Fiche du document numéro 33539

Num
33539
Date
Mercredi 11 mai 1994
Amj
Taille
4632333
Titre
Note - "Région des grands lacs africains : risque d'extension régionale du conflit rwandais"
Nom cité
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Mot-clé
Cote
SGDN/EDS/1/25//CD
Source
Type
Note
Langue
FR
Citation
SECRETARIAT GENERAL DE LA DEFENSE NATIONALE

Direction de l'Evaluation et de la Documentation Stratégiques
SPECIAL FRANCE

"Région des grands lacs africains : risque d'extension régionale du conflit rwandais".

Pièces jointes : _ Une carie et trois tableaux.
Mots clés : CONFLIT - AFRCENT - AFRORT.

L'extension de la guerre civile au Rwanda est en passe de provoquer une déstabilisation de l'ensemble de la sous-région des grands lacs africains, et en premier lieu du Burundi dont l'équilibre, est étroitement lié à celui de son voisin du Nord.

Devant le risque d'un embrasement régional dont les conséquences seraient dramatiques pour des populations déjà en situation d'extrême précarité, la communauté internationale reste divisée sur les buts politiques et les moyens à mettre en œuvre pour résoudre cette crise :

- l'attentisme serait de nature à favoriser une victoire militaire du FPR (1), victoire inacceptable pour la majorité hutu et qui ne réglerait pas la question de l'équilibre intérieur du Rwanda,

- les tentatives de règlement diplomatique isolées sont vouées à l'échec en raison de l'intransigeance du FPR qui estime aujourd'hui une victoire militaire à sa portée,

- une opération à caractère strictement humanitaire (2) pourrait certes contribuer à réduire l'ampleur de la tragédie qui menace les populations rwandaises, mais ne constitue pas plus une solution sérieuse pour restaurer La paix civile dans l'ensemble du pays,

- une opération d'interposition paraît inconcevable en raison de l'imbrication totale des communautés opposées et de l'impossible partition de ce pays en zones communautaires homogènes (3)

- une soutien aux autorités intérimaires rwandaises, enfin, pourrait certes prolonger le conflit mais constituerait la seule chance de laisser à la majorité hutu les moyens de se prémunir contre un contrôle complet du pouvoir par le FPR.

La France qui dispose de leviers d'action dans la zone, peut contribuer à la stabilisation de la sous-région en mettant en œuvre un dispositif cohérent d'appui au gouvernement intérimaire rwandais et aux initiatives régionales de contrôle des effets induits de la crise rwandaise, particulièrement au Burundi. Toutes les actions retenues devront nécessairement être inscrites dans le long terme et appuyées par la communauté internationale.

(1) FPR : Front Patriotique Rwandais, mouvement de rébellion à forte représentation ethnique tutsi.
(2) Proposition américaine de création de zones de protection humanitaire à la frontière rwando-burundaise.
(3) l'idée de création d'un "tutsiland" est pour cette raison une utopie

CONFIDENTIEL DÉFENSE

I EVOLUTION A TERME AU RWANDA

Le gouvernement intérimaire rwandais s'efforce de conserver le contrôle du pays. Privé d'aide extérieure, notamment de logistique militaire, il a certes subi des revers militaires mais reste la seule force politique représentative de la majorité hutu.

11. Perspectives militaires

Un mois après la mort du président rwandais et la reprise de l'offensive par le Front Patriotique Rwanda, la situation militaire, si elle demeure encore relativement équilibrée, pourrait tourner à l'avantage de la rébellion en raison du déséquilibre des aides extérieures dont bénéficient les deux parties :

- le FPR, qui disposerait d'un appui de l'Ouganda, contrôle le Nord et l'Est du pays (1) et paraît en mesure de s'emparer de la capitale Kigali. Cependant, avec moins de 10.000 hommes, cette armée n'a pas la capacité militaire de contrôler durablement l'ensemble du pays,

- les FAR résistent notamment à Kigali et dans le Nord-Ouest (Ruhengeri et Gisenyi) et conservent le contrôle des régions Sud-Ouest du pays, mais manquent d'approvisionnement logistique, particulièrement de munitions, malgré quelques livraisons en provenance du Zaïre.

Ainsi, l'intervention militaire du FPR, appuyée par l'Ouganda se heurte à une résistance sérieuse des FAR et ne s'est pas encore concrétisée par une victoire décisive sur le terrain. Mais privées d'aide extérieure (2) les FAR, malgré leur combativité, semblent condamnées à être progressivement acculées à une attitude défensive dans les régions de l'Ouest et de Sud du pays.

En cas de victoire militaire, les rebelles ne disposent pas de moyens suffisants pour contrôler l'ensemble du pays. Ils pourraient se fixer le contrôle prioritaire de la capitale pour reprendre en position de force les négociations, en vue de l'application sans entraves des dispositions de l'accord d'Arusha du 4 août 1993, favorables à court terme au FPR (3).

12. Perspectives politiques

Aux incertitudes militaires s'ajoutent des incertitudes politiques, dans les deux camps.

Les autorités rwandaises intérimaires mises en place après l'assassinat du président Habyarimana, conformément aux dispositions constitutionnelles affichent :

- d'une part la volonté d'éviter le vide du pouvoir et de s'opposer militairement à l'offensive du FPR,

- d'autre part de reprendre le processus d'Arusha, c'est-à-dire la constitution d'un gouvernement
d'union et de tenter par la négociation d'obtenir le retour à la paix civile.

(1) Les régions conquises à l'Est par le FPR sont cependant des zones marécageuses, insalubres et à faible densité de peuplement (vallée d'Akagéra), ne constituent donc pas un gain territorial politiquement significatif.

(2) qu'un embargo sur les armes en voie de décision au Conseil de sécurité ne fera qu'accentuer (déclaration du Conseil de Sécurité du 30 avril 1994).

3) Jusqu'ici des manœuvres dilatoires de l'exécutif rwandais avaient retardé leur application.

CONFIDENTIEL DÉFENSE

Des dissensions existent dans les rangs des autorités intérimaires entre d'une part tenants du MRND (1) et militaires hutu majoritairement issus du Nord et d'autre part les partisans du MDR (2) fortement implantés parmi les hutu du Sud. Ce gouvernement intérimaire dispose à l'évidence d'une base populaire combative au sein de l'ethnie majoritaire hutu, motivée par la crainte de tomber sous le joug de la minorité rebelle tutsi. Mais cet ensemble n'a pas encore trouvé de dirigeant apte à fédérer les divers courants hutu.

L'absence d'émergence d'un successeur d'envergure au président Habyarimana
constitue donc pour la majorité hutu une importante faiblesse car, à terme, le rapport de force militaire actuel se trouvera transféré sur le terrain politique.

Le Front Patriotique Rwandais apparaît de plus en plus contrôlé par les partisans de la ligne dure, l'aile militaire du Major Paul Kagame. Ceux-ci misent sur une victoire militaire pour dominer le pays et refusent actuellement toute négociation avec le gouvernement intérimaire. Or le FPR ne dispose pas, malgré la présence de hutu dans ses rangs, d'une base populaire assez large pour contrôler durablement l'ensemble du pays. Conscient de cette limite, le FPR chercherait donc à s'assurer militairement du contrôle total de la capitale avant de reprendre, en position de force, le processus d'application des accords d'Arusha.

Il apparaît que, malgré ses succès militaires, le FPR sera obligé de composer avec la mouvance présidentielle qui demeurera la principale force politique du pays.

II. LES ENJEUX REGIONAUX

Les risques de contagion régionale de la crise rwandaise sont sérieux et pourraient aboutir à une recomposition violente des précaires équilibres traditionnels.

21.- Pour le Burundi :
Une extension de la crise rwandaise dans ce pays est à craindre.

L'incertitude centrale est celle de la neutralité d'une armée à majorité tutsi face aux efforts du gouvernement pour prévenir les risques de déstabilisation dans un contexte troublé par :
- le blocage institutionnel persistant sur la question du mode de désignation du Président,
- la rébellion larvée entretenue par les extrémistes hutu dont l'action déstabilisatrice pourrait provoquer un raidissement de l'armée,
- le retour massif des réfugiés burundais du Rwanda auxquels s'ajoutent des réfugiés rwandais (3) parmi lesquels les extrémistes des deux bords recrutent des partisans,

Monsieur Ntibantunganya, successeur du président Ntarymira s'efforce de consolider sa base politique. Sa position est rendue très précaire en raison de la méfiance des forces armées, particulièrement la base, très attentives aux événements du Rwanda.

(1) MRND : Mouvement Républicain National pour la Démocratie et le Développement, parti présidentiel.
(2) MDR : Mouvement Démocratique Républicain

CONFIDENTIEL DÉFENSE

Une victoire du FPR au Rwanda et les projets de réforme de l'armée burundaise dans le sens d'un rééquilibrage ethnique en faveur de la majorité hutu pourraient pousser certains militaires tutsi à tenter un nouveau coup de force (1).

22. Pour la Tanzanie :

Confrontées à une arrivée massive de réfugiés rwandais sur leur territoire, les autorités tanzaniennes ont fait preuve, jusqu'à présent, d'une stricte neutralité dans le confit rwandais et poursuivent leurs efforts de médiation pour amener les belligérants à négocier.

La guerre civile rwandaise a pour conséquence un afflux important de réfugiés, principalement hutu, évalués à 280.000, dans la région frontalière de la Rusumo (essentiellement au camp de Benako) (2). En liaison avec les organisations caritatives, les autorités tanzaniennes submergées par le nombre de réfugiés s'efforcent de répondre aux besoins les plus pressants malgré les difficultés (faiblesse des moyens, acheminement de l'aide humanitaire entravé par les pluies).

La Tanzanie conserve un rôle de médiation déterminant : ayant toujours observé une parfaite neutralité (3) dans les conflit régionaux, burundais et rwandais, la Tanzanie, qui a parrainé les accords d'Arusha en Août 1993, déploie des efforts de médiation, en vue de mettre un terme aux affrontements interrwandais.

La Tanzanie, par sa neutralité constante, apparaît ainsi comme un acteur
incontournable et utile dans le règlement négocié du conflit. Cette neutralité devra être préservée.

23.- Pour l'Ouganda :

L'Ouganda, enclavé au milieu de pays hostiles, tente pour étendre son champ d'action régionale de favoriser l'émergence d'un Etat FPR qui lui serait favorable.

Le soutien inconditionnel de l'Ouganda au FPR prend sa source dans la prise du pouvoir par M. Museveni en janvier 1986. La N.R.A (devenue l'armée ougandaise) comporte alors, un grand nombre de cadres rwandais, principalement tutsi. Il existe donc des liens, voire une dette du gouvernement de Kampala envers les tutsi et le FPR.

Ce soutien se double d'une raison stratégique : enclavé, l'Ouganda cherche à étendre son influence régionale. La mise en place d'un régime allié au Rwanda constitue pour le président ougandais une option prioritaire.

(1) Rappelons qu'en octobre 1993 une tentative de coup d'état fomentée par des militaires muisi avait décimé les rangs des nouveaux dirigeants hutu.

(2) district de Ngara, à 16 km du poste frontière de Rusumo.

(3) Toutefois, au cours d'un entretien récent avec M. Marlaud, ex-ambassadeur au Rwanda, le Premier ministre Tanzanien, M. Maleccela, se serait déclaré favorable à une aide au gouvernement rwandais

CONFIDENTIEL DÉFENSE

C'est pourquoi, tout en niant apporter une aide aux rebelles, M. Museveni a profité de l'injonction des bailleurs de fonds internationaux, qui lui ont imposé une réduction des effectifs de son armée pour démobiliser une grande parie des rwandais de la NRA. Ceux-ci sont venus grossir les rangs du FPR, avec leur équipement (1).

Si désormais, Museveni préconise la tenue d'une conférence régionale autour du 15 mai, il n'en reste donc pas moins favorable à la prise de Kigali, par le FPR, qui pourrait alors négocier en position de force, ou tenter, comme la N.R.A, à partir de 1986, de prendre le contrôle du pays à partir de la capitale.

Il est certain qu'un échec du FPR apparaitrait catastrophique pour l'Ouganda qui se retrouverait plus isolé qu'auparavant et décrié pour son soutien aux rebelles. Dès lors, il semble vraisemblable que le gouvernement ougandais poursuive, discrètement, son appui au FPR.

24.- Pour le Zaïre :

Le Zaïre, traditionnellement très présent dans la diplomatie sous-régionale ne restera pas en retrait face au succès possible du FPR au Rwanda, qui serait interprété à Kinshasa comme une victoire hégémonique du concurrent Ougandais.

Le chef de l'état zaïrois a toujours porté un intérêt actif aux questions relatives à l'environnement oriental du Zaïre :
- par des liens privilégiés avec le président Habyarimana, son allié régional le plus sûr,
- par un rôle actif dans la CEGL (2) enceinte régionale de stabilisation,
- par la répression des mouvements de guérilla zaïroise dans le Kivu (3).

Après des mois d'isolement diplomatique (4) le Maréchal Mobutu apparaît aujourd'hui comme un interlocuteur privilégié pour le règlement de la crise rwandaise. Son action s'est jusqu'ici concrétisée sur la forme :

- d'un renforcement de ses garnisons frontalières au Kivu,
- d'un appui militaire indirect aux Forces Armées Rwandaises (livraisons en munitions),
- de l'organisation d'une rencontre à Gbadolite au Zaïre entre belligérants rwandais.

Le Maréchal Mobutu a ainsi intérêt à contribuer à la stabilité de la sous-région, notamment pour éviter toute contagion dans la province du Kivu. Mais un engagement militaire direct Zaïrois au Rwanda parait exclu en raison de l'ampleur des difficultés intérieures du Zaïre.

(1) En outre les postes de commandement de l'armée ougandaise demeurent pour l'essentiel aux mains d'officiers d'origine rwandaise.

(2) CEGL : la Communauté des Etats des Grands Lacs regroupe le Zaïre, le Rwanda et le Burundi.

(3) On estime à plus de 50.000 les réfugiés rwandais et burundais au Kivu. Des affrontements ethniques entre hutu et tutsi peuvent à nouveau se produire comme début 1993 .

(4) Sous la pression de la "Troïka" (USA - Belgique - France) pour contraindre le maréchal Mobutu à accepter une transition politique dans son pays.

CONFIDENTIEL DÉFENSE

III.- PROPOSITIONS D'ACTION POUR LA FRANCE

Hors de sa zone d'influence traditionnelle, la France, simultanément au désengagement de la Belgique, a renforcé son action au Rwanda et au Burundi après 1990. Le transfert de ce rôle aux organisations internationales (ONU au Rwanda (1) et OUA au Burundi (2)) n'a pas permis l'application des accords d'Arusha, ni le maintien de la sécurité au Burundi. Malgré le retrait de la composante militaire directe (3) de son engagement au Rwanda, la France conserve cependant un large éventail de moyens d'influence.

Aujourd'hui trois options politiques paraissent s'offrir à la France, de l'engagement lourd au désengagement total.

Celles-ci exigent la satisfaction totale ou partielle de conditions contraignantes :
- un engagement durable,
- une certaine priorité budgétaire pour la sous-région (peut être au détriment
d'autres zones),
- un accord des acteurs régionaux (dont l'Ouganda et le FPR),
- une coopération indispensable avec nos alliés (notamment de l'UE et des Belges qui conservent encore une compétence et un certain "leadership" sur leurs anciennes colonies) ainsi qu'avec l'ONU et l'OUA.

31.- Un nouvel engagement lourd

Ce choix, reprendrait, en les accentuant, les actions engagées entre 1990 et 1993. Sa mise en œuvre exigerait :

- une aide militaire directe, notamment la livraison d'armes et de munitions aux FAR et le redéploiement d'unités françaises. Mais celle-ci risquerait de discréditer la France auprès de l'opinion publique africaine et internationale (prévisibles accusations d'ingérence et de collaboration avec un gouvernement vilipendé pour “crimes contre l'humanité”).

- un appui diplomatique marqué au profit du gouvernement rwandais serait mieux perçu dans la région mais perdrait toute crédibilité parce que couplé à une assistance militaire trop visible,

- une aide humanitaire massive au coût probablement très élevé.

Cet engagement est inconcevable sans un mandat de l'ONU et l'appui de certains
acteurs régionaux. Un tel choix, présentant des risques politiques majeurs, serait d'un coût difficile à assumer.

32. Un désengagement total

Cette option qui apparaît en première approche la plus confortable et cohérente avec les dernières décisions d'allègement au Rwanda et la modicité des intérêts français (voir annexe IV), présente en réalité le grand risque d'anéantir les bénéfices de nos engagements antérieurs dans La sous-région et de nos actions de pénétration en Afrique de l'Est.


(1) MINUAR : Mission des Nations Unies pour l'assistance au Rwanda (résolution ONU octobre 1993 : 2.500 hommes.

(2) MIPROBU : Mission de protection et d'observation pour le rétablissmement de La confiance au Burundi (OUA) 200 hommes

(3) Dispositif Noroît de 200 à 700 hommes depuis 1990, désengagés du Rwanda en décembre 1993

Or le maintien de nos positions dans la zone est souhaitable en raison:

- des premiers résultats obtenus par notre pénétration progressive dans cette région d'Afrique orientale et anglophone

- de nos acquis politiques auprès des gouvernements de cette région (Tanzanie notamment) qu'il convient de consolider dans le cadre de notre politique africaine.

Une attitude de retrait total, doublée d'un très probable effacement des Belges, risquerait d'exclure durablement la France de cette région, au profit d'autres puissances, ce qui entrainerait un précédent très dommageable pour la politique africaine de la France.

33. Un engagement indirect

Un soutien aux autorités intérimaires rwandaises serait l'option la plus conforme à la défense des intérêts français pour l'ensemble de la zone en raison des risques d'extension régionale de la crise rwandaise. La France peut mettre en œuvre une action pour cette région combinant moyens politiques et capacités d'action humanitaire.

Pour le Rwanda la reconnaissance du gouvernement intérimaire rwandais devrait permettre l'émergence d'une direction politique absolument nécessaire pour une reprise des négociations. En effet l'absence de dirigeants d'envergure à la tête de la communauté hutu constitue une faiblesse qu'il convient d'aider à surmonter dans la perspective de pourparlers politiques dont la réussite n'est possible qu'en mettant en présence des interlocuteurs disposant tout à la fois d'une représentativité communautaire et d'une stature internationale (1). Cette action devrait à terme être doublée d'un engagement humanitaire d'importance.

Pour le Burundi une triple action s'impose d'urgence par :
- un encouragement aux initiatives de l'OUA favorisant le fonctionnement des institutions,
- une aide institutionnelle pour légitimer l'exécutif encore dépourvu d'assise légale,
- le maintien et l'exploitation des actions de coopération militaire déjà engagées.

Pour la sous-région, deux actions paraissent à mener, l'une au profit des réfugiés, l'autre destinée à favoriser un règlement négocié, c'est-à-dire :

- une aide humanitaire au sein de laquelle la France peut se présenter comme pilote sans pour autant être le principal contributaire est à lancer d'urgence,
- une relance du processus diplomatique peut par ailleurs être activée par la France :

- en encourageant la Tanzanie à poursuivre son entremise, en ménageant sa stricte neutralité, car ce pays reste aujourd'hui encore l'enceinte de négociations la plus acceptable par l'ensemble des parties,

- en participant à une rapide réhabilitation du Zaïre dont le rôle régional doit être encouragé,

- en mettant en œuvre des pressions sur l'Ouganda pour le conduire, sinon à cesser, au moins à réduire son appui au FPR.

Au sein des instances internationales enfin, la France doit plaider le maintien et le renforcement du dispositif ONU (la MINUAR), seule structure susceptible de fournir :
- dès maintenant, un cadre de négociations neutre sur le terrain,
dès son adoption par les belligérants, une surveillance du cessez-le-feu,
à terme, le contrôle de l'application des accords d'Arusha.


(1) A cet effet, il conviendrait de favoriser une information moins partisane sur la responsabilité des massacres au Rwanda, notamment en révélant l'ampleur des exactions commises par le FPR.

CONFIDENTIEL DÉFENSE

Cette troisième option pourrait générer des tensions avec l'Ouganda qui est aujourd'hui une puissance économique régionale avec laquelle le France a développé ses relations économiques depuis trois ans

Mais elle cumulerait les avantages suivants :

- un soutien à l'action du gouvernement intérimaire rwandais, issu de la majorité ethnique, contre le FPR, minoritaire, allant dans le sens d'une reprise du dialogue et d'une plus grande stabilité politique du pays,

- un maintien d'une activité visible et significative de la France dans la région favorisant la reconnaissance de son statut de puissance africaine,

- un rôle notable de la France dans l'action humanitaire, lui permettant de s'octroyer le volet le plus valorisant aux yeux des opinions publiques,

- un possible bénéfice diplomatique d'une action rapide face aux atermoiements de la communauté internationale.

En conclusion, les leviers d'action dont dispose la France peuvent lui permettre, au prix d'un engagement durable et en coordination avec les instances internationales, de jouer un rôle stabilisateur dans la sous-région des grands lacs. Dans cette perspective l'association de l'ancien colonisateur belge apparaît incontournable.

Une telle action combinant l'ensemble des propositions de l'engagement indirect serait de nature à offrir des bénéfices importants sur le long terme :

- le maintien et le développement de la crédibilité de La politique africaine française,

- les perspectives d'accroissement des relations économiques avec l'Afrique orientale et australe,

- l'éclat de l'image de marque française pour son leadership dans la mise en œuvre de l'action humanitaire.

En tout état de cause les décisions qui vont être prises dans le cadre de cette crise, sont à mettre en perspective avec l'ensemble de notre politique africaine, notamment la définition de zones d'effort prioritaires.

Pour le Général d'armée aérienne Achille LERCHE
et par ordre le Vice Amiral LAFARGUE
Directeur de l'Evaluation et de la Documentation Stratégiques

CONFIDENTIEL DÉFENSE

LISTE DES ANNEXES

à la note "sous-régions des Grands Lacs Africains"

ANNEXE 1 : "Carte générale de la sous-région”.

ANNEXE Il : "Données politiques".

ANNEXE III : "Forces armées régulières ct rébellions".

ANNEXE IV : "Intérêts de la France dans la sous-région".

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