Fiche du document numéro 29982

Num
29982
Date
Mardi 27 décembre 2011
Amj
Taille
31114
Titre
Trois Rwandaises accusent des militaires français de viols
Nom cité
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Lieu cité
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Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
« Je porte plainte contre l’armée française car j’ai subi de nombreux viols de la part de ses soldats en 1994 », explique, à La Croix, Olive (un pseudonyme), l’une des trois femmes tutsies à l’origine de la plainte pour « viols assimilés à un crime contre l’humanité » qui vise des soldats français ayant participé à l’opération Turquoise au Rwanda en 1994.

Avec ses camarades d’infortune, Olive a été auditionnée le mercredi 8 décembre par le juge d’instruction au tribunal aux armées de Paris (TAP), Frédéric Digne.

Née en 1975 dans le district de Cyangugu, dans le sud-ouest du Rwanda, Olive se souvient d’une enfance plutôt heureuse malgré les tensions interethniques : « Nous étions une famille de dix enfants. Mon père avait connu les massacres de 1959 et 1963. Il vivait dans l’idée que cela pouvait recommencer. Personnellement, si je sentais des tensions entre Hutus et Tutsis, je ne me doutais pas qu’elles allaient s’aggraver au fil du temps », se souvient-elle.

Miliciens Interahamwe



« L’avion du président Habyarimana a été abattu le 6 avril 1994. Les Hutus s’en sont aussitôt pris aux Tutsis. Mes parents se sont vite rendu compte que les exactions contre les Tutsis seraient pires qu’en 1959. Nous nous sommes enfuis dans la brousse. » Mais une bande de miliciens Interahamwe (extrémistes hutus) les rattrape et les attaque à la machette. Blessée, elle leur échappe et trouve refuge à l’hôpital de Cyangugu.

« Des Hutus sont venus dans l’hôpital. Ils m’ont frappée à la machette et laissée pour morte. Lorsque j’ai repris conscience, j’ai entendu le préfet de Cyangugu nous inviter à nous rendre dans le stade où nous serions protégés. Mais c’était l’horreur. Chaque jour, le préfet venait chercher une dizaine de Tutsis. Les Interahamwe les conduisaient sur une colline pour les tuer. Nous sommes restés deux semaines, jusqu’au jour où la Croix-Rouge a été autorisée à nous conduire dans le camp de Nyarushishi. »

Ce camp était sous la protection des gendarmes rwandais qui, raconte Olive, ont poursuivi les persécutions. « C’est pourquoi nous avons accueilli avec soulagement les soldats français venus prendre la charge du camp. »

Que justice soit faite



Mais selon la jeune femme, la relation entre les soldats et les réfugiés s’est vite dégradée. « Ils avaient monté leur camp le long du nôtre. Un jour, alors que je cherchais du bois, cinq d’entre eux m’ont attrapée et conduite sous une de leurs tentes où ils m’ont violée. Cela s’est passé aux yeux et au vu de tous. Presque tous les jours, comme de nombreuses filles du camp, j’ai subi leur agression. »

Aujourd’hui, Olive veut que justice soit faite. Au Rwanda, elle est sans emploi. Au juge d’instruction auquel elle a raconté son histoire, elle a assuré qu’elle serait capable de reconnaître parfaitement quelques-uns de ses agresseurs si on lui montrait des photos.

« Le 31 décembre 2011, le TAP doit officiellement fermer ses portes. Nous attendons la nomination du juge qui devrait remplacer Frédéric Digne, souligne Me Laure Heinich-Luijer, l’avocate des trois plaignantes. J’espère qu’il acceptera de montrer à Olive les photos des militaires français. »


Les militaires doutent de l’accusation



Le général Tauzin, chef du premier détachement envoyé à Nyarushishi, affirme n’avoir jamais entendu parler de viols : « Avec les paras du 1er RPIMA, nous sommes restés une semaine avant d’être relevés par les légionnaires du colonel Hogard. Rien ne m’est parvenu », souligne-t-il.

Pour autant, reconnaît-il, « si des soldats ont commis de tels actes, ils doivent être jugés et punis comme le prévoit la loi. Mais je doute fort que cela ait eu lieu. Nous étions entourés de journalistes. Aucun d’entre eux n’a rapporté de telles informations ».

« Depuis le lancement des Opex (opérations extérieures) en 1973, jamais l’armée française n’a été condamnée pour viol, atteinte aux droits de l’homme ou crime contre l’humanité », souligne-t-il, ajoutant que « les membres de l’association France Turquoise (1), attendent avec impatience le début de ce procès pour que la vérité soit établie ».

Même réaction du côté du colonel Hogard. « Je connais la valeur du capitaine et des légionnaires présents à Nyarushishi. J’ai beaucoup de mal à penser qu’ils auraient participé à de tels agissements ou les auraient couverts. Il est impossible que de tels actes systématiques aient pu se dérouler sans que cela nous soit rapporté. »

(1) Association qui défend la mémoire des militaires français ayant servi au Rwanda, présidée par le général Lafourcade, le commandant de l’opération Turquoise.

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