Citation
Les juges de la Chambre d'instruction de la cour d'appel de Poitiers sont
 têtus.Dans le dossier de demande d'extradition visant un prêtre saintais
 d'origine rwandaise, ils viennent de statuer, sans tenir compte des décisions
 précédentes de la Cour de Cassation, concernant le dossier délicat des crimes
 contre l'humanité commis au Rwanda en avril 1994.
 
 Il y a quelques mois, la chambre avait émis un avis favorable à l'extradition
 d'un enseignant rwandais installé à Poitiers, accusé de participation au
 génocide. La cour de cassation avait cassé cet arrêt en notant que le crime de
 génocide ne figurait pas au Code Pénal rwandais à l'époque des faits et ne
 pouvait donc s'appliquer rétroactivement.
 
 
Le cas de Marcel Hitayezu
 
 Saisie du cas d'un prêtre, Marcel Hitayezu, 57 ans, aujourd'hui naturalisé
 français et exerçant son ministère à Saintes, la chambre de l'instruction a
 décidé d'engager l'épreuve de force avec la juridiction suprême, en prononçant
 à nouveau un avis favorable à l'extradition demandée par la justice rwandaise.
 Marcel Hitayezu est accusé d'avoir remis aux milices Hutus des Tutsis réfugiés
 dans l'église de son village de Muguba.
 
 Les juges de Poitiers ont décidé d'interpeler la cour de cassation sur un
 principe du droit : peut on opposer aux victimes d'un génocide un droit qui
 émane des auteurs de ce génocide? La Chambre de l'instruction a sa réponse et
 c'est non : ``Ce principe, applicable sur tous les continents, s'applique aussi
 sur le continent africain''. C'est ce principe, expliquent les juges, qui a
 permis la création du tribunal de Nuremberg sur les crimes nazis ou des
 tribunaux ayant jugé les crimes des militaires japonais.
 
 Or, relèvent les juges poitevins, le code pénal rwandais applicable en 1994
 résultait d'un décret-loi promulgué en 1997 par un président hutu et entériné
 en 1981 par une Assemblée Nationale composée de 63 Hutus et...1 Tutsi!
 
 Présumé innocent
 
 Cette décision poitevine reste cependant loin d'avoir la moindre conséquence
 pour Marcel Hitayezu, au demeurant présumé innocent de ce qu'on lui reproche
 jusqu'à un éventuel procès. Il est probable que le dossier sera transmis à la
 Cour de Cassation qui n'aura peut-être pas la même lecture des principes du
 droit que les magistrats poitevins.
 
 Quoi qu'il en soit, la décision d'extrader ou non appartient souverainement au
 ministre des Affaires Etrangères. Jusqu'à présent, toutes les décisions ont été
 rejetées, en s'appuyant il est vrai sur les avis négatifs de la Justice.
 
 Vincent Buche