Fiche du document numéro 22585

Num
22585
Date
Dimanche Mars 1998
Amj
Fichier
Taille
90753
Titre
Billets d'Afrique No. 56
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Type
Publication périodique
Langue
FR
Citation
BILLETS D’AFRIQUE N° 56 - MARS 1998

RÉFORME ?
Alternons : après un éditorial-fleuve (n° 55), qui a eu le mérite de susciter des débats, un oued - pas encore gonflé - sur la réforme
de la coopération.
On se contentera de citer la conclusion de l’appréciation émise par Marc Pilon, président de l’Observatoire permanent de la
coopération française 1 aux Nouvelles de SUD 2 : « Si cette réforme traduit un "consensus politique", ne nous faisons alors aucune
illusion. S’il ne s’agit que d’un "compromis d’étape" vers un changement de politique, attendons la suite.
Dans ce cas, la société civile doit se tenir prête à répondre à l’ouverture proposée, à montrer toute sa capacité de réflexion et son
sens de la responsabilité, à savoir exprimer aussi ses exigences ».
Peut-être sera-t-elle dispensée de cet effort. Selon Lionel Jospin, « la réforme de la coopération s’est faite en concertation totale
avec l’Élysée »...
1. OPCF. Cet organisme indépendant rassemble une soixantaine d’experts, d’universitaires et de responsables d’ONG.
2. Principal regroupement d’ONG françaises.

SALVES
La Coopération à Quai
Le Conseil des ministres a enfin accouché, aux forceps, d’une « réforme » de la Coopération, promise ou attendue depuis 35 ans.
La principale décision annoncée le 4 février est symbolique. Ce n’est pas rien. Cela peut le devenir : en politique, le symbole est
une clef, qu’on peut laisser dans un tiroir.
Ainsi est proclamé l’avis de décès de l’ex-ministère des Colonies. Les ex-colonies, devenues souvent protectorats, relèveront
désormais, comme tout pays indépendant, des Affaires étrangères. La Direction du Développement fusionnera avec son
homologue du Quai d’Orsay, sauf l’Éducation et la Santé. Celles-ci rejoignent la Caisse française de développement (CFD),
rebaptisée Agence française de développement (AFD).
Principale inconnue : le rattachement précis de la Mission militaire de coopération. Principal écueil : la CFD, tirelire de l’aide
publique, est de facto sous la tutelle du ministère des Finances, qui ne s’intéresse pas au développement et ne sait rien de la
pauvreté. Dans le schéma annoncé, Bercy agrandit encore sa mainmise sur l’Aide publique au développement. Est-il possible que
l’AFD relève d’une tutelle plus éclairée ?
L’avenir de la réforme dépendra beaucoup du choix des hommes appelés à la faire vivre ou la laisser périr. Pour diriger l’AFD,
on avance le nom de Pierre Jacquemot, beau-frère du ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine, et qui semble animé du
même esprit de « résistance » - si l’on en juge à la manière dont, chef de la Mission de coopération au Cameroun, il favorisa
l’exploitation dévergondée de la forêt 1 par des entreprises françaises très liées à la fraternelle des réseaux (Foccart, Pasqua et
Mitterrand).
1. Cf. Agir ici et Survie, France-Cameroun. Croisement dangereux, L’Harmattan, 1996, p. 42-43 (disponible à Survie, 45 F, port inclus).

Zone
Les pays du champ francophone et les chefs d’État amis ne sont quand même pas abandonnés... Les premiers relèvent désormais
(avec quelques autres, très pauvres ou bien en cour) d’une « zone de solidarité prioritaire » ; les seconds auront droit à la visite
d’un ministre délégué à la Coopération, titre auquel est promu le secrétaire d’État Charles Josselin.
La liste des pays de la « zone », destinataires privilégiés des crédits de coopération, évoluera, nous assure-t-on, en fonction des
situations, et des préférences françaises. Elle sera donc très politique, et très révélatrice des finalités de cette « coopération ».
Gabon ou pas Gabon ? Les Gabonais n’ont pas besoin d’aide, mais de justice distributive. S’il faut de temps en temps cadeauter
l’émir Bongo, autant que cela relève du budget Fêtes et cérémonies du Quai d’Orsay, ou des fonds secrets de Matignon. Grandprêtre du culte mitterrandien, Roland Dumas serait parfait en maître de cérémonie.
Elf
On ne tire pas sur une ambulance : nous n’insisterons pas sur la valse des millions dans les comptes privés de l’ex-ministre des
Affaires étrangères, sur les somptueux « honoraires » reçus de Bongo (en échange de quoi ?), ni sur les cris d’orfraie de la
Mitterrandie débusquée.
Reste qu’Elf a corrompu presque tous les compartiments de la classe politique française (la première classe, pas la seconde), et
qu’il faudrait que ça cesse. C’était l’objet de la proposition de création d’une commission d’enquête parlementaire présentée par
les députés Verts. La France goujate, replète et autosatisfaite n’aime pas les Verts. Encore moins les Vertes. Surtout quand elles
posent de bonnes questions.
Majorité plurielle oblige, on n’a pas pendu la députée Marie-Hélène Aubert en commission des Affaires étrangères, mais on lui a
bien fait comprendre qu’elle se mêlait de ce qui ne la regardait pas : la commission d’enquête a été rejetée, sous d’hypocrites
arguties. Une coalition d’associations 1 compte ne pas laisser les choses en l’état. Elle lance une campagne autour d’une évidence :
« Elf ne doit pas faire la loi en Afrique ». Survie et Agir ici se sont associées à cet appel.
1. C/o Cédétim, 21 ter rue Voltaire, 75011-Paris.

Rwandagate
La pression s’accentue pour demander une autre enquête parlementaire, sur la responsabilité de la France dans le génocide
rwandais. Après Le Figaro, L’Express s’y est mis dans un dossier-canon (12/02/1998), et même Libération (02/02/1998). De grandes
ONG s’apprêtent à mener campagne sur ce thème. Il sera difficile de ne pas imiter le Parlement belge.
Est-ce pour réduire la pression ? La France aurait accepté, selon le ministre rwandais des Affaires étrangères, de « réduire le
lourd contentieux entre Paris et Kigali » (AFP, 18/02/1998). Si l’on pouvait déjà cesser de l’alourdir...

Billets d’Afrique

N° 56 – Mars 1998

Succession
En 1973, l’opposant tchadien Outel Bono était assassiné en plein Paris, très probablement par un homme du SDECE (l’ancêtre
de la DGSE). Initiateur d’un réseau de dispensaires, victorieux d’une épidémie de choléra, ce médecin était devenu trop populaire.
Il faisait de l’ombre au président Tombalbaye et contrariait certains Foccartiens.
Vingt ans après, son neveu tchadien Mahamoud Nahor entame à Amiens un remarquable cursus d’études médicales. Rentré à
N’Djaména, il y devient, comme son oncle, médecin-chef de l’hôpital central. Il exerce quelques années, à la satisfaction générale,
avant de revenir en France se spécialiser en chirurgie. C’est l’occasion d’une maturation politique, en réaction à la sinistre fin de
règne d’Hissène Habré.
De retour au Tchad au moment de l’arrivée au pouvoir d’Idriss Déby, en 1990, le docteur Nahor tente brièvement d’aider le
nouveau régime à bâtir un État. Édifié par les pratiques du nouveau Président (le sort de certains opposants, la torture, les exactions
de la Garde républicaine, le délabrement de la santé publique), il fonde dès 1992 un parti d’opposition, l’Union des forces
démocratiques (UFD) - tout en reprenant du service à l’hôpital.
À l’automne 1997, il confie qu’il n’a plus d’autre choix que la rébellion. Le 10 février 1998, il enlève quatre Français, dont un
coopérant, pour attirer l’attention sur la complicité de la France dans la prolongation du régime Déby 1. Bien traités, les prisonniers
ont été rapidement libérés.
Il est à redouter que cet avertissement sans frais 2 n’annonce d’autres réactions, plus exaspérées et radicales, à la mainmise
française sur le destin politique du Tchad. Pour tous ceux qui le connaissent, le docteur Nahor était un homme paisible...
1. Sources diverses, françaises et tchadiennes, et Libération du 07/02/1998.
2. Pour les ressortissants français, mais peut-être pas pour le docteur Nahor, pourchassé par la Garde de Déby et l’« Épervier » tricolore. Le ratissage autour du lieu
de détention des 4 Français aurait fait 57 victimes.

Du rab pour la MISAB ?
La Mission interafricaine de suivi des accords de Bangui (MISAB) n’a pu imposer qu’une trêve précaire en Centrafrique. En
trop forte proportion, les soudards tchadiens envoyés par Idriss Déby sont devenus eux-mêmes partie au conflit - contre les
« mutins », et donc pour le président Patasse. Ainsi conforté, celui-ci ne s’est pas amélioré... Et il a renforcé sa Garde
présidentielle.
Tout le monde le sent, le départ de la MISAB risque fort de donner le signal d’une reprise de la guerre civile. L’ONU est prête à
remplacer la France dans le parrainage de la force interafricaine. Paris, en effet, ferme ses bases et retire ses troupes de ce pays trop
instable.
Mais, débitrice de Déby, la France voudrait que la MISAB 2 conserve les mêmes contingents nationaux que la MISAB 1.
L’ancien Premier ministre Jean-Paul Ngoupande, qui fait figure de sage dans la tourmente, tire le signal d’alarme (Afrique-Express,
22/01/1998).
Comores : jusqu’où ?
À force d’avoir abusé des Comores comme d’une base mercenaire et mafieuse, à force d’avoir semé, depuis Mayotte refrancisée,
les germes de la division, la Françafrique a laissé l’archipel dans un triste état. Un propos du préfet de Mayotte Philippe Boisadam
montre jusqu’où on est tombé : « L’unité des Comores est une construction artificielle de l’histoire coloniale. Il n’y a pas de race
comorienne ». Faut-il rapatrier ce haut fonctionnaire ? Il pourrait venir nous parler de l’unité raciale de la France...
Autre illustration du niveau : le fils de Bob Denard, Éric, avait obtenu de pouvoir venir gérer le patrimoine comorien de son
père, ou plutôt son butin. Il serait pourtant « fiché par Interpol qui le suspectait de tremper dans les affaires de drogue et de
prostitution ».
Pendant ce temps, l’île d’Anjouan, qui oscille entre le désir d’indépendance et le fantasme de mayottisation, est livrée aux
groupes paramilitaires. Elle « bénéficie » de l’ingérence vibrionnante des milieux de mercenaires et d’extrême-droite française, qui
se servent des Comores comme d’un relais, notamment pour leurs trafics d’armes - jusqu’en Tchétchénie... (Démocratie-Info, 01/1998).
C’est dans les mêmes milieux que les réseaux Foccart et Pasqua ont recruté fin 1996 des mercenaires pour Mobutu 1. Et qu’en
1988, fort probablement, a été engagé l’assassin de Dulcie September 2, la représentante à Paris de l’ANC (le mouvement antiapartheid de Mandela).
Une épidémie de choléra s’est amorcée à la Grande Comore, où le président Taki, tenu par les réseaux françafricains (cf. Billets
n° 49 et 51-53), est bien trop affairé pour s’occuper de santé publique.
Jusques à quand ?
1. Cf. Agir ici et Survie, France-Zaïre-Congo, Échec aux mercenaires, L’Harmattan, 1997 (60 F à Survie)
2. Cf. François-Xavier Verschave, La Françafrique. Le plus long scandale de la République, à paraître fin mars chez Stock.

Kabila vs Tshisekedi
Ce que nous signalions dès notre éditorial de juin 1997 comme la pierre d’achoppement du nouveau pouvoir de Kinshasa - le
compromis à trouver avec le mouvement politique et social zaïrois incarné par Étienne Tshisekedi - tourne mal, avec la relégation
de ce dernier dans son village natal (voir À fleur de presse).
Même si certains succès tactiques ou économiques (il n’est pas difficile de faire mieux que Mobutu en la matière... ) peuvent
donner l’impression d’une consolidation relative, jamais Kabila ne pourra relever les défis qui assaillent ce pays littéralement miné
s’il poursuit sur une pente qui lui aliène progressivement tous ceux qui seraient, potentiellement, des alliés constructifs - intérieurs
ou extérieurs.
Car cette pente-là séduit en même temps les alliés précaires, les pilleurs de rentes et autres adeptes de coups ponctuels... où l’on
pourrait compter certains personnages habituels en ces Billets.
Cette pente entraîne d’énormes risques politiques dans la région des Grands Lacs. Elle suppose en effet que Kinshasa laisse

Billets d’Afrique

N° 56 – Mars 1998

dégénérer la situation au lointain Kivu, trop pénible à contrôler pour être rentable. À ce compte, estiment la plupart des
interlocuteurs sur place, « le pire est encore à venir ».
Sierra Leone
Les origines de la crise sierra-léonaise et ses rebondissements sont évidemment complexes. Il n’est pas question de les résumer
ici. Rappelons cependant que la guérilla de Foday Sankoh (le RUF), qui déclencha la guerre civile en 1991, est, au sens strict, une
filiale de l’entreprise politico-militaro-mafieuse du Libérien Charles Taylor (le NPFL), elle-même sponsorisée par la Françafrique
(via Blaise Compaoré et les négociants libano-ivoiriens) 1.
Après sept ans de guerre civile et 150 000 morts, le NPFL a réussi à porter Taylor à la tête d’un Liberia exsangue, mais toujours
aussi riche de matières premières, de pavillons de complaisance et de connexions criminelles. En cours de route, Taylor et ses amis
ont eu envie d’exporter la guerre civile chez le voisin occidental du Liberia, le Sierra Leone. Il leur fallait pour cela un prête-nom
local. Taylor a poussé l’un de ses combattants, l’ex-caporal sierra-léonais Sankoh, à fonder sa propre rébellion, le RUF.
Sous cette bannière « sierra-léonaise », des employés détachés par la maison-mère NPFL ont pu plus aisément mettre à sac, à feu
et à sang le Sierra Leone - un pays riche en diamants.
Coût de cette tentative d’OPA de la firme Taylor sur un second pays : des dizaines de milliers de morts, 400 000 affamés
derrière les lignes rebelles, 500 000 réfugiés ou déplacés. Après le Liberia, c’est le Sierra Leone qui a été ruiné - devenant en 1994
le pays le plus pauvre du monde.
On s’était félicité de l’accord de paix survenu en 1996 et de l’élection d’un Président civil, Ahmad Tejan Kabbah. Mais les
soudards des deux bords (l’armée sierra-léonaise et les « rebelles » du RUF) se sont alliés en mai 1997 pour remettre le pouvoir au
bout des fusils. Ils viennent d’être éjectés à leur tour par le Nigeria, sous couvert d’une force interafricaine.
Le Nigeria est un vieil ennemi de la Françafrique, depuis la guerre du Biafra et durant la guerre du Liberia. Mais, sous la férule
dictatoriale du général Abacha, il se rapproche à toute vapeur de Paris. Encore de beaux deals en perspective, qui n’enchantent
guère les Libériens, ni les Sierra-Léonais, ni les Nigérians. Quant aux Français, ils ne sont pas au courant...
Vous souhaitez un accès plus aisé ou plus thématique aux informations recueillies grâce au travail de Survie ?
Vous aimeriez, sur ces questions qui touchent l’avenir d’un continent, davantage de paroles africaines ?
Vous estimez que le travail de mémoire, sur ces sujets, demeure nettement insuffisant ?

Depuis trois mois, une équipe franco-africaine mijote à votre intention une lettre mensuelle,

Afrique Info
Le numéro 3, Spécial Cameroun (15 février 1998), comporte un article inédit du directeur du Messager, Pius Njawe - depuis la
prison de Douala où il est embastillé. Et diverses rubriques : Paroles africaines - Portrait - Souvenez-vous - Etc.
Abonnement à Survie (01 43 27 03 25), aux mêmes conditions que Billets d’Afrique (80 F/an ; soutien ou étranger 100 F).

Libérez Pius Njawe !
La condamnation de Pius Njawe est le comble de l’imbécillité. Peut-on continuer de gaspiller l’argent des contribuables français
pour verser de l’argent dans les caisses d’un État présidé par un riche imbécile ? Lionel Jospin trouvera bien un « messager » pour
faire passer le constat : la ZSP (« Zone de solidarité prioritaire ») ne sera pas la SPA (Société protectrice des archaïques).
Seigneurs de la faim
Le régime soudanais a trouvé un moyen assez efficace de contrer la rébellion sudiste de John Garang, la SPLA : il arme à tout va
les groupes conduits par divers dissidents de la SPLA, tels Riak Machar et Kerubino Kwanyin Bol. Chacun d’eux se transforme en
seigneur de la guerre, à la mode somalienne (La Lettre de l’Océan Indien, 30/01/1998). Incontrôlé par Khartoum, le Sud devient ainsi
incontrôlable, et donc moins menaçant pour le régime Béchir-Tourabi.
Inconvénient : en mettant la région en coupe réglée, les warlords favorisent le retour de la famine. Selon l’ONU, 240 000
personnes déjà vulnérables sont à bout de forces, incapables de subir de nouvelles pénuries. Or l’approvisionnement d’urgence par
l’opération Lifeline Sudan reste toujours aussi difficile.
Chinese connection
En fait, la junte soudanaise regorge d’armes, qui semble-t-il viendraient de Chine (contre une concession pétrolière ?) : Pékin
réduit les effectifs de son armée, ce qui laisse des surplus colossaux. On comprend mieux comment Khartoum peut armer non
seulement ses troupes et les dissidents sudistes, mais les guérillas érythréenne, éthiopiennes, ougandaises, etc., ainsi que le Hutu
power rwandais.
Bons points
* La signature d’une convention fiscale franco-gabonaise permettra au fisc français d’y regarder de plus près dans les revenus des
220 filiales d’entreprises françaises ou sociétés franco-gabonaises et des 11 000 Français domiciliés au Gabon (La Lettre du Continent,
12/02/1998). Misère !
* L’ancien Premier ministre norvégien Gro Harlem Bruntland a été élue directeur général de l’Organisation mondiale de la santé
(OMS). On peut espérer que cette femme remarquable redonnera le punch nécessaire à une institution indispensable, dévalorisée
par la « gestion » de son prédécesseur Hiroshi Nakajima.

Billets d’Afrique

N° 56 – Mars 1998
Fausses notes

* La France a exporté 50 milliards de F d’armements en 1997 (Le Monde, 22/01/1998).
* Le paysage audiovisuel français (PAF) est dominé par Bouygues, la Générale et la Lyonnaise des Eaux, et le pouvoir exécutif.
Tous quatre ont d’importants intérêts françafricains. Les ménager suppose de désinformer ou sous-informer le public. Le Parti
socialiste avait promis de limiter l’influence sur le PAF des trois groupes privés concernés, mastodontes de l’ingérence et du
financement politiques. Tout bien pesé, le projet de loi de Catherine Trautmann préfère regarder ailleurs (Le Canard enchaîné,
28/01/1998).
Carnet
* Huit ONG qui décident de travailler de concert, ça vaut d’être signalé. Longue vie au Groupe Initiative (CICDA, CIEDEL,
CIEPAC, GRDR, GRET, IRAM, Solagral, Vétérinaires sans frontières) ! 30 rue Sainte-Hélène, 69002-Lyon.
* L’association Sociétés et développements, animée par Jacques Giri, a entrepris depuis janvier 1998 de diffuser régulièrement des
Notes de lecture destinées à ceux que submerge la masse des publications traitant, en anglais et en français, des questions de
développement. De quoi aiguiller les appétits, et leur éviter parfois de se fourvoyer.
(119 bvd. Gabriel Péri, 92240-Malakoff).
* Un nouveau réseau ? Le président de Démocratie libérale, Alain Madelin, rêvait d’étendre sa toile en Afrique. Il y voyage
désormais avec un duo d’amis :
- Jean-Yves Ollivier, principal soutien du vainqueur de la guerre civile au Congo-Brazza, Denis Sassou N’Guesso, et vieux routier
de l’Afrique australe (Af’Sud, Angola, Comores) ;
- l’ex-ministre de la Coopération Michel Roussin, patron du bétonneur SAE et du CNPF international (La Lettre du Continent,
12/02/1998). Un vrai pro : il dirigea la machinerie du RPR jusqu’en 1993 ; c’est lui qui « créa » le faux-facturier Jean-Claude Méry
et Louise-Yvonne Casetta (« la Cassette »), aiguilleurs des valises à billets néo-gaullistes 1. En froid avec Jacques Chirac, il change
de club.
* Le Canard enchaîné (18/02/1998) signale à notre attention un Monsieur Afrique méconnu, Patrick Maugein - un proche de Jacques
Chirac, et son émissaire auprès de quelques amis milliardaires : le Premier ministre libanais Hariri, les présidents angolais et
congolais Dos Santos et Sassou Nguesso. Patrick Maugein est dans les meilleurs termes avec Roland Dumas. Comme Jean-Yves
Ollivier, il a fait ses premières armes d’intermédiaire en Afrique au début des années 80, dans les opérations de contournement du
boycott anti-apartheid.
* Rétro-promotion : le général Sassou Nguesso a finalement refusé le titre de maréchal qui lui avait été décerné, bien fâcheusement
(Billets, n° 55).
1. Cf. Alain Guédé et Hervé Liffran, La Razzia, Stock, 1995, p. 21 et 150s.
(Achevé le 22/02/1998)

ILS ONT DIT
RÉFORME
« Si l’on maintient une structure administrative spéciale pour les Africains, c’est comme s’ils ne pouvaient pas justifier de la
relation internationale normale : or nous entendons bien avoir avec eux une relation de partenaires ». (Charles JOSSELIN, ministre
délégué à la Coopération, entretien au Monde du 06/02/1998).

[Acceptons-en l’augure !].
« - Pensez-vous que le futur Haut conseil de la coopération internationale sera en mesure de "faire marcher droit" les relations franco-africaines ?

- Ces relations ne sont pas aujourd’hui titubantes... ».
(Charles JOSSELIN, réponse à une question de La Croix, 06/02/1998).
[Elles ont atteint le stade du delirium tremens... ].

« C’est ce continent [l’Afrique] qui faisait que la France était une grande puissance, qu’elle pouvait faire entendre sa voix. Les
socialistes, à l’exception de François Mitterrand - mais était-il socialiste ? -, ont toujours refusé d’aimer les Africains.
[...] Pétrole, matières premières, agriculture, que de richesses ! Alors que nous vivons une véritable guerre économique mondiale,
voici donc que nous allons céder notre place, par quelle aberration ? Décidément, certains en France sont tombés sur la tête [...]
Coupés de nos racines africaines, recroquevillés sur une Europe frileuse, [nous serons] incapables alors d’être une puissance
écoutée. [...] Pour qu’il existe une véritable politique africaine, il faut aimer l’Afrique et les Africains. [...]
Certain d’être le porte-parole des intérêts conjoints de la France et de l’Afrique, je lance un appel à Jacques Chirac pour qu’il
refuse vigoureusement l’abandon de la politique africaine de la France ». (Bernard DEBRÉ, prédécesseur de Charles Josselin, in Le Figaro
du 09/02/1998).

RWANDA
« Après le génocide, il y a eu un moment, au Rwanda, de l’été 1994 à la fin de l’année 1995, où les survivants ont cherché à
construire autre chose que ce qu’ils avaient vécu, à se réconcilier. C’était un pari politique compliqué, risqué, qui aurait pu marcher
parce que des Rwandais étaient prêts à s’y lancer. Il existait [...] des militaires qui reconnaissaient qu’une armée ne peut pas
gouverner un pays contre le peuple. Les Rwandais étaient d’une grande lucidité, d’un grand courage, mais il y a eu une carence
manifeste de la communauté internationale dans le domaine de la justice. Le tribunal pénal international d’Arusha [...] n’a toujours

Billets d’Afrique

N° 56 – Mars 1998

pas condamné un seul des responsables du génocide, c’est pourtant sa mission. L’absence de justice a obligé les autorités
rwandaises à dessiner un autre scénario politique : s’appuyer sur l’armée. La communauté internationale porte une grande
responsabilité dans cet échec.
[...] Tous les Rwandais, dans leur ensemble, sont aujourd’hui victimes de l’échec de la réconciliation nationale. La minorité tutsi
qui gouverne et détient le pouvoir militaire essaie d’imposer l’ordre par la force. C’est complètement incohérent parce qu’on ne
peut pas faire la guerre contre sa propre population. Quant aux Hutu, ils n’ont pas abandonné leur but : l’extermination des Tutsi.
C’est dément, mais réel ». (Françoise BOUCHET-SAULNIER, juriste à Médecins sans frontières, entretien à Télérama du 04/02/1998. Les deux
paragraphes sont des réponses à des questions. Nous en avons inversé l’ordre).

[Dans le second paragraphe, l’interviewée simplifie évidemment (et sans doute dangereusement) la catégorisation Tutsi-Hutu : tous les Tutsis et
tous les Hutus ne pensent pas la même chose, bien des Tutsis ne se satisfont pas d’une perspective obsidionale, des Hutu participent au pouvoir ;
beaucoup, qui n’y participent pas, n’ont jamais adhéré au projet génocidaire. Néanmoins, le problème est posé : que faire quand subsiste dans
une société, massivement, un but réellement « dément » ? La partie désignée comme victime par le projet non virtuel d’extermination ne peut
qu’être elle-même acculée à l’inhumanité, sauf si la médiation extérieure joue enfin un rôle positif, pacifiant - alors qu’elle n’a cessé jusqu’ici de
jeter de l’huile sur le feu.
L’éditorialiste de Kinyamateka, le bimensuel de l’Église catholique rwandaise (cité par l’agence ARI/RNA, 04/02/1998), observe par exemple que
« certains des religieux [étrangers] se sont mêlés dans les problèmes ethniques rwandais. Même s’il est Blanc, il se fait Hutu ou Tutsi de
conscience. Cette lacune est encore en nous, nous devons la combattre si nous voulons travailler en faveur du Christ au Rwanda ». D’autres ont
laissé leur vie dans le chantier de reconstruction du pays, tel le Père Vjeko Curic abattu de huit balles le 28 février].

« Quel projet politique réservez-vous aux Rwandais après la transition ? Personne n’en parle alors que nous allons vers la fin de la
transition. Nous pensons que l’Accord de paix d’Arusha reste malgré tout un espoir pour sortir les Rwandais du désespoir actuel.
Cet accord prévoyait une Commission pour l’Unité et la Réconciliation nationale qui devait préparer une Conférence nationale.
Plus que jamais, cette Conférence nationale est nécessaire pour faire sortir les Rwandais de l’impasse ». (François-Xavier
NSANZUWERA, ancien procureur de la République de Kigali et ancien président du Comité de liaison des associations pour les droits de l’Homme au Rwanda
(CLADHO). Lettre ouverte au président de la République rwandaise).

« On peut toujours dire : c’est trop tard, mais non, rien n’est trop tard puisque des Rwandais restent condamnés à la guerre... Ils
continuent à souffrir des mêmes choses qui produiront les mêmes effets.
La France porte une partie importante de la mémoire du Rwanda. Si la France veut aider le Rwanda - au moment où nous
parlons du devoir de mémoire, à l’occasion du procès Papon [...] -, ce n’est pas en rachetant sa faute avec quelques deniers, [...],
mais en témoignant au tribunal d’Arusha. En révélant la partie de l’histoire rwandaise dont elle a connaissance. La France détient
des secrets sur le Rwanda dont les Rwandais ont besoin. Sans ces secrets-là, ils ne peuvent reconstruire leur société » (F.
BOUCHET-SAULNIER, entretien cité).
[À défaut d’avoir « la » solution, voilà bien quelque chose d’éminemment utile que la France pourrait faire].

« L’armée française n’a pas à rougir de quoi que ce soit [au Rwanda] , elle a agi sur ordre » (F. BOUCHET-SAULNIER, ibidem).
[Cette phrase de conclusion est de trop. Certes, les politiques qui ont donné les ordres ont une responsabilité majeure. Mais le tribunal de
Nuremberg a considéré que le fait d’agir sur ordre n’exonérait pas un militaire de sa responsabilité face au génocide. Ni un fonctionnaire (cf.
Papon). De plus, au Rwanda, certains militaires français en ont manifestement rajouté].

« Je serai amenée, à plus ou moins long terme, à citer des militaires français en tant que témoins devant le TPR [Tribunal pénal
». (Louise ARBOUR, procureur du TPI et du TPR, entretien à

international pour le Rwanda] ou le TPI [Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie]
L’Événement du Jeudi du 29/01/1998).

ALGÉRIE
« [...] Les maquisards des GIA mènent une guerre barbare qui frappe surtout les populations civiles ; une guerre qui, contrairement
à ce que l’on prétend, ne répond à aucun plan d’ensemble ; aucun état-major secret ne planifie les combats dans la perspective de
la prise du pouvoir [...].
Au risque de passer pour des dreyfusards attardés, nous n’admettons pas pour notre part qu’un État utilise massivement comme
arme de répression la torture et le meurtre. L’un des signataires de ce texte avait dénoncé ces procédés en 1957. Avons-nous tort de
les dénoncer encore aujourd’hui ? [...]
L’envoi d’une commission d’enquête internationale sur les violations des droits de l’homme en Algérie est aujourd’hui l’urgence
absolue. Le gouvernement de Lionel Jospin s’honorerait en cessant de mettre des obstacles à cette demande, qui est aujourd’hui
celle de nombreux États démocratiques. Il pourrait aussi, sans plus tarder, diligenter des enquêtes financières sur les commissions
occultes liées aux échanges commerciaux franco-algériens, qui jouent un rôle essentiel dans le maintien au pouvoir des dictateurs
d’Alger et dans le martyre du peuple algérien ». (François GÈZE, éditeur, et Pierre VIDAL-NAQUET, historien, point de vue, Le Monde,
04/02/1998).

« - Le Soir (14/02/1998, Bruxelles) : Que vous inspire le satisfecit en matière de démocratisation décerné par les neuf parlementaires européens à l’Algérie ?
Pensez-vous que le futur Haut conseil de la coopération internationale sera en mesure de "faire marcher droit" les relations franco-africaines ?

- Salima GHEZALI : [...] Je suis proprement scandalisée par le comportement plein de légèreté affiché par Daniel Cohn-Bendit, et
celui, fait de mépris, d’André Soulier, chef de la délégation. On peut parler d’un échec des Européens face à la France. À
Strasbourg, en décembre, j’avais rencontré de nombreux parlementaires européens qui s’étaient déclarés décidés à rompre
l’hégémonie française qui prévaut dans l’Europe des Quinze pour tout ce qui concerne l’Algérie. Or la France bloque tout le
dossier. Et ce qui vient de se passer le confirme : la mission [composée de 4 députés français sur 9] était emmenée par un Français. Il

Billets d’Afrique

N° 56 – Mars 1998

paraît même que ce dernier a été reçu par Jacques Chirac avant d’aller à Alger. Ainsi l’Europe continue, sans surprise, à ne pas se
définir et, en fait, à soutenir le régime algérien à l’instigation de Paris.
- Pourtant, la troïka européenne dépêchée à Alger en janvier s’était montrée plus critique...

- Il faut croire que, justement, il fallait effacer cette impression. Vous savez, les intérêts financiers priment. Pour le reste, l’Algérie
demeure l’une des nombreuses illustrations de l’absence de politique étrangère cohérente des Quinze.
- Qu’est-ce qui vous heurte le plus ?

- Sous prétexte qu’ils sont venus sur place quelques jours, ces eurodéputés soutiennent, toute honte bue, le régime, sans un mot
pour stigmatiser la dictature, les milliers de morts, la torture ; il fallait sans doute noyer l’idée d’une commission d’enquête
internationale.
- L’Europe vous décourage ?

- On commence à connaître l’hypocrisie européenne. Il existe bien sûr sur votre continent quantité de gens, d’ONG qui pensent
autrement que comme des marchands, mais le numéro gesticulatoire des eurodéputés à Alger cette semaine, c’était la totale ! Enfin,
au moins les choses sont claires désormais, on sait comment l’Europe nous traite. Nous avons dû arracher notre indépendance
nous-mêmes ; eh bien ! nous arracherons notre démocratie seuls ».
« L’Europe s’est engagée dans un piège : soit un affrontement, soit une compromission avec Alger ». (Luis MARTINEZ, chercheur
au Centre d’études et de recherches internationales (CERI), entretien à Croissance, 02/1998).

Cour Criminelle internationale
« Sur la question des criminels de guerre, par exemple, même la Chine a une interprétation plus large [du futur rôle de la CCI] que la
France ! Il est dommage qu’un pays aussi influent que le vôtre semble mener une politique d’obstruction. La France a adopté des
positions si extrêmes qu’elle a perdu, au fil du temps, une part de son prestige et de sa crédibilité ». (Richard DICKER, de Human
Rights Watch, cité par L’Express du 12/02/1998).

À FLEUR DE PRESSE
RÉFORME...
Le Monde, Une coopération plus exigeante, 06/02/1998 : « Quant à la volonté d’en finir avec les zones d’ombre de la politique
africaine de la France - avec des liens traditionnels que l’on considérait comme des complaisances clientélistes n’apportant plus,
depuis les événements de ces dernières années en Afrique centrale, que rebuffades et discrédit - les socialistes au pouvoir avec
Lionel Jospin ont appris à la formuler de façon beaucoup moins schématique. [...] Ils ont convenu qu’on ne peut pas [...] brader la
relation privilégiée de la France avec cette partie du continent noir ».
[Ce n’est donc pas encore la nuit du 4 août !]

La Lettre du Continent, Bolloré/Bouygues : Un empire africain, 29/01/1998 : « Fin 1997, [...] Vincent [Bolloré] arrive [dans Bouygues]
avec une petite participation de verrouillage du capital (10%). [...] La cagnotte africaine du nouveau groupe "BB" (BolloréBouygues) n’est pas négligeable.
Si l’on prend l’exemple de la seule Côte d’Ivoire, "BB" pourrait largement siéger en conseil des ministres, voire prendre la
primature. Bouygues, qui contrôle l’eau, l’électricité et l’exploitation du gaz, vient d’achever la grande mosquée et a [...] [obtenu la
construction-concession d’] un pont sur la lagune [...]. Bolloré contrôle le tabac, une grande partie du transport maritime [...], les
plantations, la voie ferrée Abidjan/Ouaga...
Au Cameroun, "BB" va faire un malheur pour le transport et l’équipement du pipeline qui doit évacuer le pétrole du Tchad. En
Angola, les perspectives sont encore plus souriantes. Bouygues offshore, qui construit des plates-formes pétrolières [...], va
s’équiper d’un navire d’intervention pour l’exploitation des fabuleux gisements en eaux profondes découverts par Elf et Chevron,
tandis que Bolloré, déjà dans le tabac, va reprendre [...] [une] base pétrolière [...].
Michel Roussin [...] est rentré en avril 1997 comme administrateur chez Saga [filiale manutention de Bolloré]... Bolloré s’apprête
également à recruter un autre ancien maître-espion, sans doute le général Heinrich qui vient d’être remplacé à la DRM (Direction
du renseignement militaire) ».
[Michel Roussin, lui, est un ancien haut responsable de la DGSE].

RWANDA
Le Nouvel Observateur, Rwanda, le réveil de la terreur, 19/02/1998 (Laurent BIJARD) : « À travers tout le pays, la haine - et son
corollaire, la peur - entre Hutus et Tutsis ne cesse de grandir. [...] Chacun redoute aujourd’hui la montée en puissance des
extrémismes des deux camps, et la guerre qui, inévitablement, en découlerait. L’air détaché, certains officiers jusqu’au-boutistes de
Kigali en viennent à la souhaiter, histoire de remettre une bonne fois pour toutes "les pendules à l’heure". En proie à des
dissensions internes, le Front patriotique rwandais (FPR) vient de dissoudre ses instances dirigeantes. [...] Au milieu de ces
intrigues politiques, Paul Kagame, le vainqueur de 1994, qui a toujours été partisan d’une solution "nationale" et non ethnique du
problème rwandais, se trouve de plus en plus isolé ».
[Les dangers évoqués sont réels, et l’on n’ose à peine y penser. Il faut toutefois signaler que Kagame vient d’être élu à une courte majorité
président du FPR, ce qui montre qu’il n’est ni tout-puissant, ni complètement isolé. D’autre part, la dissolution des instances dirigeantes ne
venait pas seulement d’« intrigues », mais des vives critiques émises dans la presse et de l’intérieur du FPR sur son fonctionnement et sur son
bilan (cf. Billets n° 54).

Billets d’Afrique

N° 56 – Mars 1998

Divers indices, y compris les condamnations plus fréquentes de militaires coupables d’exactions, semblent montrer une reprise en main
militaire et politique succédant à une « collégialité » trop laxiste (discipline, intégrité, compétence). Le pire n’est pas tout à fait sûr].

L’Express, Les Grands Lacs et la France, 05/02/1998 (Alexandre ADLER) : « Ces massacres [de réfugiés hutus réfugiés au Congo-Zaïre]
faisaient suite à l’abominable tuerie des civils tutsi au Rwanda par les restes de l’armée hutu du président Habyarimana en 1994.
Le nouveau régime rwandais de Paul Kagame, ancien chef de la sécurité militaire du président ougandais, pense encore s’en tirer
en développant une campagne de contre-propagande mettant en cause la responsabilité indirecte de la France dans ces massacres.
[...]

Mais en réalité [...] les craquements se font terriblement sentir. [...] Les attaques de plus en plus audacieuses de groupes armés
hutu au Rwanda, au Burundi, parfois mixtes dans l’ouest de l’Ouganda [...], ainsi qu’au Kivu [...], font peser une redoutable
pression sur les deux régimes tutsi, et sur leur protecteur ultime, le président ougandais Museveni [...].
À Kinshasa même, Kabila commence à se demander si l’heure ne serait pas venue de lâcher ses encombrants protecteurs tutsi. Il
y a une solution de rattrapage toute trouvée : renouer avec la France, qui appuie la nouvelle alliance dans l’Atlantique Sud du
Congo-Brazzaville de Sassou Nguesso et du Gabon avec le nouveau protégé d’Elf-Erap que devient insensiblement l’Angola
postcommuniste [...].
Ne serait-il pas temps pour Museveni de négocier enfin sérieusement une réconciliation véritable avec son opposition armée
dans son pays, et une meilleure entente avec la France et la Tanzanie [...] ? ».
[Nous ne pouvons citer qu’une partie de ce « feu d’artifices », qui a suscité de vives réactions, certaines fort argumentées. Nous avons eu
plusieurs fois déjà l’occasion d’apostropher l’afropolitique adlerienne, éperdument françafricaine et dangereusement mortifère (cf. Billets n° 18,
41 et 47). Ses propos vont du négationnisme larvé (le génocide devient « d’horribles massacres » ; la France n’y a aucune responsabilité ; les
attaques « audacieuses » des « groupes armés hutu », animés au Rwanda de la même idéologie génocidaire, deviennent une revanche
jubilatoire), à une proposition de grande alliance anti-tutsie. Kabila est invité à la rallier, derrière le panache français.
Message : hors la France, point de salut, les ténèbres et la mort. Par exemple, si Museveni ne va pas à Canossa, on continuera d’armer et de
dresser contre lui les délirantes guérillas ougandaises, type Lord’s Resistance Army, que nous avons présentées l’an dernier (Billets n° 44).
Ce ne serait qu’affligeant - et étonnant pour L’Express, qui publie par ailleurs les reportages de Vincent Hugeux (cf. infra) - si l’on ne savait
qu’Alexandre Adler est très proche de Jacques Chirac. Selon toutes les apparences, il traite de l’Afrique à partir des informations et analyses
fournies au pouvoir exécutif par les divers services de renseignement. L’alchimie géoraciale, l’idéologie raciste, mégalomane et négationniste
qui nourrit ces « sources » secrètes procède vraiment d’un delirium tremens. Avec de tels pense-bêtes, la Françafrique reste l’ingénieur ivre
dans les centrales nucléaires de l’ethnicisme].

L’Express, Rwanda, pourquoi tant de gêne ?, 12/02/1998 (Vincent HUGEUX) : « Ce jeudi de décembre, le service étranger de
L’Express reçoit, autour d’un menu langouste, un haut fonctionnaire du Quai d’Orsay, fraîchement promu. [...] Le débat s’oriente
vers le génocide rwandais et "l’indigne procès fait à la France". "Oseriez-vous prétendre que Paris fut pour quelque chose dans
cette tragédie ?, s’exclame notre hôte. Un journaliste se doit aussi d’être patriote". [...]
L’examen des prémices du désastre rwandais jette une lumière crue sur le soutien aveugle à un régime dont la dérive ethniciste
était patente. Et sur l’écrasante responsabilité qui incombe à cet égard à François Mitterrand, protecteur têtu de son homologue
Juvénal Habyarimana, devenu au fil des ans l’otage des fanatiques de la suprématie hutu. On peut évoquer l’amitié liant les fils des
deux chefs d’État. [...] Mais il est une autre piste, moins anodine : la "dette" contractée envers Kigali pour son rôle de transitaire
docile lors de livraisons secrètes d’armements destinés à l’Afrique du Sud de l’apartheid. D’autant que la commande aurait porté,
non sur des missiles, comme on le murmura alors, mais sur de l’équipement nucléaire. [...]
En mars 1992, un colonel de gendarmerie en poste à Kigali, alerté par un avocat belge, constate l’ampleur des massacres antiTutsi perpétrés dans le nord-ouest. L’officier vient à Paris informer ses supérieurs. Lesquels lui intiment l’ordre de se taire. Dès
octobre 1990, l’africaniste Jean-François Bayart avait rédigé, pour le compte du Centre d’analyse et de prévision du Quai d’Orsay,
une note dénuée d’équivoque. Mais voilà, Georges Martres, dont on ne sait s’il fut l’ambassadeur de France auprès d’Habyarimana
ou l’inverse, adressa aussitôt à Paris une dépêche réfutant point par point le diagnostic de l’expert... [...]
Le 6 avril 1994 [...], le Falcon 50 du président rwandais est abattu par un missile. Tiré par qui ? Le FPR ? On ne peut l’exclure.
Deux mercenaires européens agissant pour le compte des ultras du hutu power, hostiles à la "reddition" d’Arusha ? C’est plus
probable. Et tout porte à croire que Paris détient la clef de l’énigme : un témoin affirme avoir vu l’enregistreur de vol au domicile
d’un conseiller militaire français quelques heures après l’attentat. [...]
Le 25 juin, deux jours après le déclenchement de l’opération "Turquoise", l’envoyé spécial de L’Express se rend en compagnie
d’un photographe américain et d’un confrère du Times de Londres dans les collines de Bisesero, où les tueurs hutu traquent les
paysans tutsi. Sur le chemin du retour, le trio croise un groupe de journalistes emmenés par des officiers français, aussitôt avisés.
Nous apprendrons plus tard qu’il faudra près de deux jours aux "Turquoise" pour secourir - efficacement d’ailleurs - les survivants.
Argument avancé par un initié : la présence d’un sujet britannique nous a fait craindre un coup tordu des services britanniques...
[...] Les vieilles fraternités d’armes et le souci de ménager le "gouvernement intérimaire" [mis en place par le Hutu power] ont à coup sûr
souillé la pureté du dessein affiché. "L’exfiltration des criminels est avérée", reconnaît un responsable élyséen. De même, les
spécialistes les plus mesurés conviennent que Paris finançait encore, au moins trois à quatre semaines après le début du massacre,
des livraisons d’armes et de munitions venues des pays de l’Est. Au-delà, nul doute que les officines de marchands de canons ont
opéré au su de Paris ».
ALGÉRIE
Libération, Algérie : la mort douteuse de l’énigmatique Ali Touchent, 16/02/1998 (José GARÇON) : « Une autopsie qui dure neuf mois
et dont les résultats tombent précisément vingt-quatre heures avant l’arrivée de Jack Lang, le président de la Commission des
Affaires étrangères de l’Assemblée [...] : l’annonce [...] à Alger de la mort d’Ali Touchent, le "cerveau" présumé des attentats de
1995 en France, suscite plus de questions qu’elle n’en résout. Selon le communiqué publié par les services de sécurité en plein

Billets d’Afrique

N° 56 – Mars 1998

week-end algérien - ce qui est pour le moins inhabituel - Touchent, alias "Tarek", a été "formellement identifié" après sa mort, qui
remonte au 23 mai 1997 dans un hôtel de la rue de Tanger à Alger. [...]
"Tarek" ne se cachait pas en Algérie. Alors que son portrait avait été largement diffusé, il habitait et circulait tranquillement à
Alger dans la cité des CNS (l’ex-"Compagnie nationale de sécurité", qui correspond aux CRS), près de la caserne Châteauneuf [le
principal centre de tortures à Alger] , un lieu hautement sécurisé. [...] Djamel Zitouni, le chef des GIA qui aurait ordonné la campagne
d’attentats, a été tué par ses comparses des GIA. Yahia Rihane, alias "Krounefel", qui aurait été à la tête d’un commando envoyé
en France pour orchestrer ces attentats, est mort en mars dernier. Tué lors d’un assaut contre un "repaire de terroristes", près de
Kouba, selon les forces de sécurité algérienne, qui n’ont expliqué ni comment ni quand Rihane s’était retrouvé en Algérie. Avec
l’annonce de la mort de "Tarek", les principaux responsables présumés des attentats en France auront tous disparu ».
ET AILLEURS
La Lettre du mois d’Agir ensemble pour les Droits de l’Homme, Comment la Mauritanie combat l’esclavage, 02/1998 (André
BARTHÉLÉMY) : « Puisqu’il n’y a pas vraiment la volonté d’interdire l’esclavage, le président Maaouya Ould Taya interdit...
qu’on en parle ! Le 17 janvier, il a fait incarcérer Boubacar Messaoud, président de SOS Esclaves, qui avait eu l’audace de
participer à une émission diffusée le 15 janvier sur France 3 et sus Canal France International et consacrée à cette pratique. Arrêtés
aussi Cheikh Saïd Bouh Kamara, président de l’Association mauritanienne des Droits de l’Homme [...], et Maître Ould Ebetty,
membre du Collectif des Avocats qui, depuis dix ans, défend les victimes de la répression. [...]
Il convient de souligner que les trois victimes appartiennent aux trois composantes de la société mauritanienne : les Blancs
("Maures"), les Noirs ("Négro-africains") et les anciens esclaves affranchis ("Haratines" ou "Maures noirs" : des négro-africains
culturellement assimilés aux Maures). [...]
Maures Blancs, Haratines ou Négro-africains, beaucoup de Mauritaniens ont honte de la persistance de cette barbarie d’un autre
âge que constitue l’esclavage. Dans les trois composantes, des hommes de valeur et de courage sont déterminés à en combattre les
survivances. [...]
Maaouya Ould Taya montre une fois de plus sa vraie nature : le responsable suprême des massacres de soldats négro-africains en
1989/1990 et de la déportation au Sénégal de centaines de milliers de Mauritaniens peuhls, wolofs et soninkés ».
[Donné en modèle à l’Afrique par Jacques Chirac lors de sa visite officielle en septembre 1997 (cf. Billets n° 51), le président mauritanien a fait
condamner le 12 février à 13 mois de prison ferme les militants incarcérés. Plus d’une centaine de policiers en tenue de combat étaient présents
dans la salle du tribunal... À vrai dire, le régime Ould Taya est un « modèle » de dictature clanique].

Les Échos, La vie reprend lentement son cours à Brazzaville meurtrie par cinq mois de guerre civile, 18/02/1998 (Stéphane DUPONT) :
« Postés aux abords de [Brazzaville] [...], près de 2 000 soldats angolais veillent discrètement. Grâce à l’aide bénévole de la
Lyonnaise des Eaux et d’EDF, l’eau et l’électricité ont été partiellement rétablies. [...] Principale entreprise de la ville, la brasserie a
repris ses activités [...]. Installée juste à côté de la résidence de Denis Sassou Nguesso, à Mpila, cette filiale de la CFAO [groupe
Pinault] et de Heineken n’a, par miracle, subi aucune destruction majeure. Située à proximité, la Siat n’a pas eu cette chance : cette
fabrique de cigarettes appartenant au groupe Bolloré est partie en fumée. [...]
Les entreprises [principalement françaises] sont décidées à [faire] repartir [leur activité] au plus vite. [...] "Grâce à la production
pétrolière en plein boom, les perspectives économiques sont prometteuses", souligne un diplomate. "Les sociétés ont très bien
gagné leur vie avant la guerre et ont accumulé suffisamment de réserves pour repartir", reconnaissent leurs responsables en privé.
Quand elles n’ont pas fait de juteuses affaires à Pointe-Noire pendant les affrontements. [...]
Les bailleurs de fonds [...] s’inquiètent des capacités de certains ministres [...] à gérer honnêtement le pays. "C’est un
gouvernement de remerciements, souligne un diplomate. Denis Sassou Nguesso a dû récompenser ses fidèles et les chefs de
guerre". [...] Certains ministres, qui ont connu de coûteuses traversées du désert, "n’hésitent pas à bloquer des dossiers pour
quelques pots-de-vin", dénonce un homme d’affaires. Les fonctionnaires, qui ont tout perdu pendant les combats, sont encore plus
voraces ».
[Bref, « rigueur » à tous les étages ! Le Congo-Brazza est reparti pour un tour de manège françafricain, grâce à « l’aide bénévole » de la
Lyonnaise des Eaux, à la « chance » du chiraquien Pinault, à la faculté de Bolloré de mobiliser les indemnisations ou les prêts bonifiés qui feront
renaître de ses cendres sa lucrative manufacture de tabac].

Le Soir, Encore un signal inquiétant, 14/02/1998 (Véronique KIESEL) : « Étienne Tshisekedi a déjà été arrêté à de nombreuses
reprises, il a déjà passé de longues périodes en prison, il a déjà été relégué. Son arrestation brutale jeudi soir [12/02/1998] par des
soldats de l’Alliance est donc loin d’être une première pour lui, mais elle choque car elle a été décidée dans le plus pur style
mobutiste par un régime que le monde entier espérait différent. En arrêtant le président national de l’UDPS, en décidant de le
reléguer dans son village natal du Kasaï, privant ainsi de toute activité politique celui qui, malgré erreurs et maladresses, reste
toujours le leader de l’opposition, le président Kabila envoie un message inquiétant aux Congolais et aux partenaires étrangers du
Congo. [...]
[Il] avait déjà annulé in extremis la grande Conférence nationale sur la Reconstruction, officiellement pour des raisons
financières et de logistique, mais plus que probablement parce que les recommandations émises par les provinces réclamaient le
rétablissement des partis politiques et la démocratisation du nouveau Congo. [...]
Un autre signal négatif a été émis cette semaine par Kinshasa : en annulant à plusieurs reprises le rendez-vous avec Jesse
Jackson, le pasteur noir américain envoyé spécial du président Clinton, puis en décidant de le recevoir à l’heure même où
l’émissaire américain rencontrait Étienne Tshisekedi, Laurent-Désiré Kabila a déçu le département d’État américain, qui s’est dit
inquiet des dérives du nouveau régime en matière de droits de l’Homme. Au moment même où Fidel Castro libère massivement
ses opposants, on en viendrait à souhaiter une visite papale à Kinshasa ».

Billets d’Afrique

N° 56 – Mars 1998

Le Canard enchaîné, Le préfet qui commençait à être très gênant, 11/02/1998 (Nicolas BEAU) : « Bien curieux, le préfet [de Corse
Claude Érignac assassiné le 6 février] s’est [...] interrogé sur les raisons de l’effondrement de la Cadec, la société de développement corse,
renflouée à deux reprises [par l’État] , mais qui accuse pourtant plusieurs centaines de millions de déficit. À l’échelle insulaire, c’est
un scandale pire que celui du Crédit Lyonnais.
La filiale de leasing de la Cadec, Corsabail, a financé [...] l’hôtel Miramar de Propriano, qui appartient à la femme de JeanJérôme Colonna, dit "Jean-Jé", lourdement condamné dans l’affaire de la French Connection dans les années 70 [...] , l’un des
personnages les plus puissants et les plus craints de l’île. Quand ce notable marie sa fille en août dernier [...], la majorité de la
classe politique de l’île est présente. Charles Pasqua s’est fait représenter par Daniel Leandri, mais le préfet Érignac, lui, n’est pas
de la fête.
Ce protestant ne respecte rien. Il saisira même, début 1997, les tribunaux administratifs des contrats signés entre la ville
d’Ajaccio et une société de parkings et d’horodateurs, la Serep. Laquelle est dirigée par Noël Pantalacci, premier adjoint RPR [...]
d’Ajaccio, président de la Cadec et membre éminent de Demain la Corse, l’association présidée par Pasqua ».
[On retrouve à Demain la Corse la fine fleur de la Corsafrique : Robert Feliciaggi, le pape des casinos et des paris dans le golfe de Guinée,
occupe une place de choix ; patron d’Elf-Corse et de la Cadec, Noël Pantalacci apporte sa connaissance des circuits pétroliers et financiers à ce
« laboratoire d’idées ». Pour montrer qu’il a les idées larges, l’ex-ministre de l’Intérieur n’hésite pas à s’afficher à L’Eden Roc - un palace
d’Ajaccio, autre propriété de fait de Jean-Jé Colonna (cf. Billets n° 53). Le protestant Érignac ne goûtait guère cet œcuménisme].

LIRE
Jean-Paul Gouteux, Un génocide secret d’État. La France et le Rwanda, Éditions sociales, 1998.
L’ouvrage traque avec fougue l’ensemble des adhérences françaises au projet, à l’idéologie et à la négation du génocide rwandais : politiques,
militaires, médiatiques, etc. Une charge documentée, et un appel bienvenu au sursaut civique, alors même que se multiplient les brèches où il
pourra s’engouffrer.
Amnesty International, La terreur en Casamance, 1998, 88 p.
Une bonne introduction à la réalité de la sale guerre casamançaise, qui dure depuis 15 ans. Mal traitée politiquement par un État sénégalais
malade (cf. le Dossier noir n° 10, France-Sénégal : une vitrine craquelée, L’Harmattan, 1997), la revendication séparatiste casamançaise évolue
vers un traitement uniquement militaire. L’armée sénégalaise s’y dégrade, elle dont on voudrait faire l’un des pivots des futures troupes
interafricaines de maintien de la paix. À force d’énervement, il pourrait venir à cette armée-là des tentations putschistes - comme jadis à sa
marraine française en Algérie.
Jacques Godfrain, L’Afrique notre avenir, Michel Lafon, 1998, 305 p.
On ne peut qu’être d’accord avec le titre et les appels à la générosité plutôt qu’au repliement. On ne peut que se féliciter que certaines vieilles
revendications des ONG soient pleinement reconnues par l’ancien ministre de la Coopération de Jacques Chirac, par exemple l’achat des secours
alimentaires d’urgence sur les marchés régionaux, ou le rôle des femmes dans le développement.
Mais le propos manquera de crédibilité tant que le fils spirituel de Jacques Foccart revendiquera son foccartisme. Cela donne par exemple :
« L’éléphant blanc, à peine reconnu comme animal mythique, est déjà en voie de disparition » (p. 147). « La colonisation française a été, en gros
réussie. Même si la décolonisation l’a été encore plus » (p. 68). « C’est en partie grâce à [Jacques Foccart] si la transition vers l’indépendance
s’est accomplie en Afrique francophone dans la paix, sans goutte de sang. [...] Il n’y a pas eu de sang versé dans la conquête du pouvoir » (p.
158).
La (ou les) centaines de milliers de morts de la répression inouïe contre le parti de l’indépendance camerounaise, l’UPC (1957-1970), n’avaient
que du sang noir dans les veines. Comme les leaders indépendantistes assassinés, Ruben Um Nyobé ou Félix Moumié... C’est l’un des chefs
français de l’écrasement de l’UPC, le commandant Georges Maîtrier qui, promu chef de la coopération militaire franco-togolaise, a ourdi avec le
sergent Eyadema, démobilisé de la guerre d’Algérie, l’élimination du président élu Sylvanus Olympio (1963). Tous ceux qui s’opposaient au
maintien de la tutelle française, politique, économique, monétaire et militaire, ont été écartés par les armes ou amadoués par la corruption. Sauf
Sékou Touré qui, à force de complots réels, a sombré dans la paranoïa sécuritaire.
L’Afrique ne sera notre avenir que si nous admettons le passé.
Les Dossiers noirs de la politique africaine de la France, n° 10

France-Sénégal
Une vitrine craquelée
Une « démocratie » verrouillée par la fraude paralyse le Sénégal, qui voit monter les périls de tous ordres (internes et externes). Pendant ce
temps, les acteurs réels d’une économie virtuelle rivalisent de sophistication dans le détournement des fonds publics et la corruption.
Agir ici et Survie, L’Harmattan, 66 p. Peut être commandé à Survie (40 F, port inclus).

Banque mondiale, Faire reculer la pauvreté en Afrique subsaharienne, 1997, 172 p.
L’ouvrage permet de mesurer un certain nombre de mutations à l’œuvre dans le regard que porte la Banque sur l’économie, et sur la tare de
cette dernière, la misère. Avec quelques années de retard sur le PNUD, la BM a décidé de mettre la « lutte contre la pauvreté » au centre de sa
stratégie. Certes, le chemin est long entre le dire et le faire, mais les interpellations et les évaluations que cette option théorique autorise
commencent à infléchir les modes de raisonnement. Compte tenu du leadership intellectuel que continue d’exercer la Banque sur la pensée
économique officielle, on ne peut que se féliciter de cette mise en chemin, et des contradictions qu’elle va faire apparaître.
L’une d’elles a surgi à propos du financement du projet pétrolier tchadien. Initialement, ce projet servait la croissance contre le développement,
devait enrichir les riches et écraser un peu plus les pauvres. La Banque est dans ses petits souliers. Si elle est cohérente avec elle-même, et qu’elle
n’obtient pas que le projet serve aussi réellement à réduire la pauvreté, elle devrait renoncer à le financer.
Monique Chemillier-Gendreau, L’injustifiable. Les politiques françaises de l’immigration, Bayard, 1998, 286 p.
L’une des principales animatrices du « Collège des médiateurs » créé en 1996 en faveur des sans-papiers de Saint-Bernard nous propose un
panorama très complet et documenté de la question de l’immigration, sous ses aspects historiques, politiques et juridiques. Il débouche sur la

Billets d’Afrique

N° 56 – Mars 1998

bonne question : la capacité française à réduire l’exclusion et le racisme, bref à renouveler le pacte républicain, celui du « vivre ensemble » bref, la question politique par excellence.
L’auteur semble présupposer, cependant, que cette capacité est intacte. Comme elle ne l’est pas, des paliers thérapeutiques sont sans doute
nécessaires : il faut plâtrer la fracture sociale si l’on veut que, sans se casser la figure, la société française, plus confiante en elle-même, reparte à
la découverte des vertus de l’hospitalité.

Vous appréciez "Billets" et approuvez ses objectifs ?
Vous pouvez l’aider en :
- vous abonnant :
France : 80 F ; soutien : 100 F ;
Étranger : 100 F ;
- le diffusant dans votre entourage concerné (qui ne l’est pas ?) par tout moyen qui vous conviendra ;
- envoyant à Survie toute information pertinente, de préférence peu connue, sur la politique franco-africaine et l’utilisation de
l’aide au développement.
SURVIE, 57 AVENUE DU MAINE, 75014-PARIS - TEL.: (0)1 43 27 03 25 ; FAX: (0)1 43 20 55 58 - IMPRIME PAR NOS SOINS - COMMISSION PARITAIRE N°
76019 DEPOT LEGAL : MARS 1998 - ISSN 1155-1666 - DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : FRANÇOIS-XAVIER VERSCHAVE - ABONNEMENT : 80 F
(ÉTRANGER : 100 F)

Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024