Fiche du document numéro 27688

Num
27688
Date
Dimanche 17 mai 2020
Amj
Taille
165043
Titre
Fin de cavale pour le génocidaire rwandais Kabuga
Soustitre
L’arrestation, samedi 16 mai en France, du financier du génocide des Tutsis au Rwanda, Félicien Kabuga, interroge sur les complicités dont il a bénéficié depuis un quart de siècle. D’autres génocidaires recherchés vivent toujours en France ou dans d’autres pays.
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Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
En 1997, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) l’avait inculpé de sept accusations de génocide et crimes contre l’humanité.
« Une bombe ! », s’exclame Alain Gauthier. C’est ainsi que le président du Comité des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) évoque l’arrestation de Félicien Kabuga, samedi 16 mai au petit matin, à Asnières, en banlieue parisienne. La fin de vingt-cinq années de cavale.
En 1997, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) l’avait inculpé de sept accusations de génocide et crimes contre l’humanité, en raison du rôle majeur qu’il a joué dans le génocide des Tutsis au Rwanda, qui fit environ 800 000 morts entre avril et juillet 1994.
Pour arrêter « ce fugitif parmi les plus recherchés au monde », les gendarmes de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité (OCLCH) ont reçu l’aide des polices belge et britannique ainsi que du bureau du procureur du Mécanisme international – organisation qui achève la mission du TPIR depuis sa fermeture en 2015 –, précise le communiqué de la cour d’appel de Paris et de la gendarmerie nationale. Après une procédure judiciaire en France, il devrait être extradé vers le Mécanisme.

Après la sidération, place aux interrogations


Passée la sidération, l’annonce de l’arrestation cède la place aux interrogations. « On a tout dit de lui, qu’il était mort, qu’il était méconnaissable après de la chirurgie esthétique, etc. Qu’on le retrouve aux portes de Paris, cela interpelle, commente Alain Gauthier qui, avec sa femme Dafroza, traque sans relâche les génocidaires. Depuis combien de temps vivait-il là ? Qui l’a aidé à entrer sur le territoire français ? »
Le CPCR a déposé une trentaine de plaintes en France depuis sa création en 2001, ou a rejoint des plaintes préexistantes, portées notamment par la FIDH et l’association Survie.
« Il est toujours reconnaissable, il a sillonné la planète, il devait être vraiment sûr de lui pour pouvoir voyager et vivre tranquillement », ajoute François Rutayisire, pédiatre franco-rwandais qui représentait le Front patriotique rwandais (FPR) – rébellion rwandaise en exil devenue le parti au pouvoir – en France en 1994. Le communiqué de son arrestation souligne ainsi qu’il avait « séjourné impunément en Allemagne, en Belgique, au Congo-Kinshasa, au Kenya ou en Suisse ».

L’argentier du génocide


Pour François Rutayisire, cela s’explique aisément « par une indifférence pour ce génocide perpétré dans un petit pays perdu en Afrique, par des connivences en haut lieu pour l’aider, et par de la corruption, pour payer de faux noms, de faux passeports, etc. » Le très riche Félicien Kabuga côtoyait les dirigeants. « Deux de ses filles ont épousé deux fils du président Habyarimana (dont l’assassinat, le 6 avril, marque le début du génocide, NDLR) et vivent sur le territoire français », précise Alain Gauthier.
Considéré comme l’argentier du génocide, Félicien Kabuga avait financé l’achat de tonnes de machettes qui ont armé les milices Interahamwe responsables de nombreux massacres en 1994, et avait aussi créé la radio-télévision Mille Collines, « tristement célèbre pour ses appels aux meurtres », rappelle le parquet de Paris.
« Aujourd’hui, Félicien Kabuga est un vieil homme malade de 84 ans, j’ai peur que la justice n’aille pas à son terme », redoute Alain Gauthier qui veut toutefois croire à un changement d’attitude des autorités françaises, avec Emmanuel Macron et une nouvelle génération aux commandes, non impliquée. La commission de recherche sur les archives, censée éclairer sur le rôle de la France avant, pendant et après le génocide, doit rendre son rapport en 2021.

La France, une des terres de refuge des génocidaires


Alain Gauthier rappelle que la France est, comme la Belgique ou d’autres pays, notamment africains, un refuge pour les complices du génocide. « Elle a refusé 42 demandes d’extradition vers le Rwanda », s’étrangle-t-il, dénonçant le manque d’empressement de la justice française à traiter les plaintes. Il pointe, entre autres cas, ceux de l’ancien préfet Laurent Bucyibaruta et d’Agathe Kanziga, veuve de l’ancien président Habyarimana, qui vivent paisiblement dans l’Hexagone.
Concernant l’ancien préfet, le TPIR s’était dessaisi au profit de la justice française en 2007. Quant à la veuve du président Habyarimana, soupçonnée d’avoir contribué à la planification et la mise en œuvre du génocide, elle est « la plus célèbre des sans-papiers » de France, s’insurge le CPCR. Ses demandes de statut de réfugiée et de permis de séjour ont été rejetées, mais la France a refusé de l’extrader.
« Si seulement l’arrestation de Félicien Kabuga pouvait faire trembler tous ceux qui sont recherchés, et inciter les pays où ils se cachent à se bouger », espère François Rutayisire. Et d’évoquer certains des principaux accusés encore en fuite : l’ancien commandant de la garde présidentielle, Protais Mpiranya, ou l’ex-ministre de la défense, Augustin Bizimana.

Principales condamnations



Par le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Sur 90 personnes mises en accusation, huit demeurent en fuite.

Au Rwanda. Vingt-deux génocidaires présumés ont été condamnés à mort et exécutés, jusqu’à l’abolition de la peine de mort en 2007. Près de deux millions de personnes ont été jugées – 65 % de condamnations – par des tribunaux populaires.

Dans les pays occidentaux. Le premier procès s’est tenu en Belgique en 2001. En décembre 2019, le haut fonctionnaire Fabien Neretsé a été condamné à vingt-cinq ans de réclusion.

En France. En mai 2018, l’ancien capitaine de la garde présidentielle Pascal Simbikangwa a été le premier condamné, à vingt-cinq ans de réclusion.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024