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7 mars 2024
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François Mitterrand : « Si ce pays devait passer sous la domination tutsie, ethnie très minoritaire, qui trouve sa base en Ouganda […] il est certain que le processus de démocratisation serait interrompu »

Numéro : 6
Date : 22 juin 1994
Auteur :
Titre : Conseil des ministres (extraits Rwanda) [Déclaration de François Mitterrand]
Source : Présidence de la République (fr)
Fonds d'archives : FM
Résumé : Lors de ce conseil des ministres, le président de la République rappelle notamment que le Rwanda, comme le Burundi, est essentiellement peuplé de Hutu. Et de poursuivre : « La majorité des habitants a donc soutenu naturellement le gouvernement du président Habyarimana. Si ce pays devait passer sous la domination tutsie ethnie très minoritaire qui trouve sa base en Ouganda où certains sont favorables à la création d'un "Tutsiland" englobant non seulement ce dernier pays mais aussi le Rwanda et le Burundi, il est certain que le processus de démocratisation serait interrompu ».
Commentaire : Lors de ce conseil des ministres, la veille de l'entrée des troupes françaises au Rwanda, Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, ne prononce pas le mot « génocide » (page 2). Il reste dans le même état d'esprit que dans sa tribune à Libération du 16 juin 1994 affirmant que : « des massacres ont été perpétrés tant du côté hutu que du côté tutsi ». Il a oublié sa reconnaissance du génocide des Tutsi faite devant l'Assemblée nationale le 18 mai 1994. Madame Simone Veil, ministre de la Santé, s'inquiète d'un risque d'affrontement entre le FPR et les forces françaises. François Léotard, ministre de la Défense, parle d'opérations aller et retour et précise qu'il n'y aura pas d'occupation durable du Rwanda. François Mitterrand, président de la République, rappelle que le Rwanda « est peuplé essentiellement de Hutus » et il prononce ces mots lourds de sens : « Si ce pays devait passer sous la domination tutsie, ethnie très minoritaire, qui trouve sa base en Ouganda où certains sont favorables à la création d'un "Tutsiland" englobant non seulement ce dernier pays mais aussi le Rwanda et le Burundi, il est certain que le processus de démocratisation serait interrompu ». La préservation de ce processus démocratique implique-t-elle l'extermination des Tutsi ? L'opération militaire française qui va être déclenchée aura-t-elle donc pour objectif d'empêcher cette « ethnie » tutsi de pourchasser ses bourreaux ? On peut le croire mais il ne veut pas de pertes dans les rangs de l'armée française : « Il ne faut pas faire prendre trop de risques à nos soldats. Notre objectif n'est que de sauver des vies ». Autre propos stupéfiant, il laisse entendre que l'assassinat du président Habyarimana a « peut-être été commandité par des extrémiste hutus », alors que ses conseillers Christian Quesnot et Bruno Delaye affirmaient que l'attentat a été perpétré par le FPR.
Citation: Communication du ministre des affaires étrangères sur la situation internationale. M. JUPPE évoque tout d'abord la question du Rwanda. Après l'assassinat du président HABYARIMANA, la France s'est bornée à rapatrier du Rwanda ses propres ressortissants ainsi que d'autres Européens. À l'égard des belligérants, elle a encouragé les négociations dans le cadre des accords d'Arusha et a mené une action humanitaire. Mais l'Organisation de l'unité africaine a été incapable d'obtenir et de faire respecter un cessez-le-feu. L'ONU, pour sa part, a été incapable de mettre en place la MINUAR. Des massacres ont été perpétrés tant du côté hutu que du côté tutsi, la Communauté internationale s'est révélée dans l'incapacité de faire cesser ces massacres. C'est ce qui explique le projet d'intervention de la France. Il s’agit d'une opération patronnée par l'ONU. Un projet de résolution fondé sur le chapitre 7 de la Charte est en discussion en ce moment même au Conseil de sécurité. Il y a une majorité pour le soutenir, dont font notamment partie les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Russie. Deux Etats seulement y sont opposés : la Nouvelle-Zélande et le Nigéria ; le Pakistan et la Chine sont hésitants. Il s'agit également une opération limitée dans le temps : le projet de résolution fixe à la mission une durée maximum ; mais la France conserve sa liberté de se retirer à tout moment avant le terme de cette mission. C'est aussi une opération limitée dans son objectif : il s'agit de protéger les individus: nos forces n'auront aucune mission d'interposition. Enfin c'est une opération qui doit être menée en coopération avec d'autres Etats européens et africains. La France est soutenue avec détermination par le secrétaire général de l'ONU, tant pour des raisons morales qu'en raison de l'impossibilité dans laquelle se trouve l'ONU de mettre sur pied, pour le moment, la MINUAR. La France est également soutenue par les Etats-Unis qui ont promis une aide logistique. Le conseil de l’Europe occidentale a apporté son soutien unanime à l'opération. Sept Etats sur neuf ont manifesté leur intention de contribuer à notre initiative. La position de l'Italie doit être cependant clarifiée car son intention de participer a été démentie ce matin même par le ministre des affaires étrangères de ce pays. Plusieurs Etats africains soutiennent l'initiative française. Le Sénégal offre, pour l'instant, 250 hommes. La Guinée-Bissau et le Ghana donneront des contingents symboliques. La position de l'OUA est difficile à cerner. Son secrétaire général conteste, en tout cas, l'interprétation donnée à sa position par une dépêche de l'agence France presse déclarant l'hostilité de l'OUA à cette opération. En tout cas, la réserve de l'OUA peut s'expliquer par sa rancœur à constater sa propre incapacité à décider quoi que ce soit. 13 Les organisations non gouvernementales sont partagées. Le FPR est pour sa part radicalement hostile à notre initiative en raison du soutien apporté par la France au gouvernement du président HABYARIMANA et aux forces gouvernementales et en raison de sa volonté de parachever sa victoire au Rwanda. L'hostilité du FPR à notre opération doit être levée. Nous avons envoyé deux diplomates à Kampala pour y rencontrer des représentants du FPR. Le ministre des affaires étrangères pour sa part s'apprête à recevoir un membre influent de ce mouvement politique. De toute façon un FPR vainqueur au Rwanda aura bien besoin de la France. Dans l'ex-Yougoslavie, le calme règne sur le terrain sauf dans le nord- est de la Bosnie Herzégovine. Sur le plan diplomatique le groupe de contact a bien avancé sur le tracé de la carte de la Bosnie et sur la question des sanctions en cas de refus des propositions par les deux parties antagonistes. Deux nouvelles réunions sont prévues, l’une début juillet, la seconde après le G7. Le ministre des affaires étrangères rend compte de son voyage en Afrique. Il a rendu visite à la Côte d'Ivoire et au Sénégal. En Côte d'Ivoire la situation économique se stabilise. La dévaluation du franc CFA a relancé l'économie, relance également favorisée par le cours élevé du café et du cacao sur le marché international. Nos relations bilatérales sont bonnes. Avec le Sénégal nos relations bilatérales sont excellentes. La situation politique intérieure est plus agitée qu'en Côte d'Ivoire. Le ministre des affaires étrangères a profité de ce voyage pour réunir les vingt ambassadeurs de France dans la région. Au Yémen, le cessez-le-feu n'est pas respecté. L’Arabie Saoudite exerce des pressions pour faire reconnaître la scission entre les deux Yémen. Après la visite de l'ancien président CARTER en Corée du Nord et en Corée du Sud, la Corée du Nord a fait des propositions nouvelles sur son industrie nucléaire et le contrôle de l'AIEA. Mais la Maison Blanche considère que cette nouvelle attitude ne fait pas obstacle à ce que des sanctions soient prises à l'égard de ce pays. Toutefois les négociations ont été reprises. 4 Des élections présidentielles viennent d’avoir lieu en Colombie. Le candidat libéral l’a emporté à la suite d'une campagne qui n'a pas donné lieu à des incidents majeurs. Mme VEIL estime qu'à la veille du déclenchement de l'opération française au Rwanda il y a lieu d'obtenir des renseignements complémentaires notamment sur les deux questions suivantes : comment cette opération se présente-t-elle sur le plan européen et y a t-il un risque d'affrontement entre le FPR et les forces françaises ? M. LEOTARD lui répond que la situation politique et militaire est confuse. Beaucoup de questions ne sont pas encore résolues. Sur le plan militaire les préparatifs de l'opération sont en train. Un élément précurseur est ainsi arrivé sur les sites retenus comme base de l'opération : Goma et Bukavu au Zaïre, à proximité immédiate de la frontière occidentale du Rwanda. 2 500 hommes participent à l'opération dont 1 500 prélevés sur nos forces stationnées en Afrique et 1 000 venant de France. Demain les opérations conçues comme des opérations aller-retour sur le territoire rwandais commenceront. Notre souci est de ne pas occuper durablement une partie du territoire du Rwanda. M. PASQUA estime pour sa part que nos compatriotes sont très choqués par les images qu'ils ont vues des massacres inter-ethniques. La France doit intervenir et cette intervention est à son honneur, dès lors que les précautions nécessaires sont prises pour qu'elle ne soit pas suspectée de néo- colonialisme. Mais l'opération ne doit durer que le temps nécessaire à la mission humanitaire. Le Premier ministre relève la versatilité de l'opinion. Hier, on nous pressait d'intervenir, aujourd'hui on dénonce l'aventurisme du Gouvernement. La France est isolée. Mais ce ne sont pas là des raisons de renoncer. L'opération doit se faire, limitée dans le temps et annoncée comme telle. Le Président de la République rappelle que le Rwanda, comme le Burundi, est essentiellement peuplée de Hutus. La majorité des habitants a donc soutenu naturellement le gouvernement du président HABYARIMANA. Si ce pays devait passer sous la domination tutsie ethnie très minoritaire qui trouve sa base en Ouganda où certains sont favorables à la création d'un "Tutsiland” englobant non seulement ce dernier pays mais aussi le Rwanda et le Burundi, îl est certain que le processus de démocratisation serait interrompu. 15 La France n'a pas de responsabilité historique dans cette région d'anciennes colonies allemandes ou belges. Le Rwanda s'est tourné vers la France au nom de la francophonie. Il était dirigé par M. HABYARIMANA considéré comme un modéré menant son pays vers la démocratie et combattu lui-même par les Hutus extrémistes. Des forces tutsies sont entrées au Rwanda venant de l'Ouganda avec toutes les apparences d'une agression extérieure. Nous avons apporté notre aide au gouvernement légal mais à condition qu'il négocie avec les rebelles. Nous avons essayé de favoriser une “entente entre Tutsis et Hutus à la conférence d'Arusha. Les accords conclus ont semblé satisfaire les Tutsis qui se voyaient accéder au pouvoir mais l'assassinat du-président, peut être commandité par des extrémistes hutus, a rejeté les Tutsis et le FPR dans une attitude de violence. C'est ainsi que les massacres inter-ethniques ont été déclenchés. Notre intervention doit être menée avec la plus extrême prudence. Il ne faut pas faire prendre trop de risques à nos soldats. Notre objectif n'est que de sauver des vies. Communication du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les formations technologiques supérieures. M. FILLON présente la communication dont le texte est annexé. Communication du ministre de l’environnement sur l'action internationale en matière de lutte contre la désertification. ô M. BARNIER présente la communication dont le texte est annexé.

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