Fiche du document numéro 4411

Num
4411
Date
Mardi 17 juin 1997
Amj
Taille
109425
Titre
Ubutabera lettre n° 10 : Akayesu - Rutaganda
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Publication périodique
Langue
FR
Citation
Ubutabera

Journal indépendant d'informations sur le Tribunal pénal international
pour le Rwanda

Arusha - 17 juin 1997 - N° 10


Sommaire



[1]De nouvelles charges contre J-P Akayesu

[2]Six nouveaux témoins contre Georges Rutaganda

[3]En bref...En bref...En bref...

.

.

De nouvelles charges sont portées contre J-P Akayesu



Trois nouveaux chefs d'accusation ont été portés contre l'ancien
bourgmestre, ayant trait à des violences sexuelles commises entre avril
et juillet 1994 dans le bureau communal de Taba. C'est la première fois
que de nouvelles charges sont portées contre un accusé en cours de
procès. La Défense a dénoncé l'intrépidité de la démarche du
procureur. Le procès reprendra le 22 octobre.

C'est une première au Tribunal pour le Rwanda : le Parquet a porté de
nouvelles charges contre Jean-Paul Akayesu, ancien bourgmestre de Taba,
dont le procès a demarré le 9 janvier dernier à Arusha. Le bureau du
procureur, représenté par l'américain Pierre-Richard Prosper, a mené
l'affaire à la hussarde. Les nouveaux éléments de preuve, relatifs à
des viols et des violences sexuelles présumés commis entre avril et
juillet 1994 au bureau communal de Taba, ont été communiqués à Arusha,
le 13 juin. Devant la gravité de ces actes, basés sur de nouveaux
témoignages, le procureur a décidé de demander que l'acte d accusation
porté contre Jean-Paul Akayesu soit amendé. Le 15 juin, la requête
était portée à la connaissance de l'avocat de Jean-Paul Akayesu,
Nicholas Tiangaye ; celui-ci ne recevant le projet d'amendement que le
lendemain en milieu de soirée. Le 17 au matin, la requête était
publiquement déposée devant la cour. Le procureur a notamment justifié
la rapidité de sa démarche pour des raisons de calendrier : départ
prolongé imminent de deux juges de la première chambre de première
instance et risque de voir la reprise du procès - prévue pour le 29
septembre prochain - faire l'objet d'un nouveau report suite a cette
requête. Le procureur a rappelé la genèse de ces nouvelles accusations.
Dès les premières enquêtes, une ONG avait communiqué au Parquet des
éléments d'information en la matière, que le procureur avait jugées
insuffisantes pour poursuivre. En mars, a-t-il souligné, le témoin H
avait évoqué devant la cour des cas de femmes appelées au bureau
communal pour être violées. Mais des problèmes de sécurité avaient,
semble-t-il, empêché des enquêtes approfondies. Le détail des
accusations n'a pas encore été rendu public. Sara Darehshori, du bureau
du procureur, a cependant évoqué de nombreux viols commis à la fois
dans le bureau communal et à ses alentours, ainsi que diverses
violences sexuelles, dont certaines perpétrées a l'aide d'objets en
bois visant à mesurer la profondeur du vagin des femmes tutsies. La
police communale n'a rien fait pour empêcher [ces actes] mais en plus y
a participé
, a ajouté Sara Darehshori.

La défense s'est dite surprise par la démarche insolite du procureur.
Me Tiangaye a estimé que les principes de loyauté et de débat
contradictoire étaient mis a mal. Brocardant les délais et la facon
dont il a été informé de la requête, il a ainsi interrogé la cour :
Pouvez-vous faire droit a cette requête dans les circonstances
actuelles ?
. Après une longue suspension de séance, le Tribunal a
répondu par l'affirmative. Bien que la Défense n'ait pu présenter sa
position, vu la saisie tardive du projet d'amendement, le Tribunal a
examiné la demande et, convaincu de son bien fondé, autorise la
modification de l'acte d accusation
, a annoncé le président Kama.
Simultanément, la reprise du procès, fixée au 29 septembre, a été
repoussée au 22 octobre. C'est donc ce jour-là que Jean-Paul Akayesu
plaidera coupable ou non coupable des trois nouveaux chefs d accusation
portés contre lui.

.

Six nouveaux témoins contre Georges Rutaganda



Du 27 au 29 mai, puis du 9 au 13 juin, six témoins de l'accusation sont
venus déposer contre l'ancien deuxième vice-président des Interahamwes.
Ces témoignages ont porté sur des événements à Kicukiro et Cyahafi, où
Georges Rutaganda aurait supervisé le déclenchement des tueries.

Le procès de Georges Rutaganda a repris fin mai puis s'est prolongé en
juin, après avoir été interrompu par la session plénière. Six nouveaux
témoins ont été présentés par le Parquet. Du 27 au 29 mai, la première
chambre de première instance a entendu les témoins W et DD. L'avocat de
la défense, la canadienne Tiphaine Dickson, a d'emblée regretté que les
garanties nécessaires au déroulement d'un procès équitable ne soient
pas, à ses yeux, réunies, du fait de la communication trop tardive de
l'identité des témoins par le bureau du procureur. Elle a fustigé la
façon dont les transcripts étaient rédigés et affirme avoir reçu une
lettre du Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies lui
signifiant ne pas pouvoir apporter sa collaboration dans le cadre de la
recherche et de la protection de ses témoins.

Le témoin DD, un lycéen âgé de 19 ans au moment des faits et résidant
dans la commune de Kicukiro (Kigali), a ensuite évoqué l'attaque par
les Interahamwes de l'Ecole technique officielle (ETO). Plusieurs
milliers de personnes s'étaient refugiées dans l'enceinte de l'ETO,
début avril 1994, sous la protection des soldats belges de la force de
maintien de la paix de l'Onu, la Minuar. Peu après le départ de
ceux-ci, le 11 avril, l'établissement avait été attaqué. On a vu les
Interahamwes attaquer, raconte DD. Il y avait des dirigeants comme le
conseiller de Kicukiro, ses fils et Georges Rutaganda. Ils étaient
ensemble, armés. Je les voyais à environ 50 mètres. Rutaganda avait un
fusil. Nous avons alors pris la fuite.


La Défense a très vite concentré son contre-interrogatoire sur les
contradictions entre la déclaration faite par le témoin auprès des
enquêteurs du Parquet, en janvier 1996, et sa déposition devant la
cour. Le témoin a-t-il vu Georges Rutaganda à partir d'une salle de
classe, comme il l'avait dit aux enquêteurs du procureur, ou à partir
du stade, comme il l'a raconté devant les juges ? Etait-il à 50 mètres
ou à 200 mètres, comme il l'a signé dans sa précédente déclaration ?
Les juges ayant tenté, en vain, de cerner une version définitive des
faits, la Défense a mis en valeur cette défaillance de la mémoire.

- Je pense mieux [aujourd'hui] aux événements qui m'ont affecté, a
dit DD.

- Avez-vous l'habitude de mieux vous souvenir plus le temps passe ?,
a appuyé Me Dickson.

- Chez nous, c'est comme ça ( ). Le souvenir se précise au fur et à
mesure des discussions
, s'est défendu le témoin, ne précisant pas, sur
la demande de l'avocat, avec qui [il avait] discuté.

L'ordre d'ériger les barrières à Kicukiro

Le lendemain, le témoin W s'est présenté devant la cour. Commerçant à
Kicukiro, âgé de 33 ans, il résidait à moins d'un kilomètre de la
maison de Georges Rutaganda. J'ai appris le crash [de l'avion
présidentiel] par Radio Rwanda aux nouvelles de 6 h. J'ai eu peur.
L'ordre était donné de ne pas quitter la maison, alors que des membres
de la CDR [Coalition pour la défense de la République] et des
Interahamwes circulaient librement. Vers 10 h, nous avons commencé à
entendre des tirs. Un véhicule circulait et annonçait de prochains
combats entre les FAR [Forces armées rwandaises] et le FPR [Front
patriotique rwandais]. J'ai quitté ma maison et voulu rejoindre
Rubirizi mais je n'ai pas pu. Je suis parti avec beaucoup de gens. J'ai
rencontré des Interahamwes dirigés par Rutaganda. C'est à ce moment
qu'il a ordonné au chef de cellule et au conseiller d'ériger des
barrières. Rutaganda était avec d'autres Interahamwes dans son
véhicule. J'étais assez proche pour entendre. J'ai pu l'entendre
clairement. Il a donné ordre au conseiller et au chef de cellule
d'ériger des barrières. Ce qui a été immédiatement fait. Ceux qui
étaient identifiés comme tutsis étaient arrêtés. Certains sont morts.
Rutaganda a dit qu'il venait d'un autre secteur où il avait terminé le
génocide. Il s'agissait du secteur de Kagarama. Il est monté dans son
véhicule et il est reparti
, a raconté le témoin. Rutaganda a dit
qu'aucun Tutsi ne passe les barrières car les Inkotanyi étaient déjà
infiltrés. On était le 7 avril vers 9 h et nous étions environ cinq
cents personnes. Les Interahamwes, dans la voiture de Rutaganda,
brandissaient des machettes couvertes de sang
, a-t-il poursuivi. W a
ensuite raconté sa fuite vers l'ETO, le meurtre de sa mère, devant ses
yeux, à coups de gourdin, puis sa marche vers Nyanza, ou, sur la route,
il a affirmé avoir revu la voiture de Georges Rutaganda.

Lors de son contre-interrogatoire par la Défense, le témoin a précisé
la raison pour laquelle il connaissait bien le domicile de l'accusé. Il
a aussi rectifié la date à laquelle il a vu Georges Rutaganda ordonner
l'érection des barrières. Je ne me suis pas rendu le 7 mais le 8 avril
à Rubirizi. Le carrefour dont je parle est celui où se croisent les
routes de Rubirizi, du Bugesera et de la Sonatube. Ce n'est pas le
véhicule de Rutaganda qui est venu mais c'est lui qui était dedans.
C'était un minibus. J'étais à vingt ou trente mètres du véhicule. Les
gens se sont tus pour écouter le message. Il y avait une cinquantaine
de personnes entre moi et le véhicule. A ce moment, les Interahamwes
étaient peu nombreux et pas capables d'arrêter cinq cents personnes.

Du 9 au 13 juin, quatre autres témoins de l'accusation se sont succédés
à la barre. Le Parquet ayant changé au dernier moment leur ordre de
comparution, la Défense a dénoncé une nouvelle atteinte aux droits de
la Défense
. Le témoin E, fils de diplomate, était membre du MDR. Le 8
avril, il quitte sa maison pour aller faire des provisions. En
m'approchant [de la boutique], raconte-t-il, j ai vu un groupe de gens.
J'ai été appelé par le conseiller de secteur. Georges Rutaganda se
trouvait dans ce groupe. Il avait un pantalon civil et une veste
militaire. J'ai directement compris pourquoi on m'avait appelé : pour
enlever les cadavres le long de la route. Il était question de creuser
une fosse. J'ai participé à ce travail. On a d'abord identifié la
fosse. Certains creusaient. D'autres ramassaient les cadavres. J'ai
aidé dans le transport. Rutaganda avait un rôle de superviseur de
l'opération. Il a demandé [de creuser à] un endroit ou l'on ne voit
pas. ( ) C'est difficile à décrire. Les corps ne sentaient pas encore.
Je n'ai pas bien compté. La conscience n'était pas là. Mais le nombre
dépasse une dizaine. Nous avons travaillé deux à trois heures. Après le
travail, j'ai approché Rutaganda car j'avais appris qu'un de mes
voisins, Felicien Karangwa, avait été tué avec sa femme. J'ai demandé à
Rutaganda si le groupe pouvait aller les enterrer. Il m'a donné une
réponse qui m'a déçu :
Il faut laisser cet imbécile au moins une
semaine pour qu'il sente le choc des événements. Pour qu'il sente le
choc des événements, a répété le témoin. Tout le monde est parti. Il
était entre 9 h et 11 h. Je suis rentré chez moi.


Interrogatoires à huis clos

Le contre-interrogatoire a vite tourné court pour le public. La Défense
a, en effet, semble-t-il, questionné la crédibilité du témoin du fait
de ses responsabilités politiques antérieures et de sa position dans un
établissement parapublic. L'identité du témoin pouvant, dès lors, être
découverte, Tiphaine Dickson a demandé la poursuite de son
interrogatoire à huis clos. C'est la première fois qu'un témoin est
ainsi interrogé dans le secret de la cour. Le lendemain, la même
requête était formulée pour le témoin B. Mais, cette fois-ci, la
demande a émané du procureur.

Ce second huis clos a empêché le public de connaître la teneur du
témoignage du témoin B, un entrepreneur en bâtiment de Kicukiro, contre
Georges Rutaganda. Dans la brève partie publique de sa déposition, B a
cependant raconté avoir eu, parmi ses employés, des Interahamwes qui,
la bière aidant, lui avaient confié, avant la guerre, avoir appris à
tuer en moins de quinze minutes
et être entraînés par des Français à
Gako (Bugesera) et Gabiro (Mutara)
. Il a évoqué une attaque à la
grenade, le 23 février 1994 - peu après la mort de Martin Bucyana,
président de la CDR - dont il porte encore les séquelles et a établi un
lien, à cette occasion, avec la RTLM, sur les ondes de laquelle le nom
d'un voisin tutsi avait immédiatement auparavant été donné. La
quasi-intégralité du contre-interrogatoire s'est déroulée à huis clos.

Règlement de procédure et de preuve

Audiences à huis clos

(A) La chambre de première instance peut ordonner que la presse et le
public soient exclus de la salle pendant tout ou partie de l'audience :
(ii) pour assurer la sécurité et la protection d'une victime ou d'un
témoin ou pour éviter la divulgation de son identité en conformité a
l'article 75 ci-dessus.

Les deux derniers témoins ont relaté des événements intervenus, autour
du 15 avril, dans le quartier de Cyahafi. Le témoin M, résidant à
Kimisagara (Kigali), apprend l'attentat contre l'avion du président
rwandais vers 22 h, le 6 avril, sur la RTLM. Dès le lendemain,
raconte-t-il, il rejoint le Centre hospitalier de Kigali (CHK), après
avoir vu ses voisins être découpés avec des machettes. Il y reste
jusqu'au 12 avril, date à laquelle il gagne le secteur de Cyahafi, dont
il a appris qu'il est épargné par les tueries. Le 15 avril, dans
l'après-midi, Georges Rutaganda a fait commencer les tueries, raconte M
devant les juges. Je l'ai vu à 9 h 30 le matin, avec six personnes dans
un véhicule, armés de fusils. Ils portaient des gilets pare-balles de
soldats belges de la Minuar. J'étais debout à côté d'une fontaine
d'eau. Le véhicule s'est arrêté devant le domicile de Michel Chirakera.
Rutaganda portait un uniforme militaire. Il a distribué des fusils,
dont un à Muzehe. Il a envoyé son chauffeur Francois chercher des
Interahamwes pour prendre des fusils.

Rutaganda leur a dit d'aller tuer ces Tutsis et que, s'ils ne les
tuaient pas, lui-même aménerait un blindé qui tuerait tout ça. Entre 8
et 10 mètres me séparaient du véhicule. Puis les tueries ont commencé.
Muzehe a tué Niyomongabo qui vivait avec moi, pendant que je me
cachais. Puis il s'est precipité pour piller la maison. Muzehe était
mon ami car j'étais chauffeur de taxi et qu'il était mon client. Je me
suis refugié une nuit chez Alexandre Muhego. J'ai vu Muzehe vers 22 h,
un soir. Il est venu demander de l'argent. Sinon il nous tuait. Puis,
il a dit qu'il retournait a la barrière, chez Rutaganda. La troisième
fois qu'il est venu, au mois de mai, il a dit que Rutaganda l'avait
nommé chef de la barrière. Une fois, il nous a dit que nous étions les
seuls Tutsis qui restaient, qu'il venait de tuer un autre Tutsi,
Munyawera, et qu'il y avait son cadavre derrière le garage de
Rutaganda.
A la fin de l'interrogatoire par le procureur, celui-ci lui
demandant où se trouvaient ses parents, un long silence a régné dans la
cour, discrètement interrompu par de sourds reniflements dans le micro
du témoin.

Depuis la guerre, je n'ai plus la tête qui réfléchis bien



Le lendemain, la parole était à la Défense. Me Dickson a vivement
dénoncé un changement intervenu dans la déposition de M et communiqué
la veille a l'avocat. L'élément nouveau est de taille : il s'agit de la
déclaration de Georges Rutaganda au moment de la distribution des
armes. Le nouveau renseignement est intervenu lors de la préparation
du témoin, s'est défendu le procureur. Cela peut arriver. Dans ces
cas-là, les délais sont très courts. Heureusement, la Défense a eu
toute la nuit pour étudier le complément de la déclaration
, a ajouté
James Stewart. A l'issue de cette passe d'armes, Tiphaine Dickson a
énumére une série de contradictions entre la déclaration de M devant
les enquêteurs du Parquet et son témoignage devant la cour. Le nombre
de personnes présents à la fontaine, a relevé l'avocat, passe de 5 a 10
individus à 80 ; Rutaganda est déjà là quand M arrive alors qu'il
n'apparaît qu'une heure après lui selon le témoignage devant les juges
; le départ au CHK intervient non le 7 mais le 9 avril. Personne ne
parvient à clarifier le témoignage. Moi, en me présentant devant cette
cour, lorsque le president m'a demandé de dire la vérité, c'est la
vérité que je vous dis et c'est important pour moi, pour ma soeur, Ne me
prenez pas pour un menteur. Veuillez accepter ce que je vous déclare
aujourd'hui. Même le bon Dieu ne peut se souvenir mot à mot
, a déclaré
M. - Ce que nous avons compris de votre déclaration c'est que
l'intervention de Rutaganda est déterminante dans le déclenchement des
tueries. Est-ce son discours qui a déclenché les massacres ? demande le
président de la chambre, Laity Kama. - C est ça qui a déclenché les
massacres, répond M. - Comment avoir oublié de dire cette chose, qui
est la plus importante, aux enquêteurs ? continue le juge. - Depuis la
fin de la guerre, je n'ai plus la tête qui réfléchit bien, confie le
temoin. - Georges Rutaganda a-t-il changé depuis trois ans ? interroge,
alors, le juge Aspegren. - Il a changé. Aujourd'hui il est très noir.
Avant il était plus clair
, repond M.

Distribution d'armes à Cyahafi

Le témoin J habitait Cyahafi en avril 1994. Dans notre secteur, vers
le 13-15 avril, on commençait à se méfier les uns des autres,
raconte-t-il. Le 15, Munyawera, un policier, est arrivé et a dit que
les
inyenzi avaient commencé à attaquer. Il a rassemblé tout le
monde. Nous avons remonté la colline sur son ordre et nous sommes
arrêtés près de la fontaine d'eau. A 15 h, nous avons vu arriver une
camionnette. Rutaganda en est sorti, s'est dirigé derrière [le
véhicule] et a distribué des armes. Après, ils ont commencé à tirer sur
les personnes. Je connaissais Rutaganda depuis longtemps. Il était
debout derrière la camionnette. Deux personnes distribuaient les armes.
Muzehe est immédiatement descendu et a tiré sur un certain Rusagara,
qui est mort sur le champ. Entre l'arrivée de la voiture et les tirs,
il ne se passe pas dix minutes. J'ai vu deux personnes qui tiraient,
Muzehe et Bizimungu. Je suis rentré à la maison. Un certain Ndayambaje
est venu et m'a dit de ne plus aller sur la route car on demandait aux
gens leur carte d identité. Il m'a apporté de la nourriture. Quand il
n'est plus venu, je suis sorti. J'ai rencontré Bizimungu, Muzehe et
Zyad. Zyad m'a arrêté et m'a demandé ma carte d'identité. Il m'a dit
qu'être Tutsi était un pêché. Comme nous nous connaissions, il m'a
demandé 50 000 francs rwandais. Je lui ai dit que je n'avais pas
d'argent mais que j'avais des armoires à la maison. Il a gardé ma carte
et je me suis enfui. Je suis retourné à la maison. Ndayambaje a
continué a m'apporter à manger.


Suspendu le 16 juin, le procès de Georges Rutaganda reprendra le 29
septembre.


En bref



* Comparution initiale. La comparution initiale d'Alfred Musema,
transféré à la prison d'Arusha le 20 mai dernier, a été reportée en
l'absence de son avocate suisse, Marie-Paule Honegger.

* Cour permanente. Le président du TPIR, le juge sénégalais Laity Kama,
s'est rendu à Paris, du 17 au 24 juin, afin de participer notamment à
une réunion organisée au Sénat par l'association No Peace without
Justice. Cet appel pour la création d'une cour penale internationale
devait notamment se faire en présence de l'ancien ministre de la
Justice français Robert Badinter et du commissaire européen à l'action
humanitaire Emma Bonino.

* Visite à Kigali. La visite à Kigali d'une importante délégation du
TPIR, annoncée au cours de la dernière session plénière, aura lieu les
25 et 26 juin. Elle sera composée du président du Tribunal, le juge
Laity Kama, de deux autres juges de première instance, du président de
la cour d'appel Antonio Cassese et du juge américain McDonald, ainsi
que du procureur Louise Arbour et son adjoint Bernard Acho Muna.

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Ubutabera est réalisé par l'association Intermedia

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