Fiche du document numéro 25341

Num
25341
Date
Lundi 8 mars 2010
Amj
Taille
1263080
Titre
Chronologie du Rwanda (1867 - 1994)
Type
Chronologie
Langue
FR
Citation
Pendant le long XXième siècle qui débute ici à l’accession au pouvoir du dernier mwami précolonial, l’histoire de la violence politique au Rwanda emprunte deux dispositifs souvent parallèles, parfois joints : celui d’une violence de cour prolongée sous les deux républiques et celui moins connu de violences paysannes dont on saisit jusqu’à présent l’enchaînement chronologique plus que l’épaisseur des relations qu’elles sous- entendent, la trame plutôt que le tissu.

Au- delà du caractère répétitif des crises et des éléments de circonstance (contexte de guerre, mouvements régionaux de réfugiés, crise économique, transition vers le multipartisme) qui semblent sceller leur déroulement, le fonctionement quotidien du pouvoir est indissociable de la manière dont il provoque ou réagit aux crises politiques. La dynamique interne des rapports de pouvoir au Rwanda, l’âpreté de la compétition politique, l’apparition et l’extension de classes sociales liées aux régimes politiques successifs et leur rapports avec le monde rural (la population du pays està 95% paysanne) ont largement déterminé la forme et surtout l’ampleur de l’exercice de la violence. On tâchera brièvement ici d’en présenter les traits distinctifs.
Une violence de cour : Le Mwami

Les luttes entre clans, factions, puis régions, le fossé qui sépare la lettre des hiérarchies des rapports souterrains qui les devancent et les dépassent, tout semble indiquer une permanence des voies et moyens d’exercer le pouvoir au Rwanda. Lemarchand qualifia la jeune république qu’il avait observée de « presidential mwamiship » (+Lemarchand, 1970, 269) en insistant sur la continuité du fonctionement et des codes et rituels du pouvoir. Ainsi, la révolution de 1959 n’aurait pas fondamentalement bouleversé les pratiques et les partages des postes, le pouvoir gardant la même architecture. Au centre plus qu’au sommet de ce dispositif, la personne du mwami, puis du président de la république après lui, est censée dépasser les rivalités et les clivages. Tel que le virent les premiers explorateurs européens, puis les historiens à leur suite, le Rwanda pré- colonial était féodal. Si l’usage du terme est contesté (+Chrétien, 2003, 146- 147), le caractère monarchique et centralisateur du pouvoir est unanimement reconnu. Le mwami, son roi, permettait à cette société d’exister. Par lui la vie irriguait les hommes et les choses, sur lui reposaient les saisons et les récoltes et son déclin signifiait celui du pays entier. Si lui- même n’était pas d’essence divine, il en était le réceptacle, le lieu par lequel la vie est répandue. Ce pouvoir créateur le placait au dessus des hommes (Umwami si umuntu- Le roi n’est pas un homme, est le titre de deux poésies dynastiques) et les rituels rappellaient sa qualité sacrée (+Vansina, 2001, 110). Ses alentours, la reine- mère et la cour, se disputaient l’exercice du pouvoir. Le roi y était certes le premier des chefs politiques. Mais la reine- mère disposait d’un pouvoir en principe égal au sien et pouvait créer ses propres armées. Les ritualistes contrôlaient les codes de la royauté aussi bien que les divinations auxquelles ils faisaient procèder avant chaque action d’importance. Les plus puissants des clans se disputaient les postes, les armées, les reines mères. Soucieux de ne pas s’isoler le mwami s’appuyait souvent sur des hommes qui lui devaient tout et lui étaient entièrement dévoués (+Vansina, 2001, 115). La violence du règne de Rwabugiri (1867- 1893, voir infra) reflète ce fonctionement quotidien du pouvoir et les rivalités incessantes à la cour.

« Presidential mwamiship »

La rupture annoncée par la révolution de 1959 ne met pas ces pratiques à mal : les cabinets ministériels sont répartis entre clans (+ Lemarchand, 1970, 268), les tentatives d’empoisonement révèlent les rivalités (+Reyntjens, 1985, 485), les cérémonies reprennent l’ordonancement et les danses de l’ancien régime (+Lemarchand, 1970, 265). Le contenu de l’idéologie révolutionnaire et la manière dont est perçu le personnage de Grégoire Kayibanda nuancent toutefois le tableau. Si l’on pouvait encore émettre quelques réserves sur la légèreté des oripeaux républicains et la continuité du fonctionement du pouvoir avant et après 1959, le régime de Juvénal Habyarimana grossit toutefois un peu plus les traits de l’analogie. L’idéologie du développement et ses corrolaires, la volonté affichée de dépasser l’ethnisme placent le président de la république non seulement au- dessus, mais aussi dans un autre ordre que les citoyens. Le mot désignant l’autorité (umubyeyi), nomme aussi le père, c’est- à- dire le pouvoir créateur et fécond attribué au mwami. Lors de la transition vers le multipartisme, les caricatures représentant Habyarimana lui donnent les traits et l’apparât d’un mwami (+Taylor, 2004, 79- 106). Son assassinat le 6 avril 1994, renvoie à la mort du mwami Mutara en 1959 –voir infra-, de par l’idée qu’avec sa disparition, c’est la nation rwandaise entière qui risque le chaos (+ de Lame, 1996, 305).

Cette conception du pouvoir particulièrement prégnante sous la seconde république éclaire en retour la révolution de 1959 dont la nature doit être précisée. Dans le nord du pays, la révolution fut essentiellement conservatrice. Ses partisans ne visaient pas l’abolition d’un ordre ancien, mais plutôt la restauration d’un ordre encore antérieur (++ Reyntjens, 1985, 313 ; Lemarchand, 1970, 269 ). Le nord fût en effet tardivement incorporé au royaume central, grâce au soutien décisif des colonisateurs (voir infra). Avant leur mise au pas, les petits royaumes du nord fonctionnaient de manière semblable au royaume central. Dans le nord, le « double colonialisme » (+Newbury, 1988, 53- 70) c’est- à- dire la colonisation belge superposée à celle du royaume central nyiginya fut durement ressenti. Cet irrédentisme est à l’origine de l’un des principaux conflits sous la première république, celui relatif à l’ubukonde, c’est- à- dire au mode de clientèle foncière propre au nord, dont le régime républicain réclamait l’abolition. Aussi le coup d’Etat de Juvénal Habyarimana (originaire du Bushiru, dans le nord du pays) en 1973 ne marque t- il pas seulement un changement du personnel exerçant le pouvoir, mais aussi celui d’une manière de l’exercer.

La seconde république apparaît de prime abord comme un régime pyramidal et fortement hiérarchisé du sommet à sa base. Mais la surenchère des structures formelles au sommet de l’Etat masque le caractère fantomatique des décisions : réseaux et structures parallèles (comme le Comité pour la Paix et l’Unité Nationale- CPUN- créé en 1973 et qui continue dans les faits à régir le pays après la nomination du gouvernement), reconstituent une cour où Agathe Kanziga, première dame du pays, joue le premier rôle. Il est difficile, dans cet ensemble, de se faire une idée précise du pouvoir instrumental réel dont dispose le président de la république, particulièrement à partir du début des années 1990 et de l’ouverture au multipartisme, de la même manière que Rwabugiri avait à la fois été décrit comme un roi fort et faible (+Vansina, 2001, 209- 210). La violence de cour en suit exactement les intrigues. L’exécution des dignitaires de la première république après le coup d’Etat de 1973, l’assassinat du colonel Mayuya en 1988, la fuite en Ouganda de nombreux dignitaires, dont Alexis Kanyarengwe, révèlent les rapports de force dans l’entourage du Président de la République. Mais du pouvoir et du rôle réel de ce dernier, pourtant omni- présent, on ignore encore beaucoup. Il est la pièce centrale du dispositif de transition d’Arusha qu’il s’applique méthodiquement à pourrir (voir infra), dirige une réunion où la décision est prise de distribuer des armes aux milices et à la CDR (+HRW, 1999, 171), alors même que celles- ci villipendent sa tièdeur et manifestent contre lui…
L’ethnisme comme stratégie de conquête du pouvoir, la violence comme instrument

L’organisation des massacres de 1994 rencontre le même questionement. Si l’Etat et l’armée en ont été le pillier essentiel, leur hiérarchie, la circulation des ordres afférents ne suivent pas les organigrammes classiques. Leur principal concepteur Théoneste Bagosora occupait le poste après tout relativement modeste de directeur de cabinet du ministère de la Défense. Aussi les massacres commis de 1990 à 1993, autant que ceux de 1994 semblent être soumis à la conquête ou au maintien au pouvoir d’une faction et apparaissent du point de vue de ceux qui en décident l’exécution comme des instruments. Le recours à la guerre, à la crise extrème et au massacre en vue de l’imposition ou de la restauration d’un ordre politique repose sur une conception du pouvoir comme un bloc indivisible dont la conquête décide de la perte des autres prétendants (++ Braud, 2005, 353/359 et de Lame, 1997, 161, ont parlé de winner takes all ). Le choix politique du pire impose son ordre propre et celui- ci est sans conditions, tant les liens de clientèle ne laissent aucun domaine à l’abri du pouvoir. Les critiques du terme ‘Hutu Modéré’ (++Braud, 2005, 238 ; Eltringham, 2004, 75- 99) reprochent à son emploi cette confusion première qui reconnaît dans les catégories ethniques la variable essentielle de la lutte pour le pouvoir. Y assimiler l’ensemble de l’opposition au régime de Juvénal Habyarimana revient à oublier qu’une partie du mouvement Power est issue de cette même opposition (+Eltringham, 2004, 77). Son emploi implique la reconnaissance, même par défaut, de l’ordre imposé par le mouvement Power, puisqu’il ne peut exister en dehors des modérés que des extrémistes (+Eltringham, 2004, 76). Mais surtout, une telle dichotomie ne permet pas d’envisager la manière dont l’ethnisme devient un registre imposé, puisqu’il est ici supposé permanent et se coupe de toute possibilité d’analyse des trajectoires personelles. Or, une personnalité telle que Justin Mugenzi, fondateur du Parti Libéral (PL) Power favorable à l’extrémisme hutu avait été dénoncée comme icyitso (complice) du FPR, en mars 1992 (+Eltringham, 2004, 92). D’autres trajectoires individuelles de dirigeants politiques tendent à montrer que le recours à l’ethnisme est instrumental et s’inscrit dans la compétition pour le pouvoir. Ainsi, Alexis Kanyarengwe, président de la branche politique du FPR à partir de 1990, ou Pasteur Bizimungu, qui rejoint le Front à l’été 1990 comptaient parmi les membres célèbres des comités de salut public qui organisèrent les purges et pogroms de 1973 (+HRW, 1999, 67). De la même manière, mais en sens inverse, Jean Barahinyura, considéré par Reyntjens (+Reyntjens, 1994, 127) comme l’un des fondateurs du mouvement extrémiste hutu (CDR) en février 1992, siègeait quelques mois plus tôt au comité central du FPR.
L’extension aux campagnes

La Toussaint rwandaise de 1959, les massacres commis dans la région de Gikongoro en 1963 et surtout ceux de 1994 n’ont pu atteindre leur ampleur que par la mobilisation de la paysannerie. Hormis plusieurs études notables (Newbury, 1988 ; de Lame, 1996), l’historiographie rwandaise, pourtant abondante s’est peu intéressée au monde paysan en tant que tel, à ses rapports avec le pouvoir et aux rapports de pouvoir en son sein. L’essentiel de la littérature a abordé les paysans comme sujets du royaume central jusque dans les années 1960, puis objets d’une expertise technique agricole dans les années 1980 (+Newbury et Newbury, 2000, 858). Si la participation des paysans aux massacres de 1963 et dans une moindre mesure à ceux de 1959 est peu connue, plusieurs travaux ont abordé les violences de 1994 (Longman, 1995 ; de Lame, 1997 ; HRW, 1999 ; Strauss, 2006).

Situation de la paysannerie

Ceux- ci soulignent d’abord l’extrème fragilité des paysans rwandais, qui dès 1989 qualifient leur situation d’apocalyptique (+de Lame, 1997, 158). Face à la famine qui frappe plusieurs régions du pays, dont Gikongoro, la seule aide officielle est fournie sous forme d’aliments à rembourser en monnaie (+de Lame, 1997, 158) ce qui accentue encore un peu plus les liens de dépendance vis- à- vis des élites locales. 86% de la population vit au dessous du seuil de pauvreté, ce qui en fait le pourcentage le plus élevé du monde (+HRW, 1999, 306). L’accès à l’emploi, au sol, à un enseignement dépassant l’école primaire est hors de portée de la plupart, au moment même où les élites locales salariées importent sur les collines les objets et valeurs de la capitale et au delà du monde entier (+de Lame, 1997, 159).

La propagande Power s’est parfaitement intégrée à ce système de représentation enfoncé, malmené et condamné à la disparition. Les difficultés que connaît le pays sont liées à l’état de son Président dont la mort régulièrement prédite par les médias (+Chrétien et al., 1995, 187- 191) annonce un changement d’ordre qui s’étend bien au- delà de la lutte pour le pouvoir à Kigali. La royauté ancienne faisait alterner deux types de règnes, l’un guerrier consacré à l’extension du territoire, l’autre pacifique dédié à son enrichissement. Ces deux types d’ordre se succédaient invariablement seuls menacés par leur jonction, c’est- à- dire le moment où le mwami affaibli, l’ensemble du pays était guetté par le chaos (+de Lame, 1997, 162- 163). Lors des jacqueries de 1959, certains paysans, pensant que les exactions contre les tutsis avaient été réclamées par le nouveau mwami lui- même, l’avaient suivi lors de l’une de ses tournées dans le pays, pour lui en réclamer le paiement (+Lemarchand, 1970, 164). Ce temps en spirale, où la crise est intégrée au cours normal des choses avait déjà en 1959 et 1973, à la veille de chaque changement de régime, donné à l’Etat d’exception un caractère normatif, voire d’intégration. La violence est un fait d’armes d’autant plus apprécié qu’elle est l’objet de récits la mettant en scène, la célèbrant et l’augmentant encore de cruautés imaginaires : les ibyivugo (+ de Lame, 1997, 169), par lesquels chacun peut composer son propre panégyrique. Dans les régions du nord, il était possible de relier sa généalogie à celle d’un roîtelet hutu précolonial, de s’en présenter comme l’héritier et de rattacher ainsi à la vie maussade des collines un soupçon de gloire (+Migeotte, 1997, 37).

S’il est difficile de s’en représenter précisément l’impact, la peur entretenue par le climat de la guerre, par le million de déplacés qui fuient les zones de combats, par les violences quasi quotidiennes liées au multipartisme, par les 262 000 réfugiés burundais qui s’installent dans le Sud du pays (+Braud, 2005, 429) en 1993 et dont beaucoup sympathisent et informent les paysans rwandais, semble avoir été un puissant adjuvant à la mobilisation des paysans (+Strauss, 2006, 225). La peur liée à la guerre, aux circonstances immédiates a pu emprunter les pratiques d’accusations de sorcellerie, de dépendance, de faiblesse face à l’arbitraire, de menace qui constituent une partie de la vie quotidienne des collines. Si elle n’en a pas abordé la réception, l’étude de la propagande extrémiste hutu (Chrétien et al., 1995) a montré les traits essentiels de formulation de la peur : l’ennemi est d’abord infiltré, sournois, partout présent. Au- delà de l’avancée du front, sa menace est diffuse, permanente et conduit chacun à se méfier de tous.

Les élites intermédiaires

La transmission des consignes de meurtre s’est faite, au- delà des médias, par les élites locales (++Longman, 1995, 19 ; Wagner, 1998, 30), surtout composées de salariés (enseignants, responsables administratifs, policiers communaux, fonctionnaires des centres de santé +de Lame, 1996, 148) et de commerçants importants. Dans les quelques régions qui s’opposent aux massacres, le remplacement des préfets et bourgmestres (+HRW, 1999, 312) achève d’imposer le nouvel ordre. L’espace public est employé pour rassembler les assaillants et parquer les victimes dans les stades ou les églises. Des barrières sont dressées sur les voies, ceux qui s’opposent aux violences sont souvent menacés de mort (+HRW, 1999, 279). Les leviers classiques de mobilisation des paysans (comme l’umuganda, travaux collectifs obligatoires hebdomadaires) sont utilisés, ainsi que le programme « d’autodéfense civile » qui réclame l’organisation de rondes quotidiennes et la distribution d’armes aux hommes « ayant quelque chose à défendre » (+HRW, 1999, 128). De fait, l’adhésion ou le ralliement de ces élites au projet ethniste semble avoir dépendu pour une partie d’entre elles de la menace de remplacement et de perte d’emploi que risquait de signifier une opposition ferme aux massacres. Toutefois il est possible que l’ethnisme ait à cette échelle été investi par des représentations de classe sociale. L’erreur serait de considérer l’évolution des formes de violence affectant le Rwanda à l’aune de ce qui apparut comme leur dénouement en 1994. Ce serait ignorer les différences fondamentales entre l’origine de chacune de ces crises, les groupes qui en ont été les porteurs, leur finalité et la manière dont les paysans y ont participé. La désignation des populations tutsies comme cibles des violences a peut- être elle- même évolué : la révolution de 1959 s’est présentée comme le renversement de l’ordre établi et d’une classe dirigeante, une aristocratie tutsie. Il n’en va plus de même en 1973, lorsque des Comités de Salut Public constitués par des étudiants organisent la purge des écoles secondaires et de l’université, puis de l’administration et des entreprises de leurs éléments tutsis. Ces derniers sont alors considérés comme un groupe agissant sur l’ensemble de la région et sont en même temps devenus des rivaux directs, intérieurs, pour l’obtention des postes. Outre l’héritage colonial des catégories ethniques, cette médiation de classe (que le système de quotas mis en place par Juvénal Habyarimana fréquement enfreint dans les faits entretient plus que ne jugule + Uvin, 1999, 41) reconstruit un ressentiment dont elle ne déplace pas l’objet.

Le regard ambigu posé par les élites nationales et locales sur la paysannerie, souvent qualifiée de masse (+de Lame, 1997, 159) dans un mélange de mépris et de fascination se retrouve dans la manière dont ces élites l’utilisèrent pendant les massacres. On trouve des exemples de ce regard dans les métaphores employées par les médias Power pour décrire la population rwandaise : « Le peuple, voilà le vrai bouclier, c’est la véritable armée qui est forte… Les forces armées combattent, mais le peuple lui, il dit : nous tenons vos arrières, c’est nous le bouclier. Le jour où le peuple va se lever et qu’il ne voudra plus de vous, qu’il vous haïra à l’unisson et du fond de son coeur, quand vous lui inspirerez la nausée, je… je me demande par où vous vous échapperez. Par où pouvez- vous passer ? » (RTLM, 3 avril 1994 +HRW, 1999, 214). Condition même de leur déroulement, de leur extension, la participation de la plus grande partie possible de la population aux tueries permettait en même temps d’en dédouaner les concepteurs. Au cours d’une tournée à l’étranger, des représentants du gouvernement intérimaire expliquèrent aux diplomates occidentaux et devant les Nations Unies que les massacres venaient d’un mouvement d’incontrolable fureur populaire (+HRW, 1999, 332- 333). Les estimations les plus récentes du nombre de tueurs nuancent toutefois nettement cette représentation de massacres populaires et aboutissent à la fourchette de 175 000 à 210 000 tueurs (entendus au sens strict) soit entre 14 et 17 % de la population masculine active et adulte hutu (+Strauss, 2006, 103- 118).
Contextes : différences et répétitions

Chacun des épisodes de violence que le pays a traversé s’inscrit dans un contexte régional. L’évolution parallèle du Burundi voisin a plusieurs fois eu de fortes incidences au Rwanda. Les massacres qui s’y sont déroulés en 1972 et ont d’abord visé les élites hutus burundaises ont eu un retentissement certain sur les élites rwandaises qui moins d’un an plus tard organisaient les purges visant à écarter les tutsis de l’université, de l’administration et des entreprises (+Munyarugerero, 2003, 133- 141). En 1993, l’assassinat du Président burundais hutu démocratiquement élu Melchior Ndadaye provoqua l’exode de plusieurs centaines de milliers de réfugiés burundais hutu au Rwanda dont certains prirent activement part aux massacres de 1994 (+HRW, 1999, 162). Après la reprise de l’offensive par le FPR en 1993 et quelques semaines après la signature des accords d’Arusha, l’assassinat de Melchior Ndadaye aggrava la méfiance de nombre de membres de l’opposition intérieure rwandaise vis- à- vis du FPR. A ces mouvements d’exportation et d’importation de la violence s’ajoutent des effets de répétition dans le temps. La propagande Power a systématiquement comparé l’attaque du FPR de 1990 aux incursions menées par l’UNAR dans les années 1960, réduisant les deux conflits à la même et immuable guerre, vantée par plusieurs décennies d’histoire officielle, alors même que 80% des Rwandais étaient nés après l’indépendance et n’avaient pas connu cette période (+Uvin, 1999, 32). Pourtant, prises en tant que telles, on pourrait dire des similitudes observables en 1959, 1963, 1973, 1994 qu’elles sont autant de trompe l’oeil : elles ne mènent nulle part, n’éclairent à rebours aucun projet des origines. L’écho suggèré par ces dates ne renvoie à rien d’autre qu’à lui- même. C’est leur reformulation, leur agencement, leur intégration dans l’idéologie officielle, leur revendication par certains groupes sociaux qui rend leur répétition dans le temps et l’espace opératoire. Investis, réinterprètés, ces éléments de contexte disparates deviennent la pâte première des prophéties autoréalisatrices (+Lemarchand, 1970, 344) que seule l’écriture d’une histoire commune permettra de surmonter.

Règne de Rwabugiri (1867- 1895)

Le règne de Rwabugiri, dernier mwami avant l’arrivée des colonisateurs au Rwanda est particulièrement violent. Le royaume connaît alors une phase d’expansion territoriale et les armées levées par la cour achèvent la conquête du Gisaka (1876), prennent pied sur l’île Ijiwi (1870, 1880- 1881, 1886), entrent au Bushi et organisent des razzias au Ndorwa et au Butembo (1880- 1881). Rwabugiri fonde des résidences royales dans chacune des provinces annexées qu’il visite régulièrement, notamment à Sakara et Rubengera (+Chrétien, 2003, 141- 145), accentuant ainsi la pression du pouvoir central. Cette cour itinérante est profondément divisée. Les principaux clans, Kono, Ega et dans une moindre mesure Tsobe, se disputent autour du roi le pouvoir et l’influence. La faction royale consolide d’abord sa position en assassinant le clan des Gereka en 1869, alors que Rwabugiri n’est encore qu’un enfant. Cependant les rivalités changent à partir du moment où celui- ci devenu adulte exerce la réalité du pouvoir. De plus en plus, la lutte oppose la vieille aristocratie à une nouvelle élite, regroupée autour du jeune mwami. Les dénonciations auprès de lui et les assassinats politiques sont fréquents. On ignore encore le rôle de Rwabugiri dans l’assassinat de sa propre mère, Murorunkwere en 1876 (+Vansina, 2001, 215). Néanmoins, tombé malade peu après cet événement, il décide d’en poursuivre les responsables, Rwampembwe et Nkoronko (son propre père), qui sont massacrés avec les membres de leur parti en 1880. Si ces retournements successifs ont favorisé le clan Ega qui marie au mwami une de ses filles, Kanjogera, au début des années 1880, les favoris du roi se livrent ensuite une lutte sans merci aboutissant au triomphe momentané de Nyirimigabo, puis de Nzigiye. L’âpreté de ces luttes pour le pouvoir entraîne régulièrement l’exécution de lignages entiers, à laquelle répond souvent l’injonction du devoir de vengeance (+Vansina, 2001, 236- 237). L’expansion territoriale du royaume est en partie déterminée par ces luttes à la cour : en 1870, la reine mère Murorunkwere décrète une campagne contre le Ndorwa puis dans l’île Ijwi afin de pacifier les rivalités à la cour après le massacre des abagereka ; en 1879 et 1880, Nyirimigabo se sert d’une campagne militaire au Burundi pour faire exécuter les assassins de Murorunkwere, Nkoronko et Rwampembwe. Néanmoins, la multiplication des campagnes militaires et les nombreux pillages provoqués par le passage des armées entraînent des vagues de protestation populaire qui aboutissent parfois à des révoltes ouvertes, comme à Save en 1890. La fin du règne de Rwabugiri est d’abord marquée par la volonté de compromis autour du pouvoir : en déclarant Kanjogera reine mère adoptive de Rutalindwa intronisé co- régnant en 1889, Rwabugiri décide d’associer les clans Ega et Kono à l’exercice du pouvoir. Mais de nombreux fléaux frappent le pays au début des années 1890 : une épizootie de peste bovine, dite Muryamo (‘le grand sommeil’) décime le cheptel rwandais, détruisant 90% du bétail affecté. La reconstitution des réseaux de clientèle par la redistribution du cheptel restant aux chefs les plus puissants provoque la ruine de nombreux petits éleveurs. Toutes les terres auparavant utilisées comme pâturage naturel passent sous le contrôle des chefs de colline, représentant la cour (+++Chrétien, 2003, 191 ; Vansina, 2001, 222- 223). Par ailleurs, une sécheresse frappe le pays pendant deux ans (+Vansina, 2001, 222). En 1893 la variole pénètre la région, jusqu’ici préservée et décime les armées royales. L’année suivante, plusieurs invasions de sauterelles détruisent les récoltes (+Vansina, 2001, 223). Face à ces évènements qui mettent à mal la qualité sacrée de l’institution royale et donc son enracinement populaire, le compromis construit par Rwabugiri pour le partage du pouvoir apparaît bien fragile et ne lui survit pas longtemps. Organisé par Kanjogera en décembre 1896, le coup de Rucunshu entend restaurer la suprématie Ega à la cour, mais doit vite s’appuyer sur les militaires coloniaux allemands, nouveaux venus dans la région.

1869

Opposé à la nouvelle reine mère Murorunkwere, le clan des Gereka est battu près de Nyanza par les armées de Nkoronko et Rwampembwe. Ses membres, plus de deux cents personnes, sont traqués et massacrés (+Vansina, 2001, 212)

1870

La reine mère Murorunkwere fait aveugler le prétendant au trône rival de son fils Nyamwesa, le rendant ainsi incapable de gouverner (+Vansina, 2001, 213) Seruteganya, favori de la reine mère fait massacrer des habitants du Cyingogo (+Vansina, 2001, 229). La date précise des evènements est incertaine, ainsi que le nombre des victimes.

1876

Accusée d’être enceinte de son favori Seruteganya, la reine mère Murorunkwere est assassinée par Nkoronko et Rwampembwe (+Vansina, 2001, 214- 215).

1880

Après une longue enquête visant à établir les responsabilités dans la mort de la mère du mwami, son principal favori Nyirimigabo fait assassiner Nkoronko et Rwampembwe. De nombreuses femmes de la haute noblesse sont acculées au suicide. (+Vansina, 2001, 216- 217)

1883

Nyirimigabo fait exécuter son rival Nyantaba, autre favori du mwami et un de ses fils (+Vansina, 2001, 217).

1885

Nyirimigabo est tué au cours de la campagne d’invasion du Kanywiriri (+ Vansina, 2001, 218)

1889 (décembre) : Rutarindwa est proclamé co- régnant. Les raisons exactes de cette décision sont encore inconnues. Rwabugiri désigne Kanjogera comme reine mère adoptive, essayant ainsi d’allier le lignage Kono de Rutarindwa et Ega de Kanjogera (+ Vansina, 2001, 221).

1890

Lors du passage de la garde du mwami (l’armée Ingangurarugo ) à Save, les pillages opérés par les hommes du roi provoquent un soulèvement, maté par le cortège royal (+Vansina, 2001, 244)

1895 (septembre) : Le mwami Rwabugiri meurt (+Vansina, 2001, 225). Rutalindwa lui succède.

1896 (octobre) : Apprenant la fondation d’un poste belge à Shangi, la cour envoie une armée dirigée par Bisangwa et Muhigirwa. Environ 600 hommes attaquent le poste et sont décimés par les armes à feu (+Vansina, 2001, 227)

(décembre) : Rutalindwa est renversé lors du coup d’Etat dit de Rucunshu, organisé par la reine mère Kangojera, du clan Ega. Yuhi Musinga, fils encore mineur de Kanjogera lui succède. Sa mère assure la régence aidée de ses frères Kabare et Ruhinanko (+Chrétien, 2003, 188). Rutalindwa, sa femme et leurs trois enfants sont tués (+Lemarchand, 1970, 58), ainsi qu’une centaine de guerriers (+Vansina, 2001, 227). Les Abiru (c’est- à- dire les ritualistes gardiens du code ésotérique royal, chargés de prononcer la légitimité de l’intronisation du mwami) qui ont refusé de reconnaître Musinga sont assassinés et beaucoup de chefs de province sont remplacés par des chefs Ega (+Lemarchand, 1970, 58).
Le protectorat allemand (1897- 1916)

Outre les brêves visites de Stanley en 1876 (++ HC, 1956, 12- 13 ; Reyntjens, 1985, 30) et d’Oscar Baumann en 1892 (+Lemarchand, 1970, 47), les premiers contacts entre la cour et les militaires coloniaux allemands ont lieu en 1894 et 1897. En août 1885, la conférence de Berlin avait délimité les frontières orientales de l’Etat Indépendant du Congo, propriété du roi des belges Léopold II, sur une ligne oblique, incluant la crête dominant le lac Kivu à l’ouest du Rwanda. L’Angleterre et l’Allemagne se partagent les territoires à l’Est de cette ligne oblique en juillet 1890, l’Ouganda revenant à la première, le Rwanda et le Burundi à la seconde. Mais l’expédition menée par le comte Von Götzen en 1894 se rend compte que l’autorité du mwami s’étend jusqu’aux rives du Lac Kivu (+Chrétien, 2003, 187) : l’Allemagne réclame une renégociation des frontières, définitivement réglée à la conférence de Bruxelles en 1910. Le protectorat mis en place par l’Allemagne lors d’une visite du Capitaine Von Ramsay à la cour en 1897 n’est pas vécu comme tel par Kanjogera, qui y voit plutôt une alliance lui permettant de consolider son pouvoir de régente sur la cour et d’étendre l’autorité du mwami sur les territoires du Nord qu’il contrôle encore mal. De fait, l’Allemagne intervient apparemment peu dans les affaires rwandaises : en 1914, l’effectif de l’ensemble du personnel administratif et militaire de la résidence de Kigali s’élève à 10 personnes (+Lemarchand, 1970, 63). Néanmoins plusieurs interventions violentes soutenues par l’Allemagne permettent à la cour de consolider son emprise sur le Rwanda, d’abord contre la tentative de secession du Gisaka en 1901, puis surtout contre l’insubordination du quart Nord- Est du pays en 1910- 1912. Outre ce soutien à la cour, le protectorat favorise l’installation progressive de missions chrétiennes au Rwanda, éloignées du Rwanda central jusqu’à leur installation à Kagbayi en 1906. La progression du catholicisme est énamoins relativement lente : pour une population estimée à 1 500 000 personnes (+Chrétien, 2003, 373), le nombre de catholiques au Rwanda s’élève à 10 000 en 1914 (+Chrétien, 2003, 184). S’ils n’ont plus l’ampleur dramatique de l’époque de Rwabugiri, plusieurs fléaux s’abattent encore sur le pays. Des famines frappent le Rwanda à intervalles réguliers : la famine Ruyaga en 19021903, Rwakabaga en 1904- 1905, Kimwaramwara en 1907- 1908 et Rumanurimbaba en 1917- 1918. La variole frappe le Gisaka en 1911, tandis que le bétail souffre de fièvre aphteuse en 1907- 1908 (+HC, 1956, 11)

1897 (mars) : Kanjogera accepte un drapeau allemand en cadeau du capitaine Von Ramsay, ainsi qu’un lettre de protection. Cette alliance lui permet de consolider le pouvoir de son fils, contesté à la cour (+++Chrétien, 2003, 188 ; Reyntjens, 1985, 59 ; Vansina, 2001, 227).

1900

La rebellion de Rukara au Gisaka est matée, avec le soutien du chef du district d’Usumbura, von Grawert (+++ Chrétien, 2003, 216 ; Munyarugerero, 2003, 18 ; HC, 1956, 15). On ignore le nombre de victimes. Rukara est capturé.

(2 février) : Une expédition conduite par le vicaire apostolique Monseigneur Jean- Joseph Hirth rend visite au mwami Musinga, avec l’autorisation des autorités allemandes et obtient de lui le site de Save pour y fonder une première mission. (++Linden, 1999, 53- 54 ; Chrétien, 2003, 184). Jusqu’en 1903, quatre autres missions sont fondées, dans des régions périphériques : Zaza, dans le Gisaka, Rwaza, dans le Mulera, Nyundo au Bugoyi, Mbirizi au Kinyaga (+Munyarugerero, 2003, 19)

1902

Convoqué à Nyanza par Musinga, le chef Mpumbika du Gisaka y est emprisonné et sa suite est massacrée. Le gouverneur Von Berlinge punit Musinga d’une amende de 40 têtes de bétail (++ Chrétien, 2003, 216 ; HC, 1956, 15 )

1905 (juin- août) : Musinga monte une expédition militaire contre Basebya chef twa de Mulera, qui refuse de payer les prestations traditionellement exigées par le mwami. Les troupes envoyées par le mwami sont battues et celui- ci fait appel aux allemands (+Dorsey, 1993, 45)

1906 (13 février) : La mission catholique de Kagbayi, a proximité de la cour royale est fondée, favorisant un rapprochement avec l’aristocratie (+Munyarugerero, 2003, 19)

1907

Le Rwanda est séparé d’Usumbura. Richard Kandt en devient le résident général, fonde Kigali et s’y installe (+Chrétien, 2003, 219).

1910 (1er avril) : Le père Loupias est assassiné à Gahinga par Rukara Rwa Bishingwe, un chef très puissant, à la suite d’une querelle entre ce dernier et plusieurs de ses parents qui voulaient se soustraire à son emprise. Le résident allemand Gudovius organise une expédition punitive, assistée de notables du Nduga fidèles à Musinga, dont l’objectif est la soumission complète de la région, au prix de la destruction des récoltes et des habitations. Plusieurs hutus sont tués, leurs enclos brûlés, mais Rukara s’échappe. (+++ Lemarchand, 1970, 60 ; Linden, 1999, 127- 128 ; Reytjens, 1985, 99)

1911 (mai) : Nyiragahumuza, l’une des veuves du mwami Rwabugiri, annonce que Rutalindwa est encore vivant et se cache dans le nord du pays. Une révolte éclate contre le mwami Musinga et embrase le nord du Rwanda. La rébellion est matée par une intervention allemande, Nyiragahumuza est capturée et ramenée à Nyanza (+++Chrétien, 2003, 221 ; HC, 1956, 17 ; Linden, 1999, 149)

1912 (avril) : Les troupes allemandes attaquent le Buberuka, dans la région de Ruhengeri, où se sont réfugiés Ndungutse (qui prétend au titre de mwami), Rukara (qui a tué le Père Loupias en 1910) et Basebya, chef du Mulera en rebellion contre le mwami. Ndungutse livre d’abord Rukara pour s’attirer la clémence des troupes allemandes, puis prend la fuite en Ouganda. Rukara et Basebya sont exécutés. Le lieutenant allemand Linde prend en charge la punition de la région : les récoltes sont détruites, les habitations brûlées, toute résistance matée. Près de 50 personnes en tout sont tuées (+++Lemarchand, 1970, 60 ; HC, 1956, 17 ; Linden, 1999, 147- 154 )

1914 (septembre- octobre) : L’île Ijiwi, sur laquelle est établi un poste militaire belge, est attaquée par les allemands (++HC, 1956, 17 ; Reyntjens, 1985, 33).

1916 (18 avril) : Les troupes belges progressent à l’intérieur du Rwanda : deux colonnes partent du nord et du sud du lac Kivu et bousculent les troupes allemandes réduites, pour l’ensemble du territoire Rwanda- Urundi à 24 officiers et sous- officiers et 152 soldats askaris –c’est- à- dire soldats indigènes des troupes coloniales (++ Munyarugerero, 2003, 22 ; Reyntjens, 1985, 33)

(6 mai) : Kigali est prise. Les allemands abandonnent à Nyanza les troupes rwandaises levées pour la guerre. La région passe sous le mode de l’occupation militaire (+Munyarugerero, 2003, 22)
Mandat et tutelle belges (1916- 1959)

Au moment de leur prise, la Belgique n’est pas intéressée par les territoires rwandais et burundais qu’elle compte utiliser comme gages lors des transactions des pourparlers de paix en Europe (+Reyntjens, 1985, 35). Le pays reste donc administré par l’armée belge jusqu’en 1919, date à laquelle l’accord Orts- Milner passé avec la Grande- Bretagne confirme son maintien au Rwanda, mais l’ampute du Gisaka. En 1918, un referendum est monté de toutes pièces, censé montrer l’attachement du mwami Musinga, de la cour et des principaux chefs à leurs nouveaux occupants (+Reyntjens, 1985, 62). Le 20 juillet 1922, le conseil de la SDN attribue à la Belgique un mandat de type B sur le Rwanda- Urundi : formellement, elle doit en assurer l’administration tout en respectant certaines conditions de liberté de religion, interdire l’esclavage et ne pas fonder d’établissements militaires (+Reyntjens, 1985, 43). Une volonté apparente d’administration indirecte caractérise donc d’abord la politique belge au Rwanda, mais celle- ci n’est pas sans effets réels et profonds sur le pays. La puissance mandataire réduit en effet le pouvoir formel du mwami, tout en étendant et en uniformisant le territoire sur lequel il s’applique : Musinga se voit dès 1917 obligé de reconnaître la liberté de culte, ce qui met à mal l’autorité religieuse liée à sa fonction et perd le droit de vie et de mort sur ses sujets (+Reyntjens, 1985, 79). Entre autres vexations, plusieurs rites liés à la fonction royale sont interdits (+Reyntjens, 1985, 82). En 1925, l’administration exile au Burundi le devin favori de Musinga, Gashamura (++ Chrétien, 2003, Reytjens, 1985, 83) et essaie une première fois de forcer le mwami à franchir la Nyabarongo, acte que proscrit son nom de règne (+Reyntjens, 1985, 82). Parallèlement, la Belgique aide le mwami à asseoir son autorité sur les régions du nord, mais aussi au sud- ouest, dans le Bukunzi et le Busozo. Ce n’est qu’en 1931 que le territoire colonial correspond au territoire sous l’autorité du mwami (+Reyntjens, 1985,103). L’Eglise catholique devient à la même période un acteur essentiel de la vie politique rwandaise (+Lemarchand, 1970, 73). A peine nommé à la tête du Vicariat Apostolique du Rwanda en 1922, l’Evêque Léon Classe milite pour le retour du Gisaka au Rwanda (+Chrétien, 2003, 228). Le vecteur essentiel du pouvoir de l’Eglise est son monopole sur l’enseignement. Créée en 1919, l’Ecole pour Fils de Chefs, qui à la demande de Musinga ne dispense pas d’enseignement religieux est remplacée en 1932 par le Groupe Scolaire d’Astrida, administré par la Congrégation des Frères de la Charité de Gand (+Reyntjens, 1985,125- 126) : toutes les futures élites du pays sont formées par l’Eglise. Monseigneur Classe se fait par ailleurs un fervent défenseur de « l’hypothèse hamitique » très répandue dans la littérature africaniste de l’époque, selon laquelle les tutsis sont apparentés à une race de pasteurs nomades hamitiques faisant d’eux des dirigeants nés : en 1927 Classe s’oppose radicalement à une timide tentative de rééquilibrage des postes de chefs et sous- chefs (+Reyntjens, 1985, 104). La part des chefs et sous chefs hutu (un quart des postes de sous chefs au début du siècle - + Chrétien, 2003, 233) dans l’administration territoriale se réduit drastiquement : en 1959, 50 sous- chefs (sur 1050) sont hutu, ainsi qu’un seul chef - sur 82 (+Lemarchand, 1970, 82). Le sens général de la politique coloniale belge au Rwanda est substantiellement modifié à partir de la fin des années 1920. L’intervention se fait de plus en plus directe : une réforme entamée en 1926 par le résident Mortehan refonde le pouvoir local et ses bases territoriales (+++Chrétien, 2003, 235 ; Lemarchand, 1970, 72 ; Reyntjens, 1985, 113- 116 ). Le mwami Musinga, qui essaie de préserver son autorité sur le pays et refuse de se convertir au catholicisme est destitué et exilé en 1931 (+Lemarchand, 1970, 69). Son fils et successeur, Rudahigwa, collabore beaucoup plus facilement avec les autorités coloniales et l’Eglise : il s’installe sur la résidence que le gouvernement lui a édifiée à Rwesero, choisit de ne pas épouser une femme Ega et consacre le pays au Christ- Roi en 1946 (+Reyntjens, 1985, 92). L’uniformisation du territoire et l’extension de l’autorité du mwami, doublée de celle de la métropole s’appuie sur les taxes et prestations en travail. Si la métropole belge supprime plusieurs tributs –dont en 1924, les prestations en bétail et en vivres imponoke, indabukirano et abatora - (+Reyntjens, 1985, 132), elle généralise l’uburetwa (prestation d’une journée hebdomadaire de travail) à tout homme adulte valide sur l’ensemble du territorie rwandais et en étend ainsi considérablement l’assiette et y ajoute l’akazi, c’est- à- dire la réquisition non rémunérée d’hommes pour des travaux d’intérêt public. Cette politique de taxation s’intégre à la grille de lecture ethnique du pouvoir colonial et l’uburetwa n’affecte que la population hutu (+Newbury, 1988, 141). Jusqu’à sa suppression au lendemain de la seconde guerre mondiale, la volonté d’éviter l’uburetwa est l’une des principales motivations d’un exil saisonnier considérable : jusqu’en 1959, 425 000 rwandais partent ainsi en Ouganda et au Tanganyika (+Reyntjens, 1985, 141).

1917 (juillet) : A la demande du nouveau résident belge Declerk, Musinga proclame la liberté de culte au Rwanda (++Munyarugerero, 2003, 23 ; Reyntjens, 1985, 80).

1919

Une révolte nommée Muyaga (la tempête) éclate dans le Rukiga (HC, 1956, 20).

(mai) : Les ministres belge Orts et britannique Lord Milner signent à Paris un accord amputant le Rwanda- Urundi, accordé à la Belgique du ‘territoire de Gisaka’ d’une superficie d’environ 5000 km2, concédé à la couronne britannique pour la construction du chemin de fer reliant Le Caire au Cap (++Munyarugerero, 2003, 23 ; Reyntjens, 1985, 45)

1922 (28 mai) : Le père Léon Classe est sacré Evêque à Anvers et nommé à la tête du nouveau vicariat apostolique du Rwanda. Durant toute la durée de sa charge, il intervient régulièrement dans la vie politique du Rwanda. Sa première tâche est d’obtenir la réunification du Rwanda et du Gisaka (+Munyarugerero, 2003, p. 23)

1923

Plusieurs groupes hutus du nord refusent de se soumettre à la prestation en travail uburetwa et sont emprisonnés (+Reyntjens, 1985, 135)

1924 (1er janvier) : le Gisaka est réintégré au Rwanda

1925

L’administration belge occupe le Bukunzi, province bénéficiant d’un statut de protectorat au Sud- Ouest du Rwanda. La reine- mère de la région, Nyirandakunze est tuée et le jeune mwami Ngoga meurt emprisonné à Kigali (+Reyntjens, 1985, 101)

1926

Les troupes belges occupent le Busozo, dont le mwami vient de mourir et en confient le commandement à un jeune notable de la cour (+Reyntjens, 1985, 102). Un mouvement messianique dit de Nyiraburumuke, ou de Ndanga soulève les populations du Bugesera et du Gisaka. La force publique mate ce soulèvement en 1927 (+Reyntjens, 1985, 103).

1928 (mars- avril) : Dans les régions du nord, le Ndorwa et le Buberuka, Semaroso, un meneur hutu, se fait passer pour Ndungutse, fils de Rwabugiri, demi- frère de Musinga et conduit une insurection s’appuyant d’abord sur une centaine d’hommes. Ndungutse est proclamé mwami. Le 24 mars, près de deux milles insurgés attaquent la colline de Mukano tenue par le chef Lukeratabaro et sont repoussés. Le lendemain, le Résident belge ordonne une expédition militaire en direction de la zone rebelle. L’attaque a lieu du 31 mars au 3 avril à Kumushuri, près de Muymbu et à Butoro. La rebellion est matée, Semaroso part se réfugier en Ouganda. Six des notables qui avaient pris part à la rebellion se rendent aux autorités belges. Le Résident met fin à l’opération militaire, mais pas à l’occupation militaire de la région qui dure trois ans et demi . Les sources officielles belges estiment que les troubles ont tué 56 personnes (+++Dorsey, 1993, 55- 56 ; HC, 1956, 18 ; Reyntjens, 1985, 102).

1930 (5 janvier) : Le mwami Yuhi Musinga maudit ceux de ses enfants qui oseraient se faire chrétiens (+Munyarugerero, 2003, 30)

(octobre) : Le Bumbogo, région située au nord de Kigali, se soulève. Le calme est restauré par l’intervention de la Mission Catholique de Rulindo. La Force Publique belge n’intervient pas (+Reyntjens, 1985, 103)

1931

La mention ethnique est introduite sur les livrets d’identité détaillant les hommes adultes valides, en vue de recenser les contribuables (+Franche, 1997, 45).

(12 novembre) : le mwami Musinga, considéré comme hostile à l’église catholique, est destitué par le vice- gouverneur Voisin. Il doit lui remettre les insignes et tambours royaux (++ Munyarugerero, 2003, 27 ; Reyntjens, 1985, 89). Son fils Rudahigwa se convertit au catholicisme, entraînant avec lui les dignitaires de la cour.

(15 novembre) : Rudahigwa est proclamé mwami et reçoit son nom de règne, Mutara, de Léon Classe, qui se substitue ainsi aux ritualistes dynastiques abiru . Afin de célébrer son investiture, il fait remplacer les prestations en natures et les corvées fournies par la population pour la personne du roi en une taxe annuelle d’un franc belge (++Munyarugerero, 2003, 28 ; Reyntjens, 1985, 90- 91).

1940 (26 juin) : La résidence d’exil de Musinga est transférée de Kamembe à Moba, à proximité d’Albertville. Le mwami déchu est considéré comme dangereux du fait de l’aspiration d’une faction ‘légitimiste’ à son hypothétique retour aidé par les allemands (+Munyarugerero, 2003, 31)

1943- 1945

Une famine atteint l’ensemble du pays à l’exception notoire du territoire de Cyangugu. Elle est nommée Ruzagayura dans les Territories de Nyanza, Kibungu et Astrida, Matemane dans les territoires de Byumba et Kigali, Gahoro à Gisenyi et Kibuye et Rudakanwg’imishanana à Ruhengeri (+HC, 1956, 12). La famine tue au moins 300 000 personnes et la pression des taxes se fait plus forte sur les survivants (++Linden, 1999, 277 ; Newbury, 1988, 158). Toutefois les estimations du nombre de victimes divergent : selon Lemarchand, l’année 1943, 36 000 personnes meurent de faim (+Lemarchand, 1970, 122).

1946

Le « mandat » accordé par la Société des Nations à la Belgique pour le territoire du Rwanda, devient « tutelle », pour l’Assemblée Générale des Nations Unies (+Reyntjens, 1985, 211).

1949

Le rachat de l’uburetwa, au prix de 19,50 francs par an, devient obligatoire pour tous (++ Newbury, 1988, 146 ; Reyntjens, 1985, 137).
Naissance d’une contre- élite (1950- 1959)

Les rapports des missions de visite des Nations Unies au Rwanda (en 1948, 1951, 1954 et 1957) dans le cadre du Conseil de Tutelle, sont de plus en plus critiques vis- à- vis de la politique coloniale belge. La métropole publie en 1951 un « Plan décennal pour le développement économique et social du Rwanda- Urundi » et le décret du 14 juillet 1952 qui transfère certaines prérogatives au mwami et crée des conseils de sous- chefferie et de territoire, entame une timide démocratisation des institutions (++ Newbury, 1988, 184 ; Reyntjens, 1985, 185- 198). En 1954, la dernière visite des Nations Unies critique jusqu’au fondement des options choisies par la Belgique, qui soumet toute évolution politique et institutionnelle des territoires sous tutelle à leur développement socio- économique (+ Reyntjens, 1985, 217). Parallèlement, la bureaucratisation des chefferies fait de plus en plus de mécontents (+Lemarchand, 1970, 119- 121). La domination des chefs tutsi est associée à la domination coloniale qui en quelque sorte la garantit et limite les possibilités de redistribution et de réciprocité des chefs vers leurs sujets (+Lemarchand, 1970, 125). Le 1er avril 1954, le mwami met fin au contrat ubuhake, c’est- à- dire au contrat de clientèle en vertu duquel un patron confiait une ou plusieurs têtes de bétail à son nouveau client, lui assurait assistance et protection et reçevait en échange un certain nombre de services et de prestations (+Newbury, 1988, 134140). Mais son abolition n’a fait que déplacer les rapports de clientèle du bétail vers le domaine foncier (+++Lemarchand, 1970, 129 ; Newbury, 1988, 146 ; Reyntjens, 1985, 207), parce que le partage du bétail (2/3 pour les clients, 1/3 pour leurs patrons) n’entraîna pas celui des pâturages. A l’intérieur du système colonial, la lutte pour le pouvoir s’intensifie. Les élites rwandaises légitimées par le pouvoir belge se fractionnent entre les tenants traditionnels du pouvoir (le mwami et la cour) et une nouvelle génération, souvent formée à Astrida, que la métropole considère comme plus fiable et dont elle envisage un temps l’accession directe à l’exercice du pouvoir après destitution du mwami (+Reyntjens, 1985, 224). Malgré des tentatives d’opposition de la part de certains chefs (dont les volontés de réforme de Bwanakweli en 1956- + Lemarchand, 1970, 154), les éléments les plus conservateurs l’emportent à la cour. Tout au long des années 1950, une contre- élite hutu diplômée, dont la plupart des représentants ont été formés au séminaire de Nyakibanda (+Reyntjens, 1985, 229), mais qui reste réduite à des emplois subalternes (instituteurs, petits commerçants ou fonctionnaires, parfois simples paysans) manifeste sa frustration dans de nombreux tracts et publications, notamment Kinyamateka, journal en kinyarwanda créé en 1933, dont Grégoire Kayibanda, principal activiste de cette contre élite naissante devient rédacteur en chef en 1956 (++ Chrétien, 2003, 263 ; Lemarchand, 1970, 148). La création au mois de décembre 1956 de la coopérative TRAFIPRO- Travail Fidélité Progrès- permet aux meneurs de cette opposition politique naissante de commencer à résoudre deux des principales difficultés auxquelles ils sont confrontés : leur manque d’adhérents hors d’un axe Gitarama/Ruhengeri et le peu de contacts avec la population des collines (+Lemarchand, 1970, 148, 152). L’Eglise catholique soutient ce mouvement (+Chrétien, 2003, 264).

Elites et contre- élites créent des partis politiques en vue des élections locales devant se tenir avant la fin de 1959 (+Reyntjens, 1985, 250). L’UNAR (Union Nationale Rwandaise), conservateur et monarchiste, milite pour une indépendance rapide et bénéficie du soutien de la cour, de la quasi totalité des chefs, ainsi que des groupes musulmans swahili essentiellement insatllés à Kigali (+ Reyntjens, 1985, 251). Le RADER (Rassemblement Démocratique du Rwanda) veut être un parti multiethnique favorable à la Belgique (+Reyntjens, 1985, 252). Dirigé par Grégoire Kayibanda, le PARMEHUTU (Parti de l’Emancipation du Peuple Hutu), a une base exclusivement ethnique. S’il n’envisage pas à ses débuts l’abolition de la monarchie, il réclame l’accès des hutu à l’enseignement et aux postes administratifs et soumet l’indépendance du pays à la réalisation préalable de son programme (+Reytjens, 1985, 253). L’APROSOMA (Association pour la Promotion Sociale de la Masse), issue du même mouvement que le Parmehutu et totalement soumise à la personnalité de son meneur Joseph Habyarimana Gitera, n’a pas d’influence hors des régions d’Astrida et Cyangugu (+Reyntjens, 1985, 253). La mort du mwami Mutara en juillet 1959 provoque une première crise au cours de laquelle chaque camp doit définir sa position. Craignant la nommination d’un régent par l’administration belge, les ritualistes conservateurs de la cour désignent son successeur, son fils Jean- Baptiste Ndahindurwa et l’imposent au gouverneur Harroy, lors des funérailles du mwami, sur la colline de Mwima (++Lemarchand, 1970, 156- 158 ; Reyntjens, 1985, 239- 250). Le pouvoir colonial est dépassé par les stratégies de chacun des protagonistes de la lutte pour le pouvoir (+Newbury, 1988, 193). Surtout, il est opposé à l’UNAR qui demande une indépendance rapide (dans le souci de conserver les prérogatives de la cour), impose le nouveau mwami et critique ouvertement la présence belge lors de ses meetings. Au milieu des années 1950, la politique coloniale s’emploie donc à inverser le sens de ses développements antérieurs. A partir de 1956, le nombre de hutu inscrits au groupe scolaire d’Astrida augmente nettement et représente près d’un tiers des effectifs en 1959 (+Lemarchand, 1970, 138). Ce contexte d’affaiblissement des positions de la métropole excède largement les frontières du territoire rwandais : des émeutes éclatent au Congo à Léopoldville en janvier 1959 (+Chrétien, 2003, 265) et la question de l’indépendance des territoires sous tutelle est régulièrement l’objet de débats devant l’assemblée générale des Nations Unies. En avril 1959, un « groupe de travail » composé de parlementaires belges est chargé de visiter le territoire et de réfléchir aux réformes nécessaires à l’accession graduelle à l’autonomie interne (++Lemarchand, 1970, 154 ; Reyntjens, 1985, 265). Mais le pays visité par ces parlementaires est au bord de l’explosion.

1948 (28 juillet- 11 août) : Une première mission de visite des Nations Unies parcourt le pays. Son rapport critique la lenteur des réformes politiques mises en place par la Belgique et le faible effectif de Rwandais à des postes administratifs (+ Reyntjens, 1985, 215- 216)

1950 (février) : Répondant à une forte pression des Nations Unies, la Belgique décide de mettre en place un ‘plan décennal de développement économique et social’ au Rwanda et au Burundi (+ Reyntjens, 1985, 185)

1952

17.5% de la population est considérée comme tutsi selon les cartes d’identité (+Human Rights Watch, 1999, 54).

1956 (25 avril) : A. Maus, colon belge membre du conseil du vice- gouverneur général du Rwanda- Urundi démissione, protestant auprès de Jean- Paul Harroy de l’absence de représentation de la population hutu au sein du conseil (+++Lemarchand, 1970, 147 ; Munyarugerero, 2003, 48 ; Reyntjens, 1985, 235)

(21 juillet- 3 août) : Dans La presse africaine, un prêtre anonyme dénonce le climat d’intrigue et de racisme prévalant à la cour à Nyanza (+Munyarugerero, 2003, p. 49)

(1er octobre) : En réponse à cet article, 43 des 46 chefs rwandais signent une déclaration dans Le courrier d’Afrique, niant l’existence d’un problème ethnique au Rwanda et réclamant l’émancipation politique du pays (+Munyarugerero, 2003, p. 49)

1957 (22 février) : Le conseil supérieur du Rwanda adresse une ‘mise au point’ à la mission de visite des Nations Unies niant l’existence d’une répartition ethnique du pouvoir et exigeant l’indépendance rapide du pays (+++ Lemarchand, 1970, 150 ; Munyarugerero, 2003, 49 ; Reyntjens, 1985, 236 )

(24 mars) : Le Manifeste des Bahutu (sous titré Note sur l’aspect social de la question raciale indigène), signé par Grégoire Kayibanda, M. Neyonzima, Claver Ndahayo, Isidore Nzeyimana, Calliope Mulindahabi, Godefroid Sentama, S. Munyambonera, Joseph Sibomana et Joseph Habyarimana Gitera est publié. Il se veut une réaction contre la mise au point du 22 février, considère que la crise qui affecte le Rwanda vient du monopole politique, économique et social exercé par la ‘race tutsi’. Ce manifeste demande par ailleurs le maintien de la mention ethnique sur les papiers d’identité et la consultation de médecins pour les cas de métissage (+++ Chrétien, 2003, 264 ; Lemarchand, 1970, 149 ; Reyntjens, 1985, 236).

(juin) : Gregoire Kayibanda fonde le Mouvement Social Muhutu (MSM) à Kabgayi (+Reyntjens, 1985, 236)

(1er novembre) : Joseph Habyarimana Gitera quitte le MSM et crée l’Association pour la Promotion Sociale de la Masse (APROSOMA), qu’il dote d’un organe de presse Ijwi rya rubanda rugufi - La voix du menu peuple (+++Lemarchand, 1970, 151 ; Munyarugerero, 2003, 50 ; Reyntjens, 1985, 236).

1958 (30 mars) : Le mwami Mutara crée une ‘commission spéciale des relations sociales au Rwanda’, composée paritairement du hutu et de tutsi (++Munyarugerero, 2003, 50 ; Reyntjens, 1985, 236).

(17 mai) : Douze ‘grands vasseaux de la Cour’ publient Voici le détail historique du règne des Banyiginya au Rwanda, qui souligne l’absence de fraternité fondant les relations hutu- tutsi au Rwanda, le statut inférieur des hutu et donc l’illégitimité de leurs prétentions à l’exercice du pouvoir (Chrétien, 2003, 264 ; Lemarchand, 1970, 154 ; Munyarugerero, 2003, 50- 51 ; Reyntjens, 1985, 236).

(12 juin) : Le conseil supérieur du pays vote une motion pour que soient supprimés les termes bahutu, batutsi, batwa des documents officiels (++Munyarugerero, 2003, 51 ; Reyntjens, 1985, 236).

(6 juillet) : Joseph Habyarimana Gitera publie dans Les Temps Nouveaux d’Afrique un communiqué demandant à la Belgique et à l’ONU de résoudre le différend entre « le vieux parti des batutsi et le jeune parti des bahutu » (+Munyarugerero, 2003, 51)

1959 (11 février) : A l’occasion du mandement de carême, Mgr Perraudin annonce le soutien de l’Eglise aux revendications hutu (++ Chrétien, 2003, 264 ; Linden, 1999, 338 ; Reyntjens, 1985, 231)

(15 février) : L’APROSOMA devient un parti politique (+Reyntjens, 1985, 236)

(25 juillet) : Le mwami Mutara Rudahigwa meurt à Bujumbura, juste après avoir consulté un médecin belge. Quoique non vérifiées, des rumeurs d’empoisonnement se répandent. (+++HRW, 1999, 52 ; Lemarchand, 1970, 156 ; Reyntjens, 1985, 240).

(27 juillet) : A Ruhengeri, les principaux dirigeants du MSM et de l’APROSOMA se réunissent pour mettre en place une nouvelle organisation politique qu’ils veulent présenter à l’administration belge (+Reyntjens, 1985, 242).

(28 juillet) : Au cours des funérailles du mwami Mutara, les ritualistes abiru désignent son successeur, Kigeri Ndahindurwa et forcent le gouverneur Harroy à le reconnaître (++Lemarchand, 1970, 157 ; Reyntjens, 1985, 244)

(Septembre) : Plusieurs partis politiques, dont l’Union Nationale Rwandaise (UNAR) et le Rassemblement Démocratique Rwandais (RADER) sont créés (+Reyntjens, 1985, 250).

(13 septembre) : L’UNAR organise son premier meeting à Kigali devant 2000 personnes. Au cours de ce meeting, les chefs Kayihura, Mungarulire et Rwangombwa critiquent l’administration de tutelle et l’Eglise (+++Lemarchand, 1970, 159 ; Linden, 1999, 346 ; Reyntjens, 1985, 258).

(24 septembre) : Dans une circulaire confidentielle adressée aux prêtres, Monseigneur Perraudin, vicaire apostolique de Kagbayi met en garde les prêtres rwandais contre l’UNAR, insistant sur le programme « islamiste » et « pro- communiste » de ce dernier, ainsi que sur son projet de soustraire le système éducatif à l’influence des missions (++ Lemarchand, 1970, 161 ; Linden, 1999, 349).

(9 octobre) : Le Mouvement Social Muhutu devient le Parti de l’Emancipation du Peuple Hutu (PARMEHUTU), dirigé par Grégoire Kayibanda et publie son manifeste. Le mwami Kigeri prête serment à Kigali.

(10 octobre) : En réponse au meeting de l’UNAR du 13 septembre, le gouverneur Jean- Paul Harroy fait muter sans aucune base légale les trois chefs ayant formulé des critiques à l’égard de l’administration et interdit au membres rwandais de l’administration de formuler des opinions politiques dans l’exercice de leur fonction (++ Lemrachand, 1970, 162 ; Reyntjens, 1985, 258).

(11 octobre) : Une seconde lettre pastorale rédigée par Monseigneur Perraudin est diffusée parmi les prêtres, les avertissant du danger que représente l’APROSOMA, à qui il reproche d’inciter à la haine raciale (+Linden, 1999, 350).

(15 octobre) : Le mwami prend ouvertement parti pour les chefs sanctionnés. Des manifestations sont organisées dans chacune des chefferies concernées (à Kigali, dans le Ndorwa et au Bugoyi) et font un mort à Kigali (+Reyntjens, 1985, 259).
La « Révolution sociale » (1959- 1961)

Si l’on a pu voir dans les conséquences de l’abolition de l’ubuhake en 1954 une cause fondamentale de la révolution de 1959 (+ Reyntjens, 1985, 208) et dans les évènements jalonnant l’année 1959 (mort du mwami, mutation des trois chefs après le meeting de l’UNAR à Kigali) autant d’accèlérateurs de l’activité révolutionnaire (++ Newbury, 1988, 193 ; Reyntjens, 1985, 234), l’évènenement qui marque le début de la vague de violences connue sous le nom de Toussaint Rwandaise à l’automne 1959 est l’agression de Dominique Mbonyumutwa par des militants de l’UNAR à Ndiza. Très populaire, celui- ci était l’un des dix sous- chefs hutu du Rwanda (+Lemarchand, 1970, 162). La rumeur de sa mort se répand très vite dans la région de Kabgayi et autour de Gitarama, là où le PARMHUTU est le plus implanté. A l’exception des régions de Cyangugu, Kibungo et Astrida (++ Newbury, 1988, 194 ; Reyntjens, 1985, 260), l’ensemble du pays est au cours des semaines suivantes atteint par ce que la plupart des observateurs ont désigné comme une jacquerie (+++ Chrétien, 2003, 266 ; Lemarchand, 1970, 159 ; Reyntjens, 1985, 235) c’est- à- dire un soulèvement, une insurection paysanne, au cours de laquelle plusieurs centaines de personnes, essentiellement tutsies sont tuées, plusieurs milliers doivent fuir le pays et de nombreuses habitations sont incendiées (++ Chrétien, 2003, 266 ; Lemarchand, 1970, 167). Si les violences sont dirigées contre les tutsi, elles ne visent pas l’institution royale en tant que telle. De nombreux paysans participent aux incendies et pillages en pensant que le mwami lui- même les a ordonnés (+ Lemarchand, 1970, 164). Néanmoins la question centrale du relais opéré par les cadres du PARMEHUTU avec les assaillants dans les régions du nord et du centre et donc de l’organisation d’une partie des violence reste posée (++ Chrétien, 2003, 267 ; Lemarchand, 1970, 168).

Le nombre précis des victimes est incertain, mais les chiffres avancés vont de plus de 200 personnes (+Lemarchand, 1970, 167), à plusieurs centaines (++Chrétien, 2003, 266 ; Reyntjens, 1985, 261). Si le nombre de réfugiés est en général évalué à 10 000 (++HRW, 1999, 52 ; Reyntjens, 1985, 261), certaines estimations aboutissent au double en avril 1960 (+Lemarchand, 1970, 172). La majorité des réfugiés tutsi quittent le pays non pas au cours des évènements de la Toussaint Rwandaise (7000 d’entre eux fuient leur région à la fin du mois de novembre 1959), mais dans les mois qui suivent l’installation par l’administration belge de nombreux hutus aux postes de sous- chefs et chefs (+ Lemarchand, 1970, 173). Face aux violences, la Belgique instaure l’Etat d’exception et place le pays sous le mode de l’occupation militaire. Véritable pro- consul, le colonel Logiest entame après le retour au calme un changement profond dans la composition du personnel administratif rwandais. Des 45 chefs en place avant les violences, 23 sont morts, ou ont pris la fuite. Il en va de même pour 158 des 489 sous- chefs (++Lemarchand, 1970, 172 ; Reyntjens, 1985, 268). Logiest met en place une politique de remplacement systématique par des hutus des chefs et sous- chefs disparus, enfuis ou démis (++ Lemarchand, 1970, Reyntjens, 1985, 268). Cette stratégie est crânement assumée par le résident militaire, au nom d’une efficacité accrue dans l’exécution des décisions (+Reyntjens, 1985, 268) et selon la volonté de « politiser » le Rwanda (++Lemarchand, 1970, 175 ; Reyntjens, 1985, 268). De fait, la principale conséquence de la Toussaint Rwandaise sur le PARMEHUTU est de modifier substantiellement son programme : jusqu’ici favorable à une monarchie constitutionelle, il devient républicain (+ Lemarchand, 1970, 168). Les élections aux postes de bourgmestre et conseillers communaux de 1960 sont la conséquence directe des réformes initiées par le colonel Logiest. L’administration belge soutient les partis issus de la contre- élite hutu (Lemarchand, 1970, 178) ; cette propagande officielle devient la seule existant au Rwanda, puisque le 6 juin 1960, le résident spécial fait interdire tous les meeting politiques. La période précédant les élections est émaillée d’incidents violents. Début juillet, des activistes tutsis incendient les isoloirs prévus pour la commune de Rubengera, dans la région de Kibuye. En représailles, la population hutu brûle des huttes appartenant à des tutsis (+Lemarchand, 1970, 180). Dans certaines régions, des comités de salut public et des bataillons de milices sont organisés (+ Lemarchand, 1970, 180). Le mouvement ne cesse pas après la victoire écrasante des partis hutu aux élections et se prolonge au contraire, beaucoup de militants du PARMEHUTU considérant que les actes de violence ont en quelque sorte été légitimés par les urnes (+Lemarchand, 1970, 180). Le soutien de la métropole est déterminant pour le dernier coup porté à la monarchie, le 28 janvier 1961 : la Belgique a mis a disposition des nouveaux bourgmestres et élus locaux les moyens de les transporter à Gitarama. Un peloton de para- commando belges est disposé autour de la réunion et le colonel Logiest lui- même s’est rendu à Gitarama (+ Reyntjens, 1985, 289). La république est proclamée. Dominique Mbonyumutwa en devient le Président, Grégoire Kayibanda le Premier ministre. Devant les Nations Unies, la Belgique est la seule a implicitement reconnaître le ‘coup de Gitarama’ et à s’opposer à la résolution 1605 qui prévoit des élections législatives et l’organisation d’un referendum sur la monarchie. La campagne préparant ces deux consultations donne lieu à des violences et des assassinats. Ces violences sont le fait des principaux partis en lice pour les élection, l’UNAR et le PARMEHUTU, cependant leur répression est le seul fait du PARMEHUTU, soutenu par la Belgique, qui fait arrêter plusieurs dizaines de membres éminents de l’UNAR (+Reyntjens, 1985, 299). Les élections ne changent pas le résultat obtenu par le coup du 21 janvier : le Rwanda devient ainsi républicain avant d’être indépendant.

Séquence chronologique :

(1er novembre) : Dominique Mbonyumutwa, sous- chef et représentant du PARMEHUTU est nargué et maltraité par des militants de l’UNAR à Byimana, dans la région de Gitarama (+++ Lemarchand, 1970, 162 ; Newbury, 1988, 194 ; Reyntjens, 1985, 260)

(2 novembre) : En réaction à la nouvelle de l’agression de Mbonyumutwa, une manifestation est organisée à Gitarama face au quartier commerçant swahili dont les habitants sont connus pour être favorables à l’UNAR (++Lemarchand, 1970, 162 ; Reyntjens, 1985, 260). Un groupe de jeunes hutu attaque le domicile du chef Haguma et détruit ses plantations de café et de bannanes. Un régiment est envoyé à Gitarama pour rétablir l’ordre (+Dorsey, 1993, 82 ). La rumeur court selon laquelle Mbonyumutwa, hospitalisé, est mort à la suite de ses blessures. Dans le Ndiza (région d’où Mbonymutwa est originaire), une foule manifeste devant le domicile du chef Gashagaza. Le sous- chef Nkusi, connu pour son opposition au PARMEHUTU dont il avait publiquement menacé les militants est poursuivi et tué avec trois autres visiteurs tutsis du chef Gashagaza (++ Lemarchand, 1970, 162 ; Newbury, 1988, 194). Une autre bande attaque le sous chef Biriguza à Ndiza, pille sa maison, puis incendie des milliers de huttes sur l’ensemble du district de Ndiza (+Dorsey, 1993, 83)

(4 novembre) : Les incendies et pillages continuent dans la région du Ndiza et s’étendent à l’ensemble de la région de Gitarama - Marangara et Rukoma (+Newbury, 1988, 194).

(5 novembre) : Les incendies s’étendent aux régions de Gisenyi (Kingogo, Kanage et Bushiru) et de Ruhengeri - Kibali (+Dorsey, 1993, p. 83).

(6 novembre) : Les incendies et mouvements de violence se propagent aux chefferies de Buberuka et Bukonya dans les régions de Ruhengeri et Gisenyi (++ Dorsey, 1993, 83 ; Lemarchand, 1970, 163). En représailles Secyugu, commerçant hutu de Nyanza est tué à son domicile sur les ordres du chef twa Rwevu (+Lemarchand, 1970, 165).

(7 novembre) : Près de 200 personnes, venues du nord du pays attaquent et incendient la région de Rubengera, à Kibuye. Les habitants se défendent et tuent 38 des assaillants (+Lemarchand, 1970, 163). Plusieurs personnalités hutues sont tuées dans les régions de Nyanza et Gitarama (+Lemarchand, 1970, 165). Le résident belge Preud’homme place le Rwanda sous le régime de l’opération militaire, instaure le couvre feu et interdit les rassemblements de plus de cinq personnes (+Reyntjens, 1985, 261)

(8 novembre) : Les incendies s’étendent jusqu’à Mulera et Rwankeri, à l’extrème nord de la région de Ruhengeri. En essayant de les disperser les troupes tuent deux manifestants et en blessent deux autres à Mabanza. A Nyondo, où les tutsi menacés organisent leur défense, six d’entre eux sont tués et plusieurs autres blessés. Innocent Mukwiye Polepole, conseiller de l’APROSMA, est tué (+Dorsey, 1993, 84).

(9 novembre) : Les mouvements de violence ateignent Nyanza (+ Lemarchand, 1970, 163). Le colonel BEM (Breveté d’Etat Major) Guy Logiest prend le commandement des troupes au Rwanda, qui bénéficient, en renfort des troupes de la Force publique, de l’envoi du Congo de deux compagnies du sixième bataillon de parachutistes (+Reyntjens, 1985, 261).

(10 novembre) : Joseph Kanyaruka, secrétaire et trésorier de l’APROSOMA est tué au Burundi, où il s’était réfugié avec sa famille sur les ordres du chef Mbanda. Son hôte Renzaho est tué dans les mêmes circonstances (+Lemarchand, 1970, 166).

(11 novembre) : Le colonel Logiest est nommé résident militaire. L’Etat d’exception est instituté d’urgence : les autorités militaires peuvent être subsistuées aux autorités civiles, les juridictions militaires aux juridictions civiles, les libertés publiques sont restreintes (+ Reyntjens, 1985, 261).

(3 décembre) : Guy Logiest est nommé Résident civil « spécial » du Rwanda (+ Reyntjens, 1985, 263).

(25 décembre) : Un décret intérimaire est publié sur l’organisation du Rwanda- Urundi. Il remplace les sous- chefferies par des communes « provisoires » (+ Reyntjens, 1985, 273). 21 chefs (sur 43) et 314 sous- chefs (sur 549) tutsi sont évincés et remplacés par des hutu. La moitié des chefs et sous- chefs sont hutu. La plupart des membres de l’UNAR ont été évincés des structures de l’administration locale et remplacés par des militants de l’APROSOMA, du PARMEHUTU et du RADER (++Chrétien, 2003, 266 ; Reyntjens, 1985, 269 ). Les principaux dirigeants de l’UNAR se sont installés à Dar Es Salaam (+ Reyntjens, 1985, 277).

1960 (23 mars) : Le PARMEHUTU, le RADER, l’APROSOMA et l’UNAR soumettent au mwami un projet de réforme de la monarchie dans un sens constitutionnel, que celui- ci rejette. L’APROSOMA, le PARMEHUTU et le RADER décident de se constituer en front commun (+ Reyntjens, 1985, 276).

(8 mai) : Lors d’un congrès tenu à Gitarama, le PARMEHUTU ajoute à son nom l’acronyme MDR (Mouvement Démocratique Républicain), marquant sa rupture avec la monarchie (+ Reyntjens, 1985, 277).

(20 mai) : L’UNAR retire ses membres du Conseil Spécial institué par le décret du 25 décembre, appelle au boycott des élections communales prévues pour le mois suivant et entame une campagne auprès des Nations Unies pour obtenir leur annulation (+ Reyntjens, 1985, 277).

(6 juin) : Dans la région de Gikongoro, un groupe de jeunes tutsis, met le feu à un domicile habité par des hutus. Le jour même, 70 huttes appartenant à des tutsis sont brulées par la population. En une semaine, 1165 maisons sont détruites par le feu dans les régions de Gikongoro et Cyanika. Dans la région de Kigali, 70 huttes appartenant à des tutsis sont brûlées (+ Lemarchand, 1970, 179).

(22 juin) : Craignant de perdre le contrôle de la chefferie du Bufundu, l’administration belge envoie 250 hommes des forces de sécurité, qui ouvrent le feu sur une centaine de militants de l’UNAR et tuent dix d’entre eux (+Lemarchand, 1970, 179).

(26 juin- 30 juillet) : Le Rwanda élit 229 bourgmestres et 2896 conseillers communaux. Le suffrage est limité aux seuls électeurs masculins (++Reyntjens, 1985, 281 ; Lemarchand, 1970, 181). Début juillet, le RADER se retire du front commun et dénonce les orientations racistes du PARMEHUTU. L’abstention est forte dans les régions de Kibungo, dans le Bugesera, à Nyanza et Astrida, plutôt fidèles à l’UNAR. Des irrégularités en faveur du PARMEHUTU sont constatées (++ Reyntjens, 1985, 283 ; Lemarchand, 1970, 182) Ces élections constituent une victoire nette pour le PARMEHUTU qui emporte 70,4% des suffrages et 2201 sièges de conseillers communaux.

(14- 15 octobre) : En commune de Kibingo, un individu tutsi refuse de montrer ses papiers d’identité à un policier communal et le frappe. En représailles, treize tutsis sont tués par les autorités locales (+Lemarchand, 1970, 185).

(18- 20 octobre) : Un conseil et un gouvernement provisoires sont créés sur la base des résultats des élections communales. Grégoire Kayibanda est nommé chef du gouvernement provisoire. Le mwami Kigeri proteste auprès des Nations Unies contre l’installation d’institutions qu’il estime imposées de fait par la Belgique (+ Reyntjens, 1985, 285).

1961 (28 janvier) : Suite à un accord passé entre les chefs des partis rwandais, le résident Logiest et le ministre de l’intérieur du gouvernement provisoire, Jean- Baptiste Rwasibo, ce dernier convoque l’ensemble des bourgmestres et conseillers communaux à Gitarama. 2873 bourgmestres et conseillers (sur 3125) sont présents (ils sont 3126 selon Lemarchand, 1970, 192). L’institution royale est déchue, la république proclamée. Dominique Mbonyumutwa est élu Président de la République. Les membres de l’Assemblée Législative sont élus parmis les participants à la réunion. Grégoire Kayibanda devient Premier Ministre (+++ Chrétien, 2003, 266 ; Lemarchand, 1970, 188- 196 ; Reyntjens, 1985, 289- 291)

(27 avril) : La résolution 1605 des Nations Unies, contre laquelle la Belgique est la seule à voter, décide de l’organisation d’élections législatives et de la tenue d’un referendum sur l’institution royale (+ Reyntjens, 1985, 298)

(août- septembre) : Les représentants locaux du nouveau pouvoir organisent des exactions contre les anciens chefs et sous- chefs. Dans la seule région d’Astrida, 150 personnnes sont tuées, 3000 huttes sont brûlées et 22 000 réfugiés prennent la fuite (++ Lemarchand, 1970, 195 ; Reyntjens, 1985, 299). La violence se répand de Nyanza vers Kigali, puis atteint la région de Kibungu, au Nord- Est. L’administration belge la réprime très faiblement. En vue des élections, plusieurs centaines de militants de l’UNAR sont arrêtés (+Lemarchand, 1970, 195). La repression vise également l’APROSOMA (+Reyntjens, 1985, 299). Depuis la fin de la Toussaint Rwandaise, 300 000 rwandais sont réfugiés au Burundi, en Tanzanie, en Ouganda et au Kivu (+Munyagurerero, 2003, p. 111)

(25 septembre) : Les élections législatives sont organisées. Le PARMEHUTU emporte 77, 7% des votes, contre 16, 8 % à l’UNAR, 3,5 à l’APROSOMA et 0,3 au RADER. Le referendum abolit la monarchie, à 80% des votants. Cette journée passe à la postérité sous le nom de kamarampaka - ce qui a mis fin aux différends (+ Reyntjens, 1985, 303- 304).

(26 octobre) : La nouvelle assemblée législative élit Grégoire Kayibanda au poste de Président de la République (+Reyntjens, 1985, 304).
La Première république (1962- 1973)

La Première République a connu deux périodes distinctes qui ont correspondu à l’ascension puis au fractionnement du PARMEHUTU. Confronté, dans les années de la fondation, à des offensives militaires émanant d’une partie de l’UNAR réfugiée dans les pays limitrophes, le PARMEHUTU a fait de cette mise en danger un facteur de cohésion. L’UNAR connaît au début des années 1960 de graves dissensions internes. Elle est divisée entre ses membres restés au Rwanda et ceux partis en exil (+ Reytjens, 1985, 314), entre une aile politique et une aile activiste favorable à des actions de guerilla et est enfin confrontée à des questions essentielles : quelle vision de la monarchie et de la place du mwami dans les institutions doit- elle porter, quelle attitude adopter vis- à- vis du nouveau régime républicain ? Malgré l’existence de bureaux officiels de l’UNAR à Kigali, la plupart de ses représentants ont fuit dans les pays limitrophes et un gouvernement en exil a été formé. Mais les divergences entre factions sont trop importantes et le parti, qui est par ailleurs coupé de la population des réfugiés est menacé d’éclatement (+Lemarchand, 1970, 199- 200). Par ailleurs, l’UNAR peine à s’implanter en un unique pays d’accueil. Si début 1962, plus de 35 000 rwandais sont réfugiés en Ouganda, le gouvernement de Milton Obote réagit en opposant une fin de non recevoir à l’installation du mwami (+Lemarchand, 1970, 207). Le Burundi, où 45 000 réfugiés rwandais sont installés en 1963 est finalement choisi comme sanctuaire (+Lemarchand, 1970, 216). C’est à partir du Burundi qu’est lancée en décembre 1963 la principale attaque sur le Rwanda sous les ordres de François Rubeka, un des principaux activistes de l’UNAR et ancien premier ministre en exil. Mal préparée, l’attaque échoue et les massacres organisés en représailles font plus de 10 000 victimes (+ Lemarchand, 1970, 224- 225). C’est au cours des années 1960 qu’apparaît le mot Inyenzi, dont la traduction littérale est cancrelat, ou cafard, qui désigne d’abord les mouvements de l’UNAR organisant des incursions au Rwanda, puis par extension l’ensemble de la population tutsie rwandaise (++Chrétien, 2003, 268 ; Lemarchand, 1970, 198). Selon une autre interprétation, le mot Inyenzi, acronyme de Ingangurarugo yiyemeje ingenzi (propriétaire- conquérant déterminé à être le meilleur) est à l’origine revendiqué par les membres de l’UNAR eux- mêmes (++ Kuperman, 2004, 62 ; Munyarugerero, 2003, 93). Des incursions ponctuelles se prolongent jusqu’en 1967. Entre 1959 et 1967 près de 20 000 tutsis sont victimes de leur repression et 200 000 autres fuient le pays (+ Kuperman, 2004, 63). Le PARMEHUTU sort renforcé de la crise, qui lui permet d’exécuter les principaux dirigeants du RADER et de l’UNAR intérieure et devient progressivement un parti unique de fait, en remportant l’intégralité des sièges de l’Assemblée Nationale en 1965. Mais dès 1963, le parti est traversé par de nombreuses oppositions internes que le facteur de cohésion de la lutte contre un ennemi commun masquait jusque là (+Reyntjens, 1985, 473). Ces dissensions sont de deux ordres : - elles concernent d’abord les rivalités personnelles et la distribution des postes dans un contexte de rapprochement des instances du parti et de celles de l’Etat, de rivalité accrue entre les bourgmestres et les propagandistes (+Lemarchand, 1970, 247) et, paradoxalement, de mort progressive du militantisme à la base (+ Reyntjens, 1985, 474). Le PARMEHUTU est grèvé par des oppositions internes, qui ne sont pas seulement d’ordre régional. La préfecture de Butare est mise à l’écart de l’exercice du pouvoir (notamment lors de l’élimination politique de l’APROSOMA) par les représentants originaires de Gitarama (+Reytjens, 1985, 484). Mais une violence de cour, faite de tentatives d’empoisonnement (++Lemarchand, 1970, 249 ; Reyntjens, 1985, 478) et d’accusation nkundabarezi (littéralement « j’aime les blancs ») se généralise (++ Lemarchand, 1970, 248 ; Reyntjens, 1985, 478). - une rivalité régionale se manifeste ensuite pleinement dans l’exercice du pouvoir lors des débats relatifs à l’ubukonde, c’est- à- dire au clientélisme foncier pratiqué dans le Nord du pays que l’affirmation du pouvoir central lors de la période coloniale avait entamé. Pour nombre de notables des régions de Ruhengeri et Gisenyi eux- mêmes patrons fonciers, soutenir le PARMEHUTU c’était militer pour la disparition des patrons fonciers politiques tutsi que le pouvoir central avait installés dans le Nord sous la colonisation et la restauration d’un ubukonde plein et entier (++ Lemarchand, 1970, 230- 233 ; Reyntjens, 1985, 486- 494). Face à la volonté des politiciens du sud de supprimer l’ubukonde, la résistance farouche des notables du nord parvient non seulement à maintenir l’ubukonde coutumier dans les préfectures de Ruhengeri et Gisenyi (+ Reyntjens, 1985, 490), mais également à supprimer l’existence légale de l’ubukonde politique héritier de la colonisation (++Lemarchand, 1970, 232 ; Reyntjens, 1985, 490). Ce climat délétère provoque le mécontentement croissant d’un groupe social de cadres émergeants constitué de diplômés des écoles primaires, secondaires et d’étudiants. Outre les rivalités à l’échelle nationale, la compétition politique locale est très rude. Bourgmestres et préfets s’affrontent âprement, les premiers s’appuyant sur leur réseaux de clientèle et la légitimité que leur confère l’élection, les seconds sur les structures de l’Etat et le poids du parti (+Lemarchand, 1970, 244). Dans un tel contexte de fractionnement du régime, de luttes de cour et de compétition pour l’accès aux postes, la tentation est forte pour unifier à nouveau le régime, de faire appel au clivage ethnique. Les purges qui débutent au mois de février 1973 sont d’abord portées par les étudiants, mais sont également encouragées, voire dirigées, par le sommet de la pyramide du pouvoir. Au sein même de cette dernière, chacun a un intérêt momentanné à la diversion vers l’ethnisme, aussi bien la présidence et le PARMEHUTU, afin de réunifier le régime vers un ennemi commun, que les militaires nordistes (notamment Alexis Kanyarengwe, chef de la sûreté originaire de Ruhengeri), dans l’objectif de plonger celui- ci dans une longue crise (+ Chrétien, 2003, 269). De fait les purges, qui consistaient à l’origine en l’affichage de listes d’étudiants et de personnel tutsis pirés de quitter les universités et entreprises, échappent au pouvoir central et portent par la suite des revendications sociales (mécontentement contre les riches en général) et régionales (opposition entre le centre- sud et le nord du pays). En conséquence, Grégoire Kayibanda sanctionne un certain nombre de dignitaires du nord du pays, en les éloignant des postes et des lieux de l’exercice du pouvoir : Alexis Kanayarengwe est nommé directeur du séminaire de Nyundo, Le Major Nsekalije est affecté à une coopérative théicole à Byumba. Tous les secrétaires généraux des ministères sont remplacés ainsi que 9 des dix préfets (+ Reyntjens, 1985, 504). La rupture avec le nord semble consommée.

Séquence chronologique

1962 (février) : Un raid de l’UNAR parti d’Ouganda sur les communes de Mugira et Gatunda, en préfecture de Byumba tue deux policiers (+ Lemarchand, 1970, 219).

(28 février) : Un accord selon lequel l’UNAR doit obtenir deux ministères (Santé Publique et Elevage) au sein du nouveau gouvernement républicain et deux postes de préfets et sous- préfets est signé à New York sous l’égide des Nations Unies entre des représentants du gouvernement et des membres de l’UNAR (++Lemarchand, 1970, 197 ; Reyntjens, 1985, 305).

(25 mars) : Un raid organisé par l’UNAR part de l’Ouganda pour attaquer la commune de Nkana, en préfecture de Byumba. Cette attaque tue 4 hommes hutu, dont un policier et deux fonctionnaires, la caisse communale est volée (+ Lemarchand, 1970, 219).

(26- 27 mars) : En représailles du raid de l’UNAR, entre 1000 et 2000 hommes, femmes et enfants tutsis sont tués par la population hutu dans la région de Byumba. Leurs huttes sont incendiées, leurs biens pillés et leurs terres partagées (+ Lemarchand, 1970, 219).

(1er juillet) : Le Rwanda devient indépendant. Le Colonel Logiest devient ambassadeur de Belgique au Rwanda. Les troupes belges quittent le pays progressivement jusqu’au 29 août, mais environ 50 officiers et sous- officiers restent au Rwanda en tant que coopérants techniques militaires (+ Reyntjens, 1985, 309).

(20 octobre) : Les Présidents français Charles de Gaulle et rwandais Grégoire Kayibanda signent à Paris un accord d’amitié et de coopération (+Lanotte, 2007, 134).

1963 (6 février) : Un remaniement ministériel écarte les deux postes garantis à l’UNAR (+ Reyntjens, 1985, 452)

(5 juillet) : Raid lancé par des membres de l’UNAR sur le Rwanda (+Lemarchand, 1970, 208)

(18 août) : Le PARMEHUTU emporte largement les élections communales, à 97,9%. L’UNAR réussit à prendre un poste de bourgmestre à Nyabisindu - ancienne Nyanza. (++Lemarchand, 1970, 219 ; Reyntjens, 1985, 445).

(25 novembre) : Environ 1500 réfugiés rwandais au Burundi font mouvement vers la frontière rwandaise, armés de lances, d’arcs et de flèches. Alertées par des missionaires et des représentants des Nations Unies, les autorités burundaises leur ferment la frontière et les refluent à l’intérieur du Burundi (+ Lemarchand, 1970, 220)

(21- 27 décembre) : Entre 200 et 300 réfugiés rwandais au Burundi traversent la frontière rwandaise à Nemba, armés pour la plupart d’arcs et de flèches et attaquent le camp militaire de Gako. Ils entrent ensuite au paysannat de Nyamata où ont été réinstallés de nombreux déplacés tutsis du nord en 19591960, franchissent la Nyabarongo et sont arrêtés par plusieurs unités de la Garde Nationale Rwandaise (GNR), armée de mortiers, d’armes semi- automatiques et dirigée par des officiers belges. Un plan d’attaque régional a été préparé : les 21 et 22 décembre, plusieurs incursions de réfugiés se dirigent vers Cyangugu. La GNR intervient, puis exécute les 90 prisonniers fait durant l’attaque. Le 25 décembre, un groupe d’assaillants part d’Ouganda, mais est arrêté par les autorités ougandaises avant d’avoir pu atteindre la frontière. Le 27, un second groupe parti d’Ouganda, constitué de 600 hommes entre au Rwanda à Kiziba, mais est immédiatement repoussé par la GNR lors d’un affrontement au cours duquel 300 des assaillants sont tués. En représailles, les autorités rwandaises emprisonnent une vingtaine (une quinzaine selon Reyntjens, 1985, 463) des membres principaux de l’UNAR et du RADER et les déplacent à Ruhengeri où ils sont exécutés sous les ordres d’un officier belge, M. Pilate (+Reyntjens, 1985, 463). Le gouvernement met en place « l’autodéfense civile », dont les préfets et bourgmestres doivent être les chevilles ouvrières. Chaque ministre est affecté à une préfecture et est chargé d’en superviser les unités (++Lemarchand, 1970, 222- 223 ; Reyntjens, 1970, 461).

(23 décembre) : André Nkeramugaba, préfet de Gikongoro (qui comprend une partie de l’ancienne préfecture de Nyanza), demande au cours d’un meeting du PARMEHUTU que les tutsis soient assassinés. Armés de lances, de bâtons et de machettes, des groupes de hutus tuent environ 5000 hommes, femmes et enfants tutsis (entre 5000 et 8000, soit entre 10 et 20% de la population tutsi de la préfecture, selon Reyntjens, 1985, 465). Le mouvement s’étend aux régions environnantes et fait au total entre 10 000 et 14 000 victimes (+ Lemarchand, 1970, 224- 225). Les régions les plus touchées sont celles de Rusumo, du Bugesera et de Gikongoro (+ Reyntjens, 1985, 466)

1964 (11 mars) : Lors d’un discours prononcé à Kigali et destiné aux rwandais en exil, Grégoire Kayibanda annonce que la prise de la capitale par les troupes levées par les réfugiés provoquerait « (…) la fin totale et précipitée de la race tutsi » (++ Chrétien, 2003, 268 ; Sémelin, 2005, 96).

(6 août- 30 septembre) : Une mission parlementaire constituée sur demande de Grégoire Kayibanda parcourt le pays. Formée à l’origine pour enquêter sur l’état de délabrement du système judiciaire, ses conclusions abordent également les domaines administratif et politique (climat d’intrigue au sein de chaque administration, manque d’organisation du PARMEHUTU…). Une fois rendu, le rapport reste sans application (+ Reyntjens, 1985, 387).

1965

(3 octobre) : Le PARMEHUTU remporte l’intégralité des 47 sièges aux élections législatives (+Reyntjens, 1985, 366).

1966 (26 octobre) : Une résolution du congrès national du PARMEHUTU fait de celui- ci le Parti National du Rwanda, c’est- à- dire un parti unique de fait (+ Reyntjens, 1985, 473).

1973 : (février- mars) : Un mouvement de purges des écoles et de l’administration, accompagné de violences est organisé contre la population tutsi. Les étudiants tutsi désignés par des listes affichées dans toutes les institutions d’enseignement secondaire et supérieur et signées « Mouvement des étudiants », ou « Comité de salut public » doivent fuir leur établissement sous la menace. Parmi les principaux animateurs de ces Comités de salut public, on trouve Pasteur Bizimungu, Ferdinand Nahimana, Léon Mugesera, alors étudiants en début de cycle (+Munyarugerero, 2003, 135- 136). À la mi- février le mouvement atteint l’Université Nationale de Butare (+ Munyarugerero, 2003, 135). À Kabgayi, deux Frères Joséphites et quatre de leurs étudiants sont assassinés par des centaines d’élèves de Byimana et Shyogwe (+ Reyntjens, 1985, 501- 504). Initié dans l’enseignement, le mouvement s’étend aux administrations et aux sociétés privées, selon le même procédé : dans les ministères, les hôpitaux, les banques, les commerces, des Comités de salut public affichent des listes dénonçant les tutsi (++Chrétien, 2003, 268- 269 ; Reyntjens, 1985, 503). Les particuliers sont priés de renvoyer leurs domestiques tutsis. Initié dans les zones urbanisées, le mouvement atteint les campagnes. Dans les préfectures de Gitarama et Kibuye, les habitations des tutsis sont brûlées et ceux- ci sont priés de partir. Plusieurs centaines de personnes sont tuées (++ Chrétien, 2003, 269 ; Reyntjens, 1985, 503). Plusieurs hypothèses ont été émises quant à l’origine de ces troubles. Si l’administration en a été le relais certain, les ordres initiaux peuvent être venus de l’entourage de Grégoire Kayibanda qui recevait les responsables des Comités de salut public (dont à son domicile de Kavumu, en présence de Athanase Mbarubukeye, secrétaire exécutif du MDR- PARMEHUTU et d’Anastase Makuza, ministre (+Reyntjens, 1985, 503), ou d’Alexis Kanyarengwe, originaire de Ruhengeri et chef de la sûreté (+ Chrétien, 2003, 269). Le mouvement de violences semble échapper par la suite aux autorités centrales. Les noms de certains ministres figurent sur les listes dressées à Kigali. À Gitarama, les magasins de plusieurs riches commerçants hutu et les domiciles de certains hommes politiques (dont celui de J.B. Rwasibo) sont attaqués et pillés (+Reyntjens, 1985, 503). Le 22 mars, Grégoire Kayibanda prononce un discours de pacification et annonce la création d’une commission ministérielle chargée de visiter les établissements scolaires (+Reyntjens, 1985, 503).

(18 mai) : Une révision constitutionnelle votée par l’Assemblée Nationale, allonge la durée du mandat présidentiel à 7 ans et permet à Grégoire Kayibanda de briguer un troisième mandat (+ Reyntjens, 1985, 505).
La ‘révolution morale’ et la seconde république (1973- 1990)

Bénéficiant du trouble suscité par l’extension des purges et des mouvements de violence aux campagnes, le général Juvénal Habyarimana, ministre de la défense originaire du Bushiru, en préfecture de Gisenyi, prend le pouvoir le 5 juillet 1973. Le coup d’Etat a pour premières conséquences de ramener le calme dans le pays et de substantiellement changer l’orientation du pouvoir. Au cours des deux années suivantes, les anciens caciques de la première république sont néanmoins assassinés ou emprisonnés (+ Munyarugerero, 2003, 147). Si elle reste un régime autoritaire, la seconde république entend surmonter la polarisation ethnique en la subordonnant à une « idéologie du développement ». L’accent est mis sur l’unité nationale, la construction d’infrastructures, l’ouverture et la coopération internationale. Le Rwanda augmente le nombre de ses représentations diplomatiques à l’étranger (+ Reyntjens, 1994, 32), l’équipement routier et électrique commence à gagner les campagnes et Kigali qui comptait 15 000 habitants en 1965 en abrite 300 000 au début des années 1990 (+ Reyntjens, 1994, 32). Mais si le régime obtient de bons résultats en terme de performances économiques indiciaires (+ Reyntjens, 1994, 35), la redistribution de la richesse créée laisse à l’écart la grande majorité de la paysannerie (+Bezy, 1990, 28). Dans les campagnes, une nouvelle élite constituée d’enseignants, d’infirmiers, de fonctionnaires communaux, bénéficie de la pénétration accrue de l’Etat dans les campagnes et des salaires dégagés par l’installation de projets de développement (+de Lame, 1996, 148- 162). Le comportement de ces élites se modifie et les éloigne progressivement des paysans : l’argent est accumulé, ou réinvesti à Kigali. Le décret du 4 mars 1976 autorise tout agent de l’Etat à participer sans restriction aux entreprises de production (++ de Lame, 1996, 181 ; Reyntjens, 1994, 32). De nouvelles références, de nouveaux comportements apparaissent, ceux d’une classe sociale naissante qui laisse se tarir les canaux de redistribution et provoque dans les campagnes une nette polarisation sociale. Chez les paysans, le mot « riche » (umukire ) est devenu une insulte (+ de Lame, 1996, 182) Le Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement (MRND), parti unique créé en 1975 se confond entièrement avec les structures de l’Etat (+ Guichaoua, 1989, 145). Dès 1973, les bourgmestres sont nommés par le Président de la République (+ Munyarugerero, 2003, 150), ce qui annule la relative autonomie du pouvoir local et l’intègre dans une structure pyramidale qui remonte jusqu’à Juvénal Habyarimana. Le territoire est complètement quadrillé, divisé en préfectures, communes, secteurs et cellules. Toutes les semaines, les paysans doivent participer aux travaux collectifs umuganda censés répondre aux besoins de la commune. La propagande du régime, inspirée du modèle zaïrois, vante au cours de séances d’animation (chants et danses en l’honneur du MRND) l’action de son président, le travail de la terre et de la houe. Les slogans qui y sont récités vantent le développement (amajyambere les choses de l’avenir, + de Lame, 1996, 285) et nient toute formulation d’un clivage ethnique (ainsi le slogan « Hutu, Tutsi, Twa, sont des prénoms, Rwandais est notre nom de famille » + de Lame, 1996, 286). Pourtant, un système tacite de quotas réserve entre 85 et 90% des postes de l’administration aux hutus (+ Chrétien, 2003, 271). Dans les faits, le pouvoir est exercé par des élites issues du nord du pays, succèdant à l’orientation ‘sudiste’ de la première république (+ Chrétien, 2003, 269). Un tiers des 85 postes les plus importants de l’Etat échoient à des personnes originaires de la préfecture de Gisenyi (+ Reyntjens, 1994, 33). Après dix ans d’embellie économique, le pouvoir est déstabilisé par la crise et le favoritisme régional. La rivalité pour les postes et les luttes d’influence se durcit et les comportements et strcutures de type mafieux se multiplient. L’un des pôles de l’exercice du pouvoir, regroupé autour d’Agathe Kanziga, épouse de Juvénal Habyarimana et de ses frères et surnommé l’Akazu (voir infra) est à l’origine de l’assassinat du Colonel Stanislas Mayuya en avril 1988, considéré comme le dauphin du président de la République (+Prunier, 1999, 109). Parallèlement, un mouvement politique dont le noyau se situe en Ouganda dans les camps situés à proximité de la frontière rwandaise, naît au sein des réfugiés de 1959, 1963 et 1973. Depuis 1959, plus de 600 000 personnes ont fuit le Rwanda (+ Reyntjens, 1994, 25). Plusieurs de ses cadres participent à la prise du pouvoir de Yoweri Museveni en Ouganda en 1986 : sur les 14 000 combattants de la National Resistance Army qui conquiert Kampala le 26 janvier 1986, 3000 sont des réfugiés rwandais (+ Prunier, 1999, 92). Rebaptisé Front Patriotique Rwandais en 1988, ce mouvement réclame le retour des réfugiés au Rwanda mais se heurte au refus persistant de Juvénal Habyarimana.

Séquence chronologique :

(5 juillet) : Le général- major Juvénal Habyarimana, ministre de la défense, prend le pouvoir. Le Coup d’Etat est non- violent, deux automitrailleuses prennent le contrôle de l’Assemblée Nationale (+Vidal, 1985, 168). En écho à la « révolution sociale » de 1959, la seconde république présente le coup d’Etat qui la fait naître comme une « révolution morale ». Au cours des années suivantes (entre 1974 et 1977),

58 personnes, proches de Grégoire Kayibanda et dignitaires de la première république sont assassinées, sous les ordres de Thénoneste Lizinde, chef de la sécurité au ministère de l’intérieur (++Chrétien, 1997, 75 ; Prunier, 1999, 105- 106). Selon certaines sources la repression touche jusqu’à 700 personnes (+ Munyarugerero, 2003, 147). La constitution est suspendue, l’assemblée nationale dissoute, toute activité politique interdite. Un Comité pour la Paix et l’Unité Nationale (CPUN), présidé par Juvénal Habyarimana et comprenant les dix officiers supérieurs que compte le pays est formé pour assurer l’exercice du pouvoir (+ Munyarugerero, 2003, 147).

(1er août) : Juvénal Habyarimana forme le gouvernement, majoritairement composé de civils, mais dont les postes clés sont attiribués à des militaires originaires des préfectures du nord du pays, Gisenyi et Ruhengeri. Le CPUN est toutefois maintenu (+Munyarugerero, 2003, 148- 149) .

1974 (2 février) : Le CPUN crée les travaux communautaires obligatoire umuganda (+Munyarugerero, 2003, 149)

(juin) : La cour martiale condamne à mort Grégoire Kayibanda et sept autres personnalités de son régime. Kayibanda est placé en résidence surveillée à Kavumu (+Reyntjens, 1994, 30).

1975 (5 juillet) : Le parti politique de Juvénal Habyarimana, le Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement –MRND, est créé (+ Munyarugerero, 2003, 170).

(18 juillet) : Un « accord particulier d’assistance militaire », concernant l’organisation et l’instruction de la gendarmerie rwandaise, est signé à Kigali par Pierre Delabre, chargé d’Affaires Français et Aloys Nsekalije, ministre des Affaires Etrangères du Rwanda (++Guichaoua, 1995, 505 ; Lanotte, 2007, 135).

1976 (15 décembre) : Grégoire Kayibanda meurt chez lui à Kavumu (+Munyagurerero, 2003, 164)

1978 (19 décembre) : La nouvelle constitution est adoptée par referendum et crée le Conseil National de Développement (CND), dont le mandat doit être renouvelé tous les cinq ans (+Guichaoua, 1995, 505). L’article 7 établit le MRND comme parti unique au Rwanda, dont chaque citoyen est membre dès la naissance (+ Prunier, 1999, 99).

(24 décembre) : Juvenal Habyarimana est élu à la présidence de la république, obtenant 99% des suffrages (++ Guichaoua, 1995, 505 ; Dorsey, 1993, 101).

1979

(juin) : Des réfugiés rwandais en Ouganda créent le Rwandese Refugee Welfare Foundation (RRWF), originellement pour aider les victimes de la répression politique ayant suivi la chute d’Idi Amin en Ouganda (+Prunier, 1999, 87).

1980

Le RRWF devient le Rwandese Alliance for National Unity (RANU). Cette nouvelle organisation d’obédience marxiste, qui reste clandestine pour ne pas subir de repression de la part de l’Ouganda réclame le droit au retour des réfugiés (+ Prunier, 1999, 88), mais rejette l’usage de la violence et l’objectif de restauration de la monarchie au Rwanda (+Kuperman, 2004, 66).

(23 avril) : Le Major Lizinde, ancien responsable de la sécurité, originaire du Bugoyi, dans le nord du pays, est arrêté avec trente autres personnes, accusé de préparer un coup d’Etat. (++Guichaoua, 1995, 505 ; Munyarugerero, 2003, 191).

(décembre) : Alexis Kanyarengwe, l’un des ‘camarades du 5 juillet 1973’, considéré comme complice de la tentative de coup d’Etat menée par Lizinde fuit le pays (+Guichaoua, 1995, 505 ; Munyarugerero, 2003, 192)

1981

La plupart des membres du RANU s’exilent à Nairobi (Kenya), jusqu’en 1986 (+ Prunier, 1999, 88). L’organisation reste de taille modeste, puisqu’elle ne réunit qu’une centaine de membres en 1983 (+Kuperman, 2004, 66).

(6 février) : En Ouganda, Yoweri Museveni et les vingt- six membres du mouvement de rebellion Popular Resistance Army qu’il vient de créer, attaquent l’école militaire de Kabamba pour s’emparer des armes qui y sont stockées. Parmi les hommes de Museveni se trouvent deux réfugiés rwandais, Fred Rwigema et Paul Kagame (+ Prunier, 1999, 88).

(17 septembre) : Le procès de Lizinde et de ses 46 co- accusés débute à Ruhgengeri. L’acte d’accusation ne comprend pas seulement la tentative de coup d’Etat, mais également l’excitation de la haine anti- tutsi (+Munyarugerero, 2003, 191)

(25 novembre) : 23 des accusés jugés à Ruhengeri sont condamnés à des peines d’emprisonnement allant de 2 à 20 ans et 24 sont acquittés. Le Major Théoneste Lizinde et Alphonse Ndegeya, considérés comme les inspirateurs et les meneurs du complot, sont condamnés à mort (+Munyarugerero, 2003, 192)

1982 (1er juillet) : Le pays célèbre le vingtième anniversaire de son indépendance. Juvénal Habyarimana annonce que le Rwanda accueillera ses ressortissants réfugiés à l’étranger, après examen de leur dossier au cas par cas. Il gracie également Théoneste Lizinde et Alphonse Ndegeya et transforme leur condamnation à mort en emprisonnement à vie (+Dorsey, 1993, 106)

(octobre) : Des membres du mouvement de jeunesse du Uganda People’s Party, soutenus par une unité des forces spéciales ougandaises mené par le colonel Omaria détruisent les logements d’entre 40 000 et 45 000 ressortissants rwandais installés en Ouganda et les expulsent vers le Rwanda. Près de 100 personnes sont tuées, de nombreuses femmes violées. Environ 40 000 personnes s’enfuient vers la frontière pour tenter de retourner au Rwanda. Entre 8000 et 10 000 d’entre elles sont bloquée sur une bande comprise entre les frontières rwandaise et ougandaise. Beaucoup d’entre eux (le nombre des victimes est inconnu) meurent de maladies infectieuses (++Guichaoua, 1995, 505 ; Prunier, 1999, 91).

1982- 1983

Les ‘femmes libres’ (prostituées) de Kigali subissent une campagne d’emprisonement (++Chrétien, 1991,110 ; Prunier, 1999, 99).

1983 (19 décembre) : Juvénal Habyarimana est réélu au poste de Président de la République à 99,98% (+ Guichaoua, 1995, 505).

1985 (juillet) : Un second procès de Théoneste Lizinde est organisé devant le Cour d’Appel de Ruhengeri : il accusé cette fois de l’assassinat des personnalités de la première république. Il est condamné à mort avec cinq autres officiers (+Munyarugerero, 2003, 193).

(20- 23 décembre) : Au cours du Vème congrès ordinaire du MRND, Juvénal Habyarimana présente un projet de réorganisation radicale du parti, incluant la création d’un ‘école idéologique’ pour ses membres et l’augmentation substantielle du salaire de ses dirigeants. Le congrès annonce également la démission de l’Archêque de Kigali du comité central du parti (+Dorsey, 1993, 112)

1986 (27 juillet) : Le comité central du MRND annonce qu’il n’autorisera pas le retour de larges proportions d’émigrés rwandais du fait de la situation économique du pays (+Reyntjens, 1994, 26/143).

(17 octobre) : 296 membres de sectes religieuses et Témoins de Jéhovah sont condamnés pour incitation à la rébellion, outrage au drapeau national et incitation à la violation de la loi, à des peines allant de 4 à 12 ans de prison. Deux Témoins de Jéhovah, Augustin Murayi Nduhira, ancien directeur général au mininstère de l’éducation priamaire et secondaire, ainsi que son épouse écopent des peines maximales (+++ Munyarugerero 2003, 199 ; Guichaoua, 1995, 505 ; Dorsey, 1993, 114- 115).

1987 (1ier juillet) : Le 25ième anniversaire de l’indépendance est célébré par la libération de 4000 prisonniers, par amnistie présidentielle (+Guichaoua, 1995, 506 )

(décembre) : De retour à Kampala, le RANU devient le Front Patriotique Rwandais (FPR), dont l’objectif est le retour des réfugiés au Rwanda, par tous les moyens (+ Prunier, 1999, 94).

1988 (5 février) : Au Rwanda un comité ministériel mixte (rwando- ougandais) est créé pour examiner le problème des réfugiés en Ouganda (+Prunier, 1997, p. 96)

(avril) : Le Colonel Stanislas Mayuya, consideré comme le dauphin d’Habyarimana et farouche opposant du « clan de Madame », regroupé autour d’Agathe Kanzinga, épouse du Président de la république, est assassiné sur les ordres du colonel Laurent Serubuga (+Prunier, 1999, 109).

(17 août) : Un congrès mondial des réfugiés rwandais réunis à Washington adopte des résolutions claires concernant le droit au retour. Ces résolutions sont envoyées à Juvénal Habyarimana qui ne réagit pas (++ Prunier, 1999, 95 ; Reyntjens 1994, 26).

(19 décembre) : Juvénal Habyarimana est réélu pour cinq ans par 99.8% des votes (+ Guichaoua, 1995, 506).

1989 (février) : Environ 3000 prisonniers sont libérés par amnistie présidentielle (+ Guichaoua, 1995, 506)

La fin des années 1980 voit s’essoufler le régime mis en place autour de Juvénal Habyarimana. La chute des cours du café, la captation de l’argent et des ressources économiques par ses élites plongent le pays dans une crise grave et entretiennent le mécontentement. En janvier 1990, un sixième de la population rwandaise est touché par une famine dont le gouvernement estime qu’elle a tué 250 personnnes (+ Dorsey, 1993, 119- 120). En 1991, le Rwanda signe avec la Banque Mondiale un accord pour la mise en place d’un Plan d’Ajustement Structurel (PAS), dont la principale conqéquence est la dévaluation du franc rwandais à deux reprises, de 40% en novembre 1990, puis à nouveau de 15% en juin 1992 (+Uvin, 1999, 64). Si le PAS n’est que très partiellement appliqué, la principale conséquence de la dévaluation est une explosion de l’inflation, qui atteint 19,2% en 1991 (+Uvin, 1999, 64- 65). L’ouverture timide vers le multipartisme est encouragée par le discours prononcé par François Mitterrand à La Baule en juin 1990, qui annonce la soumission de l’aide française aux impératifs de démocratisation. Tout en restant très vague quant aux détails de sa mise en place, Juvénal Habyarimana peut ainsi annoncer le 5 juillet 1990 un « aggiornamento » politique et la possible ouverture vers le mutlipartisme. L’unité de facade affichée reste affichée tant bien que mal lors de la visite du Pape Jean- Paul II au mois de septembre 1990 (+Guichaoua, 1995, 508). La guerre déclenchée à peine un mois plus tard le 1er octobre 1990 par le [Front Patriotique Rwandais (FPR) ne met pas fin au contexte d’ouverture, mais bouleverse néanmoins le cadre à peine esquissé de la transition. Fort de 7000 hommes (4000 soldats, dont 120 officiers, venus d’Ouganda auxquels se sont spontanément adjoints 3000 civils rwandais + Kuperman, 2004, 70) et basé en Ouganda (+ HRW, 1999, 63), le FPR est arrêté une semaine après le début de son offensive, les Forces Armées Rwandaises (FAR) bénéficiant du soutien décisif (notamment d’hélicoptères- +Braud, 2005, 272) de l’opération française Noroît. Cette première défaite oblige les soldats du FPR, surnommés Inkotanyi (i.e. « les lutteurs », ou « ceux qui se battent vaillamment » +Reyntjens, 1994, 91) à changer de stratégie : les actions de guerilla sont alors soumises à l’évolution des négociations politiques, menées à la fois avec l’opposition intérieure au MRND et avec le gouvernement. Ces négociations aboutissent à la signature des protocoles d’accord successifs d’Arusha en 1992 et 1993 qui règlent à la fois la guerre, le partage du pouvoir et la transition. Parallèlement, une opposition intérieure forte prend forme au Rwanda. La nouvelle constitution, promulguée en juin 1991 autorise la création de partis politiques. Porté par Faustin Twagiramungu, gendre de Grégoire Kayibanda le Mouvement Démocratique Républicain (MDR) est recréé, mais veut dans un premier temps se démarquer de l’héritage de la première république en abandonnant l’acronyme PARMEHUTU. De nombreux partis apparaissent dont, outre le MRND rénové et le MDR, le Parti Social Démocrate (PSD) et le Parti Libéral (PL). La presse devient libre, les titres fleurissent. Trois gouvernements de transition sont successivement mis en place. Le premier, dirigé par Sylvestre Nsanzimana (le poste de premier Ministre étant créé pour l’occasion) est installé le 30 décembre 1991 (+Guichaoua, 1995, 508). Mais l’ouverture est encore timide : des partis de l’opposition, seul le Parti Démocrate Chrétien (PDC), annexe du MRND obtient un poste (+ Munyarugerero, 2003, 253). L’opposition dénonce ce gouvernement et organise au mois de janvier 1992 les premières manifestations d’ampleur à Kigali (+ Munyagerero, 2003, 253). Suite à la reprise des négociations entre le MRND et l’opposition un protocole d’entente est signé le 13 mars 1992 et aboutit à la nomination de Dismas Nsengiyaremye (MDR) au poste de premier Ministre le 2 avril 1992. Le nouveau gouvernement octroie 9 postes ministériels au MRND et 10 à l’opposition. Au cours du mois de mai 1992, les premiers contacts sont pris entre le gouvernement et le FPR et aboutissent à la mise en place d’un calendrier de négociations (+Guichaoua, 1995, 510). Enfin, Juvénal Habyarimana accepte le 18 juillet 1993 l’entrée en fonction du gouvernement d’Agathe Uwilingiyimana (MDR, désignée par son président Faustin Twagiramungu), après la fin du mandat de Dismas Nsengiyaremye, dans l’attente de la mise en place des accords d’Arusha (+HRW, 1999, 140).

Le climat de la guerre s’impose au pays, aggravé par les mouvements des déplacés qui fuient les zones de combat du Nord- Est. Les dépenses militaires sont augmentées de 181% entre 1992 et 1993 et 70% du budget ordinaire de l’Etat est consacré au financement de la guerre (+HRW, 1999, 147). Les FAR voient leurs effectifs passer de 5200 hommes en 1990, à plus de 40 000 en 1993 (+Braud, 2001, 765). Si la guerre peut sembler lointaine à l’intérieur du pays, plusieurs centaines de milliers de déplacés en répandent l’écho : 350 000 d’entre eux fuient les zones de combat autour de Byumba en avril 1992 (+HRW, 1999, 75) et près d’un an plus tard, ils sont un million à s’entasser près de Kigali (+Guichaoua, 1995, 511). Le soutien de la France au régime de Juvénal Habyarimana ne s’est pas arrêté au déploiement de l’opération Noroît, dont l’objectif affiché consistait en la protection des ressortissants français. En 1991, un Détachement d’Assistance Militaire et d’Instruction fort d’une trentaine d’instructeurs est installé à Ruhengeri. Ses effectifs sont régulièrement augmentés, jusqu’à 100 hommes en juin 1993 (++Braud, 2005, 363- 364 ; Lanotte, 2007, 145). Cette assistance aux FAR leur est essentielle, dans la mesure où elle leur permet à plusieurs reprises de ne pas totalement s’effondrer : en juin 1992, des éléments du 8ième Ripma rejoignent le dispositif Noroît fort d’environ 170 hommes afin de contrer une offensive du FPR sur Byumba (++ Braud, 2005, 365 ; Lanotte, 2007, 193) ; en février 1993, face à une autre opération d’envergure du FPR] sur Byumba et Ruhengeri, une opération baptisée Chimère (+Lanotte, 2007, 144), regroupant des renforts de Noroît (dont les effectifs passent pour l’occasion à 688 hommes) et les éléments du DAMI est organisée pour soutenir les FAR (++Braud, 2005, 365 ; Lanotte, 2007, 144). Entre 1992 et 1994, l’opposition intérieure qui s’était unie contre Juvénal Habyarimana implose et se recompose autour de nouveaux clivages.

Il est difficile de dater précisément ce basculement dont les étapes essentielles sont la création de la Coalition pour la Défense de la République (CDR), le 22 février 1992, l’offensive menée par le FPR en février 1993 qui rompt un cessez- le- feu de sept mois (+Kuperman, 2004, 73) et surtout le discours prononcé par Froduald Karamira à Kigali le 23 octobre 1993, peu après l’assassinat du président burundais hutu démocratiquement élu Melchior Ndadaye (+HRW, 1999, 165). A l’exception du PSD (+Eltringham, 2004, 91), l’ensemble des partis politiques se scinde en deux autour de la question des accords d’Arusha, de la guerre contre le FPR et de l’ethnisme. Dans chacun des partis, une fraction Power présente ses propres candidats et choisit la guerre à outrance (+HRW, 1999, 165- 166). Ce déplacement des lignes d’opposition constitue une aubaine tactique pour Juvénal Habyarimana, devenu le seul garant d’un processus qu’il s’applique à pourrir. Le multipartisme avive la compétition entre partis politiques. Ceux- ci créent des mouvements de jeunesse qui deviennent vite des milices, chargées du recrutement de nouveaux adhérents ou des démonstrations de force lors des manifestations. Chaque parti a la sienne : Interahamwe (renvoi en annexe) pour le MRND, Impuzamugambi (« ceux qui ont le même but ») pour la CDR, Inkuba (« Tonnerre), pour le MDR, Abakombozi (« les libérateurs »), pour le PSD (+HRW, 1999, 71). Le recrutement forcé d’adhérents, le racket, la prise symbolique de bâtiments publics deviennent des scènes communes et sont surnommées kubuhoza, c’est- à- dire aide à la libération, affranchissement de l’emprise du MRND (+HRW, 1999, 70). Le Hutu Power s’appuie sur d’importants relais médiatiques. Des journaux tels que Kangura (qui publie en décembre 1990 « Les dix commandements du Hutu » (+Chrétien et al., 1995, 38- 40), Umurava Magazine (+Chrétien et al., 1995, 42- 44), suivis à partir de 1991 par de nombreux autres titres fournissent à qui veut les lire les bases de la propagande anti- tutsi : tous les tutsis sont assimilés au FPR et présentés comme des monarchistes avides de revanche (+Chrétien et al., 1995, 142- 150) désirant édifier un empire « tutsi- hima » sur l’ensemble de la région des Grands- Lacs (+Chrétien et al., 1995, 162- 174). Si la presse écrite s’adresse surtout aux élites urbaines, la Radio Télévision Libre Mille Collines (RTLM) qui émet à partir du 8 juillet 1993 (+Chrétien et al., 1995, 67) se charge d’étendre la propagande ethniste aux campagnes, tout en diffusant de la musique zaïroise à la mode (+Chrétien et al., 1995, 69). Les commentateurs- vedettes de la radio (Kantano Habimana, Valérie Bemeriki, ou Gaspard Gahigi…) s’en prennent également aux politiciens hutus favorables aux négociations avec le FPR. La chanson Nanga Abahutu (Je déteste ces hutus…, sous- entendu ceux qui « trahissent » leur ethnie en pactisant avec le FPR), écrite par Simon Bikindi, devient un standard régulièrement diffusé (+Chrétien et al., 1995, 341).

Dans ce contexte de crise économique et politique, de guerre et de racisme, répression et violence se généralisent et font plus de 2000 victimes entre 1990 et 1993 (+CIDH, 1993, 48). Elles sont le plus souvent organisées par les représentants de l’Etat et les élites locales : - Dès le 4 octobre 1990, plusieurs milliers de personnes (13 000, selon + HRW, 1999, 64, pour la plupart tutsies +Eltringham, 2004, 77) sont arrêtées. Reyntjens (+ Reyntjens, 1994, 96) distingue 6 groupes parmi ces prisonniers. D’abord celui des tutsis occupant une fonction importante (fonctionnaires, commerçants, ou professeurs), ensuite celui des victimes de règlements de comptes hutues comme tutsies, arrêtées sur dénonciation, puis celui des opposants, qui par le passé s’étaient exprimés publiquement en critiquant le régime, les personnes trouvées sans papiers d’identité, celles originaires de pays limitrophes et enfin des militaires rwandais, dénoncés par leurs pairs pour toutes sortes de motifs. Au sein de cette population, seules quelques dizaines de personnes étaient en contact avec le FPR. Outre ces arrestations, plusieurs massacres de grande ampleur ont lieu jusqu’en 1994 : - La semaine suivant l’attaque du FPR en octobre 1990 à Kibilira, commune siuée à mi- chemin entre Kigali et Gisenyi, environ 350 personnes, tutsies, sont assassinées au cours d’attaques menées par des agents de l’Etat ou des élites locales (+CIDH, 1993, 18- 20). Presque tous les auteurs de ces meurtres sont libérés au cours des semaines qui suivent (+CIDH, 1993, 21). - En 1991 les bagogwe, groupe de tutsis ayant évolué en marge du royaume central, vivant éparpillés sur plusieurs communes de Ruhengeri et Gisenyi (fief de l’entourage présidentiel), sont massacrés après l’attaque du FPR de la fin du mois de janvier. Les assassinats se poursuivent jusqu’au début du mois de mars, le nombre des victimes étant mal connu (entre 300 et 1000, +CIDH, 1993, 37). - Du 4 au 9 mars 1992, dans le Bugesera, région limitrophe du Burundi regroupant les trois communes de Kanzenze, Gashora et Nganda, des groupes dirigés par le bourgmestre de Kanzenze Fidèle Rwambuka attaquent les tutsis de la région, assistés par les milices locales Interahamwe (+HRW, 1999, 110) et le 9 mars, 150 militaires mis à leur disposition par l’Etat Major des FAR ( +CIDH, 1993, 47). On ignore le nombre précis des victimes, estimé à plusieurs centaines (+Reyntjens, 1994, 184 ; 300 selon +Munyarugerero, 2003, 240).

- Entre le 21 et le 26 janvier 1993, à l’occasion de manifestations du MRND dans l’ensemble du pays, des tutsis et des opposants sont massacrés dans les préfectures de Ruhengeri, Gisenyi, Kibuye et Byumba (+Guichaoua, 1995, 511). On dispose toutefois de peu d’informations quant à cet événement. Outre ces massacres de civils, de nombreuses personalités politiques de tous bords sont assassinées, dans des circonstances le plus souvent non élucidées : Emmanuel Gapyisi (membre de premier plan du MDR), Félicien Gatabazi (dirigeant du PSD), Fidèle Rwambuka (MRND, bourgmestre de Kanzenze et artisan des massacres du Bugesera), Alphonse Ingabire (CDR). Contraint par la menace de gel de l’aide par les pays donateurs et la Banque Mondiale, Juvénal Habyarimana signe les accords définitfs d’Arusha le 4 août 1993 (+HRW, 1999, 148). Ceux- ci répondent à chacun des aspects de la crise : le rapatriement des réfugiés, la réinstallation des déplacés, la fusion des forces du FPR et des FAR, l’installation d’un gouvernement de transition jusqu’à ce qu’il soit possible d’organiser des élections (+HRW, 1999, 149). La Mission des Nations Unies au Rwanda (MINUAR), forte de 2548 casques bleus et dirigée par le général canadien Roméo Dallaire doit superviser le bon déroulement de l’application des accords (+HRW, 1999, 158). Comme prévu par les accords d’Arusha, les troupes du FPR (officiellement 600 hommes, en réalité 800 +Kuperman, 2004, 78) entrent à Kigali le 28 décembre 1993 et sont cantonnées au CND. Conformément aux accords d’Arusha, les élements français de l’opération Noroît, ainsi que du DAMI- Panda quittent le Rwanda pour le 15 décembre. Officiellement, il ne reste après cette date sur le territoire rwandais que 24 coopérants militaires chargés de l’assistance technique (+Lanotte, 2007, 259). Les premiers mois de 1994 voient s’envoler les timides espoirs nés de la signature des accords d’Arusha. La mise en place du gouvernement de transition est reportée à de nombreuses reprises, les attentats et assassinats se multiplient, les milices ralliées au Hutu Power dressent des listes d’opposants à abattre (+HRW, 1999, 195). Dès son installation à Kigali, le FPR entame une campagne discrète de recrutements et de formation politique (+HRW, 1999, 175). Le 11 janvier, le général Dallaire transmet à ses supérieurs à New York les renseignement obtenus auprès d’un milicien repenti : depuis l’arrivée de la MINUAR au Rwanda, les milices Interahamwe ont formé 1700 combattants, dressé des listes de tutsis à abattre et se sont répartis dans Kigali par groupes de quarante hommes, de manière à pouvoir en tuer un millier en vingt minutes (+HRW, 1999, 179) A la fin janvier, un analyste des services de renseignements américains estime qu’un retour des affrontements au Rwanda pourrait provoquer la mort de 500 000 personnes, mais il n’est pas cru par ses supérieurs (+HRW, 1999, 187). La RTLM appelle les hutus à se défendre « jusqu’au bout », appelle à l’extermination des tutsis et annonce que « le moment est venu de prendre les belges pour cible » (+HRW, 1999, 187).

Séquence chronologique :

1990 (31 mai) : Parce qu’on leur refuse l’accès au Palais du MRND de Butare où est organisé un concert, des étudiants manifestent en direction du centre ville. Les militaires dépêchés tirent sur la foule, tuent un homme et en blessent grièvement un autre (+ Guichaoua, 2005, 49). Le lendemain, les étudiants de Butare, soutenus par ceux de Ruhengeri, entament une grère. Juvénal Habyarimana ordonne une enquête. Le préfet de butare, Frédéric Karangwa, est suspendu (+ Guichaoua, 2005, 50). La grève prend fin le 7 juin.

(3- 6 juillet) : La Cour de sûreté de l’Etat fait arrêter Vincent Rwabukwisi, rédacteur en chef de Kanguka et Hassan Ngeze, rédacteur en chef de Kangura . Le premier est accusé d’avoir interviewé le mwami Kigeri en exil à Nairobi et d’avoir comploté avec des réfugiés. Le second est accusé de « trouble à l’ordre public (+Chrétien et al., 1995, 27)

(5 juillet) : Lors du traditionnel discours du 5 juillet, à l’occasion du 17ième anniversaire de la seconde république, Juvenal Habyarimana annonce un ‘aggiornamento politique’ : la séparation des organes du parti des structures de l’Etat et la possible mise en place du multipartisme (++HRW, 1999, 61 ; Reyntjens, 1994, 90)

(1er septembre) : 33 intellectuels publient un manifeste « pour le multipartisme et la démocratie » (++ Bertrand, 2000, 263 ; Reyntjens, 1994, 104)

(11 septembre) : Les élections des comités de cellule, le plus bas échelon administratif du pays, sont organisées. Pour la première fois, le vote secret y est utilisé (+de Lame, 1996, 74).

(18 septembre) : Le procès de l’Abbé André Sibomana, directeur du bimensuel Kinyamateka et de trois de ses journalistes s’ouvre à Kigali, après la publication par le journal d’articles dénoncant la corruption du gouvernement (+Chrétien et al., 1995, 28 ; HRW, 1999, 62).

(24 septembre) : Juvénal Habyarimana nomme une Commission Nationale de Synthèse (CNS), chargée d’élaborer un avant projet de constitution (+ Reyntjens, 1994, 91).

(1er octobre) : Un commando de 50 hommes du FPR s’empare du poste frontière de Kagitumba, à la frontière ougandaise, dans le Nord- Est du pays, suivi de 2500 hommes. Bénéficiant d’un effet de surprise, le FPR atteint Gabiro, à soixante kilomètres au sud de la frontière. Face à lui, les Forces Armées Rwandaises (FAR) alignent 5200 soldats (++Braud, 2001, 763 ; Reyntjens, 1994, 91). Le 3, le major- général Fred Rwigyema, principal chef militaire du FPR, est tué. Le 7, les FAR stoppent cette première offensive et contre- attaquent. Les troupes du FPR refluent vers les régions volcaniques du nord du pays (++AR, 1995, 27 ; Braud, 2005, 296).

(2 octobre) : Depuis New York où il assiste à la session annuelle de l’Assemblée générale des Nations Unies, Juvénal Habyarimana appelle l’Elysée pour solliciter une intervention française au Rwanda (+Lanotte, 2007, 139)

(3 octobre) : Le ministre rwandais des Affaires Etrangères Casimir Bizimungu, en visite à Paris, rencontre Jean- Christophe Mitterrand, responsable de la cellule africaine de l’Elysée, ainsi que Jaqcues Pelletier, ministre de la Coopération, devant lesquels il réitère la demande du Rwanda d’intervention française. Dans la soirée, l’Amiral Jacques Lanxade, Chef d’Etat- Major particulier du Président de la République reçoit l’ordre de François Mitterrand de faire déployer à Kigali une compagnie du deuxième Régiment Etranger de Parachutistes (REP) pré- positionné en Centrafrique (+Lanotte, 2007, 140). L’opération Noroît est déclenchée.

(4 octobre) : 150 légionnaires de la quatrième compagnie du deuxième REP de l’armée française, en provenance de Bangui, atterrissent à Kigali. 400 parachutistes belges (opération Green Beans) sont envoyés de Bruxelles. Les forces belge et française ont un statut neutre et sont officiellement présentes au Rwanda pour y protéger les ressortissants étrangers et leurs ambassades (++ Lanotte, 2007, 141 ; Reyntjens, 1994, 93). Après un simulacre d’attaque sur Kigali, le régime fait arrêter 8000 suspects– (4000, selon +Bertrand, 2000, 263 ; entre 6000 et 7000 selon Reyntjens, 1994, 94) entassés dans les prisons et stades de Kigali (++Chrétien, 2003, 281 ; Guichaoua, 1995, 507). Fuyant la répression, environ 4000 réfugiés passent la frontière ougandaise (+Chrétien, 1991, 110).

(8 octobre) : Entre 500 et 1000 civils tutsi habitant les zones de combat dans le Nord- Est sont tués par des soldats des FAR (+++Braud, 2005, 273 ; Kuperman, 2004, 71 ; Munyarugerero, 2003, 239)

(10 octobre) : Gabiro est repris avec l’appui décisif de 500 soldats zaïrois, mais ceux- ci sont tellement indisciplinés que Juvénal Habyarimana demande leur retour au Zaïre (++Chrétien,1991, 110 ; Reyntjens, 1994, 93)

(11- 13 octobre) : A Kibilira (préfecture de Gisenyi) des membres du gouvernement viennent expliquer à la population que l’umuganda de ce mois sera consacrée au massacre des tutsis. Dans le secteur de Gatumba, la rumeur de la mort du colonel Serubuga, homme important de la région sert d’alibi au déclenchement des assassinats : 350 tutsis sont tués (+++HRW, 1999, 107 ; CIDH, 1993,18- 19 ; Reyntjens, 1994, 95)

(22 octobre) : Vincent Rwabukwisi est condamné à 17 ans de prison et incarcéré. Hassan Ngeze est relaxé (++ Chrétien et al., 1995, 27 ; Chrétien, 1991, 110)

(23 octobre) : A Kigali, une marche de soutien au Président de la République est organisée (+Bertrand, 2000, 263). Au cours d’un affrontement avec les FAR, le FPR perd 300 de ses hommes dont deux appartenant à son haut commandement (+Kuperman, 2004, 71).

(30 octobre) : Le FPRreflue en Ouganda, après la prise de Kagitumba par les FAR, qui célèbrent la « victoire finale ». Le FPR doit changer de stratégie et passer à la guerilla (+++Bertrand, 2000, 264 ; Braud, 2005, 272 ; Reyntjens, 1994, 93)

(1er novembre) : Les troupes belges se retirent du Rwanda. Le contingent français reste stationné à Kigali (++ Lanotte, 2007, 246 ; Reyntjens, 1994, 93).

(13 novembre) : Autorisation de former des « mouvements politiques » (+Bertrand, 2000, 265)

(décembre) : Le magazine Kangura, dirigé par Hassan Ngeze publie les « 10 commandements du muhutu » (+ Chrétien et al. 1995, 141). Au cours de son reflux vers l’Ouganda, le FPR tue environ 50 civils rwandais dans la commune de Kivuye (préfecture de Byumba) (+ Kuperman, 2004, 72)

(28 décembre) : La CNS présente son avant- projet de Charte Politique Nationale (+Guichaoua, 1995, 507).

1991 (22- 23 janvier) : Le FPR organise une « attaque- éclair » sur Ruhengeri (+HRW, 1999, 108), libérant les 1780 détenus de la prison haute sécurité de Gisenyi, dont Théoneste Lizinde, Stanislas Bizeruka et Donat Muvunanhambo (++ Kuperman, 2004, 72 ; Munyarugerero, 2003, 239).

(22 janvier) : Des opposants au MRND (essentiellement tutsis) sont assassinés dans les préfectures de Gisenyi, Ruhengeri, Kibuye et Byumba (+Guichaoua, 1995. 508)

(25 janvier) : En réaction à l’attaque du FPR sur Ruhengeri, les Bagogwe, tutsi pasteurs du nord du Rwanda sont victimes d’attaques orchestrées par les autorités communales. A Mukingo, plusieurs hommes sont tués et trois femmes violées (+++CIDH, 1993, 31 ; Chrétien, 2003, 285 ; Guichaoua, 1995, 508).

(27 janvier) : A Kinigi, le bourgmestre Thaddée Gasana emmène trente personnes issues des Bagogwe, sur le rond- point de la commune et les exécute (+CIDH, 1993, 31).

(30 janvier) : François Mitterrand informe Juvénal Habyarimana de sa volonté de subordonner le maintien du dispositif de Noroît aux évolutions de la crise en cours au Rwanda (+Lanotte, 2007, 144).

(1er février) : Les deux premiers procès des ‘complices’ des Inkotanyi arrêtés en octobre 1991, visent 13 paysans du Nord- Est et 12 intellectuels (dont 4 hutu). Ils débouchent sur 8 condamnations à mort (++Chrétien, 1991, 110 ; Dialogue n°146, 94).

(2 février) : Les attaques contre les Bagogwe gagnent la préfecture de Gisenyi. A Gaseke et Giciye, 17 personnes sont tuées (+CIDH, 1993, 34)

(4 février) : Un nouveau gouvernement MRND est formé sous la pression des conservateurs (+Guichaoua, 1995, 508). Les six ministres démissionnaires avaient été désignés comme complices du FPR par le mensuel Kangura.

(15 mars) : L’ambassadeur de France au Rwanda Georges Martres informe Juvénal Habyarimana de la décision de l’Elysée de mettre un Détachement d’Assistance Militaire et d’Instruction (DAMI) fort d’une trentaine d’hommes à la disposition des autorités rwandaises (+Lanotte, 2007, 144). Le détachement, nommé DAMI- Panda est à l’origine conçu pour une durée de quatre mois, mais reste en réalité présent au Rwanda jusqu’en décembre 1993 (+Lanotte, 2007, 145). CE déploiement n’est rendu public ni par les responsables politiques et militaires français ni par leurs homologues rwandais (+Lanotte, 2007,148).

(29 mars) : Un cessez- le- feu est signé entre le FPR et les FAR à N’Sele, au Zaïre (++Chrétien, 1991,110 ; Guichaoua, 1995, 508). La plupart des 5000 civils tutsis emprisonnés depuis octobre 1990 sont libérés (+Guichaoua, 1995, 508). Le nouveau Mouvement Démocratique Républicain est créé par l’appel de 237 opposants à « la relance et la rénovation du MDR » dans le journal Le Démocrate (++Bertrand, 2000, 264 ; Reyntjens, 1994, 106).

(avril) : Le ministère de la justice reconnaît l’arrestation de 8047 suspects suite aux évènements d’octobre (+Chrétien, 1991, 110).

(28 avril) : Un congrès extraorinaire du MRND est organisé en vue de l’adaptation au multipartisme. Le parti change de nom et devient le Mouvement Républicain National pour le Développement et la Démocratie - MRNDD- (++ Guichaoua, 1995, 509 ; Reyntjens, 1994, 135), essayant, par l’adjonction des mots « Républicain » et « Démocratie » de capter un peu plus l’héritage du MDR (+Eltringham, 2004, 80)

(10 juin) : La nouvelle constitution instaurant le multipartisme est adoptée (+ Guichaoua, 1995, 508). Au cours du mois qui suit sont créés les principaux partis politiques de l’opposition : le Mouvement Démocratique Républicain (MDR), le Parti Social Démocrate (PSD), le Parti Libéral (PL), le Parti Démocrate Chrétien (PDC).

(30 juin- 6 juillet) : Le FPR organise plusieurs incursions dans les régions de Ruhengeri et Byumba (+Dialogue n°148, 89).

(31 juillet) : Le cartel MDR- PSD- PDC se formalise et s’étend au PL. Ces quatre partis créent un « Comité de concertation des partis politiques démocratiques » (+ Reytjens, 1994, 108).

(5 août) : Le FPR attaque la commune de Muvumba dans le Mutara. 8 cammionettes et un camion de commerçant sont incendiés, mais l’attaque ne fait aucune victime (+Dialogue, n°149, 85).

(13 octobre) : Sylvestre Nsanzimana, ministre de la Justice (MRNDD) est nommé Premier Ministre, le poste étant créé pour l’occasion. Il tente de former un nouveau gouvernement (++ Guichaoua, 1995, 508 ; Reyntjens, 1994, 109)

(7 novembre) : Dans la nuit, des familles tutsis sont attaqués dans la commune de Murambi sur ordre du bourgmestre et du sous- préfet. Ces attaques font un mort et des dizaines de blessés (++ Guichaoua, 1995, 508 ; Reyntjens, 1994, 184)

(17 novembre) : Une première manifestation d’opposition est autorisée au Rwanda : 10 000 personnes marchent dans Kigali (+ Reytnjens, 1994, 111)

(24 novembre) : En réponse à la manifestation du 17 novembre, 20 000 sympathisants du MRNDD manifestent à Kigali contre la tenue d’une conférence nationale.

(30 novembre) : Dans la nuit, le camp des déplacés de guerre de Rwebare, en commune Muvumba, abritant 7000 personnes est attaqué par le FPR. L’attaque tue 19 personnes selon les chiffres officiels (+Dialogue, n° 151, 44).

(1er décembre) : Un communiqué radiodiffusé signé ‘Direction des opérations militaires des FAR’ accuse le FPR de se servir de journaux et de parti politiques pour « mécontenter la population et l’amener à se révolter contre le gouvernement en place » (+Dialogue n°151, 45).

(7 décembre) : Dans la nuit, le FPR attaque le dispensaire de Nyarurema (+Dialogue n°151, 44).

(10 décembre) : Le FPR attaque les réfugiés de l’école secondaire de Rushaki mais ne fait pas de victime (+Dialogue, n°151, 44).

(12 décembre) : Le FPR attaque Kizinga, commune Kiyombe et tue 17 militaires rwandais (+Dialogue, n°151, 44).

(18 décembre) : Le FPR attaque Gatunda, 25 civils sont tués (Dialogue, n°151, 44).

(30 décembre) : Un nouveau gouvernement est formé sous la direction de Sylvestre Nsanzimana. A part un ministre du PDC, le gouvernement n’est constitué que de membres du MRNDD (+ Reyntjens, 1994, 110). Les partis du comité de concertation déclarent leur défiance vis- à- vis du nouveau gouvernement et demandent à leurs adhérents d’intensifier le recrutement de nouveaux membres (+ Reyntjens, 1994, 111)

1992 (4 janvier) : A Kigali, une marche de soutien au gouvernement Nsanzimana et d’oppostion au multipartisme est organisée par les Interahamwe (+Bertrand, 2000, 265).

(8 janvier) : A Kigali, une manifestation organisée par le ‘comité de concertation’ (MDR, PL, PSD, PSR) en opposition au nouveau gouvernement Nsanzimana réunit selon ses organisateurs entre 60 000 et 100 000 personnes (++Dialogue, n° 152, 54 ; Reyntjens, 1994, 111). Des affrontements ont lieu avec la police (+Bertrand, 2000, 265).

(11 janvier) : L’opposition manifeste à Butare (+Bertrand, 2000, 265).

(15 janvier) : Des combats opposent les FAR au FPR dans les communes de Muvamba, Kiyombe et Butaro (+Dialogue, n°152, 53). A Kigali, une manifestation de l’opposition est interdite par le préfet. Le PSD s’en désolidarise et est exclu du comité de concertation. La manifestation est dispersée par les forces de l’ordre, plusieurs manifestants sont blessés. Le PDC menace de quitter le gouvernement si celui- ci n’est pas ouvert à l’ensemble de l’opposition avant la fin janvier (+ Reyntjens, 1994, 111).

(3 février) : Le lieutenant- colonel Chollet, responsable du DAMI- Panda est nommé conseiller du Président de la république rwandaise, et conseiller du chef d’Etat Major des FAR. Il aurait assumé dans les faits le commandement opérationnel de l’armée rwandaise (Lanotte, 2007, 157- 158). Le poste est scindé en deux à sa succession en mars 1992 : le lieutenant colonel Jean- Louis Nabias reprend le commandement du DAMI, tandis que le lieutenant- colonel Maurin devient le principal conseiller des FAR (+Lanotte, 2007, 159)

(11 février) : Les négociations entre le MRNDD et les partis d’opposition reprennent (+ Reyntjens, 1994, 111).

(mars) : Le ministère de la Défense rwandais achète à l’Egypte un stock d’armes et de munitions (450 Kalashnikovs, 2000 roquettes…) d’une valeur de 6 millions de dollars (+HRW, 1999, 118).

(9 mars) : Un camion de l’entreprise COLAS saute sur une mine à Kigali, sans faire de victime (+Dialogue, n° 154, 56).

(10 mars) : Suite à la diffusion d’un tract annonçant l’assassinat de 20 personnalités hutu, des massacres sont organisés dans le Bugesera (communes de Kanzenze, Ngenda et Gashora), mais aussi en commune de Mbogo (Kigali), Sake (Kibungo), Kivumu (Kibuye) : des centaines de tutsis et de membres des partis d’opposition sont tués, leurs maisons sont brulées, près de 15000 personnes sont déplacées (+Reyntjens, 1994, 184) l’état de siège est instauré, notamment dans les communes de Kanzenze et Gashora (++Chrétien, 2003, 285 ; Guichaoua, 1995, 509). Antonia Locatelli, volontaire italienne vivant dans le Bugesera est assassinée à l’occasion de ces massacres qu’elle avait dénoncés (+CIDH, 1993, 46). A Kibilira, 5 personnes sont tuées (+CIDH, 1993, 19).

(13 mars) : Les partis politiques d’opposition (MDR, PL, PSD, MRNDD, PDC) publient un protocole d’entente en sept points comprenant la négiciation de la paix, le règlement du problème des réfugiés et l’organisation d’élections générales (++ Reyntjens, 1994, 113 ; Guichaoua, 1995, 509).

(20 mars) : Une bombe explose dans un minibus en gare routière de Kigali, tuant une personne (+Dialogue, n° 154, 56).

(2 avril) : Dismas Nsengiyarmye (MDR) est nommé Premier ministre (+ Reyntjens, 1994, 112).

(16 avril) : Le premier gouvernement de transition est mis en place. Le MRNDD y conserve 9 ministères sur 19 (++Guichaoua, 1995, 509 ; Reyntjens, 1994, 112).

(22 avril) : Le président Juvénal Habyarimana quitte son poste de chef des armées pour être désigné candidat aux prochaines élections présidentielles (+Bertrand, 2000, 266).

(25 avril) : Une bombe explose à la gare routière de Kigali (+Guichaoua, 1995, p. 510)

(27 avril) : Ferdinand Nahimana est limogé de son poste de directeur de l’ORINFOR (+ Guichaoua, 1995, 510)

(1er mai) : Une camionnette transportant une quarantaine de personnes près du centre commercial de Ruhango explose, tuant 17 personnes (+Dialogue, n°156, 56).

(8 mai) : Une vingtaine d’individus armés de grenades, machettes et gourdins se présentent chez le ministre de l’Education Agathe Uwiligiyimana et la rouent de coups (++Dialogue, n°156, 57 ; Bertrand, 2000, 266)

(14 mai) : Dans la nuit, le FPR attaque l’îlot Vumage dans le marais de Rugenzi, tuant 18 personnes (+Dialogue, n°156, 54)

(29 mai) : Une mutinerie de militaires à Ruhengeri, Gisenyi et Kibuye fait 20 morts et 30 blessés, suite à l’annonce par le Premier Ministre d’une future démobilisation et de l’emploi des démobilisés dans l’assainissement des marais (+++Guichaoua, 1995, 510 ; Dialogue n° 157, 46 ; Reyntjens, 1994, 117). Le FPR entame des pourparlers de paix entre avec les partis d’opposition MDR, PSD, PL à Bruxelles (+Bertrand, 2000, 266)

(30 mai) : Le 64ième bataillon des FAR à Gisenyi se mutine: 10 personnes sont tuées et 70 millions de francs sont volés à des commerçants (++ Guichaoua, 1995, 510 ; CIDH, 1993, 61)

(5 juin) : Le FPR attaque Byumba. Au cours des jours suivants, 39 civils sont assassinés par le FPR dans les secteurs de Cyondo et Gatalima en commune de Kiyombe (+Dialogue, n°157, 47).

(6 juin) : A Byumba, les FAR se mutinent après le retrait du FPR (+CIDH, 1993, 61)

(10 juin) : La France envoie des renforts du 8è Régiment de Parachutiste d’Infanterie de Marine (Ripma) pour soutenir les FAR, bousculées à Byumba(++Braud, 2005, 365 ; MIAN, 1998, 26).

(11 juin) : Les chefs d’Etat major de l’armée Laurent Serubuga (membre de l’Akazu) et de la gendarmerie Rwagafilita, incapables de mettre fin aux mutineries et exactions de l’armée sont mis à la retraite, ainsi que de nombreux officiers supérieurs (+++Guichaoua, 1995, 510 ; Dialogue n°157, 54 ; Reyntjens, 1994, 118).

(12 juin) : Pour la seconde fois, le franc rwandais est dévalué et perd 17,6% de sa valeur.

(12 juillet) : Le gouvernement rwandais et le FPR signent un cessez- le- feu à Arusha, qui doit entrer en vigueur le 31 juillet (+++HRW, 1999, 117 ; Reyntjens, 1994, 309 ; Bertrand, 2000, 266).

(18 août) : Le protocole d’accord, relatif à l’Etat de droit, est signé à Arusha (+++HRW, 1999, 117 ; Reyntjens, 1994, 309 ; Bertrand, 2000, 266).

(20 août) : Des partisans du MRND et de la CDR massacrent plusieurs dizaines de tutsis et d’opposants à Kibuye (+HRW, 1999, 117).

(26 août) : Un avenant est ajouté à l’accord particulier d’assistance militaire entre la France et le Rwanda du 18 juillet 1975 qui ne concernait que la gendarmerie et est étendu à l’ensemble des forces armées (+MIAN, 1998, 94).

(17 septembre) : Le directeur de cabinet de la présidence demande par lettre que la délégation du gouvernement aux négociations d’Arusha soit rappellée à Kigali (+Bertrand, 2000, 267)

(21 septembre) : La police abat à bout portant un membre du PSD à Kigali (+Dialogue, n°160, 52). Le colonel Déogratias Nsabimana envoie à ses subordonnés un memorandum contenant les conclusions d’une commission constituée en décembre 1991 réunissant dix officiers chargés de la « définition de l’ennemi ». Cette commission désigne explicitement comme ennemi principal les tutsis rwandais « de l’intérieur ou de l’extérieur » (+HRW, 1999, 78).

(18 octobre) : Straton Byabagamba président du PL en commune Kanombe, est assassiné par des membres de la CDR (+Dialogue, n°161, 56). La CDR et les Interahamwe organisent une marche d’opposition commune au gouvernement Nsengiyaremye et aux pourparlers d’Arusha (+Bertrand, 2000, 267).

(19 octobre) : Le ministère de la Défense rwandais achète à l’Afrique du Sud un stock d’armes et de munitions (20 000 fusils R- 4, 20 000 grenades…) d’une valeur de 5,9 millions de dollars (+HRW, 1999, 118).

(21 octobre) : Dans la nuit, des militaires du camp Kanombe, à proximité de Kigali, se mutinent (+ Reyntjens, 1994, 118).

(26 octobre) : A Kigali, le MRNDD organise une marche de soutien aux Forces Armées Rwandaises. Lors d’une déclaration radiodiffusée, le Président Habyarimana affirme soutenir les Accords d’Arusha (+Bertrand, 2000, 267)

(30 octobre) : La première partie du protocole relatif au partage du pouvoir est signée à Arusha (++HRW, 1999, p. 117 ; Reyntjens, 1994, 309)

(15 novembre) : Au cours d’un meeting organisé à Ruhengeri, Juvénal Habyarimana qualifie les accords d’Arusha de « chiffons de papier » et vante l’action des milices Interahamwe (+++AR, 1995, 30 ; Bertrand, 2000, 267 ; Reyntjens, 1994, 119)

(22 novembre) : A Kabaya (préfecture de Gisenyi), Léon Mugesera (vice- président du MRNDD pour la préfecture de Gisenyi et fonctionnaire au ministère de la Famille et de la promotion féminine), réclame le renvoi des tutsis en Ethiopie par la rivière Nyabarongo (+++AR, 1995, ; HRW, 1999, 103- 105, Reyntjens, 1994, 119)

(29 novembre) : Le Frère François Cardinal des Frères de l’instruction chrétienne est assassiné à Kigali par un commando de 6 personnes dont 2 en tenue militaire (+Dialogue, n°163, 29)

(30 novembre) : Devant l’impossibilité de faire arrêter Léon Mugesera suite à son discours du 22 novembre, Stanislas Mbonampeka, ministre de la justice, démissione. Le ministère de la justice reste sans titulaire jusqu’en juillet 1993 (+ Reyntjens, 1994, 120).

(24 décembre) : Un attentat à la bombe a lieu au dancing ‘Kigali night’ (+Dialogue, n° 163, 42)

(31 décembre) : Les mouvements de jeunesse du MRNDD et de la CDR bloquent les principales artères menant à Kigali pour la journée (+Dialogue, n°163, 42).

1993 (7- 21 janvier) : Une commission internationale d’enquête sur les violations des droits de l’homme visite le pays (+Reyntjens, 1994, 309).

(9 janvier) : La seconde partie du protocole relatif au partage du pouvoir, incluant la mise en place d’un calendrier de transition, est signée à Arusha (++HRW, 1999, 118 ; Reyntjens, 1994, 309).

(21- 26 janvier) : Des massacres identiques à ceux de mars 1992 dans le Bugesera, sont organisés dans le nord du pays par le MRND et la CDR (+++Chrétien, 2003, 285 ; Guichaoua, 1995, 511 ; Reyntjens, 1994, 192) et font environ 300 victimes (+Reyntjens, 1994, 309).

(25 janvier) : Juvénal Habyarimana dénonce les accords qui viennent d’être signés à Arusha dans un discours officiel (+Reyntjens, 1994, 205).

(8 février) : Le FPR attaque les régions de Byumba et Ruhengeri en réponse aux massacres de janvier. L’offensive n’est arrêtée qu’à 30 km de la capitale, permettant ainsi au FPR de doubler la surface du territoire qu’il occupait jusqu’à présent. Un million de déplacés s’installent autour de Kigali (+++Guichaoua, 1995, 511 ; AR, 1995, 21 ; Reyntjens, 1994, 205). A Ruhengeri, plusieurs centaines de civils sont tués par des soldats du FPR (+HRW, 1999, 817).

(9 février) : En réaction à l’offensive du FPR, la présence française dans le cadre du dispositif Noroît est renforcée de 150 hommes (+Lanotte, 2007, 144).

(20 février) : Devant l’avancée du FPR vers Kigali, un second détachement de renfort français (détachement Chimère), fort de 250 hommes supplémentaires est chargé d’apporter une « assistance opérationnelle » aux FAR –opération Birunga (+Lanotte, 2007, 144).

(28 février) : Le ministre français de la coopération Marcel Debarge visite Kigali et appelle à la création d’un « front commun hutu » (+HRW, 1999, 136).

(2 mars) : Le président Habyarimana réunit à Kigali le MRNDD, la CDR, sept des dix petits partis créés depuis 1991, ainsi que des représentants des quatre grands partis d’opposition.

(7 mars) : Un nouveau cessez- le- feu est signé à Dar- Es- Salaam (++AR, 1995, 34 ; Reyntjens, 1994, 310). Il entre en vigueur le 15 mars.

(17 mars) : Mémorandum des partis MDR, PSD, PDC et PL sur les blocages du président Habyarimana.

(30 mars) : Juvénal Habyarimana démissione de ses fonctions de Président du MRNDD (+Reyntjens, 1994, 120).

(7 avril) : 35 bourgmestres, essentiellement MRNDD et MDR, sont nommés par le Conseil de Gouvernement.

(16 avril) : Le gouvernement de Dismas Nsengiyaremye est reconduit pour trois mois (++ Bertrand, 2000, 268 ; Reyntjens, 1994, 122 )

(19 avril) : Une bombe explose sur le marché de Butare, faisant une vingtaine de blessés (+Dialogue, n°167, 54).

(22 avril) : Une bombe explose à la poste centrale de Kigali et fait quinze blessés (+Dialogue, n°167, 54).

(13 mai) : Mathieu Ngirumpatse devient président du MRNDD (+ Reyntjens, 1994, 120).

(18 mai) : Emmanuel Gapyisi, responsable du MDR dans la préfecture de Gikongoro, gendre de Grégoire Kayibanda, initiateur du ‘Forum paix et démocratie’, visant à rassembler les opposants à la fois au FPR et à Juvénal Habyarimana, est assassiné (++HRW, 1999, 137 ; Reyntjens, 1994, 121).

(9 juin) : Le protocole sur le rapatriement des réfugiés et la réinstallation des personnes déplacées est signé à Arusha (+Reyntjens, 1994, 310).

(22 juin) : Le conseil de sécurité adopte la résolution 846 créant une Mission d’observateurs des Nations Unies en Ouganda/Rwanda (MONUOR). La résolution prévoit le déploiement de 81 observateurs et 24 fonctionnaires en Ouganda, à proximité de la frontière rwandaise (+ Guichaoua, 1995, 511). A Kigali, le gouvernement refuse la proposition du MDR de maintenir Dismas Nsengiyaremye au poste de Premier ministre pour une nouvelle période transitoire (+ Reyntjens, 1994, 122)

(3 juillet) : le MRNDD tient un congrès extraordinaire où les divisions apparaissent de plus en plus importantes (++Bertrand, 2000, 268 ; Guichaoua, 1995, 511).

(6 juillet) : Une bombe explose au marché de Nyarugenge à Kigali.

(8 juillet) : Lancement des programmes de la RTLM, officiellement libre et commerciale.

(1 juillet) : Les leaders de l’opposition rejettent la candidature de Dismas Nsengiyaremye et acceptent celle d’Agathe Uwilingiyimana.

(17 juillet) : Juvénal Habyarimana nomme Agathe Uwilingiyimana, membre du MDR, au poste de Premier ministre (+ Reyntjens, 1994, 123). Le bureau politique du MDR conteste toutefois la

présentation de la candidature d’Agathe Uwilingiyimana par Faustin Twagiramungu et décide de les suspendre tous les deux du parti (+ Reytjens, 1994, 123).

(18 juillet) : Le nouveau gouvernement, dirigé par Agathe Uwilingiyimana, entre en fonction (++HRW, 1999, 140 ; Guichaoua, 1995, 511). Alexis Nsabimana, ancien représentant du MDR au Benelux et proche du forum Paix et démocratie initié par Emmanuel Gapyisi crée le Parti du Renouveau Démocratique - PRD (+ Reyntjens, 1994, 123).

(20 juillet) : Désavoué par son président pour la nomination du Premier ministre, le MDR propose la candidature de Jean Kambanda au poste de Premier ministre du gouvernement de transition à base élargie (GTBE) issu des Accords d’Arusha. Dans une lettre à Juvénal Habyarimana et à l’insu de son propre parti, Faustin Twagiramungu, qui s’est autodésigné à ce poste, annonce qu’il sera le premier ministre du GTBE (+ Reynjtens, 1994, 123)

(23 juillet) : Lors du congrès extraordinaire du MDR à Kabusunzu, Faustin Twagiramungu et Agathe Uwilingiyimana sont exclus du parti (+ Guichaoua, 1995, 511 ; Reynjtens, 1994, 123).

(30 juillet) : Estimant sa sécurité menacée, Dismas Nsengiyaremye quitte le Rwanda.

(3 août) : Le protocole relatif à l’intégration des forces armées est signé à Arusha (+Reyntjens, 1994, 310)

(4 août) : L’ensemble des accords de paix d’Arusha sont signés. Ils prévoient un gouvernement de transition au sein duquel 5 ministères sur 21 sont attribués au FPR. Faustin Twagiramungu est désigné comme Premier ministre du Gouvernement de Transition à Base Elargie (GTBE).

(21 août) : Fidèle Rwambuka, ancien bourgmestre de Kanzenze et organisateur des violence de mars 1992 dans le Bugesera est tué dans des circonstances non- élucidées (++ Guichaoua, 1995, 511 ; Reyntjens, 1994, 187).

(5 octobre) : La résolution 872 du conseil de sécurité des Nations Unies crée la Mission de Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda (MINUAR), forte de 4157 hommes : 3792 militaires, 306 observateurs militaires et 59 policiers civils (++HRW, 1999, 158 ; Braud, 2001, 770)

(18 octobre) : A Kigali, une manifestation de la CDR est organisée pour protester contre les accords d’Arusha.

(21 octobre) : Au Burundi, le Président Melchior Ndadaye est assassiné. Dans les semaines qui suivent, fuyant les massacres qui ensanglantent le nord de leur pays, environ 300 000 réfugiés burundais pénètrent au Rwanda, s’installant essentiellement à Butare et Gikongoro (+HRW, 1999, 163)

(23 octobre) : A Kigali, une ‘ marche de soutien au peuple burundais’ est organisée, au cours de laquelle un appel en faveur du Hutu Power est lancé (+Bertrand, 2000, 269).

(30 octobre) : Une commission de l’armée rwandaise envisage la création d’une force « d’autodéfense civile » (+HRW, 1999, 325)

(1er novembre) : La MINUAR entame son déploiement au Rwanda (+Reyntjens, 1994, 311).

(5 novembre) : Le MDR Power manifeste à Kigali contre les accords d’Arusha et la présence belge au Rwanda (+Bertrand, 2000, 269).

(13 novembre) : Un congrès extraordinaire du PL élit un nouveau comité exécutif parallèle au comité existant et consacre la division du parti et la naissance de son aile power (+Dialogue, n°172, 56- 57). Le PSD et le PDC connaissent les mêmes scissions (+Bertrand, 2000, 269).

(17 novembre) : Dans les communes de Nkumba, Kidaho, Cyeru et Nyamugali (préfecture de Ruhengeri) des agresseurs non identifiés tuent dans la nuit 37 personnes, y compris des responsables locaux (++HRW, 1999, 171 ; Dialogue, n°172, 56)

(26 novembre) : Un camion belge de la Croix- Rouge est visé par des soldats des FAR et saute sur une mine (+HRW, 1999, 172)

(29 novembre) : 19 personnes sont assassinées au cours de la nuit à Mutura (préfecture de Gisenyi), les assassins ne sont pas identifiés (++HRW, 1999, 172 ; Dialogue, n°172, 56).

(2 décembre) : Une patrouille de la MINUAR est attaquée par des combattants munis d’une mitrailleuse lourde, dans le nord du Rwanda (+HRW, 1999, 173).

(3 décembre) : Le ministère des Affaires Etrangère Français annonce le retrait du Rwanda du détachement Noroît ainsi que du DAMI Panda, conformément aux dispositions des accords d’Arusha. Officiellement, la présence militaire française est réduite 24 coopérants militaires, chargés de l’Assistance militaire technique (+Lanotte, 2007, 259).

(20 décembre) : La faction Power du PL, dirigée par Justin Mugenzi, organise son premier congrès (+Guichaoua, 1995, 512).

(28 décembre) : Comme prévu par les accords d’Arusha, un contingent du FPR entre à Kigali et s’installe dans les locaux du CND (+Guichaoua, 1995, 512).

(31 décembre) : Le mandat de président élu de Juvénal Habyarimana s’achève officiellement.

1994 (5 janvier) : Le Président Habyarimana est officiellement investi, mais la mise en place du gouvernement et de la nouvelle assemblée est reportée (+Bertrand, 2000, 270). L’ambassadeur de Tanzanie au Rwanda est agressé par une foule de partisans de la CDR en raison de son soutien aux accords de paix (+HRW, 1999, 176)

(11 janvier) : Informé par un ancien responsable Interahamwe, le général Dallaire avertit les Nations Unies à New York de l’existence d’un plan d’assassinat systématique de la population tutsi et des opposants à Juvénal Habyarimana et au Hutu Power. Une structure, reposant essentiellement sur les milices Interahamwe est prête pour mettre ce plan en oeuvre. Dallaire demande l’autorisation de mettre en oeuvre des opérations de fouille et de désarmement (++Dallaire, 2004, 142- 151 ; Reyntjens, 1995, 60)

(16 janvier) : Quatre à cinq mille partisans du MRNDD, se réunissent au stade de Nyamirambo de Kigali. La plupart d’entre eux ne sont pas originaires de la ville. Des armes leur sont distribuées (+HRW, 1999,184). Des membres du MDR- Power et du PL Mugenzi sont présents (+Bertrand, 2000, 270)

(20 janvier) : Justin Mugenzi, président du Parti Libéral, favorable au Hutu Power, est victime d’une tentative d’assassinat (+HRW, 1999, 185)

(24 janvier) : A la suite d’un attentat à l’explosif contre une maison à Kigali, des Interahamwe sont arrêtés. D’autres membres de la milice déclenchent une émeute. Les casques bleus belges chargés de garder la résidence de Jacques Roger Booh Booh essuient des tirs (+HRW, 1999, 186)

(30 janvier) : Malgré l’organisation de 924 patrouilles mobiles, de 320 patrouilles à pied et l’installation de 306 postes de contrôle, la MINUAR n’a pu trouver que neuf armes au sein la population (+HRW, 1999, 187)

(31 janvier) : Une grenade est lancée sur le quartier général de la MINUAR (+HRW, 1999, 187)

(20 février) : Faustin Twagiramungu, Premier ministre, est victime d’une tentative d’assassinat au cours de laquelle l’un de ses gardes du corps est tué (+HRW, 1999, 192)

(21 février) : Félicien Gatabazi, président du PSD, est assassiné (+HRW, 1999, 192). Une enquête de la police civile de la MINUAR identifie parmi les commanditaires du meurtre le capitaine Pascal Simbikangwa, beau- frère du colonel Sagatwa, Alphonse Ntirivamunda, gendre de Juvénal Habyarimana et un membre du PSD rival de Gatabazi, Emile Nyungura (+Reyntjens, 1995, 61)

(22 février) : Martin Bucyana, président de la CDR est tué par la foule à Butare, en réponse au meurtre de Félicien Gatabazi. Un convoi de la MINUAR escortant le FPR est attaqué à la grenade : un soldat du FPR est tué (+HRW, 1999, 192).

(22- 26 février) : 70 personnes sont assassinées à Kigali, par des Interahamwe (+HRW, 1999, 193)

(18 mars) : Faustin Twagiramungu communique la composition de son gouvernement.

(30 mars) : Une seconde commission de l’armée rwandaise examine l’organisation de « l’autodéfense civile » (HRW, 1999, 325).

(31 mars) : Alphonse Ingabire, chef opérationnel de la CDR, est assassiné. En représailles, des membres de la CDR tuent un membre du PSD et en blessent trois autres (+HRW, 1999, 199)

(avril) : 2000 miliciens et 7000 membres des FAR sont présents à Kigali (+HRW, 1999, 213). Le FPR dispose quant à lui du soutien de 3600 à 7200 personnes sur tout le Rwanda, dont entre 700 et 1400 à Kigali. Contrairement aux miliciens, les soutiens du FPR sont très peu armés (+HRW, 1999, 214).

(4 avril) : Lors d’une réception organisée pour célébrer la fête nationale du Sénégal et en présence de Roméo Dallaire, Luc Marchal et Jacques Roger Booh- Booh, Théoneste Bagosora déclare que « la seule solution plausible pour le Rwanda serait l’extermination des tutsis » (+HRW, 1999, 200) A New York, le budget de la MINUAR est formellement approuvé (+HRW, 1999, 158)
L’attentat (6 avril 1994)

(6 avril) : A 20h22, le Falcon Mystère présidentiel transportant Juvénal Habyarimana, le Président du Burundi Cyprien Ntaryamira, les ministres burundais Bernard Ciza et Cyriaque Simbizi, le général- major Déogratias Nsabimana, chef d’Etat Major des FAR, le Major Thadée Bagaragaza, Juvénal Renzaho, conseiller du président, le docteur Emmanuel Akingeneye, médecin personnel d’Habyarimana mais aussi le Colonel Elie Sagatwa, membre éminent de l’Akazu, chef officieux de la Garde présidentielle et beau frère de Juvénal Habyarimana est abattu peu avant son atterrissage à Kigali. Les douze passagers, dont 3 membres d’équipage français (le pilote Jacky Héraud, le co- pilote Jean- Pierre Minoberry et le navigateur Jean- Michel Perrine) sont tués (++Reyntjens, 1995, 21 ; Eltringham, 2004, 111). Plusieurs hyptohèses ont été émises quant à l’identité des auteurs de l’attentat : - Des éléments radicaux du régime de Juvénal Habyarimana et de l’armée, aidés ou non par des militaires francais (+ Reyntjens, 1995, 20- 32) - Une tentative de coup d’Etat démocratique, menée par les factions non- Power de l’opposition intérieure au MRND soutenue ou non par le FPR (+ Reyntjens, 1995, 33- 38) - Le FPR, soutenu ou non par des militaires belges (+Reytjens, 1995, 38- 44)

A 21 heures, une réunion se tient à l’Etat- Major de l’armée rwandaise, regroupant les principaux officiers, dirigée par Théoneste Bagosora (directeur de cabinet au ministère de la Défense), que rejoint le général Dallaire vers 22 heures. Pendant cette réunion, s’il s’affirme comme l’homme fort de la crise en cours, Théoneste Bagosora ne parvient pas à faire transférer le pouvoir à l’armée, ni à faire nommer un de ses proches à la tête de l’Etat major (++ Braud, 2005, 443 ; Reyntjens, 1995, 52- 53). Le poste échoit au Colonel Marcel Gatsinzi, personnalité isolée sur le plan institutionnel et absente de Kigali. Immédiatement après l’attentat, des tirs sporadiques éclatent dans le camp militaire voisin de Kanombe. Les habitants de la colline de Masaka, lieu d’où les missiles ont été tirés, sont abattus (+HRW, 1999, 215- 217). Les responsables du MRND et leurs familles sont évacués dans un camp militaire. Faustin Twagiramungu est évacué au quartier général de la MINUAR. De nombreux membres de la mouvance présidentielle, ainsi que certaines personnalités de l’opposition vont se réfugier à l’ambassade de France (++HRW, 1999, 220- 221 ; Reyntjens, 1995, 63) Des barrages sont établis à Kigali dans l’heure qui suit l’attentat, des patrouilles Interahamwe circulent dans la ville bouclée par l’armée (++HRW, 1999, 221 ; Guichaoua, 1995, 523).
Les massacres d’avril à juillet 1994

Les massacres qui débutent la nuit du 6 avril 1994 durent jusqu’à la mi- juillet soit une centaine de jours (+Strauss, 2006, 1), lorsque le FPR contrôle l’ensemble du territoire rwandais. On ne connaîtra jamais le nombre des victimes, qui a fait l’objet de plusieurs estimations. Avec le temps, celles- ci se sont toutefois stabilisées : on estime qu’ au moins 500 000 tutsis (+HRW, 1999, 5) et 10 000 hutus (+ Strauss, 2006, 51) ont été assassinés. Par ailleurs diverses violences et tortures sont devenues quotidiennes au cours de cette période. S’il est contesté, le chiffre de 250 000 viols a été avancé (+Strauss, 2006, 52). Enfin, la reprise de la guerre et l’avancée du front ont provoqué l’exode de deux millions de civils principalement hutu, au Zaïre et en Tanzanie (+Strauss, 2006, 50). Le massacre systématique des civils tutsis rwandais (on estime que 75% d’entre eux ont été tués - + Strauss, 2006, 41) a été reconnu comme génocide par les Nations- Unies le 27 mai 1994. La campagne d’assassinats a été préparée, mais son organisation a été souple et n’a pas suivi les structures formelles de l’Etat (+HRW, 1999, 261). Elle a reposé sur trois pilliers essentiels : l’armée et la gendarmerie, les partis politiques et leurs milices et enfin l’administration nationale et locale.

- L’armée et la gendarmerie : au centre du dispositif organisant les massacres, le colonel Théoneste Bagosora, ancien directeur de cabinet du ministre de la Défense, a mis au point le « programme d’autodéfense civile », c’est- à- dire la distribution d’armes à une partie de la population, son entraînement au tir et au combat par la police communale et l’organisation de patrouilles, à partir de février 1993 (+HRW, 1999, 128- 132). N’étant pas assez influent pour assumer à lui seul la direction du pays et prendre la place de Juvénal Habyarimana, Théoneste Bagosora n’en demeure pas moins le protagoniste essentiel de la crise politique provoquée par l’attentat. Des militaires de premier plan comme le général Augustin Bizimungu, nommé chef d’Etat Major le 16 avril à la suite de Marcel Gatsinzi, le colonel Tharcisse Renzaho (préfet de Kigali) ou le lieutenant- colonel Anatole Nsengiyumva ont également participé à la mise en place des massacres (+HRW, 1999, 263). Sur les collines, à l’autre bout de l’échelle, en menant les bandes de civils à l’attaque, ou en distribuant des armes à la population, des militaires, souvent en retraite, aidés de la gendarmerie ont permi l’accomplissement quotidien des massacres (+HRW, 1999, 262- 266).

- Les partis politiques et les milices : la crise politique qui suit la mort de Juvénal Habyarimana, l’élimination de l’opposition et les massacres de tutsis consacrent la victoire des branches « power » de chaque parti politique. Aussi les responsables de partis comme Mathieu Ngirumpatse pour le MRND, ou Donat Murego du MDR participent- ils aux conseils des ministres du gouvernement intérimaire, ou le représentent dans les enceintes internationales (+ HRW, 1999, 262). Dans les communes, les représentants des partis politiques distribuent des armes, organisent leurs propres rondes et prennent l’initiative des assassinats lrosque l’administration y est réticente. Les milices comptaient sur un effectif de 2000 hommes à Kigali et d’un peu moins dans le reste du pays à la veille du 6 avril. Elles recrutent toutefois beaucoup pendant les massacres et atteignent vite un effectif compris entre 20 000 et 30 000 membres (+HRW, 1999, 268). Les plus actives d’entre elles sont les Interahamwe (proche du MRND), les Impuzamugambi (proche de la CDR) et sont rejointes le 12 avril par les Inkuba du MDR, suite à un discours de l’un des dirigeants du MDR Power Froduald Karamira (+HRW, 1999, 268- 269). De par leur nombre, les milices deviennent alors des forces supplétives de l’armée et sont déplacées d’une région à l’autre pour mettre en oeuvre les assassinats (+HRW, 1999, 270).

- L’administration : dès leur nomination, le président de la République Théodore Sindikubwabo et le premier Ministre Jean Kambanda apparaissent comme des personnalités faibles et s’il participent à leur exécution, ne sont pas à l’origine des décisions relatives aux massacres (+HRW, 1999, 273). Le reste de l’administration du pays, à tous les échelons intègre la campagne d’assassinats au reste de ses activités. Certains ministres, comme Pauline Nyiramasuhuko à Butare, Eliezer Niyitegeka à Kibuye, ou Justin Mugenzi, président du PL Power, en organisant des tournées à l’intérieur du pays et y représentant le gouvernement viennent encourager la campagne. Les préfets sont un rouage essentiel de transmission des ordres émis par Kigali et en surveillent les résultats. Les bourgmestres enfin se chargent d’abord de la mobilisation des paysans : ils supervisent l’organisation de « l’autodéfense civile » pour leur commune, envoient les conseillers recruter les hommes de domicile à domicile, dressent des listes de personnes à abattre (+HRW, 1999, 275).

Cette participation des gens ordinaires aux massacres a permis leur extension et leur rythme : en moins de trois semaines l’ensemble du pays est touché par la campagne (+Strauss, 2006, 50). Surtout, à partir du moment où elle est déployée, la violence atteint une intensité similaire dans l’ensemble du pays (+Strauss, 2006, 59). Les bourgmestres rassemblent les tutsis dans les lieux publics (stades, églises…) et font intervenir l’armée et les milices pour les tuer. Les pièces d’identité sont contrôlées sur des barrières installées aux principaux croisements (la mention ethnique est toujours présente sur les cartes d’identité). Des bandes (ibitero ) vont de maison en maison tuer ceux qui sont restés chez eux. Des battues sont organisées dans les champs pour qu’aucun ne s’y cache. Les pillages mis à part, on estime qu’au total environ 200 000 personnes ont participé directement aux assassinats, armée et milices comprises (+Strauss, 2004, 95). Le déroulement de la campagne connaît plusieurs inflexions, parce qu’il est intimement lié à la prise et à la consolidation du pouvoir autour de la faction du colonel Bagosora. Les heures qui suivent l’attentat du 6 avril et la journée du 7, la plupart des assassinats visent les opposants au Hutu Power et à la faction Bagosora. Celle- ci impose sa « légitimité » par l’assassinat de ses adversaires, l’usage de la violence réduisant les différentes options de transmission du pouvoir (+ Braud, 2005, 443) : le premier Ministre Agathe Uwilingiyimana, les deux candidats à la présidence de l’Assemblée Nationale de Transition, Félicien Ngango (PSD) et Landouald Ndasingwa (PL), le Président de la Cour Constitutionnelle Joseph Kavaruganda (+HRW, 1999, 225) sont assassinés, Faustin Twagiramungu, désigné comme premier Ministre par les accords d’Arusha, parvient à être évacué par la MINUAR (+Braud, 2005, 444).

Le 7 avril, les assassinats de tutsis commencent à Kigali, mais aussi dans les régions du pays où sont bien implantés les mouvements « power » (c’est- à- dire les préfectures de Gisenyi, Ruhengeri et Kigali Rural). Le 9, les massacres de tutsis deviennent systématiques à Kigali et se développent dans les préfectures de Byumba, Cyangugu, Gikongoro, Kibungo et Kibuye. Les préfectures de Gitarama et Butare ne sont atteintes qu’à partir des 14- 15 avril (+Strauss, 2006, 50/256). Les assassinats visent d’abord des cibles prioritaires : des listes de personnalités, aussi bien hutues que tutsies sont distribuées aux tueurs. A partir de la semaine du 11 avril, les autorités somment les tutsis de se rassembler dans des lieux publics, stades, ou édifices religieux : c’est le cas à l’Ecole Technique Officielle de Kigali, dans les stades de Kibuye et Cyangugu, dans les églises de Nyarubuye et Rukara en préfecture de Kibungo, à l’hôpital et à l’université de Butare, à la cathédrale de Nyundo à Gisenyi… (+HRW, 1999, 245- 246). Du fait de cette stratégie, la période qui s’étend du 11 avril au 1er mai est la plus meurtrière. Nommé le 8 et installé le 12 à Gitarama, le gouvernement intérimaire, au bord de la banqueroute, a besoin de l’aide internationale (+HRW, 1999, 331). Afin de rétablir sa réputation, il ordonne à partir de la dernière semaine d’avril que les massacres deviennent moins visibles et met en place à cette fin une campagne de « pacification » (+HRW, 1999, 331) : pendant que des représentants du gouvernements se rendent au Kenya, en Europe, en France et devant les Nations Unies (+HRW, 1999, 332- 333) des instructions sont données par les autorités administratives et à la radio pour que cessent les violences et que les cadavres soient retirés des routes (+HRW, 1999, 334- 339). Toutefois les meurtres continuent : des groupes armés viennent chaque jour prélever des groupes de tutsis dans les églises de Kigali et vont les exécuter dans des endroits isolés (+HRW, 1999, 331). Si elle se veut discrète, le violence ne s’en prolonge pas moins jusqu’à la mi- juillet. Au lendemain de l’attentat, le 7 avril, le FPR reprend l’offensive, attaque par deux axes du Nord vers le Sud et le Sud Est, en direction de Kigali (où plus de 600 de ses hommes sont stationnés depuis décembre) et Byumba. Celle- ci est prise le 21 avril (+Guichaoua, 1995, 526). Le 1er mai, le FPR contrôle la frontière tanzanienne (+Guichaoua, 1995, 528). Le 4 débute la bataille pour Kigali qui dure jusqu’au 4 juillet. Hormis leur résistance à Kigali, les FAR, qui sont mobilisées pour les massacres et ne bénéficient plus du soutien militaire actif de la France s’effondrent. Le FPR encercle Ruhengeri le 6 mai, prend Nyanza (préfecture de Butare) le 29, Gitarama le 13 juin et Gisenyi le 17 juillet (+Guichaoua, 1995, 532). Pendant toute la durée de cette offensive le FPR arbitre en faveur de la réalisation de ses objectifs militaires au détriment de la sauvegarde des personnes menacées (+Kuperman, 2004, 78).

La première réaction de la communauté internationale face à la crise est d’évacuer ses ressortissants. Le 9 avril, 300 parachutistes français prennent le contrôle de l’aéroport de Kigali (opération Amaryllis), tandis que Bruxelles déploie 600 parachutistes belges le lendemain. Les opérations d’évacuation des expatriés sont menées conjointement et l’opération prend fin le 14 avril. Le 7 avril, dix casques bleus belges chargés de la protection d’Agathe Uwulingiyimana sont désarmés et conduits au camp Kigali, où ils sont tués (+Guichaoua, 1995, 523). Le 14, la Belgique annonce le retrait de ses 450 soldats de la MINUAR. Les nations qui peuvent prétendre à une influence dans la région des Grands- Lacs abordent la crise en fonction de leurs préoccupations intérieures et celles- ci plaident toutes en faveur d’un engagement minimal : la Belgique en raison de l’émoi provoqué par l’assassinat de dix d’entre eux ne souhaite que le retrait de ses casques bleus. Les Etats- Unis, qui ont en mémoire le fiasco de leur intervention somalienne en 1992 (+HRW, 1999, 729) refusent de s’engager dans une crise éloignée de leurs intérêts. La France se satisfait d’un statut quo qui sert ses clients (+HRW, 1999, 697).

Très vite, un consensus se forme au Conseil de Sécurité, dont l’ironie a fait du Rwanda l’un des membres, en faveur d’un retrait au moins partiel du contingent de la MINUAR. Le 22, une résolution des Nations Unies réduit celui- ci au strict minimum, soit 120 civils et 150 militaires, sous le commandement du général Dallaire. L’ampleur des massacres, les réactions indignées d’ONG comme Human Rights Watch ou la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, ou d’autorités morales comme le Pape Jean- Paul II qui parle de génocide le 27 avril conduisent toutefois à un réexamen des choix opérés aux Nations Unies. Si une MINUAR II forte de 5500 hommes est prévue par la résolution adoptée le 17 mai, son autorisation définitive n’est adoptée que le 8 juin et son déploiement encore retardé de plusieurs semaines du fait du peu d’empressement mis par les Etats membres à contribuer à la mission en moyens humains et militaires (+HRW, 1999, 753).

Un tel contexte de lenteur permet au gouvernement français de lancer l’opération Turquoise. La décision a plusieurs raisons. Elle répond à la fois aux différents appels pour une intervention au Rwanda et à la campagne de presse naissante qui dénonce les rapports entre le gouvernement français et le régime de Juvénal Habyarimana. Surtout, Turquoise est le produit de la cohabitation à la tête de l’exécutif français. Cette dernière multiplie le nombre des participants à la décision (Président de la République, premier Ministre, Ministre des Affaires Etrangères) et rend plus probable la recherche d’un consensus que l’adoption unilatérale des décisions de l’Elysée. Ensuite, la rivalité entre balladuriens (proches du premier Ministre Edouard Balladur) et chiraquiens (dont le Ministre des Affaires Etrangères Alain Juppé) pour les élections présidentielles de 1995 se nourrit de la crise rwandaise. Edouard Balladur est opposé à l’intervention, Alain Juppé y voit au contraire une possibilité d’initiative pour le compte de son champion (+Braud, 2005, 480). La France est autorisée par la résolution 929 du Conseil de sécurité des Nations Unies votée le 22 juin, à déployer ses troupes au Rwanda pendant deux mois, en attendant leur relève par les casques bleus de la MINUAR II. Turquoise est une opération humanitaire multinationale d’assistance aux civils, autorisée à recourir à la force. Toutefois, seul le Sénégal accepte de d’envoyer un contingent venant renforcer les 2494 soldats français (+HRW, 1999, 783). En France, les derniers soutiens des FAR se sont opposés à une telle opération, parce qu’elle monopolisait l’aéroport de Bukavu et risquait d’empêcher l’approvisionement des FAR en munitions (+Braud, 2005, 480). Les objectifs réels de la mission semblent n’avoir été ni militaires ni humanitaires, mais essentiellement médiatiques (++Braud, 2005, 482 ; Lanotte, 2007, 477).

Quatre phases de l’opération peuvent être distinguées :

- du 22 au 28 juin, la première partie de Turquoise consiste d’abord en des missions de reconnaissance sur une profondeur de 15 km à l’intérieur du territoire rwandais à partir des villes zaïroises de Goma et Bukavu. Au Nord, à partir de Goma, le détachement « Diego » parcourt la région de Gisenyi et procède à des exfiltrations (+Lanotte, 2007, 436). Au Sud, le détachement Thibault entre au Rwanda par Cyangugu et atteint le camp de réfugiés de Nyarushishi (+Lanotte, 2007, 435).

- du 28 juin au 4 juillet, les détachements de Turquoise entrent plus profondément au Rwanda, vers Gikongoro, et atteignent Butare le 3 juillet. Les incursions dans le Nord sont arrêtées. Au cours de cette seconde phase, les forces françaises connaissent plusieurs accrochages avec les troupes du FPR dont elles rencontrent l’avancée (+Lanotte, 2007, 437).

- du 4 juillet à la fin juillet : une Zone Humanitaire Sûre (ZHS) interdite à tout belligérant est crée sur le quart Sud- Ouest du pays, c’est- à- dire les limites des préfectures de Cyangugu, Kibuye et Gikongoro réunies, soit environ 4500 km2. Plusieurs centaines de milliers de civils, et des milliers de miliciens et de militaires viennent s’y réfugier. Les accrochages avec le FPR se multiplient, à la fois sur les limites de la ZHS, mais également au nord, entre Gisenyi (reprise par le FPR le 17 juillet), et Goma où sont stationnées une partie des troupes françaises. Plusieurs membres du Gouvernement Intérimaire se réfugient dans la ZHS à Cyangugu, puis traversent la frontière et entrent au Zaïre (+Lanotte, 2007, 437- 444)

- de la fin juillet au 22 août : la dernière phase de Turquoise consiste en la préparation de la relève par la MINUAR. Elle est marquée par des tensions croissantes avec les milices et les éléments des FAR au sein de la ZHS. En certains endroits de la zone, du fait du nombre limité de militaires français, des barrages se reconstituent après leur départ, et les tutsis menacés risquent à nouveau l’assassinat. Le 22 août, l’opération Turquoise est terminée, et passe le relais aux casques bleus de la MINUAR renforcée (+Lanotte, 2007, 444- 446)

On estime que l’opération Turquoise a sauvé entre 15 000 et 17 000 personnes menacées (+HRW,1999,799 ; 10 000 à 15 000 selon Lanotte, 2007, 483). Mais les militaires français n’ont pas désarmé les milices (++Braud, 2005, 486 ; Lanotte, 2007, 441), ni les FAR qui se trouvaient sur la ZHS (+HRW, 1999, 798). Enfin, Turquoise n’a pas aidé à l’arrestation des responsables des massacres qui s’étaient réfugiés dans la ZHS et ont pu s’enfuir vers le Zaïre (+HRW, 1999, 796). On ignore toutefois si les troupes françaises ont aidé ces responsables à organiser leur fuite (+HRW, 1999, 797).

Séquence Chronologique :

(7 avril) : Très tôt le matin, les troupes du FPR stationnées près de la frontière ougandaise font mouvement vers Kigali (++Guichaoua, 1995, 523 ; Reyntjens, 1995, 43). La ville est contrôlée par la garde présidentielle. Vers 5 heures du matin, commencent les assassinats systématiques d’opposants recherchés à leur domicile, suivant des listes pré- établies : - vers neuf heures, dix casques bleus belges, chargés de protéger le domicile du Premier Ministre Agathe Uwilingiyimana et de l’escorter jusqu’à la radio nationale où elle doit prononcer une déclaration relative au vide institutionnel provoqué par la crise, sont désarmés par des éléments de l’armée rwandaise et conduits au camp Kigali des FAR où ils sont tués (++Reyntjens, 1995, 71 ; Guichaoua, 1995, 523). Réfugiée chez un voisin, Agathe Uwilingiyimana est retrouvée par les militaires rwandais, ramenée chez elle et assassinée avec son mari (+Reyntjens, 1995, 69).

- A Kigali, les milices Interahamwe et Impuzamugambi, escortées par les gardes républicains et transportés par camion, bouclent les quartiers, dressent des barrages et massacrent opposants et tutsis. Félicien Ngango, vice- président du PSD, candidat à la présidence de l’Assemblée Nationale de transition et Landouald Ndasingwa président du PL et ministre du travail et des affaires sociales sont assassinés, ainsi que Joseph Kavaruganda, MDR, président de la Cour constitutionnelle, Faustin Rucogoza, ministre MDR de l’information, Frédéric Nzamurambaho, président du PSD et ministre de l’agriculture, Déogratias Havugimana, MDR, chef de cabinet du ministre des affaires étrangères (+++ Guichaoua, 1995, 523 ; HRW, 1999, 225 ; Eltringham, 2004, 95- 96). Outre ces personnalités de premier plan, des journalistes, des religieux, des membres d’associations de défense des droits de l’homme sont tués dans la journée (+Braud, 2005, 445). Une réunion des responsables de partis est prévue dans la matinée à l’ambassade des Etats- Unis, mais ne peut être organisée, faute d’escorte de la MINUAR, qui est paralysée par la Garde Présidentielle (+Guichaoua, 1995, 523). A 10h15 un ‘comité de crise’ est constitué à l’ESM par des personnalités militaires, autour du Général Ndindiliyimana et du Colonel Bagosora (+Reyntjens, 1995, 81).

A Kigali, des incendies sont déclarés dans les quartiers de Nyamirambo, Kiyovu, Gikondo et Remera. Au centre Christus, dix- sept religieux et religieuses sont assassinés (+Guichaoua, 1995, 523). Les habitants du quartier de Gatenga, à Kigali, vont se réfugier à l’Ecole Technique Officielle (ETO) (+HRW, 1999, 720). La MINUAR est chassée de l’aéroport dans l’après midi. A 16h30, une sortie de 200 hommes du FPR est annoncée pour dégager le CND où ils sont cantonnés (+Guichaoua, 1995,523). Le FPR tue au moins 121 personnes dans le quartier de Remera à Kigali, notamment le colonel en retraite Pontien Hakizimana, l’épouse et les enfants du major Nuhaba, l’économiste Daniel Rwamaniye, le juriste Félicien Mbanzarugamba, l’épouse et les enfants du sous- préfet Faustin Sekagina, l’agronome Aloys Habimana, l’avocat Paul Bizimana, le docteur Charles Mujwangeyo et l’ancien ministre de la justice Théoneste Mujyanama (+Reyntjens, 1995, 62). A 23h40, le Quartier Général du secteur de Kigali de la MINUAR précise que toutes les personnes de nationalité rwandaise qui s’y sont réfugiées doivent en avoir quitté les cantonements pour le lendemain matin (+Reyntjens, 1995, 63). En une journée, plusierus milliers de personnes ont été tuées à Kigali (+Braud, 2005, 445). Les massacres atteignent très vite la préfecture de Gisenyi, sous la direction du colonel Anatole Nsengiyumva : des miliciens tuent cinquante personnes à Nyondo, 43 à l’Eglise de Busogo et 150 dans la paroisse de Busasamana. Dès le matin, les assassinats débutent à Rambura, commune dont Juvénal Habyarimana est originaire (+Braud, 2005, 445). Plusieurs centaines de personnes sont massacrées sur le campus de l’université adventiste du septième jour à l’Est de Gisenyi. Les massacres se diffusent également vers le sud et le nord de Kigali, ainsi que vers les préfectures de Cyangugu et Gikongoro (+HRW, 1999, p. 233, 244). A la fin de l’après midi et après avoir averti Roméo Dallaire de leur intention d’intervenir s’il n’était pas mis fin aux meurtres, les troupes du FPR cantonnées au CND attaquent en direction du camp de la Garde Présidentielle. En réponse, les soldats de FAR, les miliciens, mais aussi des civils installent plusieurs centaines de barrières de contrôle partout dans Kigali (+Strauss, 2006, 47- 48).

(8 avril) : Toute la matinée, Kigali est traversée de camions de miliciens, le téléphone est progressivement coupé dans la plupart des quartiers, ce qui isole un peu plus les personnalités menacées (+ Guichaoua, 1995, 525). Les assassinats systématiques de tutsis se prolongent, ainsi que viols et tortures. Des pillages, notamment par les milices Interahamwe, ont lieu toute la journée et continuent tard dans la nuit dans la région de Kigali. L’organisation des massacres s’appuie dans un premier temps sur l’installation de barrières en travers des voies publiques et l’organisation de patrouilles (+HRW, 1999, 247- 249). Plusieurs dizaines de personnes sont tuées à l’Eglise de Nyamirambo (++Guichaoua, 1995, 523 ; HRW, 1999, 244). Deux mille personnes, tutsies pour la plupart, sont assassinées à Mudasomwa (Gikongoro) (+Braud, 2005, 445). Le gouvernement intérimaire est formé, sous la férule de Théoneste Bagosora, au cours d’une réunion où sont présents les principaux dirigeants des lignes Power des partis politiques : Mathieu Ngirumpatse (MRNDD), Froduald Karamira (MDR), Joseph Nzizorera (MRNDD), Edouard Karemera (MRNDD), Justin Mugenzi (PL) et Donat Murego (MDR). Théodore Sindikubwabo devient Président de la République et Jean Kambanda, premier Ministre, malgré des réticences initiales. Tous deux sont originaires de Butare (++HRW, 1999, 231 ; Strauss, 2006, 46). L’assassinat de trois ressortissants français (dont deux assistants militaires techniques, les gendarmes Maïer et Didot) par le FPR est annoncé par l’ambassade de France (+Lanotte, 2007, 346).

(9 avril) : Les massacres s’étendent vers le Bugesera. L’attaque de la mission catholique du quartier de Gikondo à Kigali par une soixantaine d’Interahamwe dirigés par Jean Ntawutagiripfa, fait entre 70 et 100 victimes parmi les réfugiés (++ Guichaoua, 1995, 525 ; HRW, 1999, 244). Le FPR propose une opération conjointe avec la MINUAR et les FAR, chacune devant fournir 300 hommes, pour arrêter les massacres (+HRW, 1999, 813). Le FPR attaque les villes de Byumba et Ruhengeri (+Guichaoua, 1995, 523). Le gouvernement intérimaire prend ses fonctions. Paul Kagame conteste, au nom du FPR, sa légitimité (+Guichaoua, 1995, 525). Dans le cadre de l’opération Amaryllis dirigée par le Général Henri Poncet, 200 soldats français, rejoints par des effectifs belges et américains procèdent à l’évacuation des expatriés occidentaux (+Braud, 2001, 773). Dix (douze, selon Lanotte, 2007, 348) membres ou proches de la famille Habyarimana dont Agathe Kanziga, veuve du Président et pilier de l’Akazu, Ferdinand Nahimana (fondateur de la RTLM), et Protais Zigiranyirazo (ancien préfet de Ruhengeri) sont évacués vers Paris (++ Guichaoua, 1995, 525 ; HRW, 1999, 234).

(10 avril) : Le ramassage des cadavres par camion commence dans les rues de Kigali (+Guichaoua, 1995, 523). 2000 personnes, dont 400 enfants, sont réfugiés à l’ETO sous la protection de 90 soldats de la MINUAR (+HRW, 1999, 720). Le nouveau gouvernement prête serment (+ Guichaoua, 1995, 525). Les FAR rejettent la proposition de force commune d’arrêt des massacres émise la veille par le FPR (+HRW, 1999, 813). Le chef d’Etat- Major par intérim Marcel Gatsinzi et le ministre de la défense ordonnent à leurs subordonnés de mettre un terme aux massacres de civils et les autorisent à recourir à la force si necessaire (+ HRW, 1999, 263). Le général Dallaire qui commande la MINUAR demande à ses supérieurs à New York des renforts en hommes doublant les effectifs dont il dispose, ainsi qu’un mandat élargi l’autorisant à user de la force. Il n’obtient ni l’un ni l’autre (+Power, 2003, 350)

(11 avril) : A cette date, environ 20 000 rwandais, en majorité tutsis, ont été massacrés (HRW, 1999, 235). A 14 heures, les soldats de la MINUAR quittent l’ETO, mobilisés pour l’évacuation d’expatriés occidentaux. Les 2000 réfugiés placés sous leur protection sont massacrés dans l’après- midi (++HRW, 1999, 721 ; Reyntjens, 1995, 63). 94 orphelins (essentiellement des enfants de militaires) de l’orphelinat Sainte- Agathe, patronné par la veuve du président, sont évacués vers Paris, dans le même avion que 34 personnalités rwandaises dont les services français refusent de dévoiler l’identité (+Guichaoua, 1995, 525) A partir de la semaine du 11 avril, et jusqu’au 1er mai, se déroule la phase la plus meurtière des massacres dont la dynamique est modifiée, les autorités cherchant à rassembler la population tutsi dans certains sites publics afin d’en faciliter l’assassinat(+HRW, 1999, 246).

(12 avril) : Le gouvernement intérimaire fuit Kigali et s’installe à Murambi, près de Gitarama, suivi par près d’un millier de miliciens (+HRW, 1999, 319). Le colonel Léonidas Rusatira et neuf autres officiers des FAR publient à Kigali un communiqué demandant une trêve et l’arrêt des massacres (+HRW, 1999, 239). Six ressortissants belges ont été tués en plus des casques bleus pendant la crise (+Guichaoua, 1995, 526).

(13 avril) : L’activité des miliciens et gardes présidentiels se déplace désormais vers l’intérieur du pays où les préfectures encore relativement calmes sont gagnées par la tourmente. Les premiers bus et bateaux de miliciens arrivent à Kibuye, jusque- là épargnée. (+Guichaoua, 1995, 523). Entre le 13 et le 15 avril, à Murambi, dans la préfecture de Byumba, des soldats du FPR tuent 78 personnes, dont 46 enfants (+HRW, 1999, 820). A Gishara, des soldats du FPR jettent des grenades sur la foule (+HRW, 1999, 821). A Kigali, en renfort des opérations d’évacuation Silverback (menée par la Belgique) et Amaryllis (menée par la France), une centaine de parachutistes italiens sont déployés à Kigali (+Lanotte, 2007, 286).

(14 avril) : La Belgique annonce le retrait de son contingent de la MINUAR (++Braud, 2001, 770 ; Guichaoua, 1995, 526). Boniface Ngulinzira, MDR, ancien ministre des Affaires Etrangères, est assassiné par la Garde Présidentielle (+Eltringham, 2004, 95). Les opérations d’évacuation des expatriés sont considérées comme achevées et les troupes françaises déployées pour l’opération Amaryllis se retirent, cinq jours après leur déploiement. En tout, les troupes françaises ont évacué 1238 personnes, dont 454 français (+Guichaoua, 1995, 526 ; Lanotte, 2007, 349). Toutefois une vingtaine de conseillers militaires français, tous volontaires, seraient restés au Rwanda assister les FAR après le départ d’Amaryllis, et jusqu’au déploiement de Turquoise. La présence au Rwanda de ces hommes n’a jamais été officiellement reconnue par la France (+Lanotte, 2007, 368).

(15 avril) : Madeleine Albright, ambassadeur des Etats- Unis devant les Nations Unies, demande le retrait complet de la MINUAR (+Power, 2003, 367).

(16 avril) : Des affrontements ont lieu à Nyamirambo (Kigali) entre milices Interahamwe et des tutsis armés, qui jusqu’alors avaient été protégés par la gendarmerie. Les massacres débutent à Butare (+Guichaoua, 1995, 526). Le général Augustin Bizimungu est nommé Chef d’Etat- Major, en remplacement de Marcel Gatsinzi (+HRW, 1999, 310). Théoneste Gafaranga, second vice- président du PSD, est assassiné par les milices Interahamwe (+Eltringham, 2004, 95)

(17 avril) : Le Conseil des ministres destitue Jean- Baptiste Habyalimana, Préfet de Butare (le seul préfet tutsi du Rwanda) qui s’était opposé aux massacres. Celui- ci est exécuté, ainsi que toute sa famille. Le préfet de Kibungo, Godefroid Ruzindana, subit le même sort. François Karera est nommé Préfet de Kigali (++AR, 1995, 337 ; HRW, 1999, 311). Le FPR demande la suppression de la Garde Présidentielle et la dissolution du gouvernement intérimaire en préalable à toute négociation (+Guichaoua, 1995, 526).

(18 avril) : Dans le stade de Kibuye deux à trois mille personnes regroupées par les bourgmestres sont tuées. Le préfet Clément Kayishema prend personellement part aux massacres (+Guichaoua, 1995 526). A Gitarama, une entrevue oppose le Préfet (Fidèle Uwizeye) et bourgmestres de la région aux responsables gouvernementaux : ces derniers enjoignent les responsables locaux à ne pas s’opposer aux violences, sans pour autant leur donner d’ordres précis (+HRW, 1999, 321). Le FPR attaque les locaux de la RTLM sans réussir à la faire cesser d’emettre (+ Guichaoua, 1995, 526).

(19 avril) : A Kigali, les massacres se poursuivent en ville lors des contrôles d’identité filtrant la population. Les FAR bombardent le stade Amahoro et y tuent 25 personnes. La Garde Présidentielle prend le contrôle de Butare (+Guichaoua, 1995, 526). L’ONG Human Rights Watch estime que le nombre des victimes s’élève à 100 000 à cette date (+ Power, 2003, 357).

(20 avril) : Les derniers casques bleus belges quittent Kigali (+Guichaoua, 1995, 526)

(21 avril) : le FPR prend Byumba et y transfère son quartier général (auparavant installé à Mulindi). Ses soldats tuent 300 personnes, dont certaines auraient participé aux massacres (+HRW, 1999, 821).

(22 avril) : La résolution 912 des Nations Unies changeant le mandat de la MINUAR est adoptée: cette dernière est réduite au strict minimum (120 civils et 150 militaires sous le commandement du général Roméo Dallaire). Encadrés par les milices du MRNDD 250 000 réfugiés hutus, quittent leurs communes d’origine et franchissent la frontière tanzanienne (+Guichaoua, 1995, 528)

(23 avril) : A l’hôpital de Butare, 160 blessés tutsis sont assassinés. Un cessez- le- feu dure trois jours (+Guichaoua, 1995, 528).

(24 avril) : Les responsables administratifs, militaires (Augustin Bizimungu) et les chefs de milices (notamment Robert Kajuga, fondateur des Interahamwe ) se réunissent pour organiser la campagne de « pacification » l’organisation des massacres est rendue moins visible et s’accompagne de discours d’appel au calme de la part des autorités (+HRW,1999, 334- 335)

(26 avril) : Radio Rwanda annonce la mise en place officielle du « programme d’autodéfense civile » (+HRW, 1999, 327)

(27 avril) : Le FPR prend Rwamagana (+Guichaoua, 1995, 528). A Paris, Bruno Delaye, Edouard Balladadur et Alain Juppé reçoivent une délégation du gouvernement intérimaire conduite par Jérôme Bicamumpaka, son ministre des affaires étrangères et Jean- Bosco Baryagwiza, dirigeant de la CDR (+++ Guichaoua, 1995, 528 ; HRW, 1999, 333 ; Lanotte, 2007, 355).

(28 avril) : L’ONG Oxfam réévalue le nombre de victimes à 500 000 personnes (+ Power, 2003, 357). A cette date le terme de génocide a été employé plusieurs fois pour qualifier les évènements, dans la presse écrite (Libération du 11 avril, Le Soir du 13 avril), ou à la télévision (interview de Bernard Kouchner sur TF1 le 26 avril) (+Sémelin, 2005, 193- 194).

(30 avril) : Le FPR prend Rusumo, à la frontière tanzanienne. La veille, les combats ont commencé à Gitarama. A New- York, le Conseil de Sécurité des Nations Unies condamne les massacres, mais refuse d’employer à leur sujet le terme de génocide, sur l’insistance des Etats- Unis et de la Grande- Bretagne (+++Guichaoua, 1995, 528 ; HRW, 1999, 333 ; Power, 2003, 361). Le FPR se déclare opposé à toute nouvelle intervention des Nations Unies (HRW, 1999, 815).

(1er mai) : Le FPR contrôle la frontière tanzanienne au Sud- Est du pays. Le bombardement de l’Eglise de la Sainte Famille à Kigali fait 12 morts (+ Guichaoua, 1995, 528). A Butare 21 enfants orphelins et 13 volontaires de la croix rouge sont tués par des miliciens et des militaires. La cathédrale de Nyundo, près de Kigali est attaquée par des miliciens : 218 rescapés sont assassinés. La RTLM annonce l’extermination totale des tutsis de Kigali et réclame l’assassinat de tous les tutsis rwandais avant le 5 mai, jour des funérailles de Juvénal Habyarimana (+HRW, 1999, 337)

(3 mai) : Au centre Saint- Paul à Kigali, les milices prélèvent cinq personnes réfugiées par jour et les tuent (+Guichaoua, 1995, 528). C’est le début de la période de « pacification ».

(9- 13 mai) : A Paris, Ephrem Rwabalinda, conseiller du chef d’Etat Major des FAR rencontre le Général Jean- Paul Huchon, chef de la mission de coopération militaire, pour lui demander une livraison d’armes et de munition. Huchon ne rejette pas la principe d’une telle aide mais la soumet à l’amélioration de l’image du Rwanda à l’étranger (++Braud, 2005, 478 ; Guichaoua, 1995, 529).

(12 mai) : A la demande du FPR, l’ancien ministre français de l’action humanitaire Bernard Kouchner arrive à Kigali. Il intervient deux jours plus tard à la radio gouvernementale pour demander l’arrêt des massacres (+Guichaoua, 1995, 529)

(17 mai) : La résolution 918 du conseil de sécurité prévoyant l’envoi au Rwanda d’une force internationale d’interposition et d’aide humanitaire (5 500 hommes) et la prolongation de la MINUAR est votée. Cette résolution n’est suivie d’aucune mesure concrète dans les semaines qui suivent (+ Guichaoua, 1995, 529).

(19 mai) : Le FPR bombarde le centre hospitalier de Kigali. En représailles, les FAR bombardent le quartier général de l’ONU, situé dans la zone de Kigali contrôlée par le FPR (+Guichaoua, 1995, 529).

(20 mai) : A Murambi où se sont repliées les autorités du gouvernement intérimaire, un Conseil de Gouvernement élargi aux chefs des principaux partis politiques publie une liste de douze officiers, dont Marcel Gatsinzi, et Ephrem Rwabalinda, considérés comme des traîtres à la cause Power et devant être assassinés (+Lanotte, 2007, 316).

(21 mai) : Le secrétaire d’Etat américain Warren Christopher autorise ses diplomates à parler ‘d’actes de génocide’ au Rwanda (+Power, 2003, 359).

(25 mai) : Jean Kambanda rend public l’organigramme du « programme d’autodéfense civile », dont le commandant national est le colonel Athanase Gasake (+HRW, 1999, 329). Boutros- Ghali, secrétaire général des Nations Unies, qualifie le comportement de la communauté internationale envers le Rwanda de « scandale » (+Braud, 2005, 480).

(27 mai) : Les miliciens abandonnent Kigali (+ Guichaoua, 1995, 530).

(3 juin) : Vincent Nsengiyumva, archevêque catholique de Kigali, ainsi que trois évêques et de dix prêtres sont enlevés et assassinés à la paroisse de Byimana, près de Kagbayi, par le FPR (++ Guichaoua, 1995, 530 ; HRW, 1999, 829).

(10 juin) : Une partie du gouvernement intérimaire se replie sur Gisenyi, tandis que le premier Ministre installe ses quartiers à Murambi, près de Gitarama (+Guichaoua, 1995, 530).

(13 juin) : Le FPR prend Gitarama (+Guichaoua, 1995, 530).

(14 juin) : A Paris, le Conseil des Ministres dirigé par François Mitterrand décide d’une intervention militaro- humanitaire conduite par la France au Rwanda (+Lanotte, 2007, 338).

(16 juin) : Le FPR évacue partiellement les otages retenus par les miliciens à l’Eglise Sainte Famille de Kigali, après l’assassinat de plus de 60 adolescents(+Guichaoua, 1995, 530).

(22 juin) : La résolution 929 du conseil de sécurité autorise la France à déployer une force intérimaire destinée à précéder l’arrivée des renforts de la MINUAR(++Guichaoua, 1995, 531 ; Lanotte, 2007, 339).

(23 juin) : C’est le début de l’opération Turquoise, intervention française de maintien de la paix au Rwanda : 2500 hommes prennent progressivement position à Goma et Bukavu au Zaïre. Sous la direction du colonel Didier Thibault (de son vrai nom Didier Tauzin, qui avait auparavant servi comme conseiller militaire des FAR en 1992), un détachement du contingent de Turquoise pénètre au Rwanda par le Sud- Ouest et se rend à Nyarushishi, où il supervise le démantèlement des barrières. Mais le même jour, un détachement de 200 soldats français de Turquoise prend position à Gisenyi, où s’est retiré le gouvernement intérimaire, sans démanteler les barrières tenues par les miliciens. Les soldats français sont accueillis par les vivats des présentateurs de la RTLM et de Radio- Rwanda (+HRW, 1999, 784).

(24 juin) : Le colonel Thibault affirme avoir l’intention de déplacer ce détachement vers Ruhengeri, assiégée par le FPR (+HRW, 1999, 784).

(26 juin) : Le journaliste Sam Kiley informe les soldats français du détachement Omar commandé par le Capitaine de corvette Marin Gillier des massacres commis contre les tutsis dans la vallée de Bisesero (préfecture de Kibuye), à quelques kilomètres d’un camp français (++HRW, 1999, 788 ; Lanotte, 2007, 469).

(27 juin) : Alerté par deux religieuses de Kibuye, le Lieutenant colonel Duval, commandant un détachement de Turquoise se dirige vers les collines de Bisesero, en commune Gishyita, où se sont réfugiés des tutsis menacés quotidiennement d’extermination depuis avril. Le détachement rencontre de premiers rescapés au nord de la zone (+Lanotte, 2007, 462- 463). Estimant ne pas disposer moyens suffisants pour sécuriser la zone, Duval annonce aux rescapés son départ vers Kibuye, et promet de revenir au plus vite (+Lanotte, 2007, 464).

(29 juin) : François Léotard, ministre français de la Défense visite le poste de Turquoise situé près de Bisesero (Kibuye). Il est pris à parti par le journaliste américain Raymond Bonner au sujet de Bisesero ou aucun renfort de Turquoise ne s’est encore rendu.

(30 juin) : Le capitaine Marin Gillier, dirigeant le détachement « Omar » se rend semble- t- il fortuitement à Bisesero, et y découvre de nombreux sites de massacres, ainsi qu’entre 800 et 1000 survivants (++HRW, 1999, 790 ; Lanotte, 2007, 464). Dans l’intervalle de trois jours séparant leur découverte par le détachement « Diego » de leur mise en sécurité par le détachement « Omar », environ un millier de rescapés de Bisesero ont été massacrés, sous la direction du bourgmestre de Gishyita, Charles Sikubwabo (+Lanotte, 2007, 471). On ignore encore les raisons de ce retard (+Lanotte, 2007, 465- 470).

(2 juillet) : A Runda (préfecture de Gitarama), 30 à 40 personnes sont tuées sous les ordres du Major Sam Bigabiro, du FPR (+HRW, 1999, 824). La France décide d’instaurer une Zone Humanitaire Sûre, dans le quart Sud- Ouest du pays.

(3 juillet) : Le FPR et les soldats de Turquoise échangent des coups de feu lors de l’avancée du FPR vers Gikongoro (++ HRW, 1999, 791 ; Guichaoua, 1995, 532). Alors que le FPR se prépare à prendre Butare, les troupes françaises en évacuent par convoi près de 1000 personnes, vers le Burundi et Bukavu (+Lanotte,2007, 437).

(4 juillet) : Le FPR prend Kigali et Butare. Les troupes françaises présentes à Gikongoro reçoivent l’ordre de constituer un front contre l’avancée du FPR (+HRW, 1999, 791). A Kigali, il ne reste que 20 000 survivants tutsis (+Lanotte, 2007, 320).

(5 juillet) : Une Zone Humanitaire Sûre est mise en place dans le quart Sud- Ouest du Rwanda (préfectures de Gikongoro, Cyangugu et Butare) (+Guichaoua, 1995, 532). Les troupes françaises de Turquoise se retirent de Gisenyi (+HRW, 1999, 793)

(6 juillet) : Sous la direction du colonel Rusatira, plusieurs officiers rwandais signataires de l’appel du 12 avril et réfugiés en Zone Humanitaire Sûre, signent la ‘déclaration de Kigeme’ dans laquelle ils condamnent et s’engagent à combattre le génocide et appellent à un cessez- le- feu et à des négociations avec le FPR (+HRW, 1999, 800).

(13 juillet) : Plusieurs centaines de déplacés de sexe masculin, originaires des communes de Ntyazo, Ngenda et Runyinya, disparaissent après avoir été regroupés par le FPR dans les bâtiments du groupe scolaire et de l’école vétérinaire de Butare (+HRW, 1999, 836).

(14 juillet) : Le FPR prend Ruhengeri (+Guichaoua, 1995, 532)

(17 juillet) : Le FPR prend Gisenyi. Faustin Twagiramungu est nommé premier Ministre, selon la procédure prévue par les accords d’Arusha (+Guichaoua, 1995, 532). 600 000 réfugiés ont franchi la frontière zaïroise et s’installent à Goma, malgré la suspension du pont aérien humanitaire après le bombardement de l’aéroport de Goma par le FPR. Mêlés aux réfugiés, 10 000 soldats des FAR ont également passé la frontière. Ils récupèrent pendant la nuit leurs armes, munitions, véhicules, canons… Les membres du gouvernment intérimaire, emmenant avec eux les réserves de la Banque Centrale, le chef d’Etat major des FAR, le personnel de la radio nationale se réfugient au Zaïre. Il menacent de mort tous les rwandais qui ne les suivraient pas (+Guichaoua, 1995, 532).

(18 juillet) : Un cessez- le- feu de facto est déclaré par le FPR (+Guichaoua, 1995, 533). C’est la fin de la guerre.

(22 juillet) : Le nouveau gouvernement rwandais appelle au retour des réfugiés et à la reprise du travail des fonctionnaires (+Guichaoua, 1995, 533).

(15 août) : Le général canadien Guy Toussignant prend la direction de la MINUAR II dont les effectifs atteignent 1624 militaires (sur un effectif de 5500 initialement prévu par le Conseil de Sécurité) (+Guichaoua, 1995, 535).

(21 août) : Les troupes de l’opération Turquoise entament leur retrait (+Guichaoua, 1995, 535).
Acronymes :

CDR : Coalition pour la Défense de la République

CND : Conseil National de Développement

ESM : Ecole Supérieure Militaire

ETO : Ecole Technique Officielle

FAR : Forces Armées Rwandaises

FPR : Front Patriotique Rwandais

MDR : Mouvement Démocratique Républicain

MINUAR : Mission des Nations Unies pour l’Assistance au Rwanda

MRND : Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement

MRNDD : Mouvement Républicain National pour le Développement et la Démocratie

PL : Parti Libéral

PDC : Parti Démocrate Chrétien

PSD : Parti Social Démocrate

REP : Régiment Etranger de Parachutistes

RTLM : Radio- Télévision Libre des Mille collines

TPIR : Tribunal International pour le Rwanda
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Sources supplémentaires citées pour les notices biographiques :

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TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA, Le procureur du Tribunal contre Théoneste Bagosora, Acte d’accusation amendé, n° de dossier ICTR- 96- 7- I, 12 août 1999

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Viret Emmanuel, Chronologie du Rwanda (1867- 1994), Violence de masse et Résistance - Réseau de recherche, [en ligne], publié le : 8 Mars, 2010, accéder le 25/10/2019, https://www.sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance/fr/document/chronologie-du-rwanda-1867-1994, ISSN 1961-9898

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