Fiche du document numéro 22859

Num
22859
Date
Mardi 25 septembre 2018
Amj
Taille
431698
Titre
Massacre de Bisesero, la justice française s’achemine vers un non-lieu
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
L’enquête de la justice française sur l’attitude de l’armée face à la
tuerie de Bisesero est close.

Aucune mise en examen a été requise contre les militaires mis en cause.

Un médecin de l’armée française s’occupe d'un garçon dans le camp de déplacés tutsis géré par l'armée française, Bisesero le 2 juillet 1994. Jean-Marc Bouju/AP

Les trois juges chargés d’enquêter sur l’éventuelle responsabilité
pénale de l’armée française dans le massacre des Tutsis des collines de
Bisesero, aux premiers jours de l’opération Turquoise en 1994 au
Rwanda, ont clos leur instruction dans la plus grande discrétion, cet
été. Le journaliste Fabrice Arfi révèle dans Mediapart https://www.mediapart.fr/journal/international/250918/massacre-de-bisesero-au-rwanda-fin-de-lenquete-pas-de-mise-en-examen, mardi
25 septembre, que cette enquête a été clôturée le 27 juillet « sans
qu’aucune mise en examen ait été prononcée à l’encontre des militaires
mis en cause
».

Que s’est-il passé à Bisesero entre le 27 juin et le 30 juin 1994?



Une patrouille de Turquoise découvre, le 27 juin 1994, des centaines de
Tutsi menacés par les génocidaires sur les collines de Bisesero, à
quelques kilomètres de leur camp de base à Gishyita. Les réfugiés leur
demandent de les protéger immédiatement. Mais ce n’est que le 30 juin,
que le commandement de Turquoise donne l’ordre à ses troupes de les
secourir. Entre-temps, des centaines de Tutsis ont péri à Bisesero sous
les coups des génocidaires.

Quelle est la nature du débat?



Deux thèses s’affrontent. La partie civile, constituée de survivants et
d’organisations de défenses des droits de l’homme (Licra, Fédération
internationale des Droits de l’Homme, Ligue des Droits de l’homme,
Survie, Ibuka) estime que la hiérarchie militaire a sciemment tardé à
intervenir alors qu’elle avait été alertée dès le 27 juin par la
patrouille de Turquoise.

La défense répond que l’armée n’a eu connaissance des faits que le
30 juin, et qu’elle a pris, alors, les dispositions qu’il fallait pour
intervenir.

Au cœur du débat, le statut d’un fax. La partie civile s’appuie sur
celui envoyé par le lieutenant-colonel Duval, le premier a donné
l’alerte à sa hiérarchie sur la situation des Tutsis de Bisesero qu’il
a découvert lors de sa patrouille du 27 juin. La partie civile affirme
que ce fax a été envoyé dès le 27 juin. Mais un doute demeure sur la
date de son envoi, ce qui favorise le point de vue de la défense.

Quelle est la question de droit?



Est-ce que le délai entre la découverte de la situation des Tutsis de
Bisesero, le 27 juin, et l’envoie des secours, le 30 juin, constitue
une aide ou une assistance sciemment apportée aux génocidaires?

À l’origine de cette procédure, l’association Survie, la FIDH et la
Ligue des droits de l’Homme, expliquaient en 2015 que le fait de « ne
pas se rendre à Bisesero pour y intervenir, ne pas désarmer les
miliciens présents à Gishyita
[à proximité des massacres], les laisser
partir combattre vers Bisesero depuis Gishyita, caractérise en l’état
du dossier d’instruction des actes de complicité [de génocide]
».

« L’enjeu est de savoir si les militaires français qui étaient en toute
proximité d’un lieu où se commettait un génocide et des massacres se
sont abstenus d’intervenir volontairement pour venir en soutien à des
personnes qui faisait l’objet de tuerie
», précise aujourd’hui, Maître
Éric Plouvier, l’avocat de Survie.

Cinq militaires étaient placés sous le statut de témoin assisté?: le
général Lafourcade, commandant de l’opération Turquoise, le colonel
Rosier, chef du Commando des opérations spéciales (COS), le capitaine
de frégate Marin Gillier, chef d’une unité du COS, le commandant de la
Mission d’assistance militaire au Rwanda, Étienne Joubert et le
lieutenant-colonel Jean-Rémy Duval, membre du COS.

Que va-t-il se passer?



La défense a jusqu’au 27 octobre pour transmettre à la justice, ses
remarques et peut-être apporter des éléments nouveaux. « La bataille
n’est pas terminée. Nous suivons ce dossier depuis 2004. Nous allons
transmettre à la justice nos remarques. Les juges se sont arrêtés en
chemin en refusant plusieurs choses comme de confronter les deux
militaires dont le récit est contradictoire, d’auditionner les
journalistes qui ont assisté à ces événements et dont nous avions donné
la liste.
», précise maître Plouvier.

Mais pour l’heure, puisque les juges en clôturant leur enquête n’ont
pas mis de militaires en examen, ces derniers ne seront pas renvoyés
devant un tribunal. Donc, l’affaire de Bisesero est appelée, sauf
éléments nouveaux, à se terminer par un non-lieu général.

« Les éléments dont nous disposons montrent, pourtant, que la
hiérarchie avait été alertée sur la menace qui pesait sur les Tutsis de
Bisesero, dès le 27 juin, déplore Florent Geel, de la FIDH. Le temps
que l’armée se décide à intervenir, soit trois jours, le tiers des
Tutsis de Bisesero a été massacré.
»

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024