Fiche du document numéro 22891

Num
22891
Date
Vendredi 28 septembre 2018
Amj
Taille
143882
Titre
Génocide au Rwanda : l'enquête sur le massacre de Bisesero se clôt sans poursuites
Lieu cité
Source
AFP
Type
Dépêche d'agence
Langue
FR
Citation
Vingt-quatre ans après le génocide au Rwanda, les juges d'instruction
ont terminé leurs investigations sur de possibles responsabilités de
l'armée française lors du massacre de Bisesero sans avoir prononcé de
mise en examen, au grand dam des parties civiles qui redoutent un « déni
de justice
 ».

Les juges du pôle crimes contre l'humanité et crimes de guerre au
tribunal de Paris ont annoncé le 27 juillet aux parties civiles la
clôture de l'instruction, ont indiqué à l'AFP une source proche du
dossier et une source judiciaire, confirmant des informations de
Mediapart.

Depuis 2005, six rescapés du massacre, l'association Survie, la
Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH et LDH) et
d'autres parties civiles accusent la force militaire française Turquoise
d'avoir sciemment abandonné des centaines de Tutsis des collines de
Bisesero (ouest), du 27 au 30 juin 1994, aux génocidaires ralliés au
pouvoir gouvernemental Hutu, qui bénéficiait d'un soutien ancien de
Paris.

Les rescapés, à l'origine de la plainte en 2005, affirment que les
militaires français leur ont promis le 27 juin 1994 de les secourir,
pour ne le faire finalement que le 30. Pendant cet intervalle de trois
jours, des centaines de Tutsis ont été massacrés dans les collines.

L'absence de suspects mis en examen au terme d'une information
judiciaire ouvre logiquement la voie à un non-lieu. Mais les parties
civiles entendent déposer de nouvelles demandes d'actes, comme le permet
la loi, avant les réquisitions du parquet et la décision finale des
juges d'instruction.

L'association Survie, la Fédération internationale des droits de l'homme
(FIDH) et la Ligue des droits de l'homme (LDH) ont assuré vendredi dans
un communiqué être "mobilisées pour éviter un déni de justice".

Pendant l'instruction, au moins quatre hauts-gradés français - dont le
chef de Turquoise, le général Jean-Claude Lafourcade - avaient été mis
en cause et entendus par les juges sous le statut de témoin assisté,
intermédiaire entre le simple témoin et le mis en examen.

Mépris judiciaire



Mais plusieurs auditions - en particulier de François Léotard, alors
ministre de la Défense - et confrontations, réclamées par les parties
civiles, ont pour leur part été rejetées par les juges. En 2017
notamment, ils ont refusé d'entendre l'amiral Jacques Lanxade, l'ancien
chef d'état-major des armées, et son adjoint de l'époque, le général
Raymond Germanos, une décision confirmée quelques mois plus tard par la
cour d'appel de Paris.

Selon Survie, les deux hauts-gradés étaient informés dès le 27 juin que
des Tutsis étaient attaqués par des miliciens, mais n'ont pas réagi ni
donné d'ordre de leur porter secours.

« Compte tenu des éléments d'information dont nous disposions à l'époque,
nous avons découvert la situation progressivement
 », avait justifié
l'amiral Jacques Lanxade, joint par l'AFP en novembre 2017, assurant que
l'armée n'avait « rien » à se reprocher. En mai dernier, il s'est dit
favorable à l'ouverture des archives militaires dans ce dossier, une
promesse de l'ancien président François Hollande en 2015, mais qui n'a
été que partiellement respectée selon des chercheurs et des
associations.

« Il est inconcevable de clore le dossier sans avoir auditionné le chef
d'état-major des armées et son adjoint de l'époque
 », a déclaré à l'AFP
Me Eric Plouvier, avocat de l'association Survie. « Nous avons le projet
de faire des demandes de confrontations et de versement de pièces dans
la procédure
 », a-t-il indiqué, estimant que ce « dossier ancien ne
méritait pas le mépris judiciaire
 » dont il fait l'objet.

Près d'un quart de siècle plus tard, le rôle joué par la France au
Rwanda reste encore un sujet hautement polémique, objet de tensions
entre Paris et Kigali.

Le président Kagame, dirigeant le Front patriotique rwandais (FPR) qui a
pris le pouvoir à Kigali quelques jours avant la fin du génocide, accuse
les autorités françaises d'avoir soutenu le pouvoir hutu et d'avoir été
un acteur des tueries, ce que Paris a toujours fermement démenti.

Les massacres avaient fait, à partir d'avril 1994 en à peine 100 jours,
environ 800.000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsi.

En novembre 2016, le parquet rwandais a lancé de son côté une procédure
contre 22 officiers français qu'il accuse d'implication dans le
génocide, dont l'amiral Lanxade et le général Lafourcade.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024