moi je n’ai pas eu des réflexes de cacher
des choses, j’ai, je disais ce que je voyais, les gens, à un certain moment ils me l’ont dit, ils m’ont dit
que moi Je, je dis tout et que je, je, je ne cache pas, comme c'était le cas, peut-être en le disant, comme
c'était, j'ai commis cette erreur.

PD -Moi, moi je veux pas dire ‘erreur ou pas erreur”, je veux juste savoir qu'est-ce qui, qu'est-ce
que les gens savaient avant que vous vous le prononciez publiquement, là on a mis en situation que
tous les ministres étaient au courant de ça, est-ce que... pourquoi je vous demandais ça, c’est pour
savoir si les autres personnes qui vous accompagnaient, l’ordre, on va faire tantôt la plupart des gens
qui étaient là, là, que vous vous rappelez, si ces gens-là savaient que vous étiez pour en parler de ça
?

JK -Je n’ai pas en mémoire. Mais ils savaient que c’était une des informations qui circulait, que
il était probable que je.

PD -Confirmer.

JK -Que. il était probable que je ne puisse pas en parler dans la mesure où c’était une information
qui circulait depuis peu.

PD -Ilétait probable que ?

JK -Il était peu probable que je n’en parle pas, dans la mesure où c'était une information qui
circulait dans l’équipe des ministres, dans l’équipe dirigeante du pays à cette époque.

PD -Ok. C'était l’information.

JK -C’était l'information.



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PD -On a enfin les listes. Hiila 8 7 3 7
JK -Oui.
PD -Ok.

MD -Les gens en entendaient parler à la radio depuis longtemps, depuis 93 on parlait de ces listes.

JK -Oui.



MD -Et là vous aviez, vous étiez en mesure de confirmer, leur dire “c’est vrai les listes elles
existent, voilà, je les ai”.

PD -Siondit que vous aviez ça, vous, cette information-là, puis que les autres ministres l’avaient,
est-ce qu’il serait exact de dire que, disons, comme le ministre de la défense pouvait en avoir une
copie lui ? Au cours de vos nombreux séjours là, avec lui, au cours de vos nombreux voyages, est-ce
que vous avez déjà dit “tu l’as-tu lu, toi aussi la liste ?”, est-ce que vous avez déjà confirmé ensemble,
pardon, est-ce que vous avez vu, avez-vous vu aussi la liste ou...

JK -Je n’ai pas eu à confirmer ensemble avec lui, mais, la, les, les premières personnes à pouvoir
voir ces listes-là c’étaient soit les services de renseignement ou alors les militaires. Donc ce n’est pas,
ce n’était pas une information qui était inconnue, à ma connaissance, au niveau des ministres, ce
n’était pas quelque chose qui, qui, qui leur est, qui leur est tombé, disons.

MD -Oui, c’est pas tombé du ciel.

JK -… du ciel, ou quand j’ai, j’en ai parlé à Kibuye c’était une information qui était connue.
PD -C'’est ça. Mais ce que je veux dire c’est que certains ministres étaient plus, disons, plus
concernés que d’autres.

JK -Oui.

PD -Vous savez, le ministre de la défense, le ministre de l’intérieur sont peut-être plus concernés
par ces listes-là que le ministre du tourisme.

JK -C’est clair.

PD -Malgré que le ministre du tourisme peut être aussi intéressé qu’eux à l’avoir, ce que je veux
dire c’est que la probabilité que ces gens-là l’ait eu en leur possession est plus grande qu’un autre
ministre.

JK -Oui.



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HL 148739
PD -C'est là que je voulais en venir, c’est qui, qui selon vous au gouvernement, mais là de la
façon que vous me parlez, c’est tous les gens y avaient accès.
XK -Tout, tout le monde y avait accès, j’ai, je, c’est une information qui a circulé, qui a fait
beaucoup de bruit, et je crois que les gens ont été intéressé à en savoir un peu plus.
PD -Ok.
JK -Je ne suis pas, je ne dis pas que ils avaient nécessairement les listes, mais qu’ils aient été au
courant de l’existence de ces listes, je pense que oui.
PD -Est-ce qu’il vous a été donné de vérifier ou il vous a été rapporté si à même ces listes il y

avait eu des, des éliminations ?

JK -Non, je n’ai pas pu, je n’ai pas pu vérifier ça.

PD -Ok. C’est pas une information que vous avez ?

JK -C'est pas une information que j’ai, que j’ai eue.

PD -Qui vous est revenue ?

JK -Qui m'est revenue.

PD -Vous avez pas eu un retour d’information sur ces, l’utilisation exacte de ces listes-là ?
JK -Non.

MD -Le but, le but de dresser ces listes, par des militaires, ça pouvait être lequel ?
JK -Les militaires n’ont pas dressé ces listes, ces listes existaient.

MD -Elles existaient, ils ont pas dressé les listes, ils ont, ils les ont...

PD -Obtenues.

MD -Iis les ont obtenues...

JK -Oui.

MD -Ils les ont compilées.

JK -Oui. Compilées, je n’ai pas vu de compilation de listes. Mais je sais que ces listes existaient
puisque j’en ai vues, et j’en ai eues en ma possession.

MD -Oui, c’est ça. Et...

JK -Mais ces listes n’ont pas été dressées, là je peux confirmer...

MD -Non. D'accord. ‘



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JK -..par le mininter.
MD -Non, elles n’ont pas été dressées, par contre eux les ont récupérées.
TK -Ils les ont récupérées.

MD _-Ils les ont gardées. Pour quel usage, vous croyez ?
JK -Je ne peux pas... dire pour quel usage mais tout ce que je sais c’est que ça fut une preuve, ça
fut cons., disons, présenté comme une preuve que le FPR a des, des, a infiltré la population, que ils
[inaudible].
MD -Alors c'était pour être, c’était, on peut dire que c’était pour identifier l’ennemi ? Ça identifiait
l'ennemi, ça identifiait les personnes qui, qui étaient FPR ou collaborateurs du FPR ?
JK -Oui. Elles ont servi à ça.
MD -Elles ont servi à ça.
PD -Avez-vous d’autres faits que vous vous rappeler dans ce, peut-être qui sont moins, moins
importants, mais d’autres propos que vous avez utilisé dans le discours de Kibuye, qui ont pu aussi
vraiment avoir un effet. aussi dévastateur ?
JK -Non. Je crois que c’était, du moins... je peux peut-être avoir dit d’autres choses mais les, les
deux faits c’était le, ceux qui ont marqué le plus, donc le fait que j’ai parlé de ces listes, le fait que
j'ai parlé de ne pas confondre l’ennemi avec le voisin, et puis peut-être le, le fait de ne pas avoir su
donner une solution à la situation de Bisesero.
MD -Mais l’ennemi que vous identifiez là, le FPR et ses, et les gens qui collaboraient, est-ce que
ça faisait référence directement aux listes ? Quand on les, quand on les a [inaudible], quand vous,
quand vous vous exprimez de cette façon-là ?
JK -Je n’ai, je n’ai pas fait, je ne me rappelle pas si j’ai fait référence directement aux listes ou
pas.
MD -Mais le fait qu’on dit le FPR et ses, et les, et ses collaborateurs, on établit que les listes, en
fait c'était ça, le but de, de, d’avoir, heu, gardé ces listes c’était de pouvoir identifier les membres du
FPR et ceux qui pouvaient être reliés à eux.
JK -Je ne me rappelle pas de ça.

MD -Vous vous rappelez pas là, particulièrement là si...



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#

‘ “ OT
HLU4b7A4N
PD -On va devoir s'arrêter parce que le ruban se termine, il est 10 heures 57, moi je vais devoir
m’absenter une coupe de minutes.

Fin de la face B de la cassette # 34.



T2k7#34 du 03/10/97. -15 janvier 1998 (15h38) 32

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