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9 avril 2024
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La quasi-totalité des personnalités politiques du gouvernement replié à Gisenyi est jugée responsable des massacres. Il n'existe pas de disposition prévoyant leur arrestation et leur jugement

Numéro : 356
Date : 15 juillet 1994
Auteur :
Titre : A/S : Rwanda
Source : Quai d'Orsay
Fonds d'archives : MIP
Résumé : Selon cette note du Quai d'Orsay, l'attitude à adopter à l'égard des personnalités politiques de Gisenyi, dont la quasi-totalité est jugée responsable des massacres, doit être définie. À ce stade, il n'existe pas de disposition prévoyant leur arrestation et leur jugement. Seule une commission d'enquête a été créée, dont les membres n'ont pas encore été nommés.
Commentaire : Alors que la France est signataire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, alors qu'Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, déclarait que « la France n'aura aucune complaisance à l'égard des assassins ou de leurs commanditaires » (Libération, 16 juin 1994) et que « le retour au dialogue ne pourra se faire que si les responsables des massacres sont écartés, jugés, punis » (Le Monde, 2 juillet 1994), cette note de son ministère envisage l'attitude à adopter à l'égard « des personnalités politiques de Gisenyi, dont la quasi totalité est jugée responsable des massacres ». Elle indique qu'« il n'existe pas de disposition prévoyant leur arrestation et leur jugement ». Non seulement en tant que signataire de la Convention, la France se devait d'arrêter les présumés coupables pour les remettre à la justice, mais de plus, les militaires français disposent du chapitre VII qui les autorise à utiliser la force donc à opérer des arrestations. En dépit de cela, la note précise que ces personnalités ont été averties que « leur présence dans la zone n'était pas souhaitée ». Si elles y rentrent, « Nous leur avons fait dire que nous serions amenés à les mettre en résidence surveillée jusqu'à remise aux Nations Unies ». Cette note confirme la dépêche de l'agence Reuters du 15 juillet 1994 sur laquelle Hubert Védrine a écrit que ce n'est pas ce qui a été dit chez le Premier ministre. La note envisage même qu'« il n'est pas exclu qu'il nous soit demandé de les transférer à Kigali ». Il n'en sera rien, les ministres de ce gouvernement criminel séjourneront à Cyangugu dans la Zone humanitaire du 14 au 18 juillet et les militaires français les aideront même à porter leurs bagages à Bukavu, au Congo voisin. Ce document montre que les diplomates du Quai d'Orsay savaient que la France devait arrêter ces ordonnateurs de massacres. Mais leur ministre Alain Juppé en a décidé autrement.
Citation: A EAU 456 e RW/DIVERS/940715A MINISTERE REPUBLIQUE FRANCAISE DES AFFAIRES ETRANGERES Paris, le 15 juillet 1994 DIRECTION DES AFFAIRES AFRICAINES ET MALGACHES DIRECTION DES NATIONS UNIES ET DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES N° 963 EST /DAM NEORMATIQUE - NOTE - FAIT A/S RWANDA - _ I - SITUATION SUR LE TERRAIN La continuation des combats dans le Nord-Ouest et la prise de Ruhengeri par le FPR provoque l'afflux de réfugiés vers le Zaïre. 300 000 personnes y sont déjà, plus de 100 000 sont à la frontière, plus d'un million sont sur la route entre Ruhengeri et Gisenyi. Le HCR prend en charge les réfugiés parmi lesquels se trouvent peu d'éléments des forces armées. Dans la Zone humanitaire sûre, les populations continuent à affluer. l'annonce de notre prochain départ provoque une tension. Des milices civiles réapparaissent. La situation reste néanmoins calme. Des informations émanant des autorités politiques de Gisenyi font état de leur repli sur Cyangugu, dans la zone humanitaire. Deux personnalités sont effectivement arrivées à Cyangugu sans que l'on connaisse leur identité précise. L'attitude du FPR à l'égard d'un cessez-le-feu reste ambigüe : en dépit de déclarations selon lesquelles il interviendrait incessamnent, il semble subordonné à l'élimination des autorités de Gisenyi. II -— ACTION DIPLOMATIQUE DE LA FRANCE À notre initiative, le Conseil de Sécurité s'est réuni hier 14 juillet et a adopté une déclaration : - exigeant un cessez-le-feu immédiat et sans préalable (le FPR demande que les FAR cessent les combats et arrêtent les responsables des massacres), - appelant à la relance du processus politique dans le cadre des accords d'Arusha du 4 août 1994, - appelant à la mobilisation des ressources disponibles pour aider les populations en détresse. - 2 - Le Secrétaire Général que nous avons saisi de la situation, a publié une déclaration dans le même sens. Nous avons également alerté les pays de la région, la Présidence de l'OUA et son Secrétaire Général, ainsi que, pour la situation humanitaire, le HCR, le PAM et le CICR. III — PROBLEME DES AUTORITES DE GISENYI L'attitude à adopter à l'égard des personnalités politiques de Gisenyi, dont la quasi totalité est jugée responsable des massacres, doit être définie. À ce stade, il n'existe pas de disposition prévoyant leur arrestation et leur jugement. Seule une commission d'enquête a été créée, dont les membres n'ont pas encore été nommés. Lors du débat au Conseil de Sécurité, hier, l'ensemble des membres du Conseil a demandé que le point soit fait aujourd'hui sur cette question et que le Secrétariat soit en mesure de dire où sont les membres du Gouvernement intérimaire autoproclamé. Les informations dont nous aurions connaissance, pourraient être transmises dans ce but à New- York ou au Général DALLAIRE. Nous avons fait, quant à nous, savoir publiquement t directement aux intéressés que leur présence dans la zone n'était pas souhaitée. Nous leur avons fait dire que nous serions amenés à les mettre en résidence surveillée jusqu'à remise aux Nations Unies. Lorsque le Gouvernement de M. TWAGIRAMUNGU sera formé, ce qui devrait être le cas dans le courant de la semaine prochaine, il n'est pas exclu qu'il nous soit demandé de les transférer à Kigali. IV - BATAILLON AFRICAIN ET CALENDRIER DE RETRAIT 1) 240 Sénégalais sont sur place. Le Congo et le Niger sont prêts à fournir 40 hommes chacun, le Tchad une centaine. 420 hommes peuvent ainsi être équipés et formés par la France (la Guinée et la Guinée Bissao se sont finalement désistées ; le Mali préfère participer directement à la MINUAR). Cependant, le FPR récuse la participation dans la MINUAR d'éléments de pays s'étant associés à l'opération Turquoise (Entretien de M. WARIN avec le Général KAGAME). Selon d'autres informations, le FPR demanderait que les contingents africains issus de notre zone soient transférés à Kigali avant leur passage dans la MINUAR et leur redistribution sur le territoire rwandais. Il pourrait être demandé au Général DALLAIRE de convaincre le FPR de revenir sur cette position en faisant valoir qu'elle risque de retarder notre départ du Rwanda. 11 convient cependant d'intégrer cet élément dans la réflexion sur le calendrier de retrait de nos forces et dans notre projet (55 MF ont été demandés à Matignon pour la réalisation du projet, en plus des 20 MF consacrés à l'équipement des Sénégalais). - 4S8— 3 - 2) Pour ne pas avoir, à la fin du mandat du 21 août, à être confrontés à un choix dramatique ou à l'afflux des populations vers le Zaïre et le Burundi au moment de notre retrait, nous devons envisager celui-ci de façon progressive. L'arrivée de la MINUAR conditionne notre retrait. Si les conditions de sécurité le permettent, 300 hommes seraient retirés fin juillet. Ensuite, il pourrait être proposé au Général DALLAIRE d'organiser le transfert séquentiel à la MINUAR, d'abord du District de Gikongoro, puis du Sud de celui de Kibuye et finalement de celui de Cyangugu. Il y aura cependant un problème pour faire accepter la MINUAR par les populations Hutu de la zone humanitaire. Il faudra que l'arrivée de la force des Nations Unies se fasse de façon à ce que sa crédibilité soit restaurée. Si le bataillon africain est formé, il pourrait être déployé dans ce dernier district et bénéficier d'un appui logistique français à partir du Zaïre. La possibilité de maintenir cet appui au delà du 21 août sans nouveau mandat se pose cependant s'il implique des actions au Rwanda même. 11 est vraisemblable que le Conseil de Sécurité ne prolongera pas le mandat de l'opération Turquoise si un CS gouvernement a été formé à Kigali. Les informations relatives aux pespectives de déploiement de la MINUAR figurent dans le TD en annexe (2 800 hommes le 21 août dans une hypothèse optimiste). Nous mobilisons les fournisseurs potentiels d'équipements pour la MINUAR, notamment nos partenaires européens. V — RADIOS 11 est envisagé de donner suite aux demandes qui nous sont présentées de neutralisation de la radio des Mille Collines, d'une part, et de celle du Palipehutu, d'autre part, dans les jours qui viennent. ? VI — AIDE HUMANITAIRE L'action que nous avons menée pour mobiliser la communauté internationale et des ONG commence à porter ses fruits : - le HCR est prêt à intervenir au Rwanda même, dans la zone humanitaire sûre, si la France amorce l'action avec une contribution de 60 MF. Nous essayons d'obtenir d'ECHO qu'il finance cette participation. - le PAM que nous avons démarché à Rome, accepte de distribuer l'aide alimentaire de 2 200 tonnes de farine de sorgho dans la région de Gikongoro. - Parmi les ONG, le CICR, CARE-SECOURS CATHOLIQUE et CATHOLIC RELIEF sont déjà présents dans la zone. AICF, PSF et MSF ont annoncé leur décision d'intervenir, - Le pont aérien mis en place par la France continue. IL est envisagé de fournir 1 000 T d'aide en produits alimentaires, médicaux et de première nécessité en plus des 400 T déià acheminés ou en ronre Alarhominement /

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