Fiche du document numéro 13422

Num
13422
Date
Vendredi 29 avril 1994
Amj
Taille
88770
Titre
Les « vérités » du gouvernement intérimaire
Soustitre
En visite en France, le ministre des Affaires étrangères a tenu hier à Paris une conférence de presse après avoir été reçu au Quai d'Orsay et à l'Elysée. A Bruxelles, on ne souhaite pas pour le moment sa présence.
Page
15
Cote
no 15460
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
AFIN de « rétablir la vérité » sur ce qui se passe « réellement » dans son pays, le ministre rwandais des Affaires étrangères, Jérôme Bicamumkapa, vient de débuter une tournée « d'explications » en Europe. Première étape, Paris, où après avoir été reçu à l'Elysée et au Quai d'Orsay, il a tenu jeudi après-midi une conférence de presse. Juste avant le début de celle-ci, on avait pris soin de faire distribuer aux journalistes français et belges présents une « note sur la crise au Rwanda ». Une « note » de six pages pouvant en fait être résumée en une seule phrase: le Front patriotique rwandais (FPR), aidé par une puissance étrangère - l'Ouganda -, est responsable de A jusqu'à Z des événements tragiques qui secouent le pays.

Interrogé par « l'Humanité » sur le rapport d'Amnesty International accusant « les membres des forces de sécurité, la garde présidentielle, la gendarmerie et certaines unités de l'armée rwandaise » d'avoir perpétré les massacres ayant fait près de 100.000 morts, la réponse du ministre a été quelque peu surprenante: « Soyons sérieux, la garde présidentielle est composé de 400 hommes. Comment 400 hommes peuvent-ils être responsables de près de 100.000 morts dans tout le pays?... »

Rappelant au ministre que d'autres forces gouvernementales étaient soupçonnées, le ton a quelque peu changé: « La crédibilité d'Amnesty International est en jeu! Ce sont des accusations non fondées. Pourquoi ne parle-t-on pas des 20.000 personnes massacrées par le FPR dans le nord du pays? » Plus tard, il devait affirmer du bout des lèvres que certains militaires auraient pu participer à certains massacres. Mais il s'empressait de préciser que son « gouvernement a tout fait pour faire cesser les affrontements au sein de la population. Il reste quelques cas isolés, mais cela peut se comprendre, c'est la guerre ». Guerre qui sert aujourd'hui à justifier les exactions contre tous ceux - Hutus et Tutsis confondus - s'opposant à un gouvernement réfugié dans le sud du pays...

En fait de « tournée d'explication », il s'agit surtout de convaincre les médias de ne pas se laisser prendre au piège de « la campagne d'intoxication du FPR ». Lorsque nous avons demandé au ministre s'il avait demandé une aide à la France, le ministre a aussitôt rétorqué: « C'est le peuple rwandais qui s'aide lui-même, avec ses propres armes. Mais si la guerre continuait, nous prendrions toutes nos dispositions. » Puis vint le couplet sur le rôle des journalistes européens qui, selon le ministre, « schématisent un peu trop » : « Si vous ne dites pas que le FPR a violé les accords d'Ashura, vous n'aidez pas le peuple rwandais, vous n'aidez pas à garantir les droits de l'homme dans notre pays. Vous faussez le jeu. »

Cette « franchise » n'a pas résisté aux questions suivantes. « Par qui avez-vous été reçu en France? », demandait un confrère. « J'ai été reçu à l'Elysée et au Quai d'Orsay. » « Oui, mais par qui? » Réponse: « Ce ne sont pas les hommes qui sont importants, ce sont les institutions », tout en ajoutant qu'il « était normal que nous soyons reçus ». Par qui, on ne le saura pas, preuve que la France officielle n'entend pas faire beaucoup de publicité à cette visite... Comme devait le noter nos confrères belges, on ne montre pas le même empressement à Bruxelles. Mais il est vrai, comme devait le souligner le ministre, que « certains milieux belges sont intoxiqués » par la propagande du FPR...

LAURENT FLANDRE.

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