Fiche du document numéro 9928

Num
9928
Date
Mardi 5 juillet 1994
Amj
Auteur
Taille
136765
Titre
Rwanda - Conférence de presse du Ministre des Affaires étrangères, M. Alain Juppé
Nom cité
Source
Type
Langue
FR
Citation
(Paris, 5 juillet 1994)

Rwanda - intervention française - principes et objectifs



Mesdames et Messieurs, j'ai pensé qu'il était utile de faire un point
de l'opération Turquoise. Je tiens à vous dire que notre intervention
au Rwanda se déroule conformément aux
principes et aux objectifs qui ont été fixés par le gouvernement dès
le début de cette opération. Je voudrais les rappeler.

Premier principe : nous avons dès le début exprimé une condamnation
claire du génocide qui a été perpétré par les milices hutues au
lendemain de l'assassinat du président Habyarimana. Je vous renvoie à
mes déclarations répétées à l'Assemblée nationale, au Sénat ou dans la
presse. Nous avons demandé que les auteurs de ce génocide soient
identifiés, jugés et punis. La France était le seul pays à être
représenté au niveau ministériel lors de la réunion de la Commission
des Droits de l'Homme des Nations unies à Genève et je vous rappelle
que nous avons été les co-auteurs de la résolution du Conseil de
sécurité créant une commission d'enquête sur les actes de génocide et
qui a été récemment votée à l'unanimité.

Deuxième principe : nous avons exclu à tout moment de nous interposer
entre les belligérants. Pour nous il n'est pas question de prendre
parti. Jamais nous ne nous sommes fixés comme objectif d'empêcher par
exemple la prise de Kigali, ni de nous opposer aux projets du FPR qui
le sait bien puisque nous le lui avons à plusieurs reprises
expliqué. Il en est de même aujourd'hui. Présenter la création d'une
zone humanitaire sûre comme un moyen de protéger les troupes dites
gouvernementales et de bloquer le Front patriotique rwandais est un
non-sens et ceci pour plusieurs raisons que je voudrais souligner :

1. Nos troupes ont reçu pour instructions de faire preuve de la même
fermeté dans la zone de sûreté à l'égard de toutes les unités
militaires quelles qu'elles soient, dès lors qu'elles s'attaqueraient
aux populations que nous voulons protéger.

2. L'essentiel des troupes des forces armées rwandaises ne se trouvent
pas dans la zone de sûreté qui ne doit pas être confondue avec le
réduit du nord-ouest où se trouvent retranchées les troupes hutues. Je
souligne en particulier que cette zone de sûreté ne comprend pas le
district de Gisenyi qui est le siège du "gouvernement intérimaire"
auto proclamé.

Contacts avec le FPR



Nous sommes en permanence en contact avec le FPR pour lui expliquer
les modalités de notre opération et essayer d'ailleurs de les définir
en commun avec lui. J'ajoute enfin une question : « Quel pourrait être
dans cette zone de sûreté le but de guerre du FPR auquel nous nous
opposerions ? ». Je comprends que Kigali ait pu être un but de guerre,
je comprends que le réduit hutu où se trouve le « gouvernement » auto
proclamé et les troupes hutues puisse apparaître comme un but de
guerre, mais dans la zone de sûreté il n'y a que des réfugiés -
400.000 environ -.

Action humanitaire - réfugiés - zone humanitaire sûre



Troisième principe : notre seul but est humanitaire. Il s'agit de
protéger des populations et rien d'autre. De ce point de vue on peut
dire qu'en quelques jours l'objectif a déjà été atteint. L'opération
Turquoise, grâce au courage, au sang froid, à l'efficacité de nos
militaires a permis de sauver d'ores et déjà des milliers de vies,
parfois des camps entiers de réfugiés tutsis qui ont été protégés -
par exemple, celui de Nyarushishi où il y en avait 8 000 -, parfois des
groupes de populations isolées, terrorisées ou blessées qui ont été
mis en lieu sûr. Des barrages de milices ont été en bien des endroits
démantelés, aucun massacre nouveau ne s'est produit dans la zone que
nous contrôlons et lorsque ceci était nécessaire, quand on ne pouvait
pas mettre en sécurité les intéressés sur place, nous avons procédé à
des évacuations de blessés, d'orphelins, de religieux ou religieuses -
au total 1300 évacuations au cours des derniers jours.

Cet objectif humanitaire de notre opération est plus urgent, plus
pressant que jamais. Que se passe-t-il - et je m'étonne d'ailleurs
qu'on ne le dise pas plus souvent et plus clairement - ? L'avancée du
FPR a provoqué un nouvel exode massif des populations car en avançant
le FPR bombarde les populations civiles, provoque donc des paniques et
un nouvel exode. Si nous nous étions retirés à la frontière du Zaïre
et si les populations n'étaient pas mises en sûreté dans la zone où
nous sommes, que se serait-il passé ? Elles auraient continuer à
s'enfuir bien sûr vers le Burundi, qui est dans l'état de fragilité
que vous savez, ou vers le Zaïre dont l'est est surpeuplé, ce qui
comporte un risque de déstabilisation de l'ensemble de la sous-
région. C'est ce qui s'est passé dans la zone déjà contrôlée par le
FPR qui a été vidée vers les camps de réfugiés de Tanzanie ou du
Burundi.

Voilà la justification de notre nouvelle initiative - qui date de 48
heures - : la création de cette zone de sûreté qui s'explique par
cette nouvelle aggravation de la situation humanitaire. Notre
initiative a une base juridique claire, ce sont les résolutions
existantes du Conseil de sécurité, la 925 qui préconisait la création
de zones de sûreté et la 929 qui a fondé notre intervention. Ce que
nous avons enclenché au Conseil de sécurité est donc simplement une
procédure d'information du Conseil et non pas de demande
d'autorisation ou d'approbation conformément d'ailleurs à l'avis
formel que nous a donné le Secrétaire général. Cette procédure
d'information s'achèvera ce soir à 17 H 00 - heure de New York.

Nous avons reçu dans tout cela, je le répète, l'appui de
M. Boutros-Ghali, l'appui d'un grand nombre de pays de la région et,
enfin, je voudrais insister sur ce point, contrairement là aussi à ce
que certains propos un peu excessifs tenus par certains porte-parole
ici ou là, le FPR ne s'est pas opposé à notre opération. Notre
ambassadeur à Kampala a rencontré hier le Major Kagamé, qui est le
chef militaire du FPR, qui s'est dit convaincu de notre bonne foi et a
souhaité discuter avec nous des modalités d'application de la zone de
sûreté. Il a estimé que l'échange de tirs de dimanche dernier entre
certains éléments FPR et nos troupes qui a été monté en exergue, était
un incident mineur. Il n'y a donc pas de volonté d'affrontement ni de
part ni d'autre.

Règlement politique - action diplomatique de la France - dialogue
avec les parties



Quatrième principe : Bien entendu, et ce n'est nullement
contradictoire avec le rappel de l'objectif exclusivement humanitaire
de l'opération Turquoise, il y a par ailleurs l'action diplomatique et
dans ce domaine la France ne peut naturellement pas se désintéresser
du règlement politique global car là aussi, il ne faut pas simplifier
les choses. Laisser entendre que la victoire totale du FPR et
l'occupation totale du pays par le FPR régleraient le problème est
absurde. On connaît la réalité humaine, démographique, politique du
Rwanda. Il faudra donc à un moment ou
à un autre que l'ensemble des factions reprenne un processus de
discussion. Voilà pourquoi nous sommes le plus actif possible pour
essayer de réunir les conditions d'un cessez-le-feu. Maintenant que
Kigali est tombée aux mains du FPR on peut penser que les raisons de
ce cessez-le-feu sont accrues. Nous essayons également de provoquer la
reprise du dialogue politique sur la base des accords d'Arusha qui, de
l'avis général, constituent le seul moyen de retrouver au
Rwanda une situation politique
équilibrée permettant la reconstruction du pays. C'est dans cet esprit
que nous sommes très actifs vis-à- vis des différents Etats de la
région on se rappelle de la visite du président Museveni à Paris où il
a été reçu par le Président de la République, mais nous continuons à
garder évidemment le lien sur place.

Limites de l'opération Turquoise - relais avec la MINUAR



Nous avons également des contacts avec les modérés des deux camps pour
essayer de réunir les conditions de ce dialogue, qu'il s'agisse du
FPR, du Premier ministre de transition, M. Faustin Twagiramungu, ou
des modérés hutus.

Maintenant que les principes ont été rappelés -condamnation claire et
immédiate du génocide, refus de toute interposition sur le terrain
entre les belligérants, opération exclusivement humanitaire, présence
diplomatique pour faciliter la recherche d'un règlement politique
global- comment peut-on envisager les prochaines semaines ? Nous
sommes résolus à mener l'opération Turquoise telle qu'elle a été
prévue et dans les limites de temps où elle a été prévue. Il faut que
ceci soit clair et connu de tous. Ce qui veut dire qu'il faut d'ores
et déjà commencer à réfléchir à l'organisation de la relève. C'est
d'abord la présence dans la zone de sûreté humanitaire des
organisations humanitaires. La France a mis en place un dispositif que
vous connaissez qui est très fort, avec des cellules de liaisons
humanitaires sur le terrain notamment à Bukavu et à Goma, ainsi qu'un
pont aérien qui en quelques jours aura permis l'acheminement de 400
tonnes de matériels ou de nourriture.

Il est évident que nous ne pourrons pas continuer à faire cela tout
seul et que la vocation des organisations humanitaires est
d'intervenir là où il y a des problèmes humanitaires. J'ai rappelé
qu'il y avait 400 000 réfugiés dans cette zone, 250 000 autour de
Gikongoro, 80 000 à Cyangugu et d'autres encore. Nous avons pris
contact avec le Secrétaire général des Nations unies depuis plusieurs
jours qui est tout à fait ouvert à ce dialogue pour que, notamment,
les agences spécialisées de l'ONU interviennent.

On comprend qu'elles ne l'aient pas fait dans une période où les
choses étaient dangereuses et où les combats pouvaient
s'intensifier. A partir du moment où cette zone est sûre, je ne vois
pas quelles seraient les raisons pour ne pas intervenir là où il y a
400 000 personnes et où, hélas, l'exode continue de se développer,
c'est donc le premier appel à la relève humanitaire.

Deuxième appel au FPR, s'il se confirme que sa victoire militaire sur
le terrain lui donne les moyens aujourd'hui d'être l'interlocuteur
numéro un, nous sommes prêts à étudier avec lui les modalités de la
sauvegarde humanitaire des populations dans l'ouest du pays.

Enfin, c'est un appel au Secrétaire général des Nations unies, à son
représentant spécial, M. Sharyar Khan, que l'on aimerait bien voir
dans la région d'ailleurs, ainsi qu'au commandant actuel de la MINUAR,
le général Dallaire, pour commencer à travailler avec nous, nos
représentants diplomatiques et évidemment avec nos chefs militaires,
pour commencer à organiser la relève progressive des troupes
françaises, franco-sénégalaises. On ne peut pas continuer à voir se
multiplier un peu partout des offres de services en troupes ou en
éléments logistiques sans que cela se manifeste un jour ou l'autre sur
le terrain. Je veux bien admettre qu'il y a des difficultés, qu'il
manque de l'argent, de moyens de transport, mais la France a un
dispositif de temps qui sera tenu conformément aux décisions qui ont
été prises par le Premier ministre et le gouvernement.

Voilà les quelques indications que je voulais vous donner ce matin car
je ne suis pas sûr que l'esprit dans lequel cette zone de sûreté a été
créée ait été bien perçu à tout moment.

Attitude du FPR - contacts - éventuelle confrontation



Q - Est-ce que vous êtes en position de guerre maintenant au
Rwanda ? Le FPR avance, et vous, vous
êtes à Gikongoro, il est inévitable que vous allez vous confronter.

R - Je conteste tout à fait cette analyse. Nous ne sommes pas en
situation de guerre. Nous n'avons aucun but de guerre. Nous ne
cherchons absolument pas à nous opposer à qui que ce soit. Nous
cherchons à protéger les populations. S'il y a des troupes qui
viennent attaquer des camps de réfugiés que nous protégeons, alors
nous riposterons. Nous ne laisserons pas massacrer des hommes et des
femmes sans défense. Ca, c'est clair ! Mais, est-ce que cela s'appelle
un but de guerre, ça ? Non ! La réponse est claire : non, cela ne
s'appelle pas un but de guerre, ça s'appelle un but humanitaire.

Donc, mon premier élément de réponse est très clair : nous sommes là
pour sauver les vies et si on veut s'en prendre aux vies humaines,
nous défendrons ceux qui seront attaqués, c'est clair !

Et deuxièmement, j'ai de bonnes raisons de penser que cet
affrontement, que tout le monde prédit, ne se produira pas, tout
simplement parce que nous sommes en contact avec le Front Patriotique
Rwandais. Nous lui expliquons ce que nous voulons faire, et nous
sommes prêts à définir avec lui les modalités de l'opération. S'il y
avait - ce que je ne peux pas croire - au Front Patriotique Rwandais
des responsables qui estiment que l'un des buts du Front, c'est de
s'emparer de camps de réfugiés, on le saurait. Je pense que la
communauté internationale en prendrait alors conscience. Mais je ne
peux pas l'imaginer. Et donc si je ne l'imagine pas, je pense qu'il
n'y aura pas affrontement.

Délimitation de la zone humanitaire sûre



Q - Est-ce que vous pouvez décrire les frontières des zones de sécurité ?

R - En gros, il s'agit de la partie sud-ouest du
Rwanda, c'est-à-dire des districts de
Cyangugu, de Gikongoro et du sud du secteur de Kibuye. Je ne vais pas
vous montrer la carte parce que vous ne la verriez pas. Voilà le
Rwanda, toute cette zone est contrôlée par le FPR, la
zone orientale, et la partie occidentale, ici, qui est au long du
Zaïre est composée en fait de deux zones, la zone de sûreté de
l'opération Turquoise, ici, au sud-ouest, et, là le réduit des troupes
hutues, qui peut être un objectif de guerre du FPR, qui se trouve donc
au nord-ouest, avec notamment la ville de Gisenyi où nous ne sommes
pas et où nous n'avons pas l'intention d'aller. Voilà, c'est très
clair.

Q - C'est une énorme partie du pays, là !

R - Qu'est ce qui est une grande partie du pays ?

Q - Le sud-ouest

R - Ah oui, c'est une énorme partie du pays ! Je ne sais pas comment
vous voyez les choses, c'est une petite partie du pays.

Q - C'est une assez grande partie du pays !

R - Entre assez grande et énorme, il y a effectivement une
évolution. Non, ce n'est pas une énorme partie du pays, c'est une
petite zone dans laquelle il y a beaucoup de réfugiés, et où nous
sommes, pour les raisons que je viens de vous dire. Je souhaiterais
que d'autres y soient avec nous, qui font de grandes déclarations sur
la nécessité de sauver des populations et qui nous laissent tout
seuls. J'aimerais bien que d'autres viennent avec nous autrement qu'en
fournissant des avions pour aller dans la périphérie.

Défense de la zone humanitaire sûre - position de la France face au
FPR et aux forces régulières rwandaises



Q -M. le Ministre, vous dites protéger les civils contre l'avancée du
FPR ...

R - Non, je n'ai pas dit ça, Madame, j'ai dit protéger les civils
contre toute opération de guerre d'où qu'elle vienne, que ce soit de
troupes hutues, que ce soit de troupes FPR. Il faut quand même
essayer de me citer exactement. Je n'ai pas dit qu'il s'agissait de
protéger les populations contre l'avancée du FPR.

Q - Contre une action du FPR ?

R - Non, je n'ai pas dit cela : contre toute opération, quelle qu'elle
soit, qui viserait la sécurité des populations. Mais citez moi
exactement : elle pourrait être hutue cette opération. Et nous nous y
opposerons de la même manière.

Q - Mais à vous entendre, on a quand même l'impression que ce sont les
rebelles du FPR qui massacrent les populations civiles ?

R - Est-ce que j'ai dit ça ?

Q - Non, mais on a l'impression ....

R - Je vous repose la question quand même, parce qu'il faut être
sérieux dans une opération grave. Est-ce que quelqu'un m'a entendu
dire ici que le FPR massacrait les populations civiles ? Non ? Alors,
ne laissez pas libre cours à vos impressions, parce que c'est trop
grave dans une opération comme celle-là. J'ai dit et je répète
simplement - et ça c'est de notoriété publique - que dans son avancée,
le Front Patriotique Rwandais a fait des bombardements qui provoquent
l'exode des populations civiles. Voilà ce que je dis et ça je le
répète, et ce n'est pas tout à fait ce que vous me faites dire.

Q - Vous parlez d'exode des populatios ?

R - Oui, mais il est avéré, il est public.

Q - Mais par exemple vous ne parlez pas aussi de populations qui
attendent cette avancée du FPR.

R - Si elles l'attendent, il n'y a pas de problème. Elles ne fuiront
pas si elles l'attendent.

Q - Oui, mais vous l'empêchez, vous repoussez...

R - Non pas du tout, nous ne repoussons pas le FPR. Nous sommes prêts
à dire au FPR « Etudions ensemble comment sécuriser les populations ».
Nous n'empêchons pas l'avancée du FPR. Et d'ailleurs, je le répète :
quel est le but du FPR dans cette zone ? C'est une zone de forêts où
il y a 500.000 réfugiés. Quel est le but de guerre ? Si le FPR, comme
il le laisse entendre, après avoir pris Kigali, est prêt maintenant au
cessez-le-feu, qu'on fasse le cessez-le-feu. Alors, tout se règlera
facilement. S'il y a cessez-le-feu, et s'il y a reprise du dialogue
politique, tout se règlera.

Non, je crois vraiment qu'il ne faut pas se laisser impressionner par
une propagande, dont je vois les effets, selon laquelle la France
serait là pour faire échec au FPR. Je serais même tenté de dire,
Madame, si on allait jusqu'au fond des choses, que certains analystes
considèrent que l'intervention française a fait le jeu du FPR contre
les Hutus, dont les lignes d'approvisionnement en armes ont été
coupées. Alors, vous voyez, c'est beaucoup plus compliqué que l'on ne
semble le dire, et ce manichéisme dont nous n'arrivons pas à sortir,
selon lequel la France irait sauver les milices hutues contre
l'avancée du FPR, ne correspond ni à notre intention, ni à la réalité
du terrain.

Q - Cependant, les officiers des forces armées rwandaises disaient ce
matin : nous n'avons plus de munitions, la France en a plus que nous,
donc eux pourront repousser le FPR.

R - Ca, c'est qu'on appelle du wishful-thinking, ce n'est pas notre
objectif. Ca prouve d'ailleurs ce que je viens de vous dire, c'est que
nous ne sommes pas allés sauver les milices hutues ! C'est la
démonstration.

Q - M. Le Ministre, si le FPR pousse son avantage dans le nord ouest
du pays, est-ce qu'il est envisageable que la France établisse une
nouvelle zone de sécurité dans cette région là pour venir comme
d'habitude en aide aux populations qui fuieraient l'avancée du FPR.

R - Non, nous ne pouvons pas tout faire. Si d'autres veulent le faire,
qu'ils le fassent. Nous avons déterminé nos objectifs : ils sont
clairs, et nous n'avons pas les moyens de faire plus que ce que nous
faisons.

Nécessaire implication de la communauté internationale - Afrique du
Sud - relais avec la MINUAR



Q - M. Mitterrand était avec M. Mandela hier. Mandela n'a pas soutenu
la politique de la France. Est-ce que cela vous gêne ?

R - Je souhaiterais qu' effectivement l'Afrique du Sud soit présente
sur le terrain. Je souhaiterais que beaucoup plus de pays africains
soient présents sur le terrain. Je souhaiterais que l'Organisation de
l'Unité africaine soit présente sur le terrain, et si tous ces pays ne
veulent pas s'associer à l'opération Turquoise française, il y a une
solution très simple : c'est qu'ils envoient demain quelques
centaines, voire quelques milliers d'hommes à la MINUAR. Et vous le
savez, dès les prochaines semaines, nous sommes prêts à céder la place
à la MINUAR. Alors que tous ceux qui donnent des conseils envoient
les troupes aux Nations-unies, et là le problème se règlera de
lui-même, c'est mon voeu le plus cher.

Protection de la zone de sécurité



Q - Est-ce que les troupes françaises, si le FPR menaçait les
réfugiés, n'hésiteraient pas à riposter par les armes ?

R - Le FPR ou d'autres. Quelles que soient les forces qui
s'attaqueraient aux camps de réfugiés que nous avons mis en sécurité,
nous ne laisserons pas faire. Peut-on imaginer que les troupes
françaises de l'opération Turquoise, qui sont dans une zone bien
connue, laissent massacrer sous leurs yeux des hommes et des enfants ?
Non ! S'il y a des troupes - je le répète, quelles qu'elles soient -
qui viennent s'attaquer aux camps de réfugiés, qui viennent s'attaquer
à des groupes isolés actuellement terrorisés, nous ne laisserons pas
faire. Ca, c'est exact.

Q - Donc, il existe bel et bien une ambiguité entre l'aide humanitaire
et l'interposition

R - Non, il n'existe aucune ambiguité. Si laisser tuer des gens, c'est
de l'humanitaire, il faudra me l'expliquer. Pour moi, ce n'est pas de
l'humanitaire. L' humanitaire, c'est éviter qu'on ne massacre des
civils innocents et désarmés, et ça les troupes françaises, avec un
panache, un courage et une efficacité auxquelles on ferait bien de
rendre hommage, le feront parce que ce sont les instructions qu'elles
ont reçues du Premier ministre et du gouvernement.

Q - Le devoir d'ingérence ?

R - Il s'agit de protéger des vies, n'utilisons pas de grands mots.
C'est tout simple, nous avons devant nous des gens qui sont menacés de
massacres, c'est bien cela. Nous ne laisserons pas faire, dans les
limites que nous nous sommes fixées. Permettez-moi de formuler un voeu
: et si d'autres nous imitaient ?

Q - Vous lancez un message aux pays africains ?

R - Aux pays africains et à d'autres !.

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