Fiche du document numéro 31537

Num
31537
Date
Jeudi 28 janvier 1993
Amj
Taille
2397274
Titre
Déclaration des organisations non gouvernementales rwandaises et internationales œuvrant pour le développement et les droits de la personne au Rwanda
Nom cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Mot-clé
Source
Fonds d'archives
Type
Communiqué
Langue
FR
Citation
Page 1


CCOAIB
B.P, 1883
KIGALI

PRO-FEMMES
TWESE HAMWE
B,P, 964
KIGALI

CLADHO
BP 1787
KIGALI

Kigali, le 29 Janvier 1993

Aux Missions Diplomatiques et
Aux Organisations des Nations Unies

Excellence Monseigneur le. Nonce Apostolique,
Fxcellence Madame/Monsieur l'Ambassadeur)
Madane/Monsieur le Représentant,

Nous avons l'honneur de vous transmettre ci-joint pour infornation et pour suite utile, la déclaration des responsables et des représentants des Organisations Non-Gouvernementalas rwandaises et Internationales oeuvrant pour le développement et les droits de la personne, relative à la situation d'insécurité qui prévaut dans le pays.

Nous vous en souhaitons bonne réception et vous prions d'agréer, Excellence,
Madame, Monsieur, l'expression de notre haute considération.

CCOAIR: Conseil de Concertation des
Organisations d'Appui aux
Initiatives de Base

CLADHO: Comité de Liaison des
Associations des Droits de l'Homme

PRO-FEMMES/TWESE HAMWE: Les Femmes
Professionnelles du Rwanda/Toutes Ensemble

COPIE à

- Excellence Monsieur le Président
de la République Rwandaise

- Monsieur Le Pramier Ministre

- Monsieur le Président du Conseil National
pour le Développement

Madame/Monsieur le Ministre (Tous)

Parti Politique (Tous)

Conférence Episcopals du Rwanda

Conseil Protestant du Rwanda

Représentant de l'Association des
Musulmans au Rwanda



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DECLARATION DES ORGANISATIONS NON-GOUVERNEMENTALES RWANDAISES ET
INTERNATIONALES OEUVRANT POUR LE DEVELOPPEMENT ET LES DROITS DE
LA PERSONNE AU RWANDA

Suite aux nombreux affrontements violents qui se manifestent dans
le pays, el qui se sont aggravés pendant ces derniers jours, nous
responsables et représentants des Organisations Non
Gouvernementales rwandaises et internationales oeuvrant pour le
développement et les droits de la personne au Rwanda - nous
sommes réunis pour échanger des informations et recueillir des
témoignages de ces événements.

Les témoignages proviennent de plusieurs sources fiables, y
compris les agents de terrain de nos organisations, let autorités
ecclésiastiques, la radio nationale, la Conmission Internationale
d'Enquête sur les violations des droits de l'homme au Rwanda et
des victimes elles-mênes. Ces témoignages, que nous ne
prétendons pas exhaustifs, révèlent que:

dans la seule préfecture de Gisenyi

- Jusqu'à la date du 28 janvier il y a eu au moins 78 morts
dans la commune de Ramba, 184 dans la commune de Satinsyi
et 8 dans la commune de Kanama. Pour ne citer que deux
exemples frappants de ces massacres, lundi le 26 janvier
des agresseurs ont dressé un barrage illégal sur la ligne
Ngororero-Gitarama et ont arrêté un bus à Satinsyi. Ils
ont fait descendre tous les passagers et, après
vérification de leurs cartes d'identité pour établir
l'ethnie et le lieu d'origine, quatre passagers dont une
femme ont été tués sur le champ; les cadavres ont été jetés
dans une fosse commune. À Kayove, un vieux couple Tutsi a
été brûlé vif à l’intérieur de leur maison incendiée; leur
fils, curé de la paroisse de Muhororo, à été recherché à
son tour par les agresseurs lors de son retour de
l'enterrement;

- Les personnes déplacées sont au nombre de 661 à la paroisse
de Muhororo, 784 dans la sous-préfecture de Ngororero, 387
à Nyundo et 168 à Muramba - où pendant plusieurs jours des
bandes armées ont assiégé une école de jeunes filles
déclarant qu’ils voulaient tuer une soixantaine d'élèves à
cause de leur appartenance ethnique (Tutsi) et régionale;
leur approvisionnement d'eau a été coupé. Dans la commune
de Kanama au moins 135 personnes sont portées disparues;

- dans ces massaores, les personnee ciblées sont des Bagogwe
et des Batutsi, ou bien ceux qui les ont protégées. Les
agresseurs sont pour la plupart des adhérents au partis
MRND et CDR: :

dans la préfecture de Kibuve

- on a déploré au moins 14 morts en commune Rutsiro; les
victimes, tous des Bagogwe, s'y étaient réfugiés en


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provenance de la commune voinine de Ramba. Ils ont été
poursuivis par leurs assaillants jusque dans leur refuge.

à Ruhengeri

- une bande armée en provenance de Giciye (prefeoture de
Giseny) a pillé puis brûlé, plusieurs dizaines de maisons
appartenant à des membres du parti MDR dans la commune de
Nyamutera 1aisaant au moins une centaine de personnes sans
abri, Quelques-unes des victimes ont par suite organisé
des représailles contre des membres du MRND ;

à Byumba

- des manifestations des adhérents au parti MRND et CDR ont
occasionné la destruction et le pillage des biens
appartenant aux opposants de ces deux partis ; :

- des personnes sans scrupules ont exploité la misère des
déplacés de la guerre en les incitant à participer à ces
manifestations violentes;

- depuis l'attaque de la ville da Byumba en juin 1992 par les
forces du FPR, les services publics sont quasiment
paralysés suite aux pillages qui s’en sont suivis, et à la
crainte d'une nouvelle attaque qui pèse sur la population;

- la population de Byumba et les camps des déplacés ne sont
pas à l'abri des actes de banditisme et des viols perpétrés
par des bandes armées, provenant des militaires et/ou de la
population civile, voire même des déplacés ;

D'autres préfectures n'ont pas été épargnées par les actes de
violence. Ainsi dans la capitale Kigali à la suite des
manifestations du 20 janvier, i1 y a eu au moins trois morts et
45 blessés. Dans le seul quartier de Nyabugogo les portes et
fenêtres de presque toutes les maisons ont été enfoncées, et deux
femmes ont été violées dans la rue. Dans la commune rurale de
Gikoro plusieurs personnes membres du parti MDR ont été trouvés
en possession des grenades. En fait, un climat d'insécurité se
généralise sur tout 1e territoire; des incidents sont signalés
également dana les préfectures de Cyangugu, de Kibungo et
ailleurs.

Nous constatons avec inquiétude que:

- ces morts et déplacés sont victimes d'actes inspirés par
l'ethnisme, le régionalisme et la rivalité inter-partite
nourris par le discours de certains leaders politiques,
notamment l'allocution de Léon Mugesera prononcée le 22
novembre 1992 dans la sous-préfecture de Kabaya dont la
poursuite judiciaire à été entravée par sa fuite assistée ;

— de nombreuses manifestations politiques se transforment
rapidement en sauvageries, actes de banditisme et de
simples règlements de compte ;


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- la jeunesse désoeuvrée, victime d'une situation économique
qui se dégrade, est exploitée à des fins politiques par des
personnes qui profitent de ces conditions de vie
misérables. Cette jeunesse - y compris des enfants qui
n'ont pas plus de huit ans - est manipulée moyennant des
sommes minimes pour participer à toutes sortes de
violences ;

- 1es autorités religieuses ne sont pas épargnées; à titre
d'exemple, en date du 25 Janvier l'évêque de Nyundo a
failli être jeté dans la rivière avec sa voiture au moment
où il se rendait à la paroisse de Muramba pour constater
lui-même la situation à l'école de jeunes filles citée ci-
haut. L'église de Shyra qui abritait des réfugiés a été
endommagée par des agresseurs qui poursuivaient ces
malheureux ;

- les rebondissements de violence semblent surgir à la veille
des changements décisifs d'ordre politique, par exemple la
reprise des négociations à Arusha, dont l'issue positive
constitue la voie obligée de rétablir la paix et les
conditions nécessaires au développement du pays ;

- de nombreux incidents attestent d'une complaisance et d’une
complicité à la violence de la part de certaines autorités,
notamment au niveau local;

- l'utilisation des moyens de l'état (p.ex, les véhicules) à
des fins partisanes et violentes est devenu monnaie
courante ;

- ceux qui ont témoigné, ou ont été associés, à la commission
internationale d'enquête sur les violations des droits de
la personne ont subi des représailles ; l'un deux s'est
suicidé suite aux menaces qu’il a reçues.

Nous constatons également que le personnel et la propriété des
organisations oeuvrant pour le développement ne sont pas à l'abri
des attaques. Parmi de nombreux exemples d'agressions, nous
citons les cas suivants :

- à Gituza en préfecture de Byumba quatre agents d'une
organisation internationale suspectés d'abriter un collègue
Tutsi, et qui ne pouvaient pas montrer des cartes
d'adhésion au MRND ou à la CDR, ont été passés à tabac;
deux des agents ont dû être hospitalisés. En plus, trois
maisons appartenant à l'organisation ont été endommagées,
des meubles détruits et des biens personnels volés;

- un membre du personnel d'une autre organisation
internationale a reçu des menaces de mort persistantes de
la part de personnes se réclamant de la CDR - on lui
écrit de s'attendre à ‘donner du fumier’ à son quartier -
de telle sorte qu’il a préféré quitter son domicile;

- des véhioules d’une troisième organipation ont été

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réquisitionnés pour transporter des Interahamwe à une
réunion en commune Giciye, préfecture de Gisenyi, où ils
ont incité aux massacres ;

- il y a des cas trop nombreux pour être cités où le
personnel expatrié et/où national est intimidé aux
barrières et empêché d'accéder aux projets pour remplir sa
mission.


Plus d’une organisation étrangère est en train de se demander si
elles peuvent continuer à travailler dans de telles conditions.

Le processus de réconciliation que nous souhaitons tous, et
auquel nous voulons apporter notre contribution, est rendu encore
plus difficile avec chaque recrudescence de violence.

Les organisations rwandaises et internationales ont décidé de
lancer un cri d'alarme à l'adresse de la communauté
internationale. Elles signalent que les démarches antérieures
auprès des autorités rwandaises n'ont pas donné de suite. Nous
pouvons citer, par exemple, la déclaration des organisations
rwandaises et internationales et des églises du 13 mars 1992, la
déclaration des associations de défense des droits de la personne
du 17 septembre 1982, le communiqué du COOAIB (Conseil de
Concertation des Organisations d'Appui aux Initiatives de Base,
ONG rwvandaises) du 16 novembre 1992, ainsi que la lettre de
l'OVPR (Organisations des Volontaires et des Partenaires
Rwandais: ONG étrangères) du 8 décembre 1992.


Tout en saluant La déclaration du Président de la République et
du MRND émise hier s'opposant à tout acte de violence, nous
regrettons cependant que celle-ci soit intervenue après plus
d'une semaine de violence. En outre elle n'a pas été exprimée
en termes concrets - contrairement à celle des évêques
catholiques qui demande au Président et au gouvernement que tout
soit mis en oeuvre pour que les Bagogwe, les Batutsi et leurs
assimilés des préfactures de Gisenyi, Ruhenger et Kibuye soient
assurés d'une protection concrète et urgente.

Nous nous réjouissons également de ce que les partis MRND, MDR,
PL, PSD, PDC aient fait une déclaration commune le 27 janvier
1993 promettant qu’ils vont user de leur influence sur leurs
adhérents respectifs pour ‘arrêter immédiatement les actes de
violence’. Pouvons-nous espérer qu'ils feront tout pour
transmettre ce message à leurs adhérents, et qu’ils prendront des
sanctions contre ceux qui persistent à confondre la libre
expression des aspirations politiques avec 1a criminalité?

Nous demandons aux Etats représentés dans le pays et aux
organisations des Nations Unies de faire tout ce qui est en leur
pouvoir afin que ces dernières déclarations des responsables
politiques soient suivies d'effet et que la paix sociale soit
rapidement rétablie. ;

fait à Kigali le 29 Janvier 1993

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Signatures...

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