Fiche du document numéro 29781

Num
29781
Date
Mercredi 23 mars 2022
Amj
Taille
1831111
Titre
Des notes qui sentent la poudre pour Barril
Nom cité
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Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
LE RAPPORT remis il y a un an à Macron par l’historien Vincent Duclert sur le rôle de la France au Rwanda entre 1990 et 1994 est censé avoir pacifié les relations franco-rwandaises. Or, curieusement, il a laissé dans l’ombre sept notes de la DGSE rédigées de mai à août 1994, dont il ne fait que citer les titres. Désormais déclassifiées, elles viennent d’être exhumées par l’association Survie, à la pointe dans l’enquête sur les responsabilités dans le génocide qui a fait 800 000 morts, principalement tutsis, mais aussi hutus modérés.

Adressées à l’époque à l’Elysée, à Matignon comme à l’état-major, ces notes détaillent le déploiement de plusieurs équipes de mercenaires français pendant que le génocide faisait rage… En lien direct avec la famille du président Habyarimana, tué le 6 avril 1994. Exfiltrée vers Paris dès le 9 avril, sa veuve, Agathe Habyarimana, est accusée d’avoir été la grande inspiratrice du génocide, y compris à distance.

Mercenaires très suivis depuis Paris

Parmi ces sept notes, la « fiche particulière » DGSE datée du 17 juin 1994 est la plus explicite : « La famille (…) Habyarimana déploie une intense activité qui n’a d’autre objectif que de maintenir au pouvoir la faction hutue du Nord, la plus extrémiste (…). » Y compris en « contourn[ant] l’embargo des Nations unies sur les exportations d’armements et de munitions à destination du Rwanda »… Embargo décrété par l’ONU le 17 mai 1994. Et de spécifier : « L’ancien mercenaire Bob Denard est en contact quasi quotidien avec Jean-Pierre Habyarimana, un des fils du défunt président », afin de préparer « un coup de main armé » visant la reprise de l’aéroport de Kigali. Et aussi en vue d’acheminer matériel et munitions vers les troupes génocidaires…

Deux équipes de mercenaires dépêchées par Denard sont venues encadrer les forces gouvernementales. Et au moins une autre sous la houlette du sulfureux ex-gendarme de l’Elysée Paul Barril. Un contrat a été signé après coup, le 28 mai 1994, entre sa société Secrets et le gouvernement intérimaire rwandais (GIR), qui coordonnait le génocide. A la clé, l’envoi de 20 hommes et la livraison prévue de 50 tonnes d’armements et de munitions.

A cette date, l’ex-capitaine Barril était déjà venu en mission à Kigali, du 11 au 23 mai, avec cinq autres mercenaires, afin de prodiguer une formation commando à plusieurs unités des Forces armées rwandaises, auxquelles étaient mêlés des miliciens, sachant que certains corps d’élite étaient mobilisés dans les massacres de civils à l’arme automatique ou à la grenade… Ces « formateurs » en ont témoigné sur PV dans le cadre de la plainte pour complicité de génocide déposée par Survie, la Ligue française des droits de l’homme, la FIDH et la Licra en 2013.

C’est le 6 mai 1994 que Barril a affrété un Falcon pour cette mission exploratoire, c’est-à-dire le jour même où le général Quesnot, chef d’état-major particulier de l’Elysée, proposait dans une note au président Mitterrand « les moyens et les relais d’une stratégie indirecte » au Rwanda…

Entendu par la juge d’instruction le 27 janvier dernier, l’amiral Lanxade, à l’époque chef d’état-major des armées, confirme ce qu’il faut comprendre par « stratégie indirecte » : « Ça peut être l’utilisation d’autres moyens, voire de mercenaires. » Et de préciser : « Les autres moyens, c’est ce qui est en train de se passer au Mali avec l’envoi de coopérants russes. » En clair, Lanxade compare l’action en 1994 des barbouzes Denard et Barril à celle des « Wagner » de Poutine aujourd’hui…

On ne sait qui de Barril ou de l’oligarque russe Prigojine, patron de Wagner, se sentira le plus flatté !

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024