Fiche du document numéro 28540

Num
28540
Date
Samedi Avril 1995
Amj
Auteur
Taille
390648
Titre
Église et discrimination ethnique
Soustitre
L'abbé Bado Nicolas, de Réo (Burkina Faso), après lecture de notre dossier sur le Rwanda ( Le Monde diplomatique , mars 1995), nous écrit pour nous signaler que l'attitude de l'Église catholique au Burkina favorise également, comme au Rwanda, la discrimination ethnique en son sein.
Mot-clé
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Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
En l'absence d'une élite intellectuelle soucieuse des campagnes et des masses pauvres,
les prêtres se constituent en pères des ethnies, les défendant maternellement et s'en
faisant aimer filialement. Ces rapports de poules couveuses et de poussins couvés
peuvent aller jusqu'au racisme agressif vis-à-vis des autres ethnies.

Le racisme dans les Églises, un des fléaux de l'Afrique, l'un des échecs les plus
éprouvants de l'évangélisation en Afrique ! Le racisme habite les diocèses du Burkina,
en particulier celui de Koudougou, où vivent la majorité mossie et la minorité
gurunsie. Le 4 avril 1984, sur l'esplanade de l'église de la Réconciliation (entre Mossis
et Gurunsis) qu'il avait construite, Mgr Bayala gisait, déjà pourrissant, dans le cercueil
de miettes de bois de menuiserie. Un double peuple serré comme moutons dans une
bergerie entourait l'évêque naïf qui, dix-sept ans durant, avait couvert le diocèse du
bruit de sa devise : l'unité dans la diversité. Il était mort après cinq ans de maladie,
persuadé qu'il avait été empoisonné. Les fidèles mossis respiraient, soulagés de
l'humiliation d'avoir vécu sous un évêque gurunsi, plus attentifs à considérer l'évêque
auxiliaire, le futur vrai chef, qu'à prêter attention à la dépouille mortelle de Bayala,
objet insignifiant sur l'immense place. La liturgie mentait crânement : ô mort, où est
donc ton dard ! Y-a-t-il dard plus pointu que la haine raciale ? Le peuple gurunsi
regardait, anéanti. C'était fini !

Ce fut fini, avec l'avènement du nouvel évêque mossi. Les fidèles gurunsislyelas deux
fois plus nombreux que le diocèse mossi de Kaya, plus nombreux que les diocèses de
Ouahigouya et Fada Ngurma, sont à l'abandon, relégués comme chrétiens de
deuxième portion : il n'y a pas d'argent pour imprimer quoi que ce soit dans leur
langue. Les jeunes aspirants catéchistes sont assujettis en trois mois à apprendre le
moore, suivre les cours en moore et composer en examen dès la fin du premier
trimestre. Les camions de l'Umec (barrages) et du développement sont allergiques à la
direction du pays gurunsi. Le petit séminaire, qui abrite cent cinquante jeunes, est
d'accès difficile aux vocations gurunsies, et la vingtaine qui y vivent en tremblant sont
vite décimés dès qu'il y a trouble : la faute, c'est toujours aux Gurunsis.

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