Fiche du document numéro 26652

Num
26652
Date
Samedi 6 juin 2020
Amj
Taille
809024
Titre
6 Juin 1994 : accentuation des stratégies pour redorer l’image du gouvernement de Kambanda dans la communauté internationale et inquietudes sur le plan militaire
Source
Type
Communiqué
Langue
FR
Citation
A mesure que le Gouvernement génocidaire cédait du terrain dans la guerre qu’il menait contre le FPR Inkotanyi, il cherchait tous les moyens possibles pour ne pas perdre la guerre, parmi lesquels l’achat d’armes en violation de la résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies qui interdisait à tous les pays de vendre des armes au Rwanda. Le Gouvernement a continué en même temps d’inciter la population Hutu à tuer les Tutsi qui survivaient encore et de lui donner les moyens nécessaires pour achever rapidement le Génocide.

LE NOMBRE ÉLEVÉ DES BLESSÉS DE GUERRE ET DES MILITAIRES TOMBÉS AU COMBAT S’EST RÉVÉLÉ UN PROBLÈME CRUCIAL QUI PORTAIT ATTEINTE À LA BONNE RÉALISATION DE LA MISE EN ŒUVRE DU GÉNOCIDE



Lors du conseil des Ministres du 6 juin 1994, le Premier Ministre leur a fait le résumé de son entretien du 5 juin 1994 avec le Haut commandement de l’armée et de la gendarmerie. Le conseil du Gouvernement a ensuite notamment examiné le problème posé par le nombre élevé de plus de cinq mille (5,000) blessés de guerre parmi les militaires, et de plus de mille (1000) qui étaient tombés au combat depuis avril 1994.

Pour résoudre ce problème, le conseil a décidé de rappeler tous les militaires en formation à l’étranger, tout en redoutant que la plupart d’entre eux refuseront de revenir au Rwanda, mais cette décision a quand même été maintenue.

Le Gouvernement est revenu également sur le problème posé par les militaires qui désertaient, et a décidé que le tribunal militaire devait commencer à fonctionner et condamner à la prison les déserteurs qui seront arrêtés, des prisons militaires devaient par conséquent être installées dans les régions encore sous contrôle du Gouvernement.

Le conseil a affirmé une nouvelle fois que les troupes gouvernementales étaient battues sur le terrain notamment à cause des complices de l’ennemi présents au sein de l’armée, et a demandé que ceux-ci devaient continuer à être traqués sans relâche.

Il est évident que c’était une raison de plus de continuer à tuer tous les indésirables, parmi lesquels certains militaires qui ne montraient pas de zèle pour l’exécution du Génocide. Ce qui était considéré comme être complice de l’ennemi.

Le Gouvernement a décidé dans le cadre de la guerre, que tous ceux qui étaient en possession d’armes à travers le pays, c.à.d. les Interahamwe et les Impuzamugambi, devaient se joindre aux troupes gouvernementales pour combattre le FPR Inkotanyi. Il a aussi été décidé au cours de ce conseil, que les entrainements militaires devaient être intensifiés à l’Ecole supérieure militaire (ESM) qui avait déménagé à Kigeme, et également à l’Ecole des Sous-officiers (ESO) qui était à Butare, laquelle était dirigée par le Lieutenant-colonel Tharcisse MUVUNYI qui fut remplacé au cours de ce conseil par le Colonel MUNYENGANGO ; aucune raison ne fut donnée pour ce remplacement.

Il a aussi été examiné le problème des Bourgmestres qui s’empressaient de fuir à l’approche de leurs Communes des troupes du FPR Inkotanyi, alors qu’ils avaient d’abord bien coopéré avec le Gouvernement de KAMBANDA en exécutant le Génocide. Les Bourgmestres de Shyorongi, Mbogo, Kanombe et Tumba ont été donnés en exemples pour ce mauvais comportement, et il a été décidé de remplacer rapidement tous ceux qui étaient susceptibles de se comporter de la même façon. C’est une des raisons pour lesquelles des Bourgmestres, au cours du mois de juin 1994, furent remplacés par de plus extrémistes pour qu’ils accélèrent l’extermination des Tutsi qui vivaient encore.





LE GOUVERNEMENT KAMBANDA S’EST SERVI DE LA DIPLOMATIE POUR ESSAYER DE CACHER SON IMAGE LIÉE AUX MASSACRES COMMIS CONTRE LES TUTSI

Le 6 juin 1994, à Tunis, en Tunisie, a débuté une réunion des Ministres des Affaires Etrangères de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA) en préparation du sommet des Chefs d’Etat qui devait se tenir du 13 au 15 juin 1994.



Dans diverses réunions du Gouvernement de KAMBANDA qui ont eu lieu au cours des mois de mai et juin 1994, il a été décidé de mettre beaucoup d’efforts pour acheter des armes et redorer son image en se servant de la diplomatie pour montrer qu’aucun massacre n’avait été commis contre la population par le Gouvernement, et d’attribuer tous les crimes au FPR Inkotanyi, cela conformément au conseils dispensés à plusieurs reprises par la France au Gouvernement de KAMBANDA.

Rappelons que dans le cadre politique et de la diplomatie, le Gouvernement de KAMBANDA avait envoyé en France le 24 avril 1994 une délégation composée de Jérôme BICAMUMPAKA, Ministre des Affaires Etrangères et Jean Bosco BARAYAGWIZA qui était Directeur General pour la politique et la diplomatie au Ministère des Affaires Etrangères. Cette délégation du Rwanda a été accueillie à la Présidence de la République française par Bruno DELAYE qui était le conseiller particulier pour l’Afrique du Président MITTERRAND ; la délégation a également été accueillie par Edouard BALLADUR, Premier Ministre, et par Alain JUPPÉ, Ministre des Affaires Etrangères.

Dans le cadre militaire, La France a accueilli les 9-13 mai 1994 une délégation du Rwanda dirigée par le Lieutenant-colonel Ephrem RWABARINDA ; y participait également le Colonel Sébastien NTAHOBARI qui était attaché militaire à l’Ambassade du Rwanda en France et le Lieutenant-colonel Cyprien KAYUMBA qui était chargé des finances au Ministère de la Défense du Rwanda ; pendant le Génocide, Kayumba a passé 27 jours en France dans le cadre de l’acquisition d’armes.

Parmi les responsables français qui ont accueilli la délégation militaire du Rwanda, il y a le General Jean-Pierre HUCHON qui était Directeur General chargé de la coopération militaire au Ministère des Affaires Etrangères français. Le rapport de mission a été rédigé par le Lieutenant-colonel RWABARINDA qui a repris le contenu des entretiens tenus au cours de la mission, affirmant que la France a accepté de soutenir militairement le Rwanda et a donné au Gouvernement le conseil de redorer son image vis-à-vis de la communauté internationale.

C’est pourquoi le 22 mai 1994, le Président Theodore SINDIKUBWABO a écrit une lettre au Président français François MITTERRAND pour le remercier de tout le soutien accordé par la France au Rwanda depuis 1990, et lui demandant avec insistance de bien vouloir augmenter ce soutien surtout que le même jour le FPR Inkotanyi s’était emparé de l’aéroport international de Kigali à Kanombe.

Fort du soutien de la France, le Gouvernement de KAMBANDA a décidé d’envoyer des délégations à l’étranger pour essayer de cacher qu’il était en train de commettre un Génocide. C’est dans ce cadre qu’une délégation rwandaise a participé à la réunion au niveau des Ministres de l’OUA et que le Président SINDIKUBWABO a participé à celle des Chefs d’Etats les 13-15 mai 1994.

Au cours de cette réunion, SINDIKUBWABO a nié que son Gouvernement commettrait un Génocide et a déclaré que le seul problème qu’avait le Rwanda était la guerre qui avait été provoquée par le FPR Inkotanyi. Ces propos ont été dénoncés par de nombreux participants à la réunion de Tunis, qui ont affirmé qu’il s’agissait de mensonges. Les participants à cette réunion ont déclaré à la délégation rwandaise que tout montrait à suffisance que le Gouvernement rwandais et ses forces armées étaient en train de tuer des civils Tutsi au lieu d’aller affronter militairement le FPR Inkotanyi.



CONCLUSION

Les premières dates du mois de juin 1994 ont été marquées par les efforts du Gouvernement génocidaire qui, constatant qu’il était en train de perdre la guerre, a essayé de redorer son image et d’acquérir des armes, mais tout en continuant les massacres des Tutsi pour les exterminer. Le Gouvernement a également fait tout son possible pour diffamer le FPR Inkotanyi pour que la communauté internationale s’en défie, mais en vain, car la vérité a vaincu et vaincra toujours.





Fait à Kigali, le 06 juin 2020





Dr Bizimana Jean Damascène

Secrétaire Exécutif

Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)

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