Page d'accueil France Génocide Tutsi France Génocide Tutsi Mise à jour :
7 mars 2024
Anglais

Alain Juppé : « Ce malheureux pays déchiré par une guerre tribale »

Numéro : 9917
Date : 28 avril 1994
Auteur : Juppé, Alain
Titre : Rwanda - Réponse du ministre des Affaires étrangères à une question d'actualité à l'Assemblée nationale
Source : Quai d'Orsay
Résumé : Dans sa réponse à un député exprimant l'émotions de familles bretonnes en passe d'adopter des enfants rwandais, Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, les rassure sur le sort des orphelins de Nyundo qui sont sains et saufs « malgré la poursuite des troubles ».
Commentaire : Il faut remarquer que la région de Nyundo est dans la zone gouvernementale et que le FPR n'y est arrivé que vers le 14 juillet 1994. Les troubles dont il s'agit sont des massacres délibérés de Tutsi organisés par les autorités rwandaises que la France soutient. Alain Juppé assure que les orphelins devant être adoptés en France vont y être transférés. Ceci laisse penser que les relations avec les autorités rwandaises sont maintenues. En effet, il vient de recevoir la veille le ministre des Affaires étrangères rwandais et le principal idéologue qui pousse au massacre des Tutsi. Il ne parle pas de ces entretiens secrets, comme il ne parle pas de génocide, mais il s'apitoie sur « ce malheureux pays déchiré par une guerre tribale ». Cette formulation méprisante à connotation raciste cache aussi la connivence de Juppé avec les assassins. Sans l'intervention de l'ambassadeur Marlaud, qui agit sous les ordres du ministre des Affaires étrangères, le Gouvernement intérimaire rwandais n'aurait pas pu être formé en un jour et le coup d'État qui a fait assassiner toutes les personnalités politiques favorables aux accords de paix aurait été dénoncé par les Nations unies. Alain Juppé se dit favorable au « processus de réconciliation nationale », alors qu'il soutient les assassins qui y ont mis fin à ce processus engagé lors des accords d'Arusha d'août 1993. Il constate que la force des Nations unies a été réduite à 270 militaires, se gardant bien de dire que la France a voté pour cette réduction. Il se répand sur l'action humanitaire de la France. Le minimum aurait été de cesser de soutenir cette bande d'assassins.
Citation: Q - En Bretagne, en Côtes d'Armor en particulier et tout spécialement dans le pays de Quintin, des familles ont tissé des liens personnels et affectifs avec des familles du Rwanda. L'association « les enfants avant tout » a noué des contacts avec un certain nombre d'orphelinats de ce pays, permettant ainsi à des enfants de venir vivre en paix dans des familles adoptives françaises. Ces liens se sont renforcés grâce à des actions de coopération menées par des associations. Aujourd'hui, grande est l'émotion de ces familles bretonnes pour lesquelles le Rwanda n'est pas un pays lointain, mais une réalité connue et aimée. Monsieur le ministre des Affaires étrangères, pourriez-vous nous rassurer sur la situation de l'orphelinat de Nyundo, situé non loin de la frontière zaïroise, et dont on est sans nouvelles depuis plusieurs semaines ? 250 enfants y vivent, et certains sont attendus par des familles françaises. De façon générale, pourriez-vous nous donner des informations sur ce qui se passe au Rwanda, sur l'action que peuvent encore y mener les organisations internationales et les ONG ? Quel rôle la France entend-elle jouer pour arrêter les massacres, atténuer les drames, porter secours aux victimes et éventuellement contribuer à l'esquisse d'une solution politique ? Sécurité des orphelinats au Rwanda R - S'agissant de l'orphelinat de Nyundo, je suis heureux de pouvoir vous donner des indications rassurantes. Des rumeurs très alarmantes avaient circulé la semaine dernière ; mais l'orphelinat est intact, les enfants sont tous sains et saufs et l'approvisionnement qui avait été un moment interrompu, peut de nouveau être assuré : c'est de la directrice de l'orphelinat elle-même avec laquelle nous avons pu entrer en contact que nous tenons ces informations. Des procédures d'adoption par des familles françaises sont en cours pour une dizaine des enfants hébergés à Nyundo. Nos services consulaires au Zaïre préparent activement leur transfert vers la France, via ce pays ; nous nous efforçons d'accélérer les formalités qui restent à accomplir. L'orphelinat continuera bien sûr de fonctionner pour les autres enfants, dont la plupart ne sont pas adoptables. La France reste vigilante pour que sa sécurité et son approvisionnement soient préservés, malgré la poursuite des troubles. Nous sommes intervenus auprès du Haut commissariat aux réfugiés et de l'UNICEF afin que, si la situation l'exige, tous les enfants soient temporairement évacués vers le Zaïre. Soutien à la reprise du processus de réconciliation nationale J'en viens à la deuxième partie de votre question. Des combats et des massacres d'une très rare violence se poursuivent dans ce malheureux pays déchiré par une guerre tribale. Le Front patriotique rwandais contrôle le nord et le nord-est du pays ; les forces gouvernementales tiennent le sud et le nord-ouest. A Kigali, le FPR détient des positions stratégiques, sans pour autant avoir réalisé une percée décisive. Certains pays voisins, notamment la Tanzanie et le Zaïre, ont pris l'initiative d'une médiation pour amener les parties à un cessez-le-feu et à la reprise du dialogue qui avait été engagé avec les accords de paix d'Arusha. La France appuie bien sûr ces efforts, afin que ce pays reprenne le processus de réconciliation nationale qui était en cours avant l'attentat dont ont été victimes les Présidents du Rwanda et du Burundi. La force des Nations unies, la MINUAR, n'a plus à Kigali que 460 personnes, dont 270 militaires. C'est dans le cadre de ce règlement de paix qu'elle pourrait reprendre son action. France - Rwanda - aide humanitaire Dans le domaine humanitaire, nous sommes prêts à répondre dans les meilleurs délais à l'appel du CICR, seule organisation humanitaire à être restée à Kigali, ainsi qu'à appuyer toutes les organisations non gouvernementales françaises qui pourraient intervenir sur le territoire rwandais. L'essentiel est évidemment le processus politique qui est engagé à l'initiative des pays voisins./.

Retour