Fiche du document numéro 979

Num
979
Date
Dimanche 17 avril 2005
Amj
Taille
37198
Titre
Témoignage de Jonas Kanyarutoki
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Type
Témoignage
Langue
FR
Citation
Identification du témoin
Jonas Kanyarutoki
Date de naissance : 1942
Lieu de naissance et résidence
• Cellule Mugali
• Secteur Bitandara
• Commune Muko, actuellement district de Mushubi
Etat civil : Marié et père de 5 enfants
Niveau d’étude : 6 ans primaires
Fonction avant son incarcération : Agriculteur
Détenu depuis : Décembre 1994
L’arrivé de l’opération Turquoise dans ma commune date depuis vers la fin du mois de mai. Tout
le monde s’en est réjoui, surtout des interahamwe et nos autorités. Ils espéraient bien que l’armée
française vienne de les mettre à l’abri des inkotanyi qui se préparaient à entrer dans notre
préfecture.
Débordés de joie, ils ( les résidants de la commune) n’ont pas hésité à entonner des chansons leur
souhaitant la bienvenue. En tout cas, le sourire qui se laissait remarquer sur nos visages
témoignait bien ce que nous cherchions de la troupe française : aider le pouvoir hutu à chasser les
inkotanyi qui avaient pris le contrôle d ‘une grande partie du pays.
Par leurs véhicules blindés et jeeps ornés des armes très sophistiquées et puissantes, rien ne
pouvait émouvoir notre esprit en panique à cause de l’avancée des inkotanyi. Notre espoir a été
assuré par les propos des militaires français qui disaient que les inkotanyi ne pourraient jamais
poser leurs pieds sur le sol qu’ils contrôlaient. C’est-à-dire donc les préfectures Gikongoro,
Cyangugu et Kibuye. Ce campement a permis aux interahamwe et militaires à nouer des grandes
amitiés avec l’opération Turquoise.
Les Français n’ont pas eu la lucidité de savoir des autorités qui avaient pris le devant dans les
massacres des Tutsis dans notre région. Ils ont préféré collaborer avec eux pour faire asseoir
l’administration française sur la terre occupée. L’exemple que je donne concerne notre
bourgmestre de Muko. Il s’appelle Albert Kayihura. C’est lui qui avait inauguré le génocide dans
la commune en ordonnant la mort de Michel Gacendeli, comptable de la commune et Kageruka,
assistant médical. Si les Français avaient la volonté de connaître la réalité, ils ne devraient pas
collaborer avec les génocidaires. Ils ont pourtant intéressé la population, par le biais du
bourgmestre et ses adjuvants, à veiller à ce que les inkotanyi ne s’infiltrent pas dans leur
territoire. C’était un exercice qu’ils nous donnaient chaque jour. Ils nous disaient qu’ils avaient
tous les moyens pour neutraliser la force des inkotanyi osant les agresser.
Sous la toile de protéger les Tutsis, ceux qui avaient bénéficiés de la cachette de leurs voisins ont
été exposés. Les Français nous encourager à leur présenter des Tutsis en cachette. Tout le monde
s’est pressé de le faire. Je leur ai montré deux garçons à savoir Iyakaremye, âgé de 12 ans et
Hagenimana, âgé de 16. L’histoire qui m’est étrange est que les enfants sont invisibles depuis leur
départ avec les Français. Pourtant, ils nous disaient qu’ils les emmenaient les protéger dans des
camps de Tutsis. Notre gouvernement devrait aller réclamer l’adresse de ces Tutsis. S’ils sont
décédés, rien à douter de l’implication directe de l’opération Turquoise.

Plusieurs cas, que ce soit des Hutus ou Tutsis ont été ligotés par les militaires français et
transportés en avion dans la forêt de Nyungwe. Cela c’est passé sur toute la totalité du territoire
de Gikongoro. Il suffisait seulement de montrer aux Français que tel ou tel individu était
soupçonné de collaborer avec les inkotanyi. C’était la mort indiscutable. Le malheur s’est passé
surtout aux étrangers de notre commune qui avaient la physionomie de Tutsis. La population les
livrer sous le nom des inkotanyi. Dans d’autres communes plusieurs cas semblables ont eu lieu.
Les prisonniers en témoignent.
Les Français ne peuvent pas nier qu’ils ont jeté plusieurs gens dans la forêt de Nyungwe. Il y a
même un rescapé hutu qui est ici en prison. Il s’appelle Félicien Sibomana, alias Shinani. Pour les
Français, il ne valait rien d’être interahamwe pour être jeté dans la forêt. L’important pour eux
était d’être sous l’appellation d’ inkotanyi. Le malheur pour les Tutsis est qu’ils étaient confondus
avec les inkotanyi, surtout ceux de sexe masculin. C’est pour cela que nombreux ont été jetés
dans la forêt de Nyungwe.
J’ai bien expliqué dans les paragraphes précités que les Français nous assuraient qu’ils nous
protégeraient dans leur zone. Cela a permis à t’autres résidants des autres provinces qui avaient
fui des régions tombées sous la main des inkotanyi de s’amasser dans notre province. C’était un
grand soulagement d’arriver dans le territoire sous le contrôle des Français. Ils préféraient y
rester. La catastrophe est survenue lorsque les Français ont débuté la campagne de nous
sensibiliser à fuir le Rwanda. C’était depuis la fin de juillet. Ils parcourraient toute la région en
nous disant que les inkotanyi aller nous couper des gorges. Ils nous le montraient par des signes.
Les Français ont eu vraiment un grand rôle dans l’évacuation des autorités et un grand nombre
des interahamwe qui étaient à la tête des massacres de Tutsis dans notre région. Ce sont eux qui
sont venus transporter notre bourgmestre et ses collaborateurs. Ils les ont emmenés au Congo.
Cela s’est déroulé lorsque les inkotanyi se trouvaient sur la rive-ouest Mwogo.
Selon mon point de vue, les Français devrait s’abaisser et demander pardon au Rwandais. Leur
comportement les rangeait du côté des génocidaires. J’affirme qu’ils ont eu un grand rôle dans le
désordre qui s’annonce depuis 94 dans des pays de la région de grand lac. S’ils n’avaient pas
permis aux interahamwe et militaires de s’installer en RDC, l’insécurité ne serait pas alarmante
dans notre région.1

1

Témoignage recueilli à Gikongoro Le 17 avril 2005

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