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7 mars 2024
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Sauvé par l'armée française, Habyarimana est « désorienté et à bout de souffle ». Mitterrand décide de recourir aux Nations Unies et espère pouvoir changer ses soldats en Casques bleus

Numéro : 160
Date : 3 mars 1993
Auteur : Denoix de Saint Marc, Renaud
Titre : Conseil restreint : Rwanda
Source : Présidence de la République (fr)
Fonds d'archives : FM
Résumé : Alors que le ministre Marcel Debarge, de retour de Kigali, a constaté que le Président Habyarimana est désorienté et à bout de souffle, François Mitterrand déclare en conseil restreint : « Il faut, le plus tôt possible, céder la place à des forces internationales des Nations unies. […] Nous n'avons pas intérêt à ce que les Tutsis avancent trop vite. Il faut gagner du temps, retarder par tous les moyens diplomatiques et continuer à soutenir l'armée rwandaise en lui fournissant les munitions dont elle a besoin ».
Commentaire : Après l'offensive du FPR, le 8 février 1993, l'armée rwandaise s'est effondrée et l'armée française a dû intervenir le 20 février pour lui éviter la défaite. Son armée stoppée par les Français, le FPR a déclaré un cessez-le-feu le 21 février. Il reprend la négociation avec les partis non MRND de la coalition gouvernementale. Le ministre de la Coopération, Marcel Debarge, de retour de Kigali, déclare que Habyarimana est « désorienté et à bout de souffle ». L'amiral Lanxade, chef d'état-major, ne cache pas le soutien militaire français à l'armée gouvernementale. Pierre Joxe, ministre de la Défense, propose de saisir le Conseil de sécurité afin que « nos quatre compagnies » deviennent « des forces de l'ONU ». François Mitterrand approuve et ajoute « Nous n'avons pas intérêt à ce que les Tutsis avancent trop vite », montrant par là que l'ennemi pour lui est le Tutsi.
Citation: RWANDA CONSEIL RESTREINT DU MERCREDI 3 MARS 1993 (12H00) SOUS IA PRESIDENCE DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE PARTICIPANTS Président de la République - Premier Ministre - Ministre des Affaires Etrangères - Ministre de la Défense - Ministre de la Coopération - M. Védrine - M. Boidevaix - Amiral Lanxade - Général Quesnot - M. Nicoullaud - Général Rannou - M. Delaye. SECRETARIAT M. Denoix de Saint-Marc - Colonel de Bastier PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE Monsieur le Ministre de la Coopération ? MINISTRE DE LA COOPERATION Je rentre d'Ouganda et du Rwanda. Concernant la présence d'un détachement français, officiellement certains disent que cette présence n'est pas nécessaire ; en petit comité tous nous demandent de "surtout rester là”. Le Président Habyarimana est désorienté et à bout de souffle. Le communiqué de presse a été inspiré par nous. Le FPR a renforcé ses positions, il pourrait poursuivre ses offensives politique et militaire. Les personnes déplacées peuvent fausser la situation, elles sont des objectifs potentiels pour le FPR qui peut tirer au mortier sur elles afin de les précipiter dans Kigali. Les forces rwandaises combattent de manière inégale. Si le FPR attaque Byumba le gouvernement belge pourrait demander à ses ressortissants de partir du Rwanda. La question que tous se posent : que fera l'armée française ? MINISTRE DE LA DÉFENSE La visite de M. Debarge a été très utile. Je viens de prendre connaissance de deux documents rwandais qui sont arrivés ce matin. Il faudrait que l'ONU envoie rapidement une mission sur place. La saisie du Conseil de sécurité si elle aboutissait à une résolution permettrait à nos quatre compagnies de devenir des forces de l'ONU ou partie d'une force à caractère international. Il conviendrait qu'un élément d'un autre pays puisse se joindre à cette force. MINISTRE DE LA COOPERATION Deux propositions ont été faites - assurer un contrôle à la frontière ougando-rwandaise, - demander au FPR de se retirer sur la ligne du 7 au 8 février (par l'intermédiaire du président Museveni) et créer une zone neutralisée, contrôlée par un GOMN élargi. Le président ougandais n'a pas nié l'influence qu'il avait sur le FPR et m'a proposé de discuter avec lui (il ne devait pas être loin). Il s'est interrogé sur le rôle de l'armée française : si elle intervient, ce sera peut-être long, mais elle va gagner et les Tutsis seront perdants. On s'aperçoit que : - le gouvernement rwandais négocie ou fait la guerre, - le FPR négocie et fait la guerre. MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES On y voit plus clair. Il faut saisir la balle au bond : - dans la déclaration des 14 partis politiques rwandais, le point 8 demande la saisie du Conseil de sécurité, - le cessez-le-feu a été décidé. Nous devons appuyer cette requête au Conseil de sécurité. PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE Il faut, le plus tôt possible, céder la place à des forces internationales des Nations unies. Vis-à-vis du reste de l'Afrique, si la France se retire, ce qui serait sage, chacun se sentira menacé. Rester, c'est s'exposer à être le spectateur impuissant de l'arrivée des vainqueurs. Il vaudrait mieux retirer nos troupes mais pas dans les conditions actuelles. En attendant les forces de l'ONU, est-on certain d'assurer la soudure ? La conquête peut se terminer en quelques jours. Peut-on avoir une réponse en quelques jours ? Les Affaires Etrangères doivent assurer la conduite. Si l'Ouganda nous trompe, Kigali tombera. AMIRAL LANXADE Les forces rwandaises tentent de reprendre le terrain avec notre soutien. Nous pouvons assurer la sécurité de nos ressortissants et leur rapatriement mais pas nous opposer au FPR. PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE Nous n'avons pas intérêt à ce que les Tutsis avancent trop vite. Il faut gagner du temps, retarder par tous les moyens diplomatiques et continuer à soutenir l'armée rwandaise en lui fournissant les munitions dont elle a besoin. La décision de Boutros Ghali est urgente : si nos soldats se transforment en soldats de l'ONU, cela change de genre. Mais nous ne devons pas être seuls. Nous pourrions participer à une force de l'ONU avec un millier d'hommes. Il faut saisir Mérimée dans l'heure et se dépêcher de mettre le système en place. Si il n'y a pas de réponse des Nations unies, une nouvelle réunion du Conseil restreint s'imposera.

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